Drouet Cyril a écrit :
En somme, je vois bien plus Marmont servant fidèlement l’Empire tant que l’espoir de victoire, aussi ténu soit-il, existait encore ; puis finalement le trahissant, non pas parce que les aspirations de Napoléon avaient changé, mais au regard d’une situation politique et militaire qui lui semblait ne pouvoir conduire qu’à la catastrophe si la guerre se poursuivait.
Vous l'exprimez beaucoup mieux mais je vois que nous achoppons au même endroit... La rente me gêne d'autant plus.
Cette phrase ne tient pas à l'analyse logique qui est la votre, jusque là n'ayant pas les éléments historiques je ne pouvais expliciter pourquoi cette phrase me "gênait", comme une explication un peu jetée tardivement avec un petit quelque chose qui "ne collait pas". Je n'entre pas dans les qualificatifs de "traître" ou autre mais j'ai du mal à imaginer Marmont -impacté tout de même avec cette histoire d'argent- avoir simplement un regard seulement politique et militaire.
Politique ? Ceci faisait tout de même un moment que Napoléon = la France et jusqu'ici Marmont semblait s'en être accommodé ;
militaire ? Il y avait eu des situations militaires tout autant critiques à l'extérieur, nul ne peut dire avant la fin d'une bataille qui en est le vainqueur : de nos jours encore ce qui paraît être victoire française semble à certains ric-rac et d'autres considèrent cette bataille comme un début de retournement de situation à leur crédit.
L'extérieur ne facilite en rien les choses -on le verra lors de conflits postérieurs-, on ne reconnait pas Napoléon comme interlocuteur sans en nommer un acceptable. Implicitement on bouleverse l'ordre des choses et on pousse le pays soit à la guerre civile puisqu'il ne reste en gros que la transgression du pouvoir en place comme porte de sortie.
C'est pour ceci qu'à un degré ou à un autre on ne pouvait qu'entrer dans une impasse que certains peuvent nommer "traîtrise".
Cependant je ne comprends pas non plus la notion de "service obéissant". Un service est généralement gratuit, il arrive qu'il soit rémunéré mais les deux mots accolés à un moment critique ne peut entraîner -si tant est que l'on entraîne lorsque l'on obéit par défaut- ne pouvait que donner à plus ou moins long terme et là je parle de jours, d'heure, de moment où soudain on bascule pour une autre cause -peu importe les raisons qui semblent toujours les meilleures pour celui qui transgresse- qu'un revirement. Comment un homme tel que l'Empereur n'a pas senti que chez certains ce n'était qu'une question de "fortune".
Je ne montre pas Raguse au doigt mais je ne le crédite pas non plus de vues politiques et militaires qui dédouanent l'acte de l'homme. Je n'y crois pas. La phrase dont nous parlons le montre bien, elle n'est pas claire.
@ McDonaldJe ne sais toujours pas comment insérer deux extraits d'intervenants...
On ne peut expliquer ce qui se passe dans l'esprit de Marmont. Vous en tirez une explication qui pourrait être mais telle qu'elle est rapportée, la phrase ne "colle" toujours pas. Il y a bien longtemps que Marmont aurait dû rendre son épée car il y tout de même un certain temps que l'Empereur a fait en sorte par une politique de censure, d'amalgame voulu, que le peuple voit en lui la France (on verra ceci avec Pétain dans une autre forme de discours).
Napoléon devient la France le jour de son sacre. Ce jour là, tous sont au premier rang, c'est l'apothéose mais comme il n'existe pas de trône multiplace alors on reconnait le dominant -d'autant plus que la place exige déjà des facultés hors normes-. On ne peut alors qu'y voir un aboutissement et non pas le début d'une fosse. Fosse qui ira d'ailleurs en s'élargissant -Napoléon face à son peuple- et en profondeur dès les premiers revers récurrents.
Manifestement pour les coalisés, la France n'existe plus. On ne parle plus de la France comme il fut un temps dans les salons extérieurs (petersbourgeois par exemple). La France n'est plus citée en exemple pour son ouverture, ses principes et ceci me semble commencer dès le consulat. On parle encore de Brumaire, c'est pour l'extérieur une nouvelle expérience de gouvernement.
Vous posez bien le problème : avec qui peut-on "parlementer" et la France se retrouve dans une impasse qui sera récurrente lors de défaites. Où donc est le problème dans nos institutions ?
Le Sénat est hors la loi... et il n'existe pas de solution de rechange. Peut être est-ce en ceci que le bât blesse.
A partir du moment où le Sénat cautionne l'Empire, il ne peut juger de l'application bonne ou non de la constitution, pas plus qu'il ne peut juger à quel Bonaparte donner une légitimité déjà octroyée : on ne peut être serviteur, procureur, avocat, juré le tout en même temps sinon on n'a plus le choix que le banc des accusés.
Qu'importe donc l'interprétation politique de chaque français en 1814, comme si soudain on se souvenait que les Français pouvaient "interpréter politiquement" avec des ministres tels que Fouché qui furent bien incontournable à un certain moment.
De plus qui sont ces Français qui "interprètent politiquement" ?
Je ne pense pas plus qu'à Fontainebleau, on analyse ou on pense "politiquement". Le moment est au "sauve qui peut" : c'est normal, c'est humain et surtout ceci deviendra récurrent. La régence serait donc à votre avis le fruit d'une "pensée politique" et bien il faut croire que ce fut bien mal pensé et la preuve est encore donnée que lorsque les militaires se mettent à penser, plus rien ne va dans la maison France.
Ils se sentent simplement en état d'imposer, enfin... Il était temps... pour un peu aucun n'aurait profité d'une bonne et douce retraite. Là encore c'est parfaitement humain : l'union fait la force et le "fort" d'hier est enfin mis en faiblesse, on ne va pas laisser passer une si bonne occasion d'en terminer. Dès 1808, devant une même décapilotade, vous auriez sans doute vu les mêmes exiger la même chose.
Ensuite tout est dans l'interprétation des mots par les uns et les autres mais où je suis en accord avec vous, c'est pour l'analyse de ceux de Fontainebleau à qui l'article 5 peut tout aussi bien être accordé. Il suffit de désigner un meneur...
En d'autres temps, d'aucun aurait dit : "... un quarteron de maréchaux soucieux de leur retraite..." etc.
Puisqu'il faut employer des verbes comme "trahir", Marmont a trahi à sa façon, d'autres à la leur qui n'est guère plus convaincante et qui ne trouve une sorte de légitimité dans le fait que l'homme Bonaparte est acculé. N'y voyons rien de grand, de politiquement analysé, simplement une réaction de sauver ce qui peut l'être à commencer par soi. Ensuite, on peut s'arranger avec les textes.
Je n'y vois non plus l'embryon d'une caution de retour pour 1815. Pas plus qu'un ralliement au Roi ou autre. La plupart de ces hommes ont tout connu : la royauté, la Révolution, la république, l'Empire et les carottes en fin de cuisson à chaque passage de relais, le seul paramètre qui joue lourdement est l'âge qui rend certain moins pugnace ; on peut aussi dire plus sage : ce n'est que jeu de mots.
Mais abstenons-nous d'ajouter à ceci comme une odeur de "revenez-y" qui expliquerait 1815. A ce moment, vous faites alors de ces hommes, de complètes girouettes. Tous ne furent pas dans la mouvance de Ney.