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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 02 Nov 2012 14:25 
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Fustel de Coulanges
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Je pensais à des mots plus pompeux et ronflants dans l'élan d'une vénération bien enchaînante.


On peut à ce sujet penser aux serments prêtés lors de la cérémonie du Champs de Mars suite au Sacre :
"L'empereur s'étant levé, le plus grand silence s'établit, et d'une voix forte, Sa Majesté prononça ces paroles:
«Soldats, voilà vos drapeaux ! ces aigles vous serviront toujours de point de ralliement; ils seront partout où votre empereur jugera leur présence nécessaire pour la défense de son trône et de son peuple.
Vous jurez de sacrifier votre vie pour les défendre, et de les maintenir constamment, par votre courage, sur le chemin de la victoire : vous le jurez! »
Nous le jurons! répétèrent tous ensemble les colonels et les présidents des collèges, en balançant dans les airs les drapeaux qu'ils tenaient. Nous le jurons ! dit à son tour toute l'armée, tandis que la musique jouait la marche célèbre connue sous le nom de marche des drapeaux."

(Constant, Mémoires)



Citer :
C'est pour ceci qu'un officier devrait avoir le droit de se démettre avant d'arriver à cette limite.


Démissionner dans les conditions qui étaient celles où Marmont choisit de négocier avec l'ennemi la défection de son corps d'armée ?
Abandonner son commandement aurait été considéré comme une désertion et une trahison.

De plus, Marmont n'avait pas l'intention d'abandonner son commandement. C'est en tant que chef de 6e corps qu'il entama les pourparlers avec l'ennemi et c'est bien la défection de son corps (mais aussi toute autre troupe susceptible de suivre son exemple), et non son seul ralliement, qu'il négocia.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 03 Nov 2012 16:11 
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Philippe de Commines
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Drouet Cyril a écrit :
[i]"L'empereur s'étant levé, le plus grand silence s'établit, et d'une voix forte, Sa Majesté prononça ces paroles: «Soldats, voilà vos drapeaux ! ces aigles vous serviront toujours de point de ralliement; ils seront partout où votre empereur jugera leur présence nécessaire pour la défense de son trône et de son peuple.

Ceci dépasse mon entendement... :oops: Rien que les mots (ceci sent un peu le Henri IV et son panache blanc...) me mettent déjà dans un état de méfiance ; ce style de discours ne peut que "cacher" quelque chose de beaucoup moins "porteur"... Je vois que vous citez Constant et je vous en remercie car j'ai les mémoires (ayant oublié le Masson recommandé par vous). Dans un premier temps donc, j'ai acheté les tomes de Constant et sur le net les appréciations sont plus que mitigées. Il est à noter qu'il commence son livre par se dédouaner de ce dont il fut accusé ceci dit j'ai aussi le "Napoléon intime". C'est une grande aide pour voir, connaître l'homme sous un autre angle. Voir aussi l'évolution du caractère à l'aulne des dimanche après-midi : il fut un temps, on riait et jouait à Malmaison...

Citer :
Abandonner son commandement aurait été considéré comme une désertion et une trahison.

J'imagine que ce devait être la cour martiale avec éventuellement le risque d'être fusillé mais vu le contexte... C'est aussi ceci que de prendre la décision de désobéir après être certain que le choix que l'on fait est le bon. C'est bien de dire "mort pour la France" en égrainant des noms. Si vraiment, le sort de la France et de ses soldats à ce moment avait été son seul moteur de décision et bien il me semble préférable qu'une seule vie soit engagée : c'est aussi ceci "avoir un commandement".
Ceci me paraît tellement évident qu'il aurait dû lui-même demander à être passé en cours martiale ce qui aurait évité le mot "ragusade", "trahison" et autres.

Citer :
De plus, Marmont n'avait pas l'intention d'abandonner son commandement. C'est en tant que chef de 6e corps qu'il entama les pourparlers avec l'ennemi et c'est bien la défection de son corps (mais aussi toute autre troupe susceptible de suivre son exemple), et non son seul ralliement, qu'il négocia

Je n'ai pas à juger car je suis ignorante des lois de la guerre. Mais c'est justement -pour ce qui me concerne- ceci qui est le pire car il transpire une impression de vouloir "sauver sa peau", chose un peu étrange engagé dans un conflit. Je ne sais si c'est possible mais il aurait pu remettre le "commandement" à l'un de ses généraux toujours fidèle à l'Empereur, se mettant ouvertement "hors jeu", prévenant Gourgaud de ses intentions de ne plus "suivre", son honneur le lui interdisant pour de nombreuses raisons et rester à demeure en attendant que l'on règle son cas. Mais entamer des pourparlers avec l'ennemi -puisqu'il faut se résoudre à l'appeler ainsi-, c'est ceci qui me choque le plus.
On annonce que l'on se retire afin de ne pas laisser ses soldats sans chef avec les risques inhérents (mutineries, prises de position, panique, reddition etc.). Ensuite on attend ce qui va suivre : c'est pour ceci aussi qu'il faut vraiment être certain d'agir "pour la France" ou l'idée que l'on s'en fait ou que l'on en a, surtout pour les hommes de troupe (lorsque c'est fini, rien ne sert d'accumuler les pertes). La fin est vraiment secondaire... si tant est que le discours est vrai.
Lors des purges staliniennes, on verra des autocritiques de personnages sachant que ceci ne les fera pas échapper à ce qui les attend, mais si la plupart le font ce n'est pas pour amadouer le public ou le procureur, ceci reste "pour la cause". "Cause" qui continue après eux.
J'ignore si dans l'armée on peut refuser un grade proposé -comme dans le fonctionnariat- mais, si déjà l'on n'est pas "dans la mouvance politique" d'une majorité ou autre et que ceci peut impacter, non pas dans le passage des ordres (ce ne sont que des mots) mais au niveau de la conscience à passer ces ordres, il m'apparaît évident que l'on accepte pas de monter en grade. Bien sûr, on est moins gratifié mais c'est un choix qui me semble évident.
En l'occurrence si Marmont avait pu -manifestement, il n'était plus depuis un certain moment, dans la mouvance de la politique impériale- donner sa démission car des maréchaux ou généraux de bonne trempe, il devait en exister et bien des mots tels que "trahison", "honneur" etc. n'aurait pas lieu d'être.
On voit -je pense à Salengro- combien il est difficile d'être mis à mal avec des notions d'honneur. Sans compter que l'honneur est comme la liberté : chacun le place à un niveau qui n'est pas forcément celui du voisin.
Mes excuses pour le HS mais je ne trouvais pas d'exemples et je n'ai su comment rédiger de manière plus concise sur un sujet un peu "chaud".

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 04 Nov 2012 22:32 
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Fustel de Coulanges
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Si vraiment, le sort de la France et de ses soldats à ce moment avait été son seul moteur de décision et bien il me semble préférable qu'une seule vie soit engagée


Marmont préféra (logiquement, mais non sans risque) œuvrer différemment.
Une désertion (une démission clairement déposée face à Napoléon me semblant bien peu envisageable au regard des risques encourus, et de la difficulté d’évaluer le poids des conséquences potentielles d’un tel acte) ; une désertion de sa part (voire accompagnée de quelques officiers de son état-major) aurait certes pu désorganiser son corps d’armée (d’autant plus que ce dernier était placé face aux lignes ennemies), mais le duc de Raguse voulait là un acte beaucoup plus fort : le "ralliement" (susceptible d’être suivi par d’autres) de plusieurs milliers d’hommes menés par un maréchal au décret du Sénat abattant le trône de l’Empereur, tout en évaporant les premières lignes napoléoniennes, rendant le dispositif stratégique de Napoléon en cours de formation encore plus fragile.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 05 Nov 2012 17:10 
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Philippe de Commines
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Drouet Cyril a écrit :
mais le duc de Raguse voulait là un acte beaucoup plus fort : le "ralliement" (susceptible d’être suivi par d’autres) de plusieurs milliers d’hommes menés par un maréchal au décret du Sénat abattant le trône de l’Empereur, tout en évaporant les premières lignes napoléoniennes, rendant le dispositif stratégique de Napoléon en cours de formation encore plus fragile.

Je vous remercie de cette réponse. Ignorante de lois de l'Armée, je ne puis comprendre ni avoir le recul d'une personne rompue à l'Histoire, à la méthodologie etc.
Je ne comprends pas :
1) pourquoi, devant se rendre à Fontainebleau devant l'Empereur, Marmont -sa décision étant prise- ne soit pas allé accompagné -pour faire balance- d'un de ses généraux totalement dans la ligne de l'Empereur ainsi le relais aurait-il pu être passé sans encombre ?
Qui sait exactement ce que voulait le duc de Raguse. Un paramètre me gêne, l'histoire de la rente que l'on retrouve dans « l'almanach de l'Histoire ». Il existe donc d'autres intérêts, beaucoup plus personnels en jeu car puisque rente il y a, autant posséder le temps d'en profiter.
Il « voulait un acte beaucoup plus fort... le ralliement... » à quel prix et comment peut-on en être certain ? « susceptible d'être suivi... » donc les jeux étaient manifestement encore loin d'être faits. Ceci donne un grand mot « ralliement » mais le « susceptible » le couvre vite. Ce n'est pas en temps de guerre qu'il faut se livrer à des manœuvres résultant d'une prise de position bien personnelle et comptant sur le « susceptible ». Il me semble que là, il prend carrément ses soldats en otages -et pas visiblement une poignée de soldats- ainsi que certains de ses subordonnés. Lui devait savoir que ce décret sénatorial était caduc.
Il se trouve que tout s'est terminé comme l'on sait et de toute façon, il est certain que l'Europe n'avait de cesse d'en finir. Alors un peu plus tôt, un peu plus tard... Là je ne sais quoi dire ni comment analyser ni argumenter. Marmont savait pertinemment qu'il ouvrait une brèche dans ce qui était une défense -à tenir ou non, symbolique ou non et on peut décliner- c'est déjà mettre à mal un dispositif arrêté par une personne qui se trouve être toujours l'Empereur à ce moment. C'est donc mettre à mal son supérieur qui est son Empereur, son pays -c'est désolant peut être mais à ce moment le pays, la patrie me semble représentée par l'Empereur- pour le meilleur (il y en eut) comme dans le pire. J'ignore comment ceci se fait mais prendre des mains une fiche de route ou acquiescer à des ordres -dont on sait à ce moment- qu'il (Marmont) a déjà idée de faire du contraire est pour moi une chose qui dépasse mon entendement. Pour faire court, tendre la main en faisant croire que cette main vous soutient alors que déjà... Comment de telles choses sont possibles entre « hommes » ? De plus son espérance dans un ralliement éventuel, c'est déjà de la « politique », il n'est plus temps de « politiquer » face aux canons et il met de plus ses hommes en porte à faux. Une autre question bien banale : un fusil au creux des reins, Marmont aurait-il eu autant de conviction dans la force de son acte ou du bien fondé de celui-ci ?
Pour ce qui me concerne au-delà des mots comme « traître » ou autre, c'est le fait de se porter caution, de continuer à faire croire que l'on peut « compter » sur lui et ses hommes, paroles d'un homme à un autre qui -à ce moment- est fragilisé -peu importe la raison et ce qui suivra- : c'est ceci qui pour moi est inadmissible, non dans le jugement qui peut suivre mais dans le sens de l'adjectif ; au delà de l'admissible -non pour l'Empereur- mais pour Marmont lui-même. Cependant je dois, il est vrai, être ignorante de ce que l'on peut et doit faire lorsque l'on appartient à l'Armée et qui plus est lorsque l'on a des devoirs vis à vis de ses soldats et de son Empereur. Même si la cause n'était plus bonne ou perdue ou que sais-je ? Je ne suis pas dans le « tenir pour tenir » au prix de la mort d'hommes de troupe pour des chimères mais ouvrir une trappe sous les pieds de celui à qui vous devez -dans tous les sens du terme- une partie non négligeable de votre position, ceci n'est pas admissible sans avoir été exprimé en temps, en lieu, en heure.
Puisque les maréchaux et autres pousseront l'Empereur à abdiquer, Marmont aurait à ce moment pu être un de ceux-ci. La seule raison qui me paraît « tenable » est le sort de ses soldats... Et là, je suis ignorante de leur exposition.
De plus cette histoire d'argent... :oops:
Je vous accorde que ceci est bien loin de l'Histoire comme elle devrait être traitée mais le sujet ne peut être non plus exempt -puique le mot "traître" est employé- de l'idée que l'on se fait de ce qui est honorable ou non au-delà des lois et ce qui peut paraître honorable pour certains le sera moins pour d'autres donc il semble difficile d'aborder ce sujet sur le simple plan historique. On peut éventuellement comprendre l'homme sans cautionner son acte et toujours cette rente qui biaise tout... :oops: Un grand gâchis pour cet homme. Dur aussi le fait que l'Histoire ne retienne que son nom, il a bien fallu tout de même un peu d'aide et de "compréhension" au niveau de certains de ses généraux. Si son point de vue était un peu partagé, il aurait été bon pour ceux qui l'on "compris et suivi" de se faire connaître.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 05 Nov 2012 18:49 
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Citer :
pourquoi, devant se rendre à Fontainebleau devant l'Empereur, Marmont -sa décision étant prise- ne soit pas allé accompagné -pour faire balance- d'un de ses généraux totalement dans la ligne de l'Empereur ainsi le relais aurait-il pu être passé sans encombre ?


Quand Gourgaud arriva à Essonnes, Marmont, ignorant que l’Empereur désirait s’entretenir avec lui, était déjà parti pour Paris aux côtés de Ney, Macdonald et Caulaincourt.


Citer :
Qui sait exactement ce que voulait le duc de Raguse.


C’est en effet un point nébuleux. Si Marmont a mis en avant l’intérêt général, il est possible d’émettre l’hypothèse que les intérêts personnels aient aussi pesé dans la balance.



Citer :
Ceci donne un grand mot « ralliement » mais le « susceptible » le couvre vite.


Je me réfère ici aux négociations entamées avec Schwartzenberg.
Par ralliement (mais j’ai usé de guillemets, la marche vers Versailles s’étant faite en cachant les intentions véritables de la hiérarchie), j’entendais celui du 6e corps marchant derrière son chef.
Par « susceptible d’être suivi par d’autres », j’entendais les autres troupes qui auraient pu suivre l’exemple du 6e corps, comme peut le laisser comprendre l’article 1er rédigé par Marmont où ce dernier englobe dans la convention « toutes les troupes françaises » qui quitteront les drapeaux de l’Empereur.



Citer :
Il me semble que là, il prend carrément ses soldats en otages


Il est impossible de dire exactement comment Marmont aurait mis en marche son corps en application du projet de convention.
En revanche, quand Souham décida de prendre sur lui de traverser les lignes ennemies, il se garda bien de prévenir la troupe (donc trompée) des véritables raisons motivant de départ des positions d’Essonnes.


Citer :
c'est désolant peut être mais à ce moment le pays, la patrie me semble représentée par l'Empereur


Un mot de Marmont à ce propos à l’heure des justifications de sa trahison (Mémoires) :
"Tant [que Napoléon] a dit : tout pour la France, je l'ai servi avec enthousiasme. Quand il a dit : La France et moi, je l'ai servi avec zèle. Quand il a dit : Moi et la France, je l'ai servi avec dévouement. Il n'y a eu que quand il a dit : Moi sans la France, que je me suis détaché de lui."


Citer :
Puisque les maréchaux et autres pousseront l'Empereur à abdiquer, Marmont aurait à ce moment pu être un de ceux-ci.


Il l’a été d’une certaine manière puisqu’il abandonna ses projets de défection quand il apprit que l’Empereur engageait des négociations autour de sa possible abdication.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 05 Nov 2012 19:27 
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Je comprends bien que Marmont, ayant défendu Paris avec beaucoup de courage, avant de se retrouver la seule personne à pouvoir signer une capitulation de la ville qui devait lui éviter d'être pillée, ait été le premier à mesurer à quel point Napoléon se faisait des illusions potentiellement meurtrières.

Ce qui me choque vraiment chez cet homme (dont le talent militaire ne fait pas de doute) c'est qu'il ait voté pour la mort du Maréchal Ney. ça vraiment c'est insupportable à lire.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 06 Nov 2012 13:13 
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Philippe de Commines
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Drouet Cyril a écrit :
Un mot de Marmont à ce propos à l’heure des justifications de sa trahison (Mémoires) :
"Tant [que Napoléon] a dit : tout pour la France, je l'ai servi avec enthousiasme. Quand il a dit : La France et moi, je l'ai servi avec zèle. Quand il a dit : Moi et la France, je l'ai servi avec dévouement. Il n'y a eu que quand il a dit : Moi sans la France, que je me suis détaché de lui."

Vous aviez déjà du évoquer cette phrase. Pour la dernière phrase qui est -je l'imagine- une image de style, il me semble -mais là encore je ne suis connaisseuse ni de l'histoire ni des âmes- que Napoléon n'a pas attendu cette dernière coalition. Je vais très certainement choquer mais -pour ce qui me concerne- "Moi, sans la France" commence déjà au moment du sacre et je ne dirais pas "Moi, sans la France" mais "La France est Moi", on en revient un peu à la phrase attribuée à Louis XIV mais dans un tout autre contexte.
J'ai lu Pierma : quelque part je trouve Marmont "raccord" avec lui-même cette fois. Napoléon, c'est fini/terminé. La France est passée à autre chose. Personnellement, c'est plutôt les rodomontades de Ney qui me choquent. Personne ne lui en demandait tant pour -au final- encore faire la girouette avec aussi -tout comme Marmont- ce que ceci pouvait entraîner à savoir -à ce moment- ni plus ni moins qu'une trahison. Le contraire eut été faire montre d'incohérence, à la limite je dirais même que ce vote joue en sa faveur : on voit que la page est vraiment tournée. Ney fut brave sur les champs de bataille, il est vrai mais devant ce ralliement qu'a pu penser Bonaparte ? Trahir un camp, puis l'autre, peut-on vraiment faire confiance à ce style de personnage qui ne tourne plus même au gré de la raison ou d'éventuels sentiments : on se demande vraiment ce qui a motivé Ney...
Pourquoi attendre un procès -ayant choisi son camp- et perdu, mettre ses pairs qui furent pour certains des proches, des amis, en porte à faux une nouvelle fois car se devant de voter "pour" ou "contre" une vie qui d'ailleurs n'avait plus aucun sens -ou trop de sens à la fois-. Etre passé par les armes fut aussi la passerelle pour la postérité -en ayant "trahi" deux fois- avec la phrase fameuse. S'il n'avait pas eu cette fin, on aurait gardé l'image d'un homme brave sous Bonaparte, brave sous Napoléon, brave sous les Bourbons, re-brave avec Bonaparte et ensuite, embrasser quelle cause ? De nouveau les Bourbons ? Ou autres ? Ney aura-t-il su penser hors des champs de bataille. C'est beau la bravoure mais à force d'être déclinée sous toutes les bannières, on en arrive à penser qu'hors la bravoure qui parfois frise l'inconscience existe-t-il autre chose sous ce crâne ? Le parcours de certains maréchaux est étrange, Murat en est un autre exemple... :'(

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 07 Nov 2012 19:31 
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Citer :
Vous aviez déjà du évoquer cette phrase. Pour la dernière phrase qui est -je l'imagine- une image de style



J’ai quelque problème avec la fin de cette phrase ; phrase d’ailleurs rapportée, puisque contrairement à ce que j’ai écrit plus haut, me référant en cela à Chardigny (Les maréchaux de Napoléon), elle n’est pas issue des Mémoires de Marmont mais de ceux de la comtesse de Boigne qui donne plus exactement ceci :
« Quand il disait : Tout pour la France, je servais avec enthousiasme ; quand il a dit : la France et moi, j’ai servi avec zèle ; quand il a dit : Moi et la France, j’ai servi avec obéissance ; mais quand il a dit : Moi sans la France, j’ai senti la nécessité de me séparer de lui. »

Ainsi, le« quand il a dit : Moi sans la France, j’ai senti la nécessité de me séparer de lui» me pose problème.
En effet, quand on regarde la manière dont Marmont a défendu Paris au service de Napoléon, il faut sans doute se placer dans la phase du « service obéissant » ; et je m’interroge donc sur le passage, pour reprendre l’expression supposée de Marmont, de la phase « Moi et la France » à celle du« Moi sans la France », car, du fait de la défense de Paris, le « Moi sans la France » ne peut donc intervenir que très tardivement.
Or, quand Marmont décide de se séparer de Napoléon, il me semble difficile d’entrevoir un changement de politique de la part de ce dernier.
Le changement, l’Empereur le subit : perte de Paris, notification des alliés affirmant qu’ils ne veulent plus traiter avec lui, acte de déchéance du Sénat, et appel au peuple à l’armée afin de les délier de leur serment.
En somme, je vois bien plus Marmont servant fidèlement l’Empire tant que l’espoir de victoire, aussi ténu soit-il, existait encore ; puis finalement le trahissant, non pas parce que les aspirations de Napoléon avaient changé, mais au regard d’une situation politique et militaire qui lui semblait ne pouvoir conduire qu’à la catastrophe si la guerre se poursuivait.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 07 Nov 2012 22:33 
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Thucydide
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Drouet Cyril a écrit :
le « Moi sans la France » ne peut donc intervenir que très tardivement.
Or, quand Marmont décide de se séparer de Napoléon, il me semble difficile d’entrevoir un changement de politique de la part de ce dernier.
Le changement, l’Empereur le subit : perte de Paris, notification des alliés affirmant qu’ils ne veulent plus traiter avec lui, acte de déchéance du Sénat, et appel au peuple à l’armée afin de les délier de leur serment.


Le Moi sans la France s'explique, dans l'esprit de Marmont, par la décision de Napoléon, le 2 avril 1814, de poursuivre la guerre malgré l'acte de déchéance du Sénat. Car l'Empire, ce n'est ni une dictature ni une monarchie divine. La France ne réside pas en la seule personne de l'Empereur mais dans les représentants du peuple.
On peut sans doute se poser la question de savoir si le Sénat est légitime pour représenter le peuple. En tout cas, ce n'est pas son rôle dévolu par la Constitution.
Or en 1814, le Sénat reste le seul membre du parlement depuis la suppression du Tribunat puis du Conseil Législatif. Si il ne représente pas le peuple, qui d'autre ?

Rappelons que le Sénat est celui qui a proclamé l'Empire, qu'il est chargé par la Constitution de vérifier la conformité des lois avec la Constitution, et qu'il est même chargé par la Constitution de nommer un successeur à l'Empereur en cas d'absence d'hériter mâle dans la famille Bonaparte. Il n'est pas aberrant de penser que le Sénat puisse donc, au nom de la France, retirer le titre d'Empereur à Napoléon.

Je vous invite à relire l'exposé des motifs de l'acte de déchéance qui égrène, avec plus ou moins de bonne foi, la liste des violations de la Constitution par l'Empereur et par conséquent la nullité de cette dernière et du titre impérial.

Après, comme j'évoquais plus haut, tout est question de l’interprétation politique que chaque français de 1814 décide de donner à tout ceci. Que Marmont décide de suivre le Sénat est donc un acte politique. Il en tire les conséquences en décidant le 3 avril de mettre ses troupes aux ordres du gouvernement provisoire.
D'autres militaires, dont les maréchaux de Fontainebleau, font la même analyse mais décident eux de faire proclamer la Régence afin de maintenir la Constitution Impériale. Et ils vont ainsi contraindre Napoléon à abdiquer le 4 avril.
Eux aussi s'opposent à Napoléon, leur supérieur hiérarchique. Pourtant leur acte n'a jamais été considéré comme une trahison. On a parlé de faiblesse, de fatigue, voir de lâcheté, mais pas de trahison.

Car l'acte de trahison répond à des critères militaires, et surtout légaux. En 1813, a été officiellement publié le Code pénal militaire à destination des militaires afin de leur indiquer les peines encourues en cas de crimes ou délit, telles que définie par la loi. Y figurent, entre autres, la loi du 21 brumaire de l'an V (qui sera également invoquée contre Ney en 1815 et qui servira de base légale à sa condamnation) :

"Art. 1. Tout militaire ou autre individu attaché a l'armée ou à sa suite, convaincu de trahison,sera puni de mort.
2. Sont réputés coupables de trahison, [...] 6.° Tout militaire ou autre individu attaché à l'armée et à sa suite, qui entretiendrait une correspondance dans l'armée ennemie sans la permission par écrit de son supérieur;"

"Art.5 : Tout militaire ou autre individu attaché à l'armée ou à sa suite qui sera convaincu d'avoir excité ses camarades à passer à l'ennemi sera réputé être chef du complot et puni de mort, quand bien même la désertion n'aurait point eu lieu"

Il n'est pas là question de morale ou de politique. Le 3 avril 1814, la France du Sénat ou celle de l'Empereur est en guerre (l'armistice ne sera signé que le 23 avril). Marmont est militaire et il entre en contact avec l'ennemi, sans en recevoir l'autorisation ni du Sénat ni de l'Empereur. C'est là que réside la trahison.
Évidemment qu'en quittant l'Empereur, Marmont sert les intérêts du Sénat. Mais les sert-il toujours lorsqu'il négocie, seul, avec l'ennemi ? Rien n'est moins sûr. Le Sénat a deux priorités (hormis celle concernant Napoléon) et qui correspondent à la volonté générale : la paix et une constitution. Or que se soit pour négocier une paix honorable avec les alliés ou pour la Constitution avec le Roi, le Sénat a besoin d'une force armée, mais surtout d'une armée unie. En agissant seul et en mettant son corps d'armée au pouvoir de l'ennemi, Marmont compromet la négociation à venir. En ce sens, son acte entamé le 3 avril est bien une trahison de la France, qu'elle réside à Paris ou à Fontainebleau.

Et tout ça pour obtenir quoi ? Une garantie pour les troupes françaises qui voudraient le rejoindre et une autre pour la vie de Napoléon. Et c'est tout. Rien sur un armistice, rien sur les places assiégées, rien sur ce que les alliés entendent par "une France grande et forte" ou "la Constitution" qu'ils ont promis dans leur déclaration du 31 mars et même rien sur les dotations des duchés situés hors de France (la dotation de Duc de Raguse ne sera restituée à Marmont par l'Autriche qu'en 1819). Plus que le ralliement au Sénat, c'est bien la précipitation qu'a mis Marmont, et tant d'autres, à se livrer pieds et poings liés à la seule volonté des alliés et du Roi qui expliquent le retour de Napoléon en 1815.


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 08 Nov 2012 0:21 
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Citer :
qu'il est même chargé par la Constitution de nommer un successeur à l'Empereur en cas d'absence d'hériter mâle dans la famille Bonaparte.


Pas exactement. En cas d’absence d’héritier, un senatus-consulte nomme bien le nouvel empereur. Mais il faut préciser que ledit sénatus-consulte est proposé au Sénat par les grands dignitaires de l’Empire et doit être soumis à l’acceptation du peuple.


Citer :
Il n'est pas aberrant de penser que le Sénat puisse donc, au nom de la France, retirer le titre d'Empereur à Napoléon.


Non seulement, un tel pouvoir n’est pas dans les attributions du Sénat, mais celui-ci est allé bien plus loin : il n’a pas seulement abattu Napoléon de son trône mais a aboli le droit d’hérédité.


Citer :
Pourtant leur acte n'a jamais été considéré comme une trahison.


Si, si.


Citer :
Marmont est militaire et il entre en contact avec l'ennemi, sans en recevoir l'autorisation ni du Sénat ni de l'Empereur. C'est là que réside la trahison.
[…]
Et tout ça pour obtenir quoi ? Une garantie pour les troupes françaises qui voudraient le rejoindre et une autre pour la vie de Napoléon. Et c'est tout.


Pour obtenir quoi ? L’abdication de Napoléon dont le maintien sur son « trône » serait synonyme de poursuite d’une guerre jugée sans issue et susceptible de se transformer en guerre civile.
Voilà pourquoi la trahison de Marmont (suite à la mission de Montessuy) vis-à-vis de l’Empereur a été jugée comme une très bonne chose par les acteurs de la déchéance de Napoléon, et certainement pas comme une trahison vis-à-vis du gouvernement provisoire.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 08 Nov 2012 15:23 
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Philippe de Commines
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Drouet Cyril a écrit :
En somme, je vois bien plus Marmont servant fidèlement l’Empire tant que l’espoir de victoire, aussi ténu soit-il, existait encore ; puis finalement le trahissant, non pas parce que les aspirations de Napoléon avaient changé, mais au regard d’une situation politique et militaire qui lui semblait ne pouvoir conduire qu’à la catastrophe si la guerre se poursuivait.

Vous l'exprimez beaucoup mieux mais je vois que nous achoppons au même endroit... La rente me gêne d'autant plus. :oops:
Cette phrase ne tient pas à l'analyse logique qui est la votre, jusque là n'ayant pas les éléments historiques je ne pouvais expliciter pourquoi cette phrase me "gênait", comme une explication un peu jetée tardivement avec un petit quelque chose qui "ne collait pas". Je n'entre pas dans les qualificatifs de "traître" ou autre mais j'ai du mal à imaginer Marmont -impacté tout de même avec cette histoire d'argent- avoir simplement un regard seulement politique et militaire.
:arrow: Politique ? Ceci faisait tout de même un moment que Napoléon = la France et jusqu'ici Marmont semblait s'en être accommodé ;
:arrow: militaire ? Il y avait eu des situations militaires tout autant critiques à l'extérieur, nul ne peut dire avant la fin d'une bataille qui en est le vainqueur : de nos jours encore ce qui paraît être victoire française semble à certains ric-rac et d'autres considèrent cette bataille comme un début de retournement de situation à leur crédit.
L'extérieur ne facilite en rien les choses -on le verra lors de conflits postérieurs-, on ne reconnait pas Napoléon comme interlocuteur sans en nommer un acceptable. Implicitement on bouleverse l'ordre des choses et on pousse le pays soit à la guerre civile puisqu'il ne reste en gros que la transgression du pouvoir en place comme porte de sortie.
C'est pour ceci qu'à un degré ou à un autre on ne pouvait qu'entrer dans une impasse que certains peuvent nommer "traîtrise".
Cependant je ne comprends pas non plus la notion de "service obéissant". Un service est généralement gratuit, il arrive qu'il soit rémunéré mais les deux mots accolés à un moment critique ne peut entraîner -si tant est que l'on entraîne lorsque l'on obéit par défaut- ne pouvait que donner à plus ou moins long terme et là je parle de jours, d'heure, de moment où soudain on bascule pour une autre cause -peu importe les raisons qui semblent toujours les meilleures pour celui qui transgresse- qu'un revirement. Comment un homme tel que l'Empereur n'a pas senti que chez certains ce n'était qu'une question de "fortune".
Je ne montre pas Raguse au doigt mais je ne le crédite pas non plus de vues politiques et militaires qui dédouanent l'acte de l'homme. Je n'y crois pas. La phrase dont nous parlons le montre bien, elle n'est pas claire.

@ McDonald

Je ne sais toujours pas comment insérer deux extraits d'intervenants... :rool: :oops:
On ne peut expliquer ce qui se passe dans l'esprit de Marmont. Vous en tirez une explication qui pourrait être mais telle qu'elle est rapportée, la phrase ne "colle" toujours pas. Il y a bien longtemps que Marmont aurait dû rendre son épée car il y tout de même un certain temps que l'Empereur a fait en sorte par une politique de censure, d'amalgame voulu, que le peuple voit en lui la France (on verra ceci avec Pétain dans une autre forme de discours).
Napoléon devient la France le jour de son sacre. Ce jour là, tous sont au premier rang, c'est l'apothéose mais comme il n'existe pas de trône multiplace alors on reconnait le dominant -d'autant plus que la place exige déjà des facultés hors normes-. On ne peut alors qu'y voir un aboutissement et non pas le début d'une fosse. Fosse qui ira d'ailleurs en s'élargissant -Napoléon face à son peuple- et en profondeur dès les premiers revers récurrents.
Manifestement pour les coalisés, la France n'existe plus. On ne parle plus de la France comme il fut un temps dans les salons extérieurs (petersbourgeois par exemple). La France n'est plus citée en exemple pour son ouverture, ses principes et ceci me semble commencer dès le consulat. On parle encore de Brumaire, c'est pour l'extérieur une nouvelle expérience de gouvernement.
Vous posez bien le problème : avec qui peut-on "parlementer" et la France se retrouve dans une impasse qui sera récurrente lors de défaites. Où donc est le problème dans nos institutions ?
Le Sénat est hors la loi... et il n'existe pas de solution de rechange. Peut être est-ce en ceci que le bât blesse.
A partir du moment où le Sénat cautionne l'Empire, il ne peut juger de l'application bonne ou non de la constitution, pas plus qu'il ne peut juger à quel Bonaparte donner une légitimité déjà octroyée : on ne peut être serviteur, procureur, avocat, juré le tout en même temps sinon on n'a plus le choix que le banc des accusés.
Qu'importe donc l'interprétation politique de chaque français en 1814, comme si soudain on se souvenait que les Français pouvaient "interpréter politiquement" avec des ministres tels que Fouché qui furent bien incontournable à un certain moment.
De plus qui sont ces Français qui "interprètent politiquement" ?
Je ne pense pas plus qu'à Fontainebleau, on analyse ou on pense "politiquement". Le moment est au "sauve qui peut" : c'est normal, c'est humain et surtout ceci deviendra récurrent. La régence serait donc à votre avis le fruit d'une "pensée politique" et bien il faut croire que ce fut bien mal pensé et la preuve est encore donnée que lorsque les militaires se mettent à penser, plus rien ne va dans la maison France.
Ils se sentent simplement en état d'imposer, enfin... Il était temps... pour un peu aucun n'aurait profité d'une bonne et douce retraite. Là encore c'est parfaitement humain : l'union fait la force et le "fort" d'hier est enfin mis en faiblesse, on ne va pas laisser passer une si bonne occasion d'en terminer. Dès 1808, devant une même décapilotade, vous auriez sans doute vu les mêmes exiger la même chose.
Ensuite tout est dans l'interprétation des mots par les uns et les autres mais où je suis en accord avec vous, c'est pour l'analyse de ceux de Fontainebleau à qui l'article 5 peut tout aussi bien être accordé. Il suffit de désigner un meneur...
En d'autres temps, d'aucun aurait dit : "... un quarteron de maréchaux soucieux de leur retraite..." etc.
Puisqu'il faut employer des verbes comme "trahir", Marmont a trahi à sa façon, d'autres à la leur qui n'est guère plus convaincante et qui ne trouve une sorte de légitimité dans le fait que l'homme Bonaparte est acculé. N'y voyons rien de grand, de politiquement analysé, simplement une réaction de sauver ce qui peut l'être à commencer par soi. Ensuite, on peut s'arranger avec les textes.
Je n'y vois non plus l'embryon d'une caution de retour pour 1815. Pas plus qu'un ralliement au Roi ou autre. La plupart de ces hommes ont tout connu : la royauté, la Révolution, la république, l'Empire et les carottes en fin de cuisson à chaque passage de relais, le seul paramètre qui joue lourdement est l'âge qui rend certain moins pugnace ; on peut aussi dire plus sage : ce n'est que jeu de mots.
Mais abstenons-nous d'ajouter à ceci comme une odeur de "revenez-y" qui expliquerait 1815. A ce moment, vous faites alors de ces hommes, de complètes girouettes. Tous ne furent pas dans la mouvance de Ney.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 08 Nov 2012 16:41 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Politique ? Ceci faisait tout de même un moment que Napoléon = la France et jusqu'ici Marmont semblait s'en être accommodé


Le changement politique est pourtant évident : un gouvernement provisoire est en place avec pour mission d’établir une nouvelle constitution, Napoléon a été déchu de son trône et l’hérédité a été abolie.



Citer :
militaire ? Il y avait eu des situations militaires tout autant critiques à l'extérieur


Les armées françaises ont connu depuis deux ans des heures tragiques ; mais là encore, la situation est des plus critiques : La France a toute l’Europe sur le dos, les armées adversaires sont au cœur du pays, Paris est aux mains de l’ennemi et les Alliés refusent à présent de traiter avec Napoléon.



Citer :
Cependant je ne comprends pas non plus la notion de "service obéissant".


J’ai repris ici les mots rapportés par la comtesse de Boigne : « quand il a dit : Moi et la France, j’ai servi avec obéissance »



Citer :
Comment un homme tel que l'Empereur n'a pas senti que chez certains ce n'était qu'une question de "fortune".


Napoléon ne disait-il pas si l’on croit Bourrienne (Mémoires) :
« Il y a deux leviers pour remuer les hommes : la crainte et l’intérêt »

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 08 Nov 2012 20:03 
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Thucydide
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gaete59 a écrit :
On ne peut expliquer ce qui se passe dans l'esprit de Marmont. Vous en tirez une explication qui pourrait être mais telle qu'elle est rapportée, la phrase ne "colle" toujours pas.

Tout pour la France = Consulat ; La France et Moi = l'Empire ; Moi et la France = l'Empire après le virage autoritaire post mariage autrichien ; Moi sans la France = Napoléon après la déchéance du Sénat lorsqu'il demande aux militaires de reprendre Paris sans l'appui du Sénat, alors considéré par Marmont comme représentant la France.
Ca colle mieux ainsi ?

gaete59 a écrit :
Napoléon devient la France le jour de son sacre.

Ce n'est pas ma perception des choses, ni celle de la majorité des contemporains dont l'avis est parvenu jusqu'à nous. Le jour du sacre, c'est encore la République, sous une autre forme. L'Empire, malgré sa lente dérive autoritaire, n'a jamais été réduit à l'état de Dictature où le pays tout entier se résumerait à un seul homme.

gaete59 a écrit :
Je ne pense pas plus qu'à Fontainebleau, on analyse ou on pense "politiquement". Le moment est au "sauve qui peut" : c'est normal, c'est humain et surtout ceci deviendra récurrent. La régence serait donc à votre avis le fruit d'une "pensée politique" et bien il faut croire que ce fut bien mal pensé et la preuve est encore donnée que lorsque les militaires se mettent à penser, plus rien ne va dans la maison France.

L'action des maréchaux, le 4 avril, est éminement politique. Il s'agit pour eux de sauver l'Empire sans l'Empereur, avant que le Sénat ne rétablisse les Bourbons et ne sacrifie les intérêts nationnaux. Si cela vous apparait mal pensé, c'est qu'il a fallu agir dans l'urgence, car nul n'a anticipé la déclaration des coalisés du 31 mars qui affirment ne plus vouloir négocier avec Napoléon. C'est ce projet politique de Régence que Ney, Macdonald et Caulaincourt sont chargés de négocier avec les alliés après avoir obtenu le principe d'une abdication de Napoléon.
Si ce projet présenté au Tsar échoue rapidement, c'est aussi à cause de Marmont dont le corps est passé à l'ennemi durant la nuit du 4 au 5 avril.

gaete59 a écrit :
Je n'y vois non plus l'embryon d'une caution de retour pour 1815. Pas plus qu'un ralliement au Roi ou autre. La plupart de ces hommes ont tout connu : la royauté, la Révolution, la république, l'Empire et les carottes en fin de cuisson à chaque passage de relais, le seul paramètre qui joue lourdement est l'âge qui rend certain moins pugnace ; on peut aussi dire plus sage : ce n'est que jeu de mots.
Mais abstenons-nous d'ajouter à ceci comme une odeur de "revenez-y" qui expliquerait 1815. A ce moment, vous faites alors de ces hommes, de complètes girouettes. Tous ne furent pas dans la mouvance de Ney.

Ce qui explique la rapidité avec laquelle les militaires, fonctionnaires et une bonne partie du peuple ont abandonné l'Empereur pour suivre le Sénat, c'est que tous s'illusionnent sur la Constitution promise (qui sera votée le 7 avril) et sur une paix qu'on pense honorable depuis que les coalisés ont promis une France grande et forte le 31 mars si elle abandonnait Napoléon. La Constitution et la Paix rallient ce que les militaires considèrent être les intérêts nationaux. Ce n'est que le 23 avril, jour de signature de l'armistice, qu'on découvre que la France est ramené à ses frontières de 1790 et début mai qu'on apprend que la constitution ne sera pas appliquée par le Roi. Or à ce moment, les militaires n'ont plus les moyens d'agir pour défendre les intérêts nationaux et se sentent dupés. C'est cette déception fondée sur le malentendu d’avril 1814 qui explique la soudaine chute des Bourbons en 1815, à peine 10 mois après leur retour.

Drouet Cyril a écrit :
Si, si.

Marmont a été accusé de trahison dans le manuscrit de 1814 rédigé à l'île d'Elbe, dans les deux proclamation de Golfe-Juan du 1er mars 1815, dans les Mémoires de Sainte-Hélène, dans le testament de Napoléon et il est le seul militaire a être exclu de la loi d'amnistie du 7 mars 1815 (Augereau pourtant présent dans les proclamations est amnistié).
Je n'ai pas souvenir qu'aucun maréchal présent à Fontainebleau et ayant poussé Napoléon à l’abdication ait subit un traitement comparable.

Drouet Cyril a écrit :
Pour obtenir quoi ? L’abdication de Napoléon dont le maintien sur son « trône » serait synonyme de poursuite d’une guerre jugée sans issue et susceptible de se transformer en guerre civile.
Voilà pourquoi la trahison de Marmont (suite à la mission de Montessuy) vis-à-vis de l’Empereur a été jugée comme une très bonne chose par les acteurs de la déchéance de Napoléon, et certainement pas comme une trahison vis-à-vis du gouvernement provisoire.

Le 3 ou 4 avril, l'abdication n'est pas nécessaire puisque, selon le Sénat, Napoléon n'est plus Empereur depuis le 2. Les militaires n'ont plus qu'à obéir aux ordres du Sénat.
Je dois mal me faire comprendre parce que j'essaye justement d'expliquer que "la trahison", telle qu'elle a été dénoncée par les contemporains de Marmont pendant le restant de ses jours, ne réside pas dans le fait de quitter les ordres de l'Empereur puisqu'il s'agit de se rallier au Sénat. Marmont n'a pas été le seul dans ce cas, ni même le premier puisque deux maréchaux ont voté en qualité de sénateur la déchéance dès le 2 avril. Or Marmont a été le seul a être considéré comme traître, non pas au seul Empereur, mais à la patrie. Parce que de fait comme de droit, il a violé le code militaire en entrant en négociation avec les troupes étrangères.
Il me semble qu'on ne peut pas comprendre le statu particulier de Marmont pendant toute la Restauration jusqu'à la révolution du Juillet sans faire cette distinction entre les revirements politiques nombreux à cette époque troublée et la trahison qui consiste à livrer ses propres troupes au pouvoir des armées étrangères et qui lui vaudra l'opposition des Bonapartistes, mais aussi des Républicains et Orléanistes.


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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 09 Nov 2012 8:14 
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Fustel de Coulanges
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Citer :
Tout pour la France = Consulat ; La France et Moi = l'Empire ; Moi et la France = l'Empire après le virage autoritaire post mariage autrichien ; Moi sans la France = Napoléon après la déchéance du Sénat lorsqu'il demande aux militaires de reprendre Paris sans l'appui du Sénat, alors considéré par Marmont comme représentant la France.
Ca colle mieux ainsi ?


Bof…
Pour moi, ces petites expressions sont bien trop simplistes pour pouvoir servir de ligne explicative à une problématique fort complexe.


Citer :
Je n'ai pas souvenir qu'aucun maréchal présent à Fontainebleau et ayant poussé Napoléon à l’abdication ait subit un traitement comparable.


Un mot de Lentz (Nouvelle histoire du premier Empire) :
« Cette fois, à Fontainebleau, le débat était presque houleux et en tout cas sans retenue, premier acte de ce qu'on appelle parfois très sévèrement la «trahison des maréchaux »


Citer :
Le 3 ou 4 avril, l'abdication n'est pas nécessaire puisque, selon le Sénat, Napoléon n'est plus Empereur depuis le 2.


Comme si Napoléon était homme à courber l’échine et à descendre docilement de son trône et à en priver son fils parce qu’un sénat en avait décidé…

Le Sénat a beau avoir déchu Napoléon et aboli l’hérédité, l’Empereur était logiquement décidé à combattre. Dans ce contexte, Marmont en se soumettant aux décisions du Sénat, devait justement forcer la main à Napoléon en le privant d’une partie de ses forces.

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 Sujet du message : Re: Le duc de Raguse
Message Publié : 09 Nov 2012 18:25 
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Thucydide
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Drouet Cyril a écrit :
Bof…
Pour moi, ces petites expressions sont bien trop simplistes pour pouvoir servir de ligne explicative à une problématique fort complexe.

Je ne comprends pas votre réaction. C'est le principe même d'une formule que de simplifier en quelques mots une situation complexe. Vous nous proposez de réagir à une formule attribuée à Marmont, vous deviez bien vous attendre à une réponse simpliste.
La ligne explicative détaillée de Marmont, je l’ai trouvée dans ses Mémoires, dans sa Réponse du Duc de Raguse datée du 1er avril 1815, ou même dans sa lettre à Schwarzenberg du 3 avril 1814. Vous pouvez estimer que j’ai mal interprété ou mal restitué cette ligne, mais dans ce cas un échange d’arguments me semble plus utile au débat qu’un expéditif bof.

Drouet Cyril a écrit :
Un mot de Lentz (Nouvelle histoire du premier Empire) :
« Cette fois, à Fontainebleau, le débat était presque houleux et en tout cas sans retenue, premier acte de ce qu'on appelle parfois très sévèrement la «trahison des maréchaux »

Est-il précisé qui est désigné par le "on" qui émet "parfois" une opinion que Lentz trouve "très sévère" ?


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