Eh bien, voyez-vous, j'ai longtemps partagé cette analyse; mais -paradoxalement- j'ai évolué sur cette affaire "carliste"...
Poulin a écrit :
Sardanapallos, tu as raison. Je suis d'accord, mais je suis un peu plus nuancé pour Louis XVIII.
Certes, il était bien plus intelligent que son frère le comte d'Artois, futur Charles X. Je sais cependant qu'a l'instar de ces émigrés qui n'ont rien appris et rien oublié, l'ex-comte de Provence n'avait lui aussi rien oublié !
D'ailleurs, comment oublier le passé pour un prince de la Maison de Bourbon ? qu'il n'ait pas beaucoup pleuré l'exécution de Louis XVI et ses difficultés face à la révolution, j'en suis sur. Car dés que le comte de Provence trouve refuge à l'étranger, il n'aura de cesse de compliquer les choses pour son frère. Louis XVI le pressait comme à d'Artois de cesser ses intrigues auprès des souverains étrangers. Peine perdue !
Le comte de Provence, on le sait rongeait son frein, car il voulait régner et se jugeait plus capable que Louis XVI. Et pourtant, il était partisan du maintien de la monarchie dans sa formr la plus traditionnelle comme le roi et le comte d'Artois, comme le prince de Condé. Sa réputation de "prince patriote" en 1787_1789 ne repose sur pas grand chose : comme il parlait peu et agissait en sourdine, souvent en laissant parler ses propres partisans d'ailleurs, il passa pour modéré.
Son comportement politique lors de son long exil de plus de 20 ans ne comporte pas une seule allusion à une monarchie constitutionnelle : s'il l'a pensé, il ne l'a pas dit !
Lors du décès officiel de Louis XVII en 1795, et se nommant Louis XVIII, roi en exil, il promet dans sa déclaration le retour de la monarchie dans ses formes les plus auliques : c'est un retour pur et simple à 1789. De plus, il déclare déclancher une répression contre les révolutionnaires qui ont participé à la chute du trone. Rien de réjouissant !
Je partage complètement ce point de vue sur Louis XVIII: l'homme était intelligent et cultivé, mais d'un orgueil incommensurable ! Il mettait par-dessus tout son plaisir et son confort, surtout à la fin de sa vie, bien-sûr! Mais cette tendance existait déjà dans sa jeunesse: peu porté sur les plaisirs de la chaire (contrairement à la plupart des Bourbons), il compensait en faisant très bonne chère!
Poulin a écrit :
Dire qu'il est revenu en 1814 sous l'effet du hasard est exagéré, mais le gouvernement provisoire aprés la chute de Napoléon avait envisagé d'autres solutions : installer le duc d'Orléans sur le trone (il passait pour plus libéral), ou meme ou souverain étranger.
Avez-vous vu "Le Souper" au cinéma ? c'est admirable. On voit Fouché et Talleyrand qui règlent leurs comptes : qu'est Louis XVIII dans tout cela ? bah ! on le rappelle parce qu'après tout c'est la meilleure solution dans un premier temps, et du moment qu'il accepte une monarchie parlementaire avec un semblant de constitition qu'on appelera la Charte, cette vieille perruque empoussièrée par l'exil fera bien l'affaire ! Qu'en aux Français on ne demande pas leur avis !
En effet, tout cela est juste: et Talleyrand et Fouché se moquaient bien du peuple...
Poulin a écrit :
Et le comte d'Artois ? chez lui les lueurs de l'intelligence sont rares. Louis XVIII lui-meme lui repprochait qu'il n'avait pas de tete. Au fond un homme trés ordinaire, perdu de réputation pendant sa jeunesse, débauché notoire.
Il revient d'exil avec une nouvelle image : il est devenu dévot, il ne couche plus. Mais ses positions politiques sont exactement les memes qu'en 1789 : son entourage composé d'Ultras voue la Charte aux gémonies ! Mais qu'espéraient-ils ces gens là !
C'est là où je commence à diverger: Charles X était moins cultivé, moins intelligent que ses frères, c'est indéniable! Mais il n'était pas non plus le crétin qu'on a voulu dépeindre...
Poulin a écrit :
Roi en 1824, il commet une suite d'erreurs qui lui met à dos une bonne partie de la population : il se fait sacrer (!), les lois du sacrilège, du milliard des émigrés sont votées grace à la majorité Ultra à la chambre. Mais à partir de 1827, tout ce gate : le pays vote pour les Libéraux, on n'ose pas encore se déclarer républicain de peur de se faire emprisonner. Et puis 1830 ! Les Bourbons repassent la Manche... Ils ne régneront plus jamais par leur faute.
Le sacre n'était pas une erreur en soi: la population l'a plutôt bien vu, hormis les Bonapartistes et les républicains dont on ne peut pas affirmer qu'ils étaient majoritaires dans le pays. Le milliard des émigrés était une mesure de réparation par rapport à la spoliation des biens nationaux qui n'avait guère respecté l'article concernant la propriété de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen...
Quand vous dîtes que le pays vote pour les libéraux à partir de 1827, il faut être plus nuancé: c'est le pays légal, et non pas le pays réel... C'est à dire la haute bourgeoisie, celle des financiers et des affaires qui entend calquer l'évolution du pays sur celle de la Grande Bretagne: cantonner le Roi à un rôle honorifique et confier les destinées du pays aux banquiers afin d'industrialiser le pays en leur livrant une main d'oeuvre bon marché, destinée à servir d'esclaves dans les mines et les nouvelles fabriques. Charles X ne partage pas ce dessein. De ce point de vue, Louis-Philippe sera beaucoup plus accomodant...
Mais le vieux Roi ne saura pas s'appuyer sur le pays réel: il n'écoutera pas Decazes qui proposait le recours au suffrage universel. Or, les campagnes -à cette époque- étaient largement conservatrices, encore très attachées à la religion...
De plus, Charles X s'éloignait de l'Angleterre et souhait remettre en cause le traité de Paris: finalement, il n'avait pas renoncé à la politique des frontières naturelles et espérait un accroissement de territoires en Rhénanie et en Belgique! Il ne tint aucun compte des observations de l'ambassadeur d'Angleterre et de son opposition à l'expédition d'Alger. On peut se demander dans quelle mesure sa chute n'a pas été préparée de Londres, quand on constate les manquements des plus hautes autorités de la Police et de l'Armée, dont les mesures de sauvegarde -au moment du coup de force- furent notoirement insuffisantes.
Mais il n'y a rien à dire, puisque ceci allait dans le sens de l'Histoire: la prolétarisation des masses et le triomphe de la bourgeoisie d'affaires... On n'en est pas vraiment sorti, sinon que cette bourgeoisie est désormais internationale et de ce fait, de plus en plus insaisissable et influente...