J'ai fais quelques recherches concernant les opinions politiques de Louis XVIII en 1795 lorsque ce dernier prit le titre de roi de France en exil au lendemain de la mort du jeune Louis XVII. Dans une déclaration solonnelle aux Français, il fit part de ses sentiments.
A peu de choses prés, mes précédents messages sont correlés par les biographies de Evelyne Lever et Philip Mansel (historien Anglais). Louis XVIII désire un rétablissement de la monarchie telle qu'elle était en 1789 et n'accorde que d'infimes concessions aux acquis institutionnels et sociaux de la Révolution.
Dans son livre, Evelyne Lever cite quelques passages du manifeste de Louis XVIII :
"Français, votre roi va vous parler avec toute la sincérité de son coeur... il faut rétablir ce gouvernement qui fut pendant quatorze siècles la gloire de la France". Les brebies égarées doivent "se jeter aux pieds du trone", il voue aux gémonies les régicides "monstres abominables que la postérité ne nommerait qu'avec horreur".
Et Evelyne Lever poursuit "Sur de son droit, le prétendant au trone de France se voulait roi dans toute la plénitude de ses devoirs, refusant de transiger avec la Révolution, refusant ses acquis, refusant le pacte avec la Nation. Il ne promettait rien d'autre que d'anéantir l'oeuvre impie entreprise depuis 1789 pour restaurer la monarchie française dans son antique grandeur. Il ne révait que du retour triomphant de l'Ancien Régime.
Philip Mansel, autre biographe de Louis XVIII et le plus remarquable à mes yeux, est plus nuancé. Voici quelques extraits de son livre.
"Le 7 juillet 1795 à Vérone, il publia la déclaration de Vérone... il attaque directement la Révolution, accuse les Français de s'etre laissé abuser par des "hommes factieux et impies" et se déclare résolu à rétablir l'ancien mode de gouvernement "qui fut pendant quatorze siècles la gloire de la France" ainsi que l'autorité royale dans toute sa plénitude.
...IL spéficie expressement que l'égalité sera complete pour tous devant la loi et pour l'accession aux charges quelles qu'elles soient ; il ne mentionne pas les terres confisquées des émigrés et ne menace plus de sanctions que ceux qui ont condamné à mort le roi, la reine et Madame Elisabeth... Castries venu à Vérone en aout 1795 se plaignit que Louis ne voulut rien moins que la prérogative royale "dans toute sa plénitude telle que Louis XIV et Louis XV l'ont exercée".
Bref, en supposant que si Louis XVIII serait monté sur le trone vers 1795-1800, on peut fortement penser qu'il n'aurait pas toléré les concessions qu'il dut faire en 1814. Mais on peut aussi admettre que si une restauration aurait eu lieu bien avant 1814, Louis XVIII n'aurait pu se maintenir qu'au prix du maintien d'une partie des acquis de la Révolution. Car dans le cas contraire, il aurait été balayé comme Charles X.
Néanmoins, son exil en Angleterre de 1807 à 1814 lui révéla certainement les vertus et mecanismes de la monarchie parlementaire. A mon avis, sa représentation de la royauté s'est modifiée à cette époque d'ou son comportement politique et idéologique plus tolérant lors de son avénement en 1814. Mais toujours d'aprés moi, cette nouvelle image ne s'appuie que sur l'opportunisme politique du roi plus que par ses convictions profondes.
D'une intelligence certaine, il avait pris conscience lors de son long exil que le retour à l'Ancien Régime était impossible, mais en 1795 il est encore trés réticent pour l'admettre.
Son règne (1814-1824) prouve la maturation politique du roi : il condamne les débordements de la Terreur Blanche, il renvoie la Chambre des députés car elle est composée en masse d'Ultras, il est en fréquent désaccord avec son frère le comte d'Artois, beaucoup plus conservateur. C'est à partir de 1820 que Louis XVIII perd pied parce que sa santé se dégrade et qu'il gouverne de moins en moins. La période 1820-1824 est un tournant et marque le début de la phase réactionnaire : lorsque le duc de Berry est assasiné par Louvel, les Ultras se coalisent : Décazes, principal ministre et favori du roi est renvoyé, on restreint le sens electoral pour supprimer l'opposition des Libéraux, on intervient en Espagne pour rétablir Ferdinand VII dans ses droits.
Si Louis XVIII a compris tardivement les bouleversements de la France sous la Révolution et l'Empire, son successeur Charles X gatera l'oeuvre de son predecesseur. Le rétablissemnt des Bourbons devient à nouveau hypothétique aprés 1830, mais pas impossible.
Malheureusement, les derniers Bourbons font preuve de médiocrité politique. Ils se cantonnent dans une nostalgie passéiste qui découragent nombre de royalistes à l'époque. Le duc d'Angoulème, alias "Louis XIX" s'enferme dans le mutisme, la duchesse d'Angoulème est figée dans une attitude roide, le comte de Chambord coupé des réalités parce qu'exilé laisse de réelles opportunités lui filer entre les doigts aprés 1848 et 1870.
Je ne pense pas qu'il faut parler des derniers Bourbons en tant que "fin de race". Seulement, pour eux tous, le traumatisme de la Révolution et toutes les idées vraies ou fausses véhiculées dans leur milieu ont faient qu'ils étaient réellement incompétents pour penser positivement les évolutions sociales et politiques de la France plus de 50 ans aprés 1789, l'année cruciale.
Dominique Poulin
_________________ Dominique Poulin
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