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 Sujet du message : Tsarigrad ou le rêve brisé
Message Publié : 28 Juil 2003 15:01 
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Arbitrairement, je poste ici un article (soumis à la Nouvelle Revue d'Histoire qui, peut-être, le publiera dans un prochain numéro) qui, en fait, couvre une période allant de la Restauration à la fin de la Première Guerre Mondiale.


« La messe sera-t-elle célébrée à Sainte-Sophie en présence du Tsar ? » Théophile Gautier, 1852.


Tsarigrad ou le rêve brisé
Fabien de Stenay


"Je me répète lentement, pour bien m'en pénétrer, cette phrase mélancolique d'un vieux prince Bibesco : « La chute de Constantinople est un malheur personnel qui nous est arrivé la semaine dernière »." Comme le montre la fin amère du fameux roman de Jean Raspail Le Camp des Saints, la chute de Constantinople reste dans l'imaginaire européen symbole de fatalité, de perte irréversible et d'autant plus douloureuse. Pourtant, avec le reflux de l'Empire ottoman à partir du XVIIIe siècle, il s'en fallut de peu pour que la Seconde Rome revînt aux mains des Européens. Mais, comme souvent, ce fut la division de ceux-ci qui ruina tous les espoirs.
Dans l'Europe restaurée du Congrès de Vienne et de la Sainte Alliance, la Russie s'était assignée la mission de garantir l'ordre sur le continent. Dès le début de son règne, le tsar Nicolas Ier (1825-1855) fit du contrôle des détroits – « les clefs de la maison » – le second objectif de sa diplomatie, pour des raisons au moins autant mystiques que stratégiques. La politique de grande fermeté qui suivit vis-à-vis de la Sublime Porte déboucha en 1828 sur une guerre. L'armée russe fut victorieuse, et l'avantageux traité d'Andrinople fut conclu le 14 septembre 1829 : la Russie obtenait les bouches du Danube, des territoires caucasiens, ainsi que le libre passage à travers les détroits pour ses navires marchands. Enfin, les provinces de Moldavie et de Valachie obtenaient leur autonomie et leur placement sous protectorat russe (tout en restant officiellement rattachées à l'Empire ottoman). Les armées du tsar approchaient des Balkans. Toutefois, les principes arrêtés par Alexandre Ier restaient de vigueur : on se contentait d'affaiblir l'Empire ottoman, tout en maintenant son intégrité territoriale. Dès le début des années 1830, cette politique relativement modérée porta ses fruits : le sultan demanda en 1833 l'aide russe contre le soulèvement du pacha d'Egypte Mehmet Ali. En retour, un traité d'assistance mutuelle fut signé entre les deux Empires ; une clause secrète interdisait à l'Empire ottoman d'ouvrir les Dardanelles aux bâtiments de guerre étrangers. Les grandes puissances européennes, en premier lieu l'Angleterre, contestèrent le privilège accordé aux Russes, et un nouveau conflit turco-égyptien donna l'occasion d'un nouveau traité : la convention des Détroits, entre l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie, par laquelle les Britanniques obtinrent que les détroits soient interdits, en temps de paix, à tout navire autre que turc.
La Russie conservait toutefois des droits sur les populations chrétiennes de l'Empire ottoman, en particulier dans les Balkans. Aussi, quand, en 1852, Napoléon III obtint la restitution de douze lieux saints de Palestine à l'Eglise catholique qui les avait perdus en 1808 au profit de l'Eglise orthodoxe, la diplomatie russe perçut le succès français comme une menace. Au début de l'année suivante, le tsar proposa donc au gouvernement britannique un plan de partage de l'Empire ottoman excluant Napoléon III : l'Egypte reviendrait à l'Angleterre tandis que la Russie obtiendrait les Principautés roumaines, la Serbie, la Bulgarie ainsi que le contrôle des détroits. Mais le projet ne pouvait qu'échouer : le tsar négligeait la force des ambitions françaises, et surtout l'hostilité des Anglais comme des Autrichiens à l'avancée russe dans les Balkans. Après une nouvelle guerre russo-turque et la destruction de la flotte ottomane le 30 novembre 1853 à Sinope, la France et l'Angleterre entrèrent en guerre contre le tsar. La guerre de Crimée se poursuivit pendant plus de deux ans et aboutit à une débâcle russe. Le nouveau tsar Alexandre II, à la tête d'une Russie en net recul, consacra alors une bonne partie de son énergie à réformer son Empire, et renonça pour le moment à son expansion balkanique.
Le climat des années 1870 renoua en partie avec celui qui suivit le Congrès de Vienne : en 1873, une alliance des trois empereurs (Allemagne, Autriche-Hongrie, Russie) ayant pour but de préserver l'équilibre européen semblait rejouer la Sainte-Alliance. Mais pour le tsar, cette place qui lui était donnée devait servir de tremplin à une nouvelle politique balkanique conforme à la poussée du nationalisme et du panslavisme dans l'opinion russe. Celle-ci avait en effet commencé à s'engager passionnément dans la « question d'Orient » au nom de la cause panslave. Moscou, « troisième Rome », devait non seulement défendre les intérêts des minorités slaves et orthodoxes de l'Empire ottoman, mais aussi libérer ceux-ci du joug turc et reprendre pied à Constantinople. De plus en plus, la cité du Bosphore était désignée dans la langue russe sous le nom fortement connoté de Tsarigrad, « la ville des empereurs ». Des comités panslaves se formèrent dans les grandes villes (Moscou, Saint-Pétersbourg, Kiev, Odessa…), et nourrissaient leur idéologie par les écrits de plumes prestigieuses, comme Danilevski ou Dostoïevski. Ce dernier écrivait par exemple dans le Journal d'un écrivain : « le chemin du salut exige que la Russie et pour son propre compte, s'empare de Constantinople, car la Russie seule a le droit de dire qu'elle est à la hauteur de la tâche ». Certes, le gouvernement russe se méfiait de cette surenchère, mais elle contribua néanmoins au renforcement de l'engagement russe dans les Balkans, au moment même où les minorités orthodoxes de l'Empire ottoman se révoltèrent.
Le mouvement lancé en juillet 1875 par les paysans orthodoxes de Bosnie contre leurs seigneurs musulmans se généralisa en effet à l'ensemble des Balkans. Devant la féroce répression turque et l'entrée en guerre de la Serbie et du Monténégro, la Russie tint naturellement à intervenir. Prudente, elle attendit la garantie de la neutralité autrichienne pour déclarer la guerre aux Ottomans, en avril 1877. L'engagement russe fut massif et, malgré la vive résistance turque, les troupes du Tsar entrèrent dans Andrinople, à 200 Km de Constantinople, en janvier 1878. Le 3 mars suivant, le traité de San Stefano entérinait la victoire de la Russie, qui obtenait de plus des territoires arméniens et roumains. L'Empire ottoman dut reconnaître formellement l'indépendance de la Serbie, du Monténégro, de la Roumanie, et accepter l'autonomie d'une grande Bulgarie englobant la Macédoine. Toutefois, ce traité bilatéral russo-turc, bien qu'il témoignât du dynamisme retrouvé de la politique balkanique russe, se heurta à l'hostilité des diplomaties autrichienne et anglaise qui voyaient d'un mauvais œil cette grande Bulgarie, vaste Etat slave client de la Russie. Les autorités russes durent bientôt accepter le principe d'une conférence internationale; celle-ci se déroula à Berlin en juin et juillet 1878, sous l'égide du chancelier Bismarck et en présence des dirigeants européens de tout premier plan. La Russie dut renoncer à l'autonomie de la Grande Bulgarie et accepter que la Bosnie-Herzégovine fût occupée par l'Autriche-Hongrie. Malgré le dynamisme de la politique balkanique d'Alexandre II, la fin de son règne fut donc marquée par l'opposition virulente des Autrichiens et des Anglais, bientôt rejoints par l'Allemagne : en 1879, une nouvelle alliance, la Duplice, réunissait les Empires autrichien et allemand face à la Russie.
Le combat pour Tsarigrad restait toutefois une préoccupation au moins inconsciente de l'impérialisme russe. « Ce damné mirage de Constantinople », comme fait dire Soljénitsyne à l'un des personnages de Novembre Seize, allait jouer un rôle dans les négociations qui menèrent à la Première Guerre Mondiale et qui la rythmèrent. En 1912, lors des guerres menées contre la Turquie par les Etats balkaniques, la Russie soutint ces derniers en faisant bien comprendre à tous que la question constantinopolitaine était un domaine réservé du Tsar. Mais surtout, la mise en place de la Triple Entente impliquait un accord entre Saint-Pétersbourg et Londres : en 1905, la France avait en effet refusé de suivre les cousins Guillaume II et Nicolas II dans leur projet de grande alliance continentale, concocté à Björkö. Après cet échec, le réarmement naval de l'Allemagne inquiéta la Russie, qui, en 1907, n'eut d'autre choix que de suivre la France dans son alliance avec l'Angleterre, bien que cette dernière eût soutenu le Japon dans la guerre de 1904-1905. Mais malgré l'accord tacite de ses alliés à l'enlèvement de Constantinople aux Turcs, la Russie savait qu'elle ne pourrait faire admettre celui-ci aux Autrichiens qu'à la faveur d'une guerre victorieuse.
C'est donc après le déclenchement du conflit européen en août 1914 (la Russie ne déclara la guerre à la Turquie qu'en novembre) que commencèrent les manœuvres, militaires comme diplomatiques, autour de la Ville de Constantin. En 1915, Anglais et Français montèrent l'opération des Dardanelles, en vue d'occuper Constantinople et de négocier sa remise à la Russie. Mais devant la résistance menée par Mustafa Kemal et le général allemand Liman von Sanders, l'offensive fut abandonnée après plusieurs mois meurtriers, et ce malgré l'épuisement imminent de l'armement turc : le retrait de l'amiral anglais De Robeck, commandant en chef de l'opération, stupéfia les Turcs qui ne pensaient pas pouvoir tenir plus longtemps ; il n'est pas impossible que la victoire ait été délibérément évitée. Mais ce n'est pas la dernière occasion manquée dans cette affaire. A partir de la fin de 1916, des négociations secrètes furent ouvertes entre Vienne et Paris, par l'intermédiaire des princes de Bourbon-Parme, frères de l'impératrice Zita et officiers dans l'armée belge. En février 1917, Charles Ier d'Autriche fit savoir qu'il était prêt à accepter, non seulement la restitution à la France de l'Alsace-Moselle (et même des places enlevées au second traité de Paris en 1815), au sujet de laquelle il fallait encore convaincre Guillaume II, ignorant tout de ces tractations, mais aussi la souveraineté russe sur Constantinople : sans le soutien autrichien dans les Balkans, il était impossible aux Turcs de résister à une offensive de la Russie et de ses alliés. Le 24 mars, Charles Ier mit ses propositions par écrit, celles-ci restant toutefois encore secrètes. Mais le 31 mars 1917, Clemenceau convainquit le nouveau ministre des Affaires étrangères Ribot de rompre les pourparlers engagés par son prédécesseur Briand. Entre-temps, la révolution avait éclaté en Russie, et celle-ci allait bientôt se retirer du conflit ; pendant que Lénine et Trotsky s'activaient en secret, Ribot trahissait les engagements de la France en révélant, aux Italiens d'abord, puis à tous, les propositions autrichiennes. Les révolutionnaires de Petrograd et les radicaux de Paris mettaient fin à un vieux rêve en passe de s'accomplir.


Seuls de rares rêveurs espèrent encore que la Seconde Rome et Sainte-Sophie seront un jour libérées. Encore cet espoir n'est-il souvent guère plus qu'une illusion romantique. Toutefois, il n'est pas exclu qu'un jour, peut-être plus proche qu'on ne l'imagine, l'Europe enfin unie ou tout du moins solidaire puisse récupérer l'antique cité fondée au VIIe siècle a.C. par les Grecs de Mégare, élevée au rang de capitale impériale par Constantin le Grand et phare de l'Europe orientale pendant un millénaire. Car si Nietzsche nous apprend que la volonté de puissance est un moteur de l'histoire, n'oublions pas pour autant combien peut être grande la puissance de la volonté.

Fabien de Stenay

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Message Publié : 29 Juil 2003 1:24 
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Merci pour ce brillant exposé !! :wink:
Il est vrai, qu'intérieurement, je rêve encore à cela : que la seconde Rome revienne à la troisième Rome...
Si cette maudite révolution d'octobre n'avait pas eu lieu !

duc de Raguse.

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Message Publié : 29 Juil 2003 9:35 
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Merci pour cet excellent article que je verrai dans NRH.

IL y a 3 ou 4 Romes?.


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Message Publié : 29 Juil 2003 11:13 
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Il y a trois Rome :
Rome
Constantinople
Moscou


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Message Publié : 29 Juil 2003 12:55 
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Fabien de Stenay a écrit :
Il y a trois Rome :
Rome
Constantinople
Moscou


Genèvre n'est elle pas aussi concidérée comme la Rome protestante?

Il est fort dommage que la seconde Rome ne soit plus en Europe!

et pourquoi Moscou?


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Message Publié : 30 Juil 2003 14:47 
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durallo a écrit :
Genèvre n'est elle pas aussi concidérée comme la Rome protestante?
Il est fort dommage que la seconde Rome ne soit plus en Europe!
et pourquoi Moscou?

Une rome protestante ? ça va pas la tête ??? :wink:
Le patriarche de moscou décida après 1453 de prendre la relève de Byzance. Peu après, Ivan III prit le titre d'Empereur (Tsar)

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Message Publié : 30 Juil 2003 17:15 
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Fabien de Stenay a écrit :
durallo a écrit :
Genèvre n'est elle pas aussi concidérée comme la Rome protestante?
Il est fort dommage que la seconde Rome ne soit plus en Europe!
et pourquoi Moscou?

Une rome protestante ? ça va pas la tête ??? :wink:


Genèvre est au protestantisme ce que Rome est au catholicisme! :wink:


Le patriarche de moscou décida après 1453 de prendre la relève de Byzance. Peu après, Ivan III prit le titre d'Empereur (Tsar) [/quote]

Merci pour cette précision!


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Message Publié : 31 Juil 2003 9:30 
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Fabien de Stenay a écrit :
Peu après, Ivan III prit le titre d'Empereur (Tsar)


"Tsar" ou "czar" (encore orthographié comme ça dans "Michel Strogoff" :wink: étant, comme on sait, la forme slave de Caesar/César ; c'est d'ailleurs aussi l'allemand Kaiser.

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Les Anciens, on leur fait hommage d'idées qu'ils n'ont jamais eues mais que l'on n'aurait pas eues sans eux (Jean Guitton)


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Message Publié : 31 Juil 2003 9:58 
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sardanapallos a écrit :
Fabien de Stenay a écrit :
Peu après, Ivan III prit le titre d'Empereur (Tsar)


"Tsar" ou "czar" (encore orthographié comme ça dans "Michel Strogoff" :wink: étant, comme on sait, la forme slave de Caesar/César ; c'est d'ailleurs aussi l'allemand Kaiser.



Tzar (ce que je prefere) Tsar, Czar, Csar!
Keiser et Cid viennent de César.


Dernière édition par Durallo le 31 Juil 2003 14:01, édité 1 fois.

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Message Publié : 31 Juil 2003 13:13 
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durallo a écrit :
sardanapallos a écrit :
Fabien de Stenay a écrit :
Peu après, Ivan III prit le titre d'Empereur (Tsar)


"Tsar" ou "czar" (encore orthographié comme ça dans "Michel Strogoff" :wink: étant, comme on sait, la forme slave de Caesar/César ; c'est d'ailleurs aussi l'allemand Kaiser.



Tzar (ce que je prefere) Tsar, Czar, Csar!
Keiser et Cid vienne de César.
Il me semble que Cid vient de l'arabe Sidi (seigneur).
A noter, outre l'origine césarienne du mot d'empereur (Kaiser, Tazr), qu'en slave le mot "roi" (Krol en polonais, Kral en russe) vient de Karl, c'est-à-dire de Charlemagne (avec qui les Slaves n'étaient certes pas directement en contact). Mais je crois que nous nous éloignons de mon article !!

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Message Publié : 31 Juil 2003 14:00 
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Fabien de Stenay a écrit :
durallo a écrit :
sardanapallos a écrit :
Fabien de Stenay a écrit :
Peu après, Ivan III prit le titre d'Empereur (Tsar)


"Tsar" ou "czar" (encore orthographié comme ça dans "Michel Strogoff" :wink: étant, comme on sait, la forme slave de Caesar/César ; c'est d'ailleurs aussi l'allemand Kaiser.



Tzar (ce que je prefere) Tsar, Czar, Csar!
Keiser et Cid vienne de César.
Il me semble que Cid vient de l'arabe Sidi (seigneur).
A noter, outre l'origine césarienne du mot d'empereur (Kaiser, Tazr), qu'en slave le mot "roi" (Krol en polonais, Kral en russe) vient de Karl, c'est-à-dire de Charlemagne (avec qui les Slaves n'étaient certes pas directement en contact). Mais je crois que nous nous éloignons de mon article !!



Pour le cid, je l'avais lu sur mon livre d''espagnol de 3me, mais je fus étonné!
merci pour Krol et Kral!
oui au bout d'un moment, le sujet dévié! il doit avoir une théerie


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Message Publié : 05 Oct 2003 13:12 
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Bugeaud, 17 sept 2003 a écrit :
Merci pour ce texte qui est trés intéressant.J'aimerais savoir si ces événements ont eu des retombées dans l'opinion publique française de l'époque et plus particulièrement chez les monarchistes de l'Action Française?

Fabien de Stenay a écrit :
Malheureusement, n'étant pas spécialiste de l'Action Française, je ne puis vous apporter de réponse.
Toutefois, il serait en effet intéressant de savoir ce qui a pu être écrit par Maurras, Bainville, Daudet ou d'autres, au sujet de la rupture par Ribot des négociations avec Vienne notamment, ou au sujet de l'expédition des Dardanelles.
Ils ne pouvaient pas être indifférents à une trahison vis-à-vis de la très catholique Autriche, et la solidarité européenne et chrétienne qui est en jeu dans toute cette affaire est tout de même une préoccupation essentielle de cette famille de pensée. De plus, une occasion de critiquer la République des radicaux, ça s'exploite !

Y a-t-il un spécialiste de l'Action Française qui pourrait répondre ? (mais où est passé Lamy ?) Ou simplement quelqu'un qui aurait accès à une collection de l'AF et aurait un peu de temps pour jeter un oeil aux numéros suivants les évènements-clés de l'affaire Tsarigrad ?

Le duc de Raguse a écrit :
Je viens de "dépouiller" l'Action Française pendant un bon bout de temps et je peux vous dire que la très "catholique autriche" est autant conspuée par Pujo, Bainville ou Vaugeois que l'Allemagne.
Pour ces éditorialistes, l'empire austro-hongrois est nuisible à l'Europe, car il est infesté par la "vermine juive" et par la "main d'Israel". ( il est à rappeller que c'est Rotschild qui est ainsi visé, principal bailleur de fond de la double monarchie )
C'est pourquoi, l'affaire des détroits ne dérange pas nos monarchistes, qui d'ailleurs s'expriment très peu lorsque la Vistule est franchie ou le Danube... :cry:
Par ailleurs, sur les questions de politique extérieure, ils pratiquent une désinformation totale. Quant ils font référence à la Révolution russe de 1905, ils écrivent que celle-ci a été financée et voulue par les juifs et les Japonais. Le peuple russe lui ne semble pas exister...

Fabien de Stenay a écrit :
Merci au duc de Raguse !
J'avoue ma déception face à l'absence de réaction des monarchistes français, et face à leur attitude vis-à-vis de l'Autriche.
J'en attendais notamment un peu plus de Bainville. Je pense que les termes de "vermine juive" etc ne doivent pas se trouver sous toutes les plumes, car le virus de l'antisémitisme ne toucha pas tous les collaborateurs de l'AF (Bainville, encore lui, me semble par exemple y avoir échappé).
Enfin, dans tous les cas, merci d'avoir apporté une réponse à cette question de Bugeaud qui a soulevé mes propres interrogations.

Le duc de Raguse a écrit :
Malheureusement non mon cher... :cry:
J'ai même été choqué par tous les si bons auteurs de l'AF qui se vautrent dans un antisémitisme primaire, inutile et si "prévisible" - au passage, peu argumenté.
Mais il est vrai qu' à l'époque l'antisémitisme était comme une sous-culture qui touchait une plus forte partie de la population que maintenant.

Fabien de Stenay a écrit :
N'étant pas connaisseur direct de l'AF, je m'appuyais sur Jean Sévillia qui, dans Historiquement correct (p. 318) affirme (au sujet il est vrai de l'Entre-Deux-Guerres)
Citer :
... il existe des Juifs maurassiens et aussi des maurassiens non antisémites. Dans les colonnes de L'Action française, Léon Daudet a abandonné tout antisémitisme, et Jacques Bainville n'y a jamais cédé.


Le duc de Raguse a écrit :
Pourriez-vous, si cela ne vous dérange pas, me fournir les dates concernées par cet "abandon" de l'antisémitisme de Léon Daudet ?
J'ai bien peur que cet auteur ne nous fasse du révisionnisme historique et de la désinformation...:evil:

Le duc de Raguse a écrit :
Maintenant que le "Sévillia" a fait tant de bruit, quelqu'un, ayant le livre, pourrait-il regarder cette fameuse absence d'antisémitisme des membres de l' Action française, voire même son abandon par Léon Daudet ? :roll:
Merci d'avance...


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Message Publié : 06 Oct 2003 16:16 
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Pour revenir sur l'antisémitisme ou non de Bainville, voici ce qu'en dit l'historien Edouard Husson dans la préface qu'il a donnée à la réédition conjointe des Conséquences économiques de la paix de JM Keynes (1919) et des Conséquences politiques de la paix de Bainville (1920) (Gallimard, "Tél", 2002) :

Citer :
Bainville, malgré ses liens avec l'Action française, fut dans les trois ou quatre décenies où se déploya sa carrière d'historien, profondèment atypique. La récente biographie de Dominique Decherf [Bainville, l'intelligence de l'histoire. Paris, Bartillat, 2000] fait découvrir un personnage souvent inattendu. Alors que l'Action française est née, en grande partie de l'antydreyfusisme, Bainville a lui toujours été convaincu de l'innocence de Dreyfus. [Decherf, op. cit., p. 46-49 et 64-65] On ne trouve dans toute son oeuvre aucune des haines cultivées par Maurras. Bainville ne fut jamais antisémite. Il n'était pas germanophobe [Dans son journal des années 1914-1915, il n'utilise jamais le terme "Boche"] : toute son oeuvre consacrée à l'Allemagne est écrite sans une ligne de passion, sur le ton neutre de celui pour qui l'équilibre européen est la seule réalité qui compte en diplomatie. On y chercherait en vain une ligne de nationalisme [...]. Bainville n'est pas, comme Maurras, un contre-révolutionnaire ; il est l'un des rares historiens français "conservateurs".
(préface, pp. XLVI-XLVII)

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Message Publié : 06 Oct 2003 16:52 
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Tiens donc... :roll:
Peut-être que ceci lui a échappé :

L'Action française ( cahiers ) du 15 novembre 1905 :

" L'émeute russe du 22 janvier n'a été orchestrée que par les Japonais et les juifs, il n'y a aucune volonté populaire [...] le gouvernement impérial doit tout faire pour stopper ces exactions résultant de la main d'Israel. "

On a vraiment l'impression que Bainville aime le peuple juif et qu'il n' a pour lui que des "douceurs"...Qu'est-ce donc alors que l'antisémitisme, si ce n'est pas cela ? :?:

duc de Raguse.

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Message Publié : 19 Nov 2004 20:47 
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Echange à ce sujet sur le forum de l'In-nocence en octobre 2003 :

Renaud Camus a écrit :
Hum, très intéressant... Il est dommage que l'article ne se poursuive pas avec l'évocation de la malheureuse affaire gréco-turque de 1920-1922 - car si Constantinople, très hypothétiquement, devait un jour revenir à l'Europe, ne serait-il pas préférable que le bénéficiaire direct de pareille évolution soit la Grèce plutôt que la Russie ?


Fabien de Stenay a écrit :
Oui, en effet, la Grèce a sur Constantinople plus de droits que la Russie, mais à l'époque traitée par l'article, celle-ci était clairement la figure de proue du monde ortodoxe.
Les projets de reconquête n'impliquaient d'ailleurs pas une politique de russification : à l'époque (ce ne serait plus vraiment le cas après le kémalisme), Constantinople était encore très cosmopolite, avec une forte composante orthodoxe (Grecs et Arméniens), et la Russie se fût sans doute contentée de chapeauter le tout par sa souveraineté, non certes sans "déturquiser" et désislamiser en partie la ville (ainsi, Sainte-Sophie serait redevenue une église mais d'autres édifices seraient demeurées des mosquées). Ceci dit, on peut s'interroger sur l'évolution qui aurait été celle de l'ecclésiologie orthodoxe : après tout, Moscou n'avait-elle pas fondée sa légitimité patriarcale sur la chute de Constantinople : qu'en serait-il après la reconquête de celle-ci ?

Il est vrai que l'affaire occupe encore quelques années de l'après-guerre (et les anglais occuperont même une partie de la ville), mais j'avais choisi pour cet article de me concentrer sur le rôle de la Russie, interrompue par les révolutions de 1917.


Renaud Camus a écrit :
Monsieur,

oui, oui, vous avez tout à fait raison, et j'avais bien compris ce que vous rappelez à présent. Comme je trouvais votre texte passionnant, je souhaitais simplement que, de lui, il y eût davantage - mais c'eût été, bien sûr, un autre article.


jmarc a écrit :
Quelques remarques complémentaires sur la question de Constantinople / Tsarigrad.


1) Jusqu'en 1923, Contantinople était une ville à majorité chrétienne (il est vrai qu'il faut pour cela additionner les différentes dénominations) ;

2) Un des problèmes de l'orthodoxie est la division des partriarcats. Comme rappelé fort justement, Moscou (véritable pôle de la Russie orthodoxe, même du temps des Tsars) avait basé une part de sa légitimité sur le mythe de la reconquête de Tsarigrad. Or, le patriarcat du Phanar était Grec orthodoxe ;

3) La notion de "turc" était vécue comme péjorative jusqu'au moment de l'appropriation du terme par les "jeunes turcs" ; la notion d'Empire ottoman correspondait à une réalité multiethnique et multicultuelle ;

4) A propos de la vile même de Constantinople (circa 1914), on doit distinguer :

- Stamboul, essentiellement de peuplement musulman, pas forcément Turc ;

- toujours sur la même rive, le Phanar, Grec Orthodoxe ;

- de l'autre côté de la corne d'or, Péra et Galata, à population grecque, aménienne et européenne, en un mot cosmopolite ;

5) sur l'image littéraire de l'époque (voir notamment Pierre Loti et Paul Morand) on oppose la "bonté" des populations turques (au sens camusien du "bon gars") au caractère "dépravé" des populations chrétiennes ;

6) sur la chute de Constantinople, le véritable traumatisme n'est pas la conquête par les Ottomans, qui s'emparent d'une ville morte, mais celle par les croisés (voir Villehardouin et Robert de Clary) ;

7) du point de vue ethnique, la population d'Istanbul est remarquable : le nombre d'européens musulmans, originaires des Balkans ou de Thrace est très important. Ils sont de langue turque, mais à l'évidence européens (de ce point de vue, Istanbul, ou du moins certains quartiers, est aussi européenne que Sarajevo, anciennement Bosna Sarai) ;

8) du point de vue géographique, Istanbul et la Thrace sont indiscutablement en Europe. De là à dire que la Turquie doive être intégrée dans l'Union, c'est une autre histoire ;

9) curieusement, la Grèce, au sens que les Grecs donnent à ce mot, était autant en Asie qu'en Europe : Smyrne fut une ville grecque jusqu'en 1923 (voir le quartier de Nea Smirni à Athènes). Salonique, en revanche, ne fut à majorité grecque qu'après la Grande Guerre.


Merci à Fabien pour son article remarquable.


Un lecteur de Renaud Camus fasciné par Byzance, la Turquie et la question turque en général.


ça fait toujours plaisir de réussir à passionner un auteur qu'on apprécie !

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Ad augusta per angusta
"Nul n'est plus esclave que celui qui se croit libre sans l'être..." Goethe


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