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Message Publié : 15 Avr 2007 14:05 
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Sujet de discussion incomplet, s'arrêtant le 27 février...

Citer :
Foulques

J'ai lu sur un autre forum une intervention qui m'a étonné :

"Avant 1914, un Français sur trois vivait de ses rentes. La guerre de 14-18 a vu la création de l'inflation qui n'a plus cessé depuis.

Non seulement elle avait été inexistante au XIXème siècle, mais les taux d'intérêt n'avaient cessé de baisser de 1830 à au moins 1895. La courbe de ces taux coupait l'axe des x en 1915, comme l'a fait remarquer Charles Gide vingt ans avant cette date. On pouvait donc savoir qu'il allait se passer quelque chose. "

Est-ce vrai ?

Merci d'avance.

Duc de Raguse

Je ne sais trop si votre allusion au taux d'intérêt est exacte. Par contre, l'inflation presque inexistante et le fait qu'un tiers des Français vivaient de ses rentes (souvent foncières) avant 1914 est exact.
Les boulversements économiques résultant de la guerre ont ruiné une partie des rentiers, qui n'ont souvent pas hésité à souscrire aux emprunts d'Etat.

Faget

Votre donnée sur le nombre de rentiers avant 1914 est intéressante. Je ne le croyais pas aussi élevé. Avez-vous une référence sous la main ?

Duc de Raguse

Je n'ai pas d'ouvrage spécialisé traitant de la question particulière des rentiers pendant la Belle Epoque.
Par contre, dans le la première partie du XXème siècle de Bernstein et Milza, il est fait allusion à ce chiffre, sans trop de détails supplémentaires.

Keikoz

Cette proportion ne serait-elle pas également liée au fait la rente remplissait en partie le rôle de la retraite actuelle ? En gros, on se constitue une rente sa vie durant dont on profite à la fin de la vie active...

Ce n'est qu'une idée

keikoz

Faget

Citer :
Cette proportion ne serait-elle pas également liée au fait la rente remplissait en partie le rôle de la retraite actuelle ? En gros, on se constitue une rente sa vie durant dont on profite à la fin de la vie active...

Ce n'est qu'une idée


C'est une piste intéressante. On peut faire l'hypothèse que ce chiffre du tiers de la population regroupe "les rentiers de naissance"-et il y en avait- et les gens à la retraite, vivant des intérêts d'un capital économisé durant leur vie active.
Hypothèse à vérifier

Plantin-Moretus

Citer :
Cette proportion ne serait-elle pas également liée au fait la rente remplissait en partie le rôle de la retraite actuelle ? En gros, on se constitue une rente sa vie durant dont on profite à la fin de la vie active


Pas exactement, car le rentier du XIXème n'économise pas sur ses revenus pour s'assurer une rente pour le futur; enfin il le peut, mais la rente provenant d'investissements industriels ou fonciers, est sa source de revenus principale sa vie durant. Une sorte de "bourgeoisie passive" en fait. La grande stabilité monétaire du XIXème siècle lui permet de considérer qu'à long terme, son niveau de vie est assuré.

Foulques

Cette proportion de rentiers me paraît tout simplement ahurissante (et je n'aurai pas pu m'en douter puisque je n'ai pas rencontré un seul d'entre eux dans ma généalogie, même dans les témoins de mariages).

En gougueulisant, on tombe sur les propos de l'économiste Thomas Piketty, qui confirme en partie les propos cités:

"Le changement majeur du XXe siècle, c'est la disparition des rentiers. On est passé d'une société où les hauts revenus provenaient principalement du capital, au début du XXe siècle, à une société où, à l'heure actuelle, les hauts revenus proviennent plutôt du travail. Comment s'explique cette transition ? Elle n'est pas le fruit d'un processus naturel. Entre 1914 et 1945, il y a une remise à plat des patrimoines, car leurs détenteurs subissent de plein fouet les crises du premier XXe siècle. La grande crise de 1929 et les deux guerres vont réduire à néant certaines grandes fortunes. Les faillites, l'appareil productif détruit pendant les guerres et l'inflation laminent les revenus du capital. Par exemple, les prix n'avaient pratiquement pas bougé entre 1815 et 1914. Entre 1914 et 1950, ils sont multipliés par 100. Avec cette forte inflation, les détenteurs de capital ont pratiquement tout perdu, aussi sûrement que si leur usine avait été réellement bombardée. De fait..."
http://www.scienceshumaines.com/entreti ... _2996.html

Mais il ne s'intéresse qu'aux hauts revenus et dire qu'un tiers de la population vit de ses rentes implique une large assise pratiquement populaire. J'imagine qu'il faut se garder d'assimiler rentier à riche, mais il pouvaient au moins en vivre.
L'idée de keikoz est intéressante mais il me semble qu'à l'époque, le temps qui sépare la fin d'activité professionnelle d'avec la mort est très court… (toujours en songeant d'abord à ma généalogie, on a les repères qu'on peut).

Enfin, je me demande quelles pouvaient être les conséquences de cette forte proportion de rentiers pour la société. Dans quels sens a pu jouer ce facteur ? Une société de rentiers est-elle une société immobile ?
J'ai vu aussi qu'il était question de vieillissement de la population, y aurait-il une corrélation à faire ?

Duc de Raguse

J'allais vous citer l'ouvrage de Piketti...
Plantin rappelle avec justesse que ces rentiers se situaient dans la bourgeoisie de l'époque, vivant des rentes de son patrimoine, essentiellement foncier.

Citer :
Enfin, je me demande quelles pouvaient être les conséquences de cette forte proportion de rentiers pour la société.


Une sclérose de l'appareil productif et un manque de dynamisme de l'économie nationale en général.
En effet, les investissements productifs étaient très faibles. L'essentiel des capitaux se dirigeaient en dehors des frontières du territoire.

Foulques

Pardon de vous embêter, mais plusieurs choses m'échappent...

Citer :
J'allais vous citer l'ouvrage de Piketti...
Plantin rappelle avec justesse que ces rentiers se situaient dans la bourgeoisie de l'époque, vivant des rentes de son patrimoine, essentiellement foncier.


1/3 de la population qui vit de ses rentes et fait partie de ce fait de la bourgeoisie, cela implique que la bourgeoisie représente une masse très importante de la population puisqu'il faut y ajouter encore les bourgeois qui vivent des revenus de leur travail. On arriverait ainsi à combien ? 50 % des Français à ranger dans la catégorie "bourgeois" ? Ceci me laisse franchement sceptique au regard de la masse ouvrière, du petit peuple rural.
La seule explication logique serait que justement ces rentiers n'étaient pas forcément à l'aise, bourgeois, mais vivotaient tout juste de leurs rentes.

Citer :
Une sclérose de l'appareil productif et un manque de dynamisme de l'économie nationale en général.
En effet, les investissement productifs étaient très faibles. L'essentiel des capitaux se dirigeaient en dehors des frontières du territoire.

Un manque de dynamisme par rapport à quelle époque ? Le XVIIIe ?
Pourtant, le XIXe s. ne donne pas cette impression générale avec l'industrialisation, le chemin de fer, les inventions, les guerres de conquête, l'effervescence intellectuelle et artistique...

J'avais parlé à dessein de "société immobile" parce que c'est ce qui vient immédiatement à l'esprit quand on évoque des rentiers : des petits vieux rabougris qui vivent repliés sur eux-mêmes. Or ce n'est pas comme ça que je perçois le XIXe s, qui me paraît au contraire très dynamique et entreprenant à tous points de vue. Me trompes-je ?

Plantin-Moretus

Citer :
La seule explication logique serait que justement ces rentiers n'étaient pas forcément à l'aise, bourgeois, mais vivotaient tout juste de leurs rentes.


Bien sûr; il est évident que la plupart de ces rentiers vivaient chichement, et que beaucoup étaient simplement à l’aise, sans excès. Prenez le cas de Gustave Flaubert, le patrimoine hérité de ses parents lui a permis de vivre sans souci financier et de se consacrer à la littérature, mais il n’était pas richissime.
Citation:
des petits vieux rabougris qui vivent repliés sur eux-mêmes. Or ce n'est pas comme ça que je perçois le XIXe s, qui me paraît au contraire très dynamique et entreprenant à tous points de vue

Chemins de fer, mines, sidérurgie, textile, effectivement, le XIXème siècle vu du XXIème est celui du capitalisme conquérant ; mais le groupe très visible des grands capitaines d’industrie ou banquiers est l’arbre qui cache la forêt des petits investisseurs besogneux qui peuplent les pages de Balzac ou de Zola, pour continuer dans les exemples littéraires.

Duc de Raguse

Citer :
1/3 de la population qui vit de ses rentes et fait partie de ce fait de la bourgeoisie, cela implique que la bourgeoisie représente une masse très importante de la population puisqu'il faut y ajouter encore les bourgeois qui vivent des revenus de leur travail. On arriverait ainsi à combien ? 50 % des Français à ranger dans la catégorie "bourgeois" ? Ceci me laisse franchement sceptique au regard de la masse ouvrière, du petit peuple rural.

Plantin vous a déjà donné un élément de réponse.
J'ajoute que le fait d'affirmer qu'en 1914 encore plus de 50% de la population française est rurale ne signifie pas qu'elle soit paysanne (au sens de cultivateur), ni pauvre...
Des propriétaires terriens habitant à la campagne, souvent, réussissent à vivre grâce à la rente foncière. Les bouleversements économiques et financiers issus de la Première Guerre mondiale, ainsi que les effets de l'impôt sur le revenu - voté après bien des hésitations en 1914 - mettront fin à cette possibilité de vivre, non dans le luxe, mais assez, pour subvenir à ses besoins sans excercer une activité salariée.
La bourgeoisie française est estimée à environ 8 millions d'individus à l'époque. Mais à nouveau, sur quels critères fonde-t-on ce constat ? La définition marxiste (détenteur des moyens de production) ? Un revenu minimum ou médian ? Une manière de vivre ? J'avoue ne pas savoir...

Citer :
Un manque de dynamisme par rapport à quelle époque ? Le XVIIIe


Non, essentiellement, par rapport aux autres pays européens industrialisés et aux Etats-Unis.

Citer :
Pourtant, le XIXe s. ne donne pas cette impression générale avec l'industrialisation, le chemin de fer, les inventions, les guerres de conquête, l'effervescence intellectuelle et artistique...

Il ne s'agit pourtant que d'une minorité de la société française qui est acteur de ce phénomène, de nombreux secteurs restant encore dans l'archaïsme...

Citer :
des petits vieux rabougris qui vivent repliés sur eux-mêmes. Or ce n'est pas comme ça que je perçois le XIXe s, qui me paraît au contraire très dynamique et entreprenant à tous points de vue. Me trompes-je ?

Il faut éviter de tomber dans les clichés généralisants et réducteurs.
Etre rentier ne signifie pas être un vieux propriétaire terrien hostile au progrès économique, politique et social, attendant le retour du roi, du système féodal et de ses laquets... (même s'il y en a eu !)
Il peut posséder des biens immobiliers en ville et participer au capital de grandes sociétés industrielles et ferrovières et ainsi aider à la conduite du dynamisme économique du moment.

Plantin-Moretus
Citer :
Des propriétaires terriens habitant à la campagne, souvent, réussissent à vivre grâce à la rente foncière.

Cela demanderait confirmation, mais je pense que ce nombre important de rentiers de la terre, aisés mais sans plus, au XIXème siècle en France est étroitement lié à la vente et à l'émiettement des biens nationaux lors de la Révolution; l'acquisition de ces biens a fait passer nombre de laboureurs aisés, mais qui vivaient essentiellement de leur travail, dans la catégorie des propriétaires qui pouvaient se permettre de faire travailler les autres, et qui ont pu pour les plus chanceux (mariages, héritages) ou les plus prospères, diversifié leur capital dans le commerce urbain, puis dans l'industrie quand la révolution industrielle s'est affirmée

Edit: j'ai pris sur moi de renommer ce sujet, car cette intéressante discussion tourne depuis le début bien plus autour de la rente et des rentiers que de l'inflation ou des taux d'intérêt.

Duc de Raguse

Citer :
j'ai pris sur moi de renommer ce sujet

Vous avez bien fait, même si je regrette que personne n'ai trouvé de réponses au sujet du taux d'intéret et de l'inflation pendant cette période...

Citer :
Cela demanderait confirmation, mais je pense que ce nombre important de rentiers de la terre, aisés mais sans plus, au XIXème siècle en France est étroitement lié à la vente et à l'émiettement des biens nationaux lors de la Révolution


Effectivement, ce qui a permis, bien souvent, à leurs bénéficiaires de gravir encore les échellons sociaux et d'appartenir au groupe des "notables". Le pouvoir politique se mêlant à la prospérité économique, nouvelle.
Cela concerne aussi l'ancienne noblesse, dépouillée de ses privilèges, mais toujours propriétaire.
A ce sujet, je me souviens d'un bien beau film, un peu passé inaperçu à l'époque, faisant état de cette ancienne noblesse, incapable de faire face à la baisse de la rente foncière et obligée de vendre... Ce film s'intitulait Le Bel été 1914.

Plantin-Moretus

Citer :
je regrette que personne n'ai trouvé de réponses au sujet du taux d'intéret et de l'inflation pendant cette période...

Oui, c’est vrai, il faut quand même essayer de répondre à cette question ; d’autant plus que des éléments se trouvent dans cet intéressant DEA Analyse et Politiques Économiques de l’EHESS :
L’évolution des salaires et de la rente foncière en France (1450-1940) , Dorothée Rouzet, 2004-2005.
Très ardu (il faut des connaissances en matière de statistiques que je ne possède pas) et d’une perspective plus économique qu’historique, mais où on trouve cependant ces deux intéressants tableaux : le premier concerne l’évolution des prix, le second celles de la rente foncière et des salaires sur une longue durée (1450-1910), qui permettent donc, cerise sur le gâteau , d’évaluer le niveau de vie d’un rentier par rapport à celui d’un salarié.


Où on peut noter la très lente progression des prix agricoles de 1750 jusqu’à la 1ère Guerre Mondiale, la forte décrue des prix industriels au XIXème siècle après une importante progression dans la deuxième moitié du XVIIIème, et surtout l’envol de l’inflation avec la guerre. Donc confirmation de la très grande stabilité des prix au XIXème siècle si l’on confond les deux indices.

Citer :
Commentaire de l’auteur :
Pour ce qui est de la rente foncière, sa progression apparaît plus rapide que celle du salaire tout au long des 15e au 18e siècles. Elle est également plus volatile, et ce en particulier parce qu’elle bénéficie des périodes de prix hauts : les pics de l’indice de la rente correspondent aux
périodes de crises agricoles, où les mauvaises récoltes font monter les prix. La hausse tendancielle de la rente nominale amorce une forte accélération dès avant la Révolution, et ses
effets perdurent jusqu’à la Restauration. Une explication en est la récupération par les propriétaires fonciers de la diminution des impôts féodaux (dîme, champart) qui pesaient sur le monde agricole. « Retour à la normale » ou perte de vitesse de la propriété foncière, le revenu de la terre s’effondre ensuite de moitié entre la fin de l’Empire et les années 1830, amplifiant la baisse prononcée des prix agricoles qui se produit à cette période. Enfin, après une nouvelle hausse dans la phase de croissance 1830-1870, les rentiers perdent de nouveau
en termes nominaux et réels lors de la crise de la fin du siècle. Il semble donc que l’évolution de la rente reflète assez bien, mais de manière disproportionnée, l’évolution des prix agricoles, et que cette sensibilité se soit plutôt accrue au 19e siècle.


J’avoue que je suis assez surpris de ces fortes variations de la rente au XIXème siècle, je l’imaginais beaucoup plus régulière sur une tendance lourde à la hausse, mais son âge d’or est quand même le XIXème siècle central (monarchie de Juillet et Second Empire), où elle est en progression constante. Mieux valait en tout cas être rentier que salarié en terme de variation du pouvoir d’achat, si on met en relation ces deux tableaux.

Finrolf Sarmate

(juste un petit mot au passage pour dire que cette discussion est très interessante et remercier ainsi que féliciter les participants pour leurs contributions de qualité )

Foulques

Oui ! Merci beaucoup Plantin et Raguse pour vos explications éclairées et surtout pour employer un langage compréhensible du commun des mortels.
Il faut que je digère tout ça...
Surtout que je me promets bien de lire le DEA de Rouzet, mais il me faudra aussi un peu de temps car ça paraît bien ardu effectivement.
Ce qui me désole c'est que cette approche économique est sans aucun doute lourde de significations et de conséquences pour l'histoire mais mon faible niveau en ce domaine fait que je sais bien ne pas pouvoir les décrypter tous d'emblée.

En laissant donc cette histoire de rentes et rentiers pour l'instant, j'en reviens aux autres questions initiales sur les taux d'intérêts et l'inflation.
En cherchant "Charles Gide" je tombe sur l'article de Wiki :

"Dans la version de 1895 de son Traité d'économie politique, Charles Gide constate - graphique à l'appui - que les taux d'intérêt n'ont cessé de baisser de 1830 à 1895, ce qu'avait fait aussi remarquer Marx sous le nom de baisse tendancielle du taux de profit. Il remarque toutefois que cette baisse est quasi-linéaire à quelques aléas près (voir régression linéaire) et que si tout se poursuit de cette façon, ces taux deviendront... nuls en 1915 - ce qui n'est en bonne logique pas possible : qui prêterait lorsque le taux d'intérêt est nul ?

Il prédit dans ce livre qu'il se produira donc nécessairement d'ici 1915 quelque chose d'important qui va modifier cette donne. La guerre de 1914 et l'apparition de l'inflation qui va sévir tout au long du XXème siècle lui donneront spectaculairement raison sur cette date."
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Gide

Ainsi le troisième volet de ma question est satisfait et effectivement, l'intervenant que j'ai cité avait parfaitement raison. Les faits étant établis reste l'explication... Pourrait-on nous expliquer en termes accessibles (aux Béotiens ou encore aux nuls, comme on dit maintenant) :

- pourquoi l'inflation à partir de la guerre de 14 ?
(N'y avait-il pas une question d'étalon-or, soit une problématique monétaire terriblement compliquée à comprendre ? )

- et surtout : est-ce qu'on peut voir dans ce réveil de l'inflation une manoeuvre économique voulue, destinée entre autres au relèvement des taux d'intérêts ?

Duc de Raguse

Citer :
Oui, c’est vrai, il faut quand même essayer de répondre à cette question ; d’autant plus que des éléments se trouvent dans cet intéressant DEA Analyse et Politiques Économiques de l’EHESS


Merci Plantin, vos tableaux sont vraiment bien venus !

Citer :
J’avoue que je suis assez surpris de ces fortes variations de la rente au XIXème siècle, je l’imaginais beaucoup plus régulière sur une tendance lourde à la hausse


Moi aussi et je pensais que la baisse après 1875 était plus spectaculaire que cela. Sur le XIXème siècle, il faudrait parler plutôt de rognement progressif, malgré la belle embellie sous le Second Empire.

Citer :
Les faits étant établis reste l'explication... Pourrait-on nous expliquer en termes accessibles

Malheureusement, je ne suis pas spécialiste en histoire économique...

Citer :
pourquoi l'inflation à partir de la guerre de 14

Une partie de la réponse s'observe dans la dépréciation constante des monnaies des pays en guerre. La planche à billets fonctionnant sans cesse pour soutenir l'économie de guerre, sans contre-partie en or ou en devise étrangère.
Mais aussi, car certains secteurs de la production industrielle tournent au ralenti, ce qui, par le jeu de l'offre et de la demande, fait augmenter les prix.
J'arrête ici, car je ne suis pas certain des autres raisons...

Supertomate

Citer :
et surtout : est-ce qu'on peut voir dans ce réveil de l'inflation une manoeuvre économique voulue, destinée entre autres au relèvement des taux d'intérêts ?



Si on raisonne simplement, je dirai que non. Si les prix augmentent et que les taux d'intérêt suivent, cela n'augmentera pas le taux d'intérêt réel (approximativement égale au taux brut moins l'inflation).

Du reste, si j'ai bien compris, cette inflation a plus ruiné qu'enrichie les rentiers. Et là, je ne comprend pas mais cela vient probablement de ma méconnaissance totale du fonctionnement de la rente à cette époque.
Car, si je raisonne aussi simplement:
j'ai une rente qui me permet de (sur)vivre. Les prix augmentent mais la rente n'est pas fixe je suppose (pas à moyen ou long terme). Si elle n'est pas fixe, il n'y a pas de raisons qu'elle ne suive pas les prix; et si elle a des raisons de ne pas le faire, ces raisons là ne doivent pas être l'inflation mais d'autres raisons concomitantes.

Donc, en l'état actuel de mes (mé)connaissances:
-non l'inflation n'a pas du être provoquée pour augmenter les taux d'intérêt
-quelqu'un peut-il expliquer en quoi l'inflation a ruiné les rentiers?


Citer :
un Français sur trois vivait de ses rentes


je serai extrêmement intéressé si quelqu'un pouvait conffirmer ses chiffres qui me paraissent surprenants (mais ça me ferait bien plaisir qu'ils soient vrais)


Citer :
ce qui n'est en bonne logique pas possible : qui prêterait lorsque le taux d'intérêt est nul ?


Cela me parait possible à 2 conditions (j'élimine les philantropes):
1- si l'on est sous inflation
2- si l'on parle du taux d'intérêt réel

En effet, imaginons une société avec 10% d'inflation par an.
Vous avez de l'argent dont vous n'avez pas l'utilité immédiate
J'ai besoin d'argent
Si vous ne me prêtez pas, votre argent va se dépprécier, il va perdre environ 9% de sa valeur dans un an.
Moi, sympa, je vous propose de vous empruntez de l'argent au taux de 10%. Vous m'aurez alors prété à taux d'intérêt réel nul et cela vous permettra de ne pas voir votre capital s'effilocher. Vous pourriez même être "gagnant" en me prêtant à taux d'intérêt réel négatif. (si cela vous intéresse veuillez me contactez par mp)
Voilà, c'est théorique mais sa marche...
Par contre, s'il ny a pas d'inflation, cela ne marche plus puisque votre argent ne se déprécie pas en dormant.


Citer :
ce qu'avait fait aussi remarquer Marx sous le nom de baisse tendancielle du taux de profit


Il me parait bien possible que la ruine des rentiers viennent de là (aidée, déclenchée, accélérée par d'autres évènements?)

La baisse tendancielle du taux de profit de Marx:
Pour produire il vous faut du travail (v) et du capital (c) (machines,...). Ce que Marx appelait capital variable (travail) et capital constant (capital).
c + v = composition organique du capital
Un capitaliste (= entrepreneur) cherche à griller ses concurents et pour cela il fait de la recherche et développement et augmente l'intensité capitalistique de la composition organique du capital.
C'est à dire tout simplement que plus le temps passe, plus il faut de machines et moins il faut de main d'oeuvre pour la même production.
c + v = c' + v' = P avec c'>c et v'<v
Par ailleurs, pour Marx (et d'autres), la plus value est fonction du travail
Donc, si pour produire la même chose, vous avez de moins en moins de travail, vous aurez une plus value en baisse. Plus value en baisse pour une quantité de capital en hausse! Donc un taux de profit qui diminue.

Pour finir avec la baisse tendancielle du taux de profit (mais en sortant du sujet), Marx considère que cette baisse ne peut se résoudre qu'en multipliant la production, en continuant une course technologique ou en augmentant le taux de plus value. Mais cela va créer du chômage massif donc des conflits sociaux donc le capitalisme risque d'exploser, ne connaissant que des pèriodes de crises entrecoupées de moments où l'ouverture de nouveaux marchés ou la course en avant technologique permet de souffler un peu.

Désolé pour la mise en page mais l'ordi y fait que m'embêter, parler oueb, c'est pas facile.

Jean-Marc Labat

Le taux de valeur du franc, publié par l'INSEE, nous donne la valeur de celui-ci depuis 1901.

http://www.insee.fr/fr/indicateur/achatfranc.htm

L'inflation reste faible jusqu'en 1914. Le problème de la noblesse terrienne est ailleurs, c'est que ses revenus sont calculés en fonction des prix agricoles, et il semble bien me souvenir que ceux-ci sont en baisse constrante en ce début de XXème siècle, ce qui entraîne mécaniquement une baisse de la rente basée sur le foncier agricole.

La rente, le 5% perpétuel, n'est pas touché. C'est seulement durant la grande guerre que le franc décrochera pour cause d'inflation. Mais en ce cas, le montant que vous touchez reste le même.

Pour faire simple, avant 1914, vous touchiez 1000 francs de rente et vous achetiez un cheval de course, après, vous touchez toujours 1000 francs, mais vous ne pouvez vous achetez qu'un lapin pour votre déjeuner.

Celui qui a du foncier s'en tire , car la valeur de son bien augmente du taux de l'inflation, mais celui qui n'a qu'un capital monétaire voit le sien s'éroder considérablement, sauf à placer son capital à un taux plus rémunérateur sans toucher aux intérêts pour maintenir la valeur de celui-ci. S'il touche aux intérêts, son capital diminue de la valeur de l'inflation, s'il remets les intérêts, il garde juste la valeur de son capital, mais il ne peut plus vivre de celui-ci.

D'où la mort du rentier s'il ne trouve pas une rémunération supérieure au taux d'inflation, à la condition que l'Etat ne le taxe pas trop au nom de profits soi-disants immoraux.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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