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Message Publié : 11 Sep 2007 21:01 
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Suite à la demande d'un des éminents membres du forum, M. Faget, qui souhaitait avoir des renseignements complémentaires concernant les ouvriers et les moyens mis-en-oeuvre pour l'Exposition Universelle de 1900, j'ouvre ici un sujet dédié, où vous pourrez trouver ci-après quelques éclaircissements. J'espère que vous y trouverez de l'intérêt.

Manquant hélàs de temps, je ne peux vous fournir en une seule fois toutes les informations que je souhaiterais. J'essaierais donc d'ajouter régulièrement des chapitres, en continuant bien sûr à les illustrer de photographies, dessins, ou gravures d'époque.



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Avant de réellement entrer dans le sujet, il sera bon de donner quelque chiffres et explications, sur la mise en oeuvre d'une telle Exposition :

Soixante-seize mille exposants, trente-six mille pour la France et quarante mille pour l'étranger, venant apporter le résultat de leurs efforts : 14 millions de travailleurs auront contrinué directement ou indirectement, pour la France seulement !

La génèse de l'exposition remonte au décret du 13 juillet 1892, signé par le Préseident Carnot, sur la proposition de Jules Roche. Le ministre du commerce d'alors prenait une mesure opportune, à temps pour assurer à la France une date que d'autres voulaient retenir. « L'Exposition de 1900 constituera la synthèse et déterminera la philosophie du XIXème siècle » disait-il dans son rapport. L'oeuvre à justifié ses prévisions et c'est à lui que revient l'honneur de l'initiative.

Le 9 septembre 1893, sur un nouveau rapport de M. Terrier, les services de l'Exposition furent organisés par un nouveau décret.

Le 18 octobre 1893, M. Alfred Picard qui se trouvait tout indiqué par son monumental rapport sur l'Exposition de 1889, était nommé commissaure général de celle de 1900.

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Le 4 août 1894, sous la Présidence de M. Casimir-Perrier, le ministre de l'instruction publique, M. Leygues, et le ministre du Commerce, M. Lourties, contresignaient le décret portant le règlement général et adoptant la classification de l'Exposition, présentés par M. Picard cinq jours auparavant.

Le premier « concours d'idées » eu lieu le 18 décembre 1894, et se poursuivit l'année suivante, ainsi que l' établissement du plan général des constructions et la préparation des devis.

Le budget des dépenses prévu pour l'Exposition de 1900 était de 100 millions de francs, 21 pour les palais des Champs-Elysées, 25 pour ceux de l'Esplanade des Invalides, ceux du Champ-de-Mars, du Trocadéro et des quais, 16 pour les aménagement de la Seine, les nivellements et la viabilité, 20 pour les décorations diverses, etc...

Pour parer à ces dépenses, 20 millions furent demandés à l'état, 20 également à la ville de Paris, et 60 millions à l'émission des 65 millions de tickets. La différence de 5 millions étant abandonnée aux cinq grands établissement de crédit qui en avaient garanti l'émission (conventions financières en date du 13 juin 1896).


Les premiers coups de pioche...

...ont été donnés en septembre 1896, non pas pour commencer à construire un quelconque palais ou pavillon, mais en guise de travaux préliminaires à ceux à venir. Il fallait transformer les ports de tirage en ports droits, afin de faciliter le déchargement des bateaux amenant les matérieux de l'Exposition. Les ports de tirage étaient historiquement obliques, pour faciliter le halage, mais obligeaient à utiliser des passerelles pour décharger le contenu des bateaux, qui ne pouvaient accoster ! Depuis de nombreuses années étaient prévu ces travaux, on a profiter de l'occasion.

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Les vrais travaux de l'Exposition n'ont pu commencer qu'après la pose de la première pierre du pont Alexandre III et le départ de l'Empereur de Russie.


Les aménagements de terrain

Les terrassiers se mirent à l'oeuvre, creusant sous le Cours-la-Reine, un tunnel en charpente de 10 mètres de large sur 78,89 mètres de longueur. Ce tunnel allait permettre aux ouvriers de rejoindre leurs chantiers, de déblayer les gravats et surtout, de laisser libre d'accès les promenades aux Parisiens. Ce tunnel était complété par une estacade longue de 153 mètres, pour servir de quai aux bateaux de transport. Une voie ferrée était établie fin 1896.

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A noter qu'au fur et à mesure des différents démarrage de chantier, on établissait tout autour des clôtures, élégamment peintes en vert tendre et revêtues de pilastres, avec ornement de frises et de motifs découpés... il était formellement interdit d'afficher sur ces barrages aussi décoratifs que coûteux (il fallait une carte nominative pour pénétrer sur un chantier et interdiction d'établir des débits de boisson).

Un autre chantier très important devait également avoir lieu avant les premiers travaux sur les nouveaux édifices, celui de la « transplantation » des arbres. Supprimés précautionneusement, ils étaient replantés dans les promenades de Paris.

On creusait autour des arbres, de manière à pouvoir les dégager avec terre et racine, ils étaient ensuite soulevés et transportés à l'aide d'engins, comme ci-dessous :

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Démolir pour construire

Les premiers travaux de démolition commencèrent le vendredi 5 février 1897 par le premier coup de pioche donné au Palais de l'Industrie, vestige de l'Exposition de 1855, mais qui faisait réellement partie du paysage Parisien.

Pour le plaisir, une paire de jolies gravures, où l'on peut voir cohabiter les « restes » avec le futur Grand Palais :

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En mai de la même année, commençaient ceux du Champ-de-Mars.


Les ouvriers doivent se nourrir

A peine les travaux aux Champs-Elysées avaient-ils commencé, que les entreprises furent frappées des difficultaient que rencontraient les ouvriers pour se nourrir dans ce quartier. A l'heure des repas, entre honze heures et midi, ils étaient forcés de courir fort loin des chantiers pour trouver des restaurants où le prix de la nourriture n'était pas toujours en rapport avec leurs ressources.

Dans le but de s'éviter cette gêne et cette fatigue, la plupart finirent par rester dans le chantier, assis sur un moellon, devant une pierre de taille sur laquelle ils déposaient leur déjeuner. Ce repas en plein air devenait pénible sous la pluie ou le givre.

L'administration de l'Exposition s'en émut et fit édifier, par M. Bouvard, un réfectoire en planches où 80 ouvriers pouvaient s'abriter à l'heure des repas ou pendant les instants de repos de l'après-midi.

Cette installation ne suffit pas longtemps, à cause de l'augmentation du nombre des ouvriers qui atteignit les 1500 !

La création d'un grand restaurant fut décidé par M. Alfred Picard, mais au lieu d'en confier l'entreprise à un adjudicataire, il eut l'idée de fonder un restaurant coopératif, mais pas basé sur un système de coopérative de consommation, où les coopérateurs versent eux-mêmes le capital de l'association. M. Picard trouva mieux, il forma une société anonyme au capital de 25 000 francs divisés en 1000 actions de 25 francs et fit autoriser cette société sans but lucratif par arrêté ministériel du 17 juillet 1897.

Le prix d'un repas complet, vin et café compris fut fixé de 1,10 à 1,20 francs. L'emplacement choisi pour ce restaurant fut au ras du quai de la Conférence, en prolongement des chantiers du pont Alexandre III.

On y construisit une vaste salle à manger de 64 mètres sur 30, pouvant contenir 600 convives. A côté se trouvaient la lingerie, la cuisine avec les gigantesques fourneaux, et les annexes nécessaires au service, et 5 cuisiniers accompagnés de leurs aides.

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M. O. Lamy, président du conseil d'administration de la Société, s'attacha à décorer les murs du restaurant avec des panoplies d'assiettes et d'outils.

Sur la porte de ce bâtiment en brique, on apposa un panneau avec cette inscription : RESTAURANT COOPERATIF. Il fut inauguré le 10 novembre 1897.

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Message Publié : 11 Sep 2007 21:06 
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Merci à vous mon cher pour ce sujet très intéressant et très bien documenté, comme à l'habitude ! :wink:

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Message Publié : 11 Sep 2007 21:59 
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Marc Bloch
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Merci Le Mog pour ce début prometteur. Ce sont ces détails prosaïques où on n'oublie pas les hommes qui font ausi l'histoire.

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Message Publié : 14 Sep 2007 9:57 
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Merci chers amis, heureux que cela vous intéresse, je ferais de mon mieux, n'étant ni un véritable historien, ni un lettré...

...soyez donc indulgent, entre fautes de frappe, fautes d'orthographe, fautes de syntaxes et autres fôtes :lol:


...la suite prévue pour cette fin de semaine :P

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Message Publié : 14 Sep 2007 17:59 
Merci pour ces informations que j'ai pu compléter grçace a mes cours d'histoire des arts de l'année dernière!

Les photos sont superbes, encore merci LeMog. :)


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Message Publié : 14 Sep 2007 22:08 
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Plutarque
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Massinissa a écrit :
, encore merci LeMog.

De rien... la suite arrive :D



Gérer le nombre d'ouvriers

Tous les travaux n'ont pas été entrepris simultanément, parce qu'il aurait fallu en même temps trop d'ouvriers des mêmes corps d'état à la fois. On se rappelait combien il avait été difficile de se procurer les terrassiers du début ! A la faveur d'une grève, il avait même fallu faire venir des ouvriers de province, pour ne pas déjà retarder ces premiers travaux.

Finalement, le nombre d'ouvriers accourus à Paris en vue des travaux de l'Exposition n'a pas été aussi considérable qu'on pourrait le croire.

Au début des travaux, leur nombre n'excéda pas le millier, plus tard, on y ajouta quelques centaines de maçons, plus des charpentiers, des mécaniciens, des forgerons, des serruriers; ensuite des peintres. Le nombre total des travailleurs fut porté à 3000 de moyenne, puis aux environs de 4000 pendant les derniers mois, quand il fallait y arriver à tout prix.

Pendant 4 ans, la moyenne des ouvriers ne dépassa pas 3500 par jour. Mais il est également bon de savoir, que les autres travaux de Paris, en occupaient tout autant !
(égouts et station d'épuration – métropolitain – travaux particuliers – entreprises personnelles – les nouvelles lignes de tramways – etc...)
A savoir que tous ces travaux cumulés, Exposition et aménagement de Paris sont estimés à 200 millions de francs.


Voici maintenant quelques chiffres qui correspondent à des estimations, faites fin 1899 par le Commissariat Général de l'Exposition.

Ces chiffres ne comprennent pas les travailleurs étrangers, ni les travailleurs occupés par des entreprises privés, comme les attractions, restaurants, etc...

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Fin 1899, on estime déjà que les travaux sont à leur maximum d'intensité.

Ce nombre moyen de travailleurs, répartis sur les 110 hectares du site, fait que les visiteurs occasionnels des travaux de l'exposition, étaient étonnés de leur apparent petit nombre...

...mais apparent pas étonné du jeune age de certains (sa pelle paraît énorme) :

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Il est a noté que le développement spécial à la construction métallique avait totalement transformé les conditions industrielles, et ce, dans un laps de temps très court. On peut citer en exemple qu'en 1889, une grande usine de charpentes métalliques, qui travaillait pour l'Exposition précédente, avait mis en oeuvre 2000 tonnes de métal, avec un personnel de 1200 ouvriers; en 1899, cette même usine avait mis en place 10000 tonnes avec seulement 450 ouvriers.

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Quelques ouvriers sur cette photo, mais pas la foule des grands jours... je pense avoir déjà visionné plusieurs milliers de photos de l'exposition, et certainement plusieurs centaines des travaux, et quelques chose me frappe. Il y a finalement très peu de photos avec des ouvriers, et encore moins avec une vraie foule d'ouvriers. La majeure partie de ces représentations sont soit des dessins, soit des gravures.
Encore en 1900, pour beaucoup, la photographie est un art mineur, et rien ne vaut la gravure. D'ailleurs, de nombreuses gravures sont réalisées à partir de photos. Il y a donc 2 écoles, et d'autres trouvent à juste compte que la photo est belle et éducative, qu'elle est un juste reflet instantané de la vie. Mais peut-être trouvait-on une certaine indescence à photgraphier ces gens au travail, ou simplement souhaitait-on éviter de les faire arrêter leur labeur, et de prendre la pause :lol:


Je vous livrerais la prochaine fois, une très intéressante explication de M. Chardon, secrétaire général des Services de l'Exposition, qui résume assez bien les différentes étapes de la construction de l'Exposition, et surtout comment ce sont succédés les différents corps de métier sur les chantiers.

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Message Publié : 25 Sep 2007 16:17 
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La population ouvrière de l'Exposition

Nous avons vu que le chiffre de 3000 ouvriers, employés sur les chantiers de l'Exposition, devait à première vue sembler extrêmement restreint, eu égard à la somme énorme de travail à effectuer, mais, à la réflexion, on s'explique aisément comment cette moyenne peut se maintenir, tout en ne représentant pas, loin s'en faut, le nombre des collaborateurs de tous les ordres qui auront coopéré à l'édification des monuments, définitifs ou provisoires des Champs-Elysées, de l'Esplanade des Invalides, du Champ-de-Mars et du Trocadéro.

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A la porte monumentale de M. Binet qui s'élevait à l'entrée du Cours-la-Reine, se trouve une grande frise qui devait être la personnification du travail de l'Exposition. On y voyait des travailleurs de tous ordres, de tous corps d'état, s'avancer professionnellement les uns derrière les autres. Et bien ! Jamais allégorie de fût plus vraie ni saisissante.

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Résumé de la chronologie des travaux de l'Exposition d'après M. Chardon, secrétaire général de l'Exposition :

Assurément, il n'y a que 3000 ouvriers sur les chantiers de l'Exposition, mais ces ouvriers n'appartiennent jamais pendant plus de trois ou six mois à la même corporation.

D'abord, voici les démolisseurs, qui ont jeté bas l'ancien Palais de l'Industrie et les vestiges de l'Exposition de 1889.

Quand ils ont eu fait place nette, les terrassiers sont venus, qui ont ouvert les tranchées, où les maçons les ont suivi pour établir les fondations.

Les assises une fois créées, les chariots, par bateaux, par chemin de fer, ont amené les énormes blocs à peu près tous taillés devant servir aux palais définitifs des Champs-Elysées et les fermes métalliques, massives, pour le pont Alexandre, ou légères et aériennes, pour servir d'ossatures aux palais éphémères des autres parties de l'Exposition.

Ensuite sont entrés les charpentiers, élevant leurs sapines devant les carcasses de fer, de manière à former les façades des palais auxquelles les staffeurs vont donner l'allure somptueuse de constructions destinées à émerveiller les peuples et à braver les injures du temps.

Pendant ce temps, les sculpteurs et les ornemanistes ont pris la place des manoeuvres et taillent dans la pierre les statues et les motifs, qui fourniront le complément artistique des monuments en bordure de l'Avenue Nicolas II.

Déjà, les couvreurs commençaient la pose des toitures, et les peintres, avant de se livrer à la décoration proprement dite, sont venus passer au minium les poutrelles.

Arrive maintenant les menuisiers et mouluriers, et tous les corps d'état se succéderont depuis les parqueteurs jusqu'aux électriciens, pour en finir avec les tapissiers qui mettront la dernière main à l'ensemble, en clouant les tapis, en aménageant les vitrines, en posant les velums, en drapant les portières et en accrochant les faisceaux de drapeaux de toutes les nations.




Il n'y a en effet que 3000 ouvriers sur les chantiers, mais, à cette succession des corps de métier, voit-on le nombre considérable que cette moyenne de 3000 perpétuellement renouvelée finit par faire. De plus, il faut remarquer qu'en fait, sur les chantiers même, il ne se fait que de l'ajustage, qu'il s'agisse de pierre, de fer ou de toute autre matière.

Les pierres extraites des carrières n'ont passé à la scie diamantée que pour rectification. Les pièces d'acier et de fer n'ont eu qu'à être boulonnées, ayant subi, dans les grandes usines métallurgiques d'où elles proviennent, toutes les opérations de la fonte, de la façon ou de l'essayage.

Les motifs même des staffeurs ornemanistes, pour peu qu'ils aient quelque importance, sont apportés prêts à être mis en place. Et tout cela diminue d'autant la moyenne des ouvriers effectivement sur les chantiers de l'exposition, mais non celui des collaborateurs de l'oeuvre commune, dont le nombre même n'est pas connu, tellement les ramifications, nécessitées par cet ensemble de travaux, dans toutes les branches industrielles, sont étendues et diverses.

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Message Publié : 25 Sep 2007 16:39 
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Bien sûr, on ne peut pas évoquer cette population ouvrière de l'exposition, sans parler également de celle qui oeuvrer dans la capitale...


La population ouvrière de Paris, début mai 1899

Au nombre des ouvriers de l'Exposition, il faut joindre le nombre de ceux occupés par la Ville de Paris pour la réfection des égouts et les divers travaux de voirie ou de viabilité, par le métropolitain et par les grandes Compagnies de chemins de fer.

Ce nombre était au commencement de mai 1899 de :

2100 pour la ville de Paris,
2500 pour le métropolitain,
6100 pour les compagnies de chemin de fer;
soit un total de 10700 ouvriers !


Si nous voulons connaître l'augmentation de la population ouvrière de Paris, du fait de tout cet ensemble de travaux, c'est le service des garnis, de la Préfecture de Police, si parfaitement réorganisé depuis le passage à sa tête de M. Martini, chef administratif des services des recherches, le principal collaborateur de M. Puibaraud, qui nous renseigna à ce sujet :

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Alors qu'en 1898, le nombre était stationnaire, nous remarquons une très forte hausse pendant les quatre premiers mois de 1899.

La comparaison des 2 années fait ressortir une augmentation de 7000 ouvriers. Il est bien certain que la plupart des imigrants venant à Paris chercher du travail logent en garni ; si nous ajoutons au nombre total ci-dessus un milliers d'ouvriers logés chez des parents ou amis, et un autre millier qui se sont installés en banlieue de Paris, nous arrivons à environ 9000 ouvriers de plus, amenés par la période des grands travaux. Cette petite armée industrielle représente un salaire annuel de 15 à 18 millions de francs.

Pour se faire une idée des salaires pour l'ensemble des corporations, voici les prix moyens payés aux ouvriers par les entrepreneurs, en regard des prix de série de la Ville de Paris.

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A ce tableau, nous ajouterons quelques remarques générales : D'abord, c'est que la journée régulière est de dix heures en été (du 1er mars au 31 octobre) et de huit heures en hiver (du 1er novembre à la fin février), mais seulement pour certaines corporations comme les terrassiers et les puisatiers; pour les autres, la journée est toujours de 10 heures, été comme hiver.

Les heures supplémentaires sont payées moitiée en plus ou quart en plus. Enfin, le travail de nuit, qui commence 2 heures après la fin de la journée réglementaire est payé le double du travail de journée.

La corporation des démolisseurs, charretiers, débardeurs, scieurs à la mécanique, mouluriers, etc... ne figurent pas dans la série officielle des prix de la Ville de Paris. Ce sont leurs chambres syndicales qui établissent le taux de la main d'oeuvre; et l'écart, entre ce taux et celui que les entrepreneurs payent réellement, est à peu près le même que pour les autres catégories d'ouvriers. Il n'y a que les démolisseurs qui touche le salaire minimum fixé théoriquement par leur syndicat.

Nous en reparlerons plus tard, mais un plan avait été mis en place, pour éviter de graves retombées économiques, pour alimenter tous ces travailleurs après la période de l'exposition.

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Message Publié : 25 Sep 2007 16:58 
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Etant donné que nous venons de voir que tout Paris était dans les travaux et si vous n'y voyez aucun inconvénient, le prochain article traitera quelque peu des embarras de Paris... :o

...et bien sûr, nous reparlerons plus en détail des ouvriers de l'exposition ensuite.

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Message Publié : 08 Oct 2007 17:05 
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Travaux d'Embellissement et d'Appropriation

Les embarras de Paris


(A. Coffignon Encyclopédie du Siècle)

Le printemps de 1899 demeurera vraisemblablement comme une ère de félicité, jusque-là inconnue, pour la multitude des badaux parisiens.

Que demandent en réalité ces derniers ? A avoir un prétexte quelconque pour s'arrêter : un embarras de voiture, un cheval qui tombe, deux cochers qui... s'empoignent, un camelot qui bonimente, trois sergents de ville qui stationnent devant une porte, il n'en faut pas plus pour qu'un rassemblement se forme, que des discussions s'engagent, que des colloques s'entre-croisent, que des lazzis fusent.

Le badaud parisien n'est d'ailleurs pas ce qu'un vain peuple pense ; c'est un personnage dont il serait imprudent de méconnaître l'importantce ; il s'est attribué une fonction, il exerce un sacerdoce. Ce factotum ordinaire de S. M. le Public est, pour le quart d'heure, le Grand Inquisiteur des Travaux et des Embarras de Paris, ingénieurs, entrepreneurs et agents voyers n'ont qu'à bien se tenir, car le badaud parisien qui est partout, qui sait tout, qui voit tout, ne se fait point faute de juger, d'apprécier, de critique et d'adresser ses doléances à la Presse, sa servante très humble et très obéïssante, dès qu'il ne trouve pas la raison pour laquelle on a déplacé le banc sur lequel il bâillait à son ordinaire.

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Puits d'amorce pour les travaux du Métropolitain aux Champs-Elysées, devant l'ancien Palais de l'Inudstrie.

Non content d'être ubiquiste, le badaud parisien est protéiforme. Il change d'aspect, du nord au sud et de l'est à l'ouest de Paris. Echappant ainsi à l'uniformité, il est prodigieusement amusant, et c'est avec le plus grand profit qu'on peut s'aventurer à sa suite. Il ne conviendrait point, pourtant, de prendre toujours au pied de la lettre les renseignements qu'il donne et les aphorismes qu'il profère ; il lui arrive assez souvent de prendre le Pirée pour un nom d'homme, mais cela tient simplement à ce que le badaud parisien professe la plus complète indifférence pour tout ce qui se passe hors de l'enceinte des fortifications ; elle seule et s'est assez.

Nous sommes au Pont-Royal ; de coquettes palissades vertes encadrent les chantiers de la Compagnie d'Orléans vierges de toute publicité, ce qui leur donne un faux air d'annexe de l'Exposition. Accoudés au parapet du pont, les badauds échangent leurs impressions, en suivant avec intérêt le charroi des déblais du terrassement. Il vient d'y avoir comme une prise de bec entre un petit vieux correctement rasé, qui semble un fidèle serviteur du faubourg Saint-Germain, aujourd'hui retraité dans une loge de concierge de la rue du Bac, et un grand escogriffe, dont la haute taillle de « municipal » est assurément bien faite pour dominer la situation et écraser la discussion.
« Mais enfin, monsieur, vous êtes étonnant, conclue-t-il d'une voix péremptoire ; je dois bien le savoir, puisque mon oncle est le cousin de l'huissier du Préfet », riposte triomphale qui clôt le débat, tandis que le neveu de l'oncle du cousin de l'huissier préfectoral s'éloigne au milieu d'un murmure d'admirative approbation.

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Déviation des grands égouts, boulevard Saint-Germain.


De Courcelles au Trocadéro, les travaux de la nouvelle ligne de l'Esplanade des Invalides soulèvent aussi des tempêtes contradictoires. C'est surtout le boulevard Péreire qui est le rendez-vous des vieux messieurs décorés, ayant généralement une allure extrêmement militaire, lorsque ce sont de simples chefs de bureau retraités, mais pouvant, par réciprocité, être pris pour de bons bourgeois des Batignolles, quand ce sont d'authentiques guerriers, à qui l'on a fendu l'oreille. On a beau répéter, sur tous les tons, que le boulevard Péreire sera plus large que jamais après l 'exécution des travaux, qu'on y plantera une double rangée d'arbres de la plus belle venue, aucun d'eux ne veut rien savoir ; les chefs de bureau roulent des yeux terribles au passage des trains de ceinture, et les militaires éplorés poussent des soupirs en voyant ouvrir tant de tranchées, qui n'ont rien à voir avec la défense nationale.

Mais la compagnie de l'Ouest et celle d'Orléans n'ont point le monopole de la badauderie parisienne. Les travaux de la gare de l'Est ont leurs amateurs, dont le régal a été de voir tomber les avalanches de plâtras des vieilles maisons en bordure de la rue de Metz et du faubourg Saint-Martin.

Mazas, aussi, a eu ses fidèles avant de disparaître : le Terreurs, les Rouquins et tous les « aminches » n'ont pas manqué d'aller en pèlerinage voir crouler ses murs sinitres ; curiosité sans regret, au surplus.

Image
La démolition de la prison de Mazas.


Ce simple coup d'oeil jeté aux quatre coins de Paris n'est cependant qu'une indication bien sommaire des plaisirs réservés aux badauds parisiens ; les réfections d'égout, le pavage en bois, le Métropolitain, ne sont pas non plus à négliger...

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Message Publié : 09 Oct 2007 1:52 
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Marc Bloch
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Remarquable travail, Le Mog, qui répond bien au-delà de ce que je vous avais demandé il y a plusieurs mois.Merci.
La fresque des corps de métiers, dont vous donnez une photo, a-t elle été préservée et reinstallée qq part ou bien détruite lors du démontage de l'exposition ?

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Message Publié : 09 Oct 2007 7:21 
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Faget a écrit :
La fresque des corps de métiers, dont vous donnez une photo, a-t elle été préservée et reinstallée qq part ou bien détruite lors du démontage de l'exposition ?

Et oui, elle fait partie des "quelques" vestiges préservés.
Cette fresque, du sculpteur A. Guillot, avait été édifiée par le céramiste Emile Muller, qui, à la fin de l'exposition la récupéra et l'installa dans la cour de son usine à Ivry. Elle fût remisée en 1957.

Elle a été installée en 1963 au Parc du Moulin, dans la commune de Breuillet - Essonne, dont voici une photo actuelle :

Image

Et pour l'anecdote, sous cette fresque du travail se trouvait une magnifique frise en céramique bleutée, représentant des animaux (ours, lions, ...)...
...dont des vestiges se trouvent au Musée des Arts Appliqués de Budapest. Comment sont-ils arrivés là, aucune idée, toujours est-il qu'ils ont été exhumés du fin fond de leur réserve. J'ai ensuite été contacté par un conservateur, dont l'épouse et collaboratrice s'est chargé de la restauration, a qui j'ai fourni de nombreuses informations et illustrations, ainsi qu'un petit film d'animation sur la Porte Monumentale, afin d'illustrer leur Exposition.

Voici une photographie de quelques morceaux, avant restauration...

Image

Je n'ai pas de photographies sous la main, mais les animaux ont été sauvés :D

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Message Publié : 19 Jan 2009 18:45 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 10 Mars 2005 16:29
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En allant voir l'expo sur les Expositions, j'ai échangé quelques mots avec une dame dont l'arrière-grand-père avait été ouvrier.

Une question par ailleurs : existe-t-il un ouvrage répertoriant tous les vestiges des expos ?

Pour ceux qui ne connaissent pas, à Courbevoie, accolé au musée se trouve le pavillon de la Norvège (18178)
http://www.ville-courbevoie.fr/loisirs/culture/musee/


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Message Publié : 19 Jan 2009 23:37 
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Plutarque
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Inscription : 14 Avr 2007 16:16
Message(s) : 134
Localisation : Bezannes
Concernant les vestiges des Expositions, il existe l'excellent petit ouvrage de mon ami Sylvain Ageorges qui est à la fois très complet et très plaisant, je vous le conseille, j'ai moi-même toujours extrêmement de plaisir à le feuilleter régulièrement B)
On y retrouve bien évidemment ces 2 pavillons de la Norvège et de la Suède de l'Exposition de 1878.

"Sur les Traces des Expositions Universelles"
1855 à 1937
par Sylvain Ageorges chez Parigramme

...et de temps à autre, pour notre plus grand bonheur, on découvre de nouveaux vestiges, comme le Pavillon de la Grèce de 1900 retrouvé à Athènes, devenu une église orthodoxe, ou celui du Pérou, toujours de 1900, devenu musée et école militaire à Lima qu'il est interdit de photographier ! :mrgreen:

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Tout ce qui ne me passionne pas m'ennuie...


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