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Message Publié : 24 Jan 2008 17:54 
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Salluste
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Sur les prétendues avancées démocratiques du régime tsariste avant 1917, je vous renvoie au livre de JJ Marie La Russie (1856-1956) dont je tire les citations qui suivront) : la libération des serfs de 1861 est un fiasco ; les assemblées locales (zemtsvos) institués en 1864 sont restrictives (régime censitaire) et présidées de toute façon par le maréchal de la noblesse (sbire du tsar qui peut à sa guise accepter ou refuser les décisions du zemtsvo), c’est donc plus une décentralisation à caractère très limité qu’une véritable démocratisation.
Comme le disait le grand historien russe Klioutchevski « Toutes les réformes, impardonnablement tardives, ont été grandiosement projetées, élaborées à la hâte, et mises en oeuvre de façon bâclée, sauf peut-être les réformes militaires et judiciaires ».
Elles ne font que retarder l'explosion de la cocotte-minute, et dés 1862 les intellectuels sont arrêtés, et les révoltes grondent à nouveau. En 1863 la Pologne russe se révolte, suivi par la Lituanie et la Biélorussie. La répression est si terrible que celui qui la dirige est surnommé « le pendeur », allusion à ses méthodes pour le moins barbares. 70.000 Polonais sont déportés en Sibérie et au Kazakhstan. L’historien A. Polounov peut dire : « Alexandre II restait un homme de la trempe de Nicolas Ier « un militaire dans l’âme » : ce qui l’intéressait était le côté pragmatique des réformes (renforcement des finances et de l’armée) et il a arrêté les transformations lorsqu’il eut atteint les premiers résultats. L’empereur n’envisageait pas la possibilité qu’émerge une société civile et il s’efforçait d’agir à la manière de Nicolas : à coups de décrets » (décrets=oukazes). K. Marx prédit alors un soulèvement des serfs dés 1877 : « Alors ce sera le 1793 russe, la domination de la terreur que feront régner ces serfs à demi asiates sera sans exemple dans l’histoire, mais elle constituera un second point tournant dans l’histoire de la Russie, et, en fin de compte, à la place de la pseudo-civilisation instaurée par Pierre le Grand, elle instaurera une civilisation authentique et universelle ».
Et Alexandre II paye cher ces échecs : il est assassiné en 1881.
Le nouveau tsar proclame pour trois ans la loi martiale, et crée dés 1883 la célèbre Okhrana police secrète qui infiltre les opposants pour les assassiner. En 1887 200 jeunes étudiants sont arrêtés et pendus, parmi eux le frère de Lénine (Alexandre Oulianov).
Je m’arrête ici pour l’instant. Mais déjà on peut voir et comprendre le pourquoi du soulèvement des masses, et le passage de K. Marx explique bien à lui seul la férocité qui s’en suivra en 1917 et après. Son parallèle avec 1793 est tout à fait judicieux et se vérifiera.

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Message Publié : 24 Jan 2008 18:18 
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Espérons qu'ils seront moins remplis de fautes ! :wink:

Citer :
les assemblées locales (zemtsvos) institués en 1864 sont restrictives (régime censitaire) et présidées de toute façon par le maréchal de la noblesse

Faux ! Les zemstvos ne sont pas restrictifs au départ et le maréchal de la noblesse n'est pas "un sbire" du tsar, mais un représentant de la noblesse locale, qui n'est pas du reste opposée aux réformes, bien au contraire. Il faut stopper les clichés !
Le personnel des doumas municipales et des zemstvos sont essentiellement nobles et ce sont eux qui mèneront les combats de événements de 1905-1906 et de 1917 (je tiens à rappeler que le premier dirigeant du gouvernement provisoire de février 1917 est le prince Lvov).

Citer :
Comme le disait le grand historien russe Klioutchevski

Ouais, son domaine d'études est plutôt le règne de Pierre le Grand et pas le tournant révolutionnaire de la fin du long XIXème siècle.

Citer :
« Toutes les réformes, impardonnablement tardives, ont été grandiosement projetées, élaborées à la hâte, et mises en oeuvre de façon bâclée, sauf peut-être les réformes militaires et judiciaires ».

Personne ne nie l'aspect incomplet et maladroit des réformes. Mais, au moins, il y a eu des tentatives pour introduire de la démocratie en Russie.
On ne peut pas en dire autant de 1917, qui demeure tout de même le sujet de ce topic.

Citer :
L’empereur n’envisageait pas la possibilité qu’émerge une société civile et il s’efforçait d’agir à la manière de Nicolas : à coups de décrets

Vous rendez-vous que vous copiez de je ne sais trop où quelque chose que vous ne comprenez pas... Quelle est l'autre possibilité pour un Empereur de réformer que par décret, sans assemblée représentative ???

Citer :
K. Marx prédit alors un soulèvement des serfs dés 1877

D'autant plus qu'il n'y a plus de "serfs" à cette date en Russie ! :lol:

Citer :
Et Alexandre II paye cher ces échecs : il est assassiné en 1881.

Vous oubliez d'ajouter que c'était au moment où il allait promulguer une Constitution... :roll:

Citer :
Mais déjà on peut voir et comprendre le pourquoi du soulèvement des masses

Dites-nous voir quelles "masses" se sont soulevées en octobre 1917 ? Vous confondez avec février... :?

Citer :
Son parallèle avec 1793 est tout à fait judicieux et se vérifiera.

Certainement pas, puisque ce ne sont pas les paysans qui se révoltent en octobre 1917 et ils sont les grands perdants de la dissolution de la Constitutante par Lénine en janvier 1918, où ils avaient donné la majorité des siège au parti SR, opposé aux bolchvik.

Votre pot-pourri de citations dénuées de liens logiques, nous prouve surtout que vous ne savez pas vraiment quelle était la situation de la Russie à l'époque. :cry:

Saviez-vous, par ailleurs, que Nicolas II était souverain d'un Grand-Duché, où une Assemblée discutait, votait les lois et était élue depuis 1905 au suffrage universel masculin et féminin ?

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Message Publié : 24 Jan 2008 20:30 
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Mea culpa pour zemstvo (autrement je ne vois pas de faute, mais merci de m'avoir corrigé).

Citer :
"Les zemstvos ne sont pas restrictifs au départ"
, n'étaient-ils pas censitaires ?

Citer :
"le maréchal de la noblesse n'est pas "un sbire" du tsar, mais un représentant de la noblesse locale"
, j'ai trouvé ici http://www.arte.tv/fr/histoire-societe/archives/Catherine-La-Grande/1054340.html que le maréchal de la noblesse était certes élu par ses pairs, mais qu'il restait soumis à la bureaucratie impériale... Alors ?

Citer :
"Vous rendez-vous que vous copiez de je ne sais trop où quelque chose que vous ne comprenez pas... Quelle est l'autre possibilité pour un Empereur de réformer que par décret, sans assemblée représentative ???"
Je le tire de l'ouvrage que je cite en début de message. Je ne pense pas que critiquer le tsarisme, un gouvernement par oukaze, soit en soi mauvais. Le tsar était parfaitement libre en bon autocrate qu'il était de décider de donner le pouvoir à une assemblée élue, bizarrement il ne l'a jamais fait. Je ne sais pas pourquoi.

Citer :
"D'autant plus qu'il n'y a plus de "serfs" à cette date en Russie !"
Je croyais avoir démontré le contraire dans mon message. Les serfs existent toujours de fait... et ils sont plusieurs dizaines de millions... le rachat de leur propre liberté n'est pas encore achevé, et il ne le sera jamais d'ailleurs. Je note que je ne suis pas le seul à parler de "serfs" à cette date, outre K. Marx lui-même, il y a aussi d'éminents historiens tel JJ Marie... aussi je ne pense pas que ce terme soit abusé.
Je voudrais rajouter un témoignage d'époque fait par un délégué de Moscou en 1905 : "Toute allusion à un rachat de terres me révolte. On propose de dédommager les esclavagistes d'hier. [...] En 1861, on a été plus malin que nous et on nous a eus : on nous a donné un tout petit peu pour que le peuple ne prenne pas tout" (cité par L. Volin, A century of Russian agriculture, Cambridge, HUP, 1970). Je crois qu'il résume bien le sentiment de frustration et d'enfarinage complet subi par le peuple et ses représentants. Et quand il dit "En 1861, on a été plus malin que nous et on nous a eus", il fait bien sûr référence à la libération de serfs qui était en fait un gigantesque attrape-nigots... qui n'a satisfait personne sauf les caisses du Tsar.

Citer :
"Saviez-vous, par ailleurs, que Nicolas II était souverain d'un Grand-Duché, où une Assemblée discutait, votait les lois et était élue depuis 1905 au suffrage universel masculin et féminin ?"
Certainement pas, peut-être pouvez-vous m'en dire plus ?
Je suis pressé de savoir comment celui qui déclarait le 16 janvier 1895 devant plusieurs centaines de délégués des zemstvos "Qu'on sache bien que, consacrant toutes mes forces au bien du pays, je maintiendrai le principe d'autocratie sans l'infléchir et aussi fermement que l'avait maintenu mon inoubliable père" a bien pu se satifaire d'une telle assemblée sur son Grand-Duché ! L'a-t-il fait de son plein gré ?

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Message Publié : 24 Jan 2008 20:57 
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Citer :
n'étaient-ils pas censitaires ?

Indirectement oui, puisque les élections se faisaient en quelque sorte par curies et la place de la noblesse fut renforcée sous le règne d'Alexandre III, mais pas au départ.
Mais vous n'arrivez toujours pas à vous départir du fait que la noblesse soit forcément réactionnaire, ce qui pour le cas de la Russie des campagnes (un peu comme en France en 1789) est faux. Cette noblesse est pour le moins endettée, voire ruinée à cette époque et aspire à de profonds changements.
Il ne faut pas singer la noblesse russe, uniquement par la Cour de Saint-Pétersbourg, qui n'en représente qu'une très faible minorité.
Mais avouez que le suffrage censitaire c'est mieux - surtout que nous sommes en 1864, l'apprentissage débute seulement - que la parodie de démocratie effectuée par les bolchevik.

Citer :
autrement je ne vois pas de faute, mais merci de m'avoir corrigé

Je n'avais pas vu votre faute, j'utilise toujours l'écriture italique pour les noms étrangers. :wink:

Citer :
Le tsar était parfaitement libre en bon autocrate qu'il était de décider de donner le pouvoir à une assemblée élue, bizarrement il ne l'a jamais fait.

Si ! Alexandre II allait le faire en 1881, avant qu'il ne tombe sous les bombes d'un révolutionnaire. Quant à Nicolas II, il le fît en 1905, contre sa volonté bien entendu.

Citer :
Les serfs existent toujours de fait... et ils sont plusieurs dizaines de millions... le rachat de leur propre liberté n'est pas encore achevé, et il ne le sera jamais d'ailleurs.

Je pense que vous avez du mal à distinguer une inégalité juridique, d'une inégalité sociale. :?
Les serfs avant 1861 avaient, en gros, le statut des serfs médiévaux des sociétés occidentales : ils appartenaient juridiquement à leur maître, qui pouvait en faire ce qu'il voulait. Ce n'est plus le cas après 1861 et ces familles sont enfin libres. Alors, certes, ils ne sont pas propriétaires de leurs terres, mais ils sont tout de même libres.

Citer :
Je note que je ne suis pas le seul à parler de "serfs" à cette date, outre K. Marx lui-même

Normal, cela correspond à sa vision de l'évolution des sociétés...

Citer :
il y a aussi d'éminents historiens tel JJ Marie... aussi je ne pense pas que ce terme soit abusé.

N'utilisez pas de tels adjectifs concernant des historiens dont les noms ne signifient pas grand chose dans l'historiographie de la Révolution russe.

Citer :
Et quand il dit "En 1861, on a été plus malin que nous et on nous a eus", il fait bien sûr référence à la libération de serfs qui était en fait un gigantesque attrape-nigots... qui n'a satisfait personne sauf les caisses du Tsar.
:lol:
Depuis quand une libération politique et juridique se traduit par de tels donations ?? Même en 1789 on n'a pas fait autant en France...
Les caisses du Tsar ? On peut savoir quelles sommes ? Depuis quand une libération juridique produit des richesses au Tsar ?

Citer :
Certainement pas, peut-être pouvez-vous m'en dire plus ?

Bien entendu, il s'agit du Grand-Duché de Finlande, où les socialistes étaient même majoritaires à la Diète et ils avaient comme souverain le très autocrate Nicolas II. :wink:

Citer :
L'a-t-il fait de son plein gré ?

Il a hérité de la couronne et a conservé les particularismes politiques de cet Etat. N'est-ce pas étrange pour un tel individu, si assoiffé de sang et voulant tellement "rouler" ses sujets ?

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Message Publié : 25 Jan 2008 12:33 
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Les serfs ne sont pas libérés en 1861, comme c'est trop souvent dit. Du moins ce n'est pas aussi simple. Il n'y a pas de baguette magique.
En fait, ils sont 1) maintenus pendant deux ans dans un état transitoire où ils continuent tous de payer leurs corvées, 2) au bout de ses deux ans, ceux qui le désirent peuvent décider de s'endetter pour 49 ans auprès du tsar afin de racheter des terres supplémentaires à celle octroyée par la réforme (appelé le lot du mendiant), 3) la liberté civile était accordée, mais la liberté de mouvements était entravée (par l'établissement d'un passeport).
La réforme reste donc très symbolique et virtuelle.
En droit certes il n'y a plus de servage, mais 25% des anciens serfs restent astreints à la corvée, 15 à 30% obtiennent le lot du mendiant (un lot tout juste suffisant pour survivre), 50% seulement décide de racheter des terres supplémentaires à leur seigneur et sont donc véritablement libérés par la loi mais également enchaîné pour 49 ans de dettes...

Le tsar décide aussi de donner enfin leur terre aux paysans libres de l'Etat. Mais il le fait en échange d'une taxe perpétuelle... Les paysans libres sont donc libres de payer une taxe supplémentaire et ad vitam eternam en plus... Quel progrès !

C'est donc fort logique que, dès 1861, les paysans se soulèvent plus de 1.200 fois aux quatre coins de la Russie contre cette réforme. Réforme qui dois-je le rappeler était censée apaisée les revendications paysannes. Bien au contraire, le tsar maladroit a jeté de l'huile sur le feu sans même s'en rendre compte. Il a fait se multiplier par 3 le total des soulèvements ruraux qu'il y e eut entre 1855 et 1861 (qui était de 474)...

Je ne crois donc pas qu'on puisse dire que ces réformes aient constitué un quelconque progrès pour la condition paysanne russe de l'époque, qui constituait plus de 80% de la population... alors pour une démocratie, on repassera. :wink:

Bibliographie : J.J. MARIE, La Russie de 1855 à 1956.

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Message Publié : 25 Jan 2008 21:14 
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Citer :
Bibliographie : J.J. MARIE, La Russie de 1855 à 1956.

Déjà pour commencer cet historien est un hagiographe de Staline, un "soviétophile", donc pour l'objectivité c'est très moyen...
Mais bon, faisons comme si nous ne le savions pas ! :wink:

Citer :
Les serfs ne sont pas libérés en 1861, comme c'est trop souvent dit.

Attention, vous semblez toujours ne pas comprendre que le servage est avant tout un statut juridique, dont le détenteur appartient à la terre de son maître, qu'il ne peut quitter.
Or, en 1861 cette "révolution" libéra les paysans russes du servage et de la noblesse terrienne. Cela en fît des hommes libres et égaux aux autres, cela c'est indéniable et personne ne dit le contraire.
Sauf vous, parce que vous combinez leur pauvreté économique au servage, ce qui est une grave erreur.
Pour information, en 1789, lorsque les privilèges furent abolis par la Révolution française, on ne donna pas de terre gratuitement aux paysans et ils devaient toujours payer la location de leurs terres au seigneur. Dans tous les autres pays d'Europe, là où le servage fut aboli, jamais on ne donna de la terre aux paysans devenus libres.
C'est pour cela que la réforme d'Alexandre II fut novatrice.

Citer :
ils sont 1) maintenus pendant deux ans dans un état transitoire où ils continuent tous de payer leurs corvées

Ce qui est normal, sans cela toute l'économie du pays - qui reposait sur l'agriculture et la rente foncière - se serait écroulée. Car du jour au lendemain, les exploitations agricoles se retrouvent sans main-d'oeuvre presque gratuite.
Pour que tout le monde dispose d'une idée claire sur cette réforme, il faudrait revenir, en profondeur (cela évitera les intréprations) sur celle-ci :
- Elle est libératrice, puisqu'elle donne la liberté aux anciens serfs;
- Elle octroie aussi des terres pour les serfs (qui n'étaient pas du tout propriétaires avant, il faut le rappeler et jamais dans les révolutions antérieures pareille chose n'avait été faite) d'une taille oscilliant entre 3 et 15 hectares en échange du versement du prix aux propriétaires terriens.
Là aussi, cela peut se comprendre, jamais il n'y a eu d'expropritation massive dans l'Histoire, comme celle-ci, puisque le total des terres vendues aux paysans représentaient 125 millions d'hectares (les propriétaires gardaient 75 millions).
- Elle entraîne une réforme judiciaire majeure en 1864, qui placent les serfs libres à égalité devant la loi, comme tous les autres sujets. De même que le pouvoir judiciaire devenait indépendant (on est déjà plus dans une monarchie véritablement absolue, en droit constitutionnel du moins...), des juges de paix étaient élus par district et des jurys populaires dans les cours criminielles.
L'égalité devant la loi est obtenue bien avant 1917... :wink:

[Chiffres extraits de The decline of imperial Russia de H. Seton-Watson]

Mais, là-dessus se greffe le problème de la productivité donnée par ces terres : elle est encore très faible, même sur une parcelle de 15 hectares et souvent les paysans étaient habitués à travailler une terre plus grande chez leurs anciens maîtres (ils en gardaient souvent les surplus pour les vendre).
Autre problème : ils ne possèdent pas les liquidités pour racheter directement la terre.
Malgré une possible intervention de l'Etat - où le taux d'emprunt était faible, il tournait autour de 5% -, le remboursement allait durer longtemps.
En fait pour devenir propriétaires, les paysans passent essentiellement par le mir - et certainement pas par le Tsar :roll: , sauf pour les serfs de la Couronne, qui n'étaient qu'une minorité des serfs de l'Empire -, car ce collectif villageois pouvait emprunter davantage que les particuliers et aidait les paysans qui avaient des difficultés de payer leurs traites.
Cela greffe un autre problème, car si le mir à vocation au secours des plus démunis, il est contre-productif et empêche l'individualisation des exploitations et la modernisation nécessaire, ainsi que le dégagement de surplus commerciaux. Bref, c'est un frein au progrès.

Enfin, il y avait la possibilité de devenir propriétaire sans payer quoique ce soit, ce qui est très novateur pour l'époque. Une mauvaise idée, finalement, car cette "part du mendiant" équivalait environ à 3 hectares, ce qui est faible.

Citer :
2) au bout de ses deux ans, ceux qui le désirent peuvent décider de s'endetter pour 49 ans auprès du tsar

Faux ! Soit le paysan libre prend ses 3 hectares gratuitement, soit il en prend davantage et s'endette auprès du mir et non du Tsar. Je rappele que les serfs de la Couronne (qui appartenaient au Tsar), sont minoritaires dans l'Etat et que leurs conditions étaient plus avantageuses que les serfs privés (appartenant aux propriétaires terriens).

Citer :
La réforme reste donc très symbolique et virtuelle.

Par rapport à la situation antérieure ? Vous plaisantez, je pense : près de 40 millions de personnes deviennent libres, à égalité devant la loi avec les anciens "maîtres" et propriétaires de leurs terres (enfin usufruitières pour la plus part) et vous parlez de "virtualité" ? 8O

Citer :
mais 25% des anciens serfs restent astreints à la corvée

Qu'est ce que c'est que ce chiffre ? Il concerne qui et à quelle date ?

Citer :
Mais il le fait en échange d'une taxe perpétuelle...

Certainement pas, l'Empereur ne rajoute pas de taxe. Où avez-vous lu cela ? Même Marie n'aurait pas écrit cela, donc je pense que vous avez mal compris.

Citer :
C'est donc fort logique que, dès 1861, les paysans se soulèvent plus de 1.200 fois aux quatre coins de la Russie contre cette réforme.

Ces chiffres sont hautement fantaisistes et ne reposent sur aucune source valable et sont contredits par des auteurs un peu plus objectifs comme Portal, Philippot ou encore Seton-Watson.

Citer :
Réforme qui dois-je le rappeler était censée apaisée les revendications paysannes.

A nouveau c'est faux. Cette réforme a été souhaité par les ministres libéraux de son gouvernement comme Milioutine ou Loris-Melikov. Son entourage était aussi composé de libéraux, qui rêvaient de mettre la Russie sur les voies de la modernité après la campagne désastreuse menée en Crimée, qui avait révélée les tares du régime sclérosé de Nicolas Ier.
Cela n'a rien à voir avec ces "émotions" rurales qui ont toujours existé en Russie.

Citer :
Je ne crois donc pas qu'on puisse dire que ces réformes aient constitué un quelconque progrès pour la condition paysanne russe de l'époque, qui constituait plus de 80% de la population

Mais vous a-t-on un seul moment parlé de "condition de vie" ? Non, nous discution de liberté et de démocratie.
Et là, il est indéniable que le progrès a été énorme.
De plus, cette réforme est jugée par tous les économistes et historiens pour avoir jetté la Russie vers la modernité et la possibilité de progrès économiques majeurs et notemment l'industrialisation, qui commença lors du règne suivant.

Mais, si on parle du niveau de vie des paysans, il reste mieux en 1864
que 1932. En effet, malgré une population qui double presque entre les deux dates, le niveau de production agricole que le régime tsariste avait permis en 1913 (après les réformes de Stolypine) n'a toujours pas été atteint (alors dépassé vous pensez... :? ) en 1932 et la famine règne dans de nombreuses régions russes.
Si la vie du moujik n'est pas rose sous les autocrates, elle est sans doute plus humaine que sous les communistes. :wink:

Citer :
alors pour une démocratie, on repassera.

Toujours vos mélange entre démocratie et le niveau économique des personnes. Cela n'a rien en commun, en êtes-vous conscient ? :?

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Message Publié : 21 Fév 2008 11:30 
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Je me suis plongé dans l'ouvrage de Figes sur le mouvement révolutionnaire russe - qu'il borne entre 1891 et 1924 - et ses observations sur la paysannerie russe sont assez explicatives, quant à la propension de cette paysannerie à oeuvrer pour la révolution.

Image

O. Figes dresse le portrait d'une paysannerie russe que je
me refusais souvent à suivre, tant je pensais qu'il n'émanait que de la "propagande" conservatrice et nobiliaire.
En effet, selon lui, le mir paysan était encore plongé, à l'aube du XXème siècle, dans des moeurs médiévales et le progrès y était perçu comme un étranger, qu'il fallait refouler au plus vite.
La brutalité, la sauvagerie et l'ignorance qui régnaient dans la plupart des mir russes font peur à regarder et à analyser, tant les mir éloignés des métropoles occidentales de l'Empire semblent vivoter dans une atmosphère digne de la barbarie la plus primitive de l'espèce humaine.
Certes, il nuance cela en fonction de la nationalité du mir, de sa proximité ou non avec des villes et de l'industrialisation, mais des tendances lourdes se dégagent des éléments qu'il analyse.

Premièrement, il ressort que les paysans sont passés directement de la tutelle du noble à celle de la communauté villageoise en 1861. Cette communauté (le mir) partage tout : terres, outils, récoltes etc.
Les patriarches y exercent presque un pouvoir despotique et autocratique, décidant de tout : partage des terres communales, (la notion de propriété privée étant tombée en désuétude après 1861 : la famille possédait sa ferme et un lopin de terre dans les faits, mais juridiquement elles revenaient au mir, d'où le terme d'usufruitier dont j'usais plus haut), délivrent des passeports permettant de sortir du village (les patriarches filtraient grandement les sorties de leurs ouailles, tant la pensée de les voir partir leur faisait peur), partagent les excédents commerciables (créant ainsi une hiérarchie, fondée sur la "réputation" des familles dotées ou non dotées, ce qui en dit long sur les rapports entre ses membres), voire même droit de cuissage sur les jeunes mariées...

Deuxièmement, il ressort une profonde misère morale et intellectuelle de ces campagnes. Les membres du mir ont peur de tout ce qui n'est pas "eux" : étrangers, progrès technique, instruction, nobles, bureaucratie, etc., et la violence est souvent la seule réponse qu'ils utilisent face à une situation qu'ils ne maîtrisent pas. Les beuvries sont fréquentes, tout comme les rixes entre groupes de familles à l'intérieur du mir, voire encore les humiliations publiques des "mauvais" membres du mir.
La justice paysanne, indépendante, se fondant sur le droit local fait peur à voir : les juges sont achetés à la vodka par les plus riches (issus même de cette hiérarchie crée par les patriarches) et les peines les plus ignobles sont prodiguées publiquement : la femme adultère peut être attachée derrrière un charriot et traînée nue dans le village, les voleurs de chevaux ont les mains ou/et les pieds coupés, les chapardeurs peuvent être attachés à une poulie au centre du village et lâchés plusieurs fois afin que leurs vertèbres se brisent, etc.
Ces peines ainsi infligées montrent que le mir est resté fermé, dans la plupart des cas, aux réformes judiciaires d'Alexandre II et que le droit local prime sur tout le reste.

Cela en dit long sur les rapports entre ces moujik et la bureaucratie impériale, ou la noblesse terrienne proche d'eux. Jacqueries et désobéissance y sont fréquentes.
Ces méthodes barbares sont tolérées par la bureaucratie impériale, qui tient ainsi les paysans, encore profondément croyants, sous sa coupe (du moins le pense-t-elle...) et n'hésite pas à laisser s'affronter la noblesse et la paysannerie en colère (après une mauvaise récolte), afin de jouer les arbitres.

Enfin, tout progrès agricoles et y est proscrit et les réformes de Stolypine ne fonctionnent pas vraiment, surtout si le mir en question est éloigné des métropoles russes européennes.
Ce qui fait, qu'encore en 1917, l'essentiel de la paysannerie russe, vit en autarcie, dans un quotidien peuplé par l'alcool, les coups et la misère économique et intellectuelle.

Je suis donc surpris que les partis ouvriers et socialistes russes y aient perçu les prémices d'une vie collective que l'on puisse étendre à l'ensemble de la société. :?
Etait-ce par méconnaissance ou par calcul politique - dans le sens où cette paysannerie était facile à oppresser (tant qu'elle avait à manger, à boire et qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait à l'intérieur du mir) et à diriger ?

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 Sujet du message : Re: La fin du servage en Russie
Message Publié : 03 Mai 2008 12:50 
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Philippe de Commines
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Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Bibliographie : J.J. MARIE, La Russie de 1855 à 1956.

Déjà pour commencer cet historien est un hagiographe de Staline, un "soviétophile", donc pour l'objectivité c'est très moyen...
Mais bon, faisons comme si nous ne le savions pas ! :wink:


Moi je ne le savais pas ! Pouvez-vous étayer le discrédit que vous portez à la crédibilité de cet historien ?

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 Sujet du message : Re: La fin du servage en Russie
Message Publié : 04 Mai 2008 9:08 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
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Je pense que mes propos étaient clairs : il est tout sauf impartial au sujet de Staline.

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 Sujet du message : Re: La fin du servage en Russie
Message Publié : 04 Mai 2008 13:58 
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Philippe de Commines
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vos propos étaient effectivement clairs, je demandais simplement sur quel fondements ils reposaient. Dire d'un historien qu'il est "stalinophile" revient à le décridibiliser gravement, je pense qu'en tant que Modérateur (vous apprécierez la majuscule), vous devriez expliciter ce genre de jugement et montrer l'exemple . Ce faisant je ne dis pas que vous avez tort, je demande des arguments.

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 Sujet du message : Re: La fin du servage en Russie
Message Publié : 04 Mai 2008 18:08 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
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Localisation : Provinces illyriennes
Ecoutez, je ne vois pas trop où vous voulez en venir, mais il est reconnu comme tel - et ne s'en cache pas d'ailleurs - dans les courants historiographiques de la Révolution russe et au sein de la communauté des historiens.
Je ne vois pas trop de quels "arguments" vous parlez... :-|
Votre remarque sur le fait que je sois modérateur me semble, par ailleurs, déplacée. :rool:

Enfin, ce n'est pas le sujet et il serait intéressant d'y revenir. Si vous voulez créer un sujet sur Marie, faîtes-le dans la partie historiographie et épistémologie.

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 Sujet du message : Re: La fin du servage en Russie
Message Publié : 04 Mai 2008 22:04 
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Philippe de Commines
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Inscription : 23 Avr 2008 9:32
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Localisation : région de Meaux
j'ouvre donc un sujet là où vous me l'indiquez.

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