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 Sujet du message : Piotr A. Stolypine
Message Publié : 02 Mai 2004 17:30 
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Mes chers compagnons,

Dans l'optique d'avoir vos avis sur la fin de la Russie tsariste, je souhaite faire référence au dernier homme d'Etat de Nicolas II, Stolypine.
Cet ancien gouverneur de province arrive au poste de ministre de l'Intérieur en pleine crise des années 1905-1907. Il entre dans le gouvernement de M. Goremykine à la veille de la réunion de la première Douma, le 10 mai 1906.
A ce moment, la nation russe est en proie à la plus vive agitation, à la fois intellectuelle et "physique".
En effet, la guerre perdue par la Russie contre le Japon et ses catastrophes navales ( bataille de Tsou-Shima en mai 1905 ) ont prouvé l'incompétence de la bureaucratie tsariste, sa politique personnelle et sa confiscation réelle du pouvoir, faisant de l'autocratie une anarchie administrative. Le Tsar, père de ces peuples qui constituaient l'Empire russe, n'en était que plus éloigné et ne contrôlait plus réellement le pouvoir.
Le self-gouvernement local, les zemstvos, demandait à être associé au pouvoir, afin de surveiller la maladroite et tyrannique bureaucratie, afin de rapprocher à nouveau le peuple de son Empereur.
A partir de novembre 1904, ces députés nobles ( car le mode d'élection dans les zemstvos favorisait la noblesse terrienne), venant de tout l'Empire, se réunirent à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Leurs travaux se poursuivirent en 1905, mais à côté de ces travaux - assez lents - des révoltes éclatèrent pendant les années 1905 et 1906 ( les moments les plus graves furent entre octobre et décembre 1905 ).
Nicolas II compris qu'il fallait aller plus vite et donner satisfaction aux libéraux. C'est le sens donné à son Manifeste du 30 octobre 1905, dans lequel il convoquait une assemblée représentative, ayant des pouvoirs législatifs, sous un loi électorale complexe, mais relativement proche du suffrage universel. Lors des élections, les troubles agraires et urbains ne cessèrent pas et c'est une assemblée d'opposition qui entra au palais le Tauride le 10 mai 1906.
La nouvelle Douma ( composée surtout de "cadets" - constitutionnels-démocrates) fut tout de suite en opposition au gouvernement impérial, lui demandant toutes les libertés d'un coup, qui lui répondit par un sublime mépris - sauf Stolypine - en la laissant s'agiter dans de tumultueuses séances stériles.
Le Tsar, dans l'impasse, renvoya le gouvernement Goremykine en même temps qu'il dispersa la Douma le 22 juillet 1906. M. Stolypine fut nommé à la tête du gouvernement impérial et décida de travailler avec la deuxième Douma lorsqu'elle se réunirait en 1907. Mais, avant les élections, il se mit tout de suite à la tâche en se penchant sur les thèmes majeurs du moment : réforme agraire ( du fait des nombreuses jacqueries, où les paysans réclamaient plus de terres pour survivre ), réforme de l'armée ( la Russie avait une crédibilité internationale à retrouver après les désastres d'Extrême-Orient ), réforme de la bureaucratie, réforme de l'Instruction, réforme des assurances ouvrières ( ou plutôt création ! )...
Là où son travail fut le plus délicat, ce fut dans la réforme agraire. En effet, les paysans russes, les moujiks, vivaient dans une propriété collective, le mir , où tous les trois ans la terre était redistribuée entre les familles rurales. L'égalité était de rigueur, mais ce découpage datait de 1861, après l'abolition du servage. Mais, depuis, la croissance démographique russe avait rendu inutile ce découpage et de nombreuses disettes se produisaient après des aléas climatiques. Les paysans manquaient donc de terres...
D'un autre côté, le mir était brutalisant pour Stopypine, car il maintenait dans l'ignorance, la fainéantise, la servilité le paysan. Il ne pouvait cultiver son lopin de terre dans le but de progresser, puisque tout était redistribué à la collectivité. Sans espoir de progrès, il ne se donnait pas le mal de réformer son outillage et surtout il ne s'investissait nullement, puisque deux ans après il prennait la terre d'une autre famille... Bref, le moral était bien bas dans les campagnes russes et la vodka trop présente pour faire oublier cette stagnation matérielle et intellectuelle.
Stolypine décida donc de faire, à terme, disparaître le régime collectiviste du mir, par les oukases de novembre 1907, en permettant aux paysans de sortir du mir. On créait ainsi la propriété privée en Russie pour les paysans ! Des terres de l'Etat étaient données aux paysans et une colonisation vers la Sibérie ( avec aussi un don de terre ) était favorisée.
Ces réformes faisaient sortir la masse paysanne de son obscurantisme et de son mutisme séculaire. Une vaste demande vînt des paysans. On estime qu'en 1914, près de 40% des paysans avaient demandé à sortir du mir. Parallèlement, la production agricole fut doublée, voire triplée dans certains secteurs ( blé ). La paysannrie russe modernisait son outillage, sa manière de cultiver ( engrais ) et avait un niveau de vie bien supérieur qu'auparavant.
Après la réunion de la deuxième Douma le 5 mars 1907, un essai de conciliation fut entrepris par Stolypine, mais cette Douma était caratérisée par ses extrêmes. Devenu impopulaire par la mise en place de conseils de guerre dans les campagnes entre août 1906 ( après un attentat qui coûta la vie a deux de ses enfants ) et février 1907 dans le but de réprimer toute nouvelle mutinerie ou soulèvement, Stolypine fut extrêment vilipendé par cette Assemblée. N'ayant trouvé aucun compromis avec elle, il la fit dissoudre par Nicolas II le 22 juin 1907.
Cette fois, il changea la loi électorale, ce qui privilégia la noblesse et la bourgeoisie. La troisième Douma fut plus docile, mais l'accord n'était toujours pas total.
Quoiqu'il en soit, entre 1907 et 1910, il mit en route une série de réformes importante et tous les conflits s'éteignirent d'eux-mêmes au milieu de l'année 1907. Malheureusement, il ne pu voir la réalisation concrète de ses réformes, ni les poursuivre, il fut assassiné en 1911.
Ensuite, le gouvernement impérial retomba entre les mains de la bureaucratie, qui n'avait pu être épurée totalement.
Cet homme d'Etat en combinant la force - pour mettre fin à la Révolution - et la réforme réussit à changer la face d'un Empire aussi vaste que l'Empire russe. Au point même que certains économistes et financiers occidentaux donnaient, en 1914, la Russie comme prochaine puissance de premier ordre, voire la première puissance mondiale.

J'attends bien entendu vos opinions et vos éclairages sur l'action de ce personnage. :wink:
Peut-on affirmer, selon vous, que s'il était resté au pouvoir la Russie n'aurait pas sombré dans l'anarchie et dans la guerre civile ? Pensez-vous que ses réformes étaient viables ? Fut-il un visionnaire ou un homme du passé, un réactionnaire ou habile homme d'Etat ?
Merci d'avance,

duc de Raguse.

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Message Publié : 02 Mai 2004 18:32 
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Dans l'Histoire du monde il est de rares hommes qui à un moment donné, généralement dans des périodes de crises (puisque c'est là que les caractères les plus volontaires se révèlent), se trouvent à la croisée du destin.
Certains parviennent à remodeler leurs époques. D'autres, plus souvent hélas meurent avant la concrétisation de leurs projets...
Je ne dois pas être le seul à avoir un penchant pour ceux qui essaient de détourner le courant des évènements mais parmi les Stilicon, Roi Lépreux, Montcalm, Chevalier de Lévis ou autre Turgot .... il se dégage à mes yeux un homme, Stolypine. Probablement du fait des horreurs abyssales qui suivront de quelques années à peine sa mort...
Je développerai ceci un peu plus tard mais mon petit doigt me dit qu'un certain participant (récent) de ce forum avec un pseudonyme portant sur le rouge va rapidement apporter la contradiction à ces propos :wink:

Amicalement


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 Sujet du message : Re: Piotr A. Stoplypine
Message Publié : 02 Mai 2004 22:48 
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duc de Raguse a écrit :
Malheureusement, il ne pu voir la réalisation concrète de ses réformes, ni les poursuivre, il fut assassiné en 1911.

N'oublions pas le revirement de Nicolas II à son égard, ce dernier se détachant progressivement de lui, d'une part sous les pressions conjuguées de son entourage (Tsarine comprise...) et d'autre part du fait de cet immobilisme qui caractérise malheureusement les "fins de dynasties"...(je vous accorde que ces mêmes dynasties s'arrêtent là parce que justement ceux qui les incarnent alors sont inadaptés à ce poste).

Sa disgrace aura d'ailleurs comme conséquence de ne plus lui faire bénéficier de la même protection policière et donc finalement de faciliter la tache de Bogrov qui l'abattra avec un Browning sans aucune difficulté (cet arme aura finalement le triste privilège d'être responsable de millions de morts puisque ce même pistolet sera également utilisé par un certain Gavrilo Princip en juin 1914 à Sarajevo... :cry: ).

En relisant mon message précédent je m'aperçois que je citai Turgot...cela me rappelle un autre sujet où je faisais un parallèle (toute proportion gardée bien sur étant donné les périodes et les pays différents...) entre les caractères de Louis XVI et de Nicolas II: un autre point commun est de ne pas avoir eu l'intelligence, la clairvoyance et le courage de soutenir les seuls hommes qui aurait pu sauver leurs trônes et accessoirement la face du monde...

Amicalement


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Message Publié : 03 Mai 2004 17:09 
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Inscription : 20 Avr 2004 15:03
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Il est impossible de savoir comment l'Histoire se serait dérouler sans l'assassinat de Stolypine car ce fut une période très chaotique, mais je pense que Stolypine était l'homme dont la Russie avait besoin.

Même si il y avait beaucoup à faire, ses réformes allaient dans le bon sens. La modernisation et la privatisation de la Russie étaient indispensables pour redresser ce pays dont la dette équivalait à 600% des recettes de l'Etat!
Mais ces privatisations ont été aussi sources d'actes révolutionnaires pour les anti-capitalistes. De plus, Stolypine a emprunté encore de l'argent sur les marchés et augmenté subséquemment la dette, ce qui a été aussi sources d'arguments révolutionnaires.

Je pense donc que si la politique de Stolypine avait perdurée avec en parallèle une répression forte vis à vis des révolutionnaires, il y a de grandes chances que la révolution communiste n'aurait pas eu lieu.
De là à voir la Russie comme première puissance mondiale, je ne pense pas car vu les dettes et l'arrivée de la première guerre mondiale, il aurait fallu vraiment de grands changements et que les russes eux-même travaillent sans se plaindre.


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Message Publié : 03 Mai 2004 20:44 
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J'observe avec joie que nous avons les mêmes centres d'intérêts mon cher Crillon... :wink:
Je voudrais revenir sur quelques points concernant le président du comité des ministres.

Citer :
l’amélioration de la « condition ouvirère ».

Absolument, une législation sur les retraites ouvrières, souvent oubliée, a été mise en oeuvre en 1908. Je ne dispose pas des "détails", mais je pense que les pensions ne montaient pas bien haut.

Citer :
N'oublions pas le revirement de Nicolas II à son égard

Absolument mon cher, j'avais oublié de le noter. Après un oukase de remerciement et de bonnes grâces en novembre 1907, la popularité rayonante de Stolypine dans la bourgeoisie "éclairée" russe et en Occident ( en France surtout ), Nicolas II changea de comportement à partir de 1909 envers son ministre.
Il est clairement établit que l'Empereur était tout simplement jaloux de ce dernier... :cry:
Bien pire encore : des recherches récentes ( journaux français, témoignages de diplomates français et d'hommes politiques russes, comme le comte Witte, Kokovtsov ou encore Isvolski ) m'ont fait découvrir que la haute administration russe se servait de l'Organisation Combat - branche armée du parti Socialiste Révolutionnaire, noyautée par la police tsariste -pour éliminer des hauts fonctionnaire gênants, voire des ministres.
C'est par son bras que le ministre de l'Intérieur von Plehve a été assassiné en juillet 1904 ( on peut alors accuser son rival Witte ou son entourage ? ), tout comme le grand-duc Serge en février 1905 et... Stolypine en 1911.
Que penser même de la "protection" et de l'attitude du Tsar, devant qui l'attentat s'est produit ?
De sombres interrogations qui prouvent bien le pourrissement de l'administration russe et son inéluctable décomposition, qui entraina avec elle la dynastie et le régime... :cry:
Stolypine avait bel et bien failli dans ce domaine !

Citer :
cela me rappelle un autre sujet où je faisais un parallèle (toute proportion gardée bien sur étant donné les périodes et les pays différents...) entre les caractères de Louis XVI et de Nicolas II: un autre point commun est de ne pas avoir eu l'intelligence, la clairvoyance et le courage de soutenir les seuls hommes qui aurait pu sauver leurs trônes et accessoirement la face du monde...

Je me souviens parfaitement de cette discussion. Je pense, comme à ce moment-là, que les situations ne sont pas comparables : la France de 1789 n'a rien à voir avec la Russie de 1905, tant au niveau politque que social.
Pourtant, il y a peut-être un point commun, c'est la psychologie des deux monarques. De bons pères de famille tout les deux, subissant l'influence d'une "étrangère", mis de côté par une bureaucratie incompétente ( l'un à Versailles, l'autre à Tsarkoe Selo ), ne comprenant la fin d'un régime et de ses privilèges, aimant leur peuple, indécis à l'extrême...

duc de Raguse.

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