Bonsoir (ou bonjour),
Je m'étais motivé à poster une réponse sur les Jeunesses hitlériennes mais mon chauvisnisme l'a emporté.
Je vais me concentrer plus particulièrement sur la capitale azuréenne: Nice. Pour ma part, la Belle Epoque est l'âge d'or de la Côte d'Azur.
Tout d'abord, il est vrai que la Côte d'Azur n'est pas le seul lieu de villégiature en France, les stations balnéaires de moindre importance telles que Deauville, Etretat attirent déjà à la Belle Epoque nombre de touriste et l'architecture de cette époque flamboyante en témoigne encore (enfin si le béton ne la supplante pas davantage...).
Deux nuances pourtant: si les autres stations font déjà partie du paysage balnéaire français, Nice et son comté sont en pleine expansion démographique et économique car nouvellement français. Après le délaissement du Piémont, le coup de pouce financier français relance l'activité: la côte sud-est, alors limitée au rives du Var (le fleuve) va être prolongée, ce qui attire curiosité du gratin et des investisseurs et n'échappe évidemment pas aux affairistes Niçois.
Le rattachement de la région va donc provoquer une mutation urbaine et une désertification progressive de l'arrière pays: l'espace urbain s'agrandit donc dans un style moderne, et ce de manière "rapidissime". Cause de ce même rattachement, le 2nd Empire investit dès 1860 45.000.000 de franc au développement de sa nouvelle province dont les élus et élites de cette région à la base pauvre. 45.000.000 pour ce qui est à l'époque la 45ème ville de France. Si elle est au 5ème rang aujourd'hui, c'est en grande partie grâce au tourisme.
Politiquement, l'Azur se tient en marge des remous nationaux. Ni grève (ou peu), ni affaire Dreyfus animent alors les débats.
Mais laissons la politique de côté: le climat y est doux et les paysages variés, offrant d'un même point de vue mer et montagnes enneigées, ce qui - ma foi - n'est pas si désagréable surtout en hiver. Parallèlement, les activités économiques traditionnelles sont en crise et les terres autrefois agricoles des collines niçoises (telle que Cimiez) sont préemptées par des investisseurs comme le Crédit Lyonnais qui construisent palaces luxueux. C'est d'abord un tourisme collinaire qui sera relayé par les aristocraties anglaises et russes.
Et si St Tropez connaîtra sa B.Bardot pour le célébrer, Nice n'a pas été en manque quant à ses personnalités dont le bouche à oreille forge une réputation: Victoria, Léopold II, le Tzarevitch Nicolas, etc... qui recherchent un lieu luxueux et confortable pour échapper à leurs rudes hivers ont contribué à rendre le site "hype" aux yeux du gratin d'alors. Là, les casinos, théâtres et opéras sortent de terre dans une architecture très "belle-époque" et les palaces d'abord flanqués sur les collines pour accueillir un tourisme hivernal descendent peu à peu vers la côte elle-même, à l'heure où l'on découvre les joies de la baignade. C'est le début du tourisme côtier.
Il faut voir - et c'est ce qu'on fait les élus et investisseurs d'alors - le tourisme non pas comme un plus mais comme une aubaine car la région, contrairement à la Normandie par exemple, est très pauvre en revenus agricoles ou commerciaux. Il faut donc en mettre plein la vue et de suite. Exit donc le côté exotique des moeurs de ces nouveaux français: l'accueil doit être moderne et répondre aux standards 4 étoiles parisiens; les lieux typiques telle que la Vieille Ville ne s'intègrent pas dans ce dynamisme (pas à la mode).
Par ailleurs, des évènements médiatiques y sont programmés: Carnaval, Meetings aériens, Courses automobiles, etc...
Dans cette conjonction de faits quasi-spontanée, le tourisme azuréen n'est pas, a contrario des autres stations balnéaires françaises, dans ses débuts, un tourisme familial ou de notables, il est réservé à l'aristocratie européenne et à des grosses élites financières. La discrétion commence à laisser place à l'apparat. Et le luxe attirant toujours et encore, tout le monde va couloir se l'approprier.
Revenons aux infrastructures: outre le train qui fait son arrivée dès 1864, l'accès aux paysages escarpés et à Monaco, déjà ville de jeux, est facilité par la construction fulgurante de corniches, ponts et viaducs. L'électricité apparaît et avec elle un réseau exceptionnel de tramway dès 1898 qui couvrira en moins de 10 ans tout le littoral et l'arrière-pays montagneux.
Tout ceci va s'écrouler en 1914: les palaces deviendront des hôpitaux, le moral n'est plus à la fête et l'aristocratie russe s'apprête à mourir. Si un sursaut est tenté dans les Années Folles, la Deuxième Guerre mondiale va mettre un terme à ce tourisme aristocratique et les palaces vont se transformer peu à peu en copropriétés.
Il faudra attendre les années 50 pour que les américains redonnent un souffle au tourisme azuréen (on est alors dans une époque où tout ce qui est américain rime avec "bien"). L'aéroport devient international et avec lui le nouveau tourisme. Et puis le tourisme s'étend sur la Côte jusqu'alors à peu près préservée pour l'agrandir davantage: viennent St Tropez, le festival de Cannes, le glamour monégasque de Grace Kelly puis les années Fratoni & Médecin... D'une autre manière qu'en 1900, le mythe est entretenu: la mer et les palmiers, le luxe et les scandales ont et font toujours rêver.
_________________ ...ou pas ! Vincent.
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