Sur ce sujet, vous pouvez lire le très intéressant ouvrage de Jean-Pierre Goubert, issu de sa thèse de doctorat : La conquête de l'eau, Paris : Robert Laffont, 1986. Je vous réponds à partir de ce livre, mais les infos sont évidemment bien plus complètes dedans. Vous pouvez voir aussi Gérard Jacquemet, "Urbanisme parisien : la bataille du tout-à-l'égout à la fin du XIXe siècle", Revue d'histoire moderne et contemporaine, XXVI, oct.-dec. 1979, p. 505-548. Il y a également pas mal de sources intéressantes : Depouilly, L'eau dans les logements ouvriers, thèse de médecine Paris, 1900 ; Cheysson, "La question des habitations ouvrières en France et à l'étranger", Revue d'hygiène, août 1886.
Très, très peu de maisons urbaines comme campagnardes, en 1890, ont un système de distribution d'eau. Jusque vers 1900, l'eau n'arrive qu'au domicile de quelques privilégiés. Le lavoir, la borne-fontaine, le puits, en ville, sont des lieux centraux. Toutes les villes ne possèdent pas, d'ailleurs, de distribution d'eau. En 1892, 290 villes sur 691 de plus de 5000 habs rassemblent 4 512 941 habitants, mais seulement 127 318 abonnés au réseau de distribution (dont les institutions publiques). A la même date et sur les même villes, 90 ont des égouts, pour 156 054 abonnés.
Pour Paris plus spécifiquement, on est dans le cas d'une mini-exception. C'est Belgrand, dans les années 1860, qui s'occupe de ressources en eau. Il a deux objectifs - améliorer la qualité des eaux, en substituant l'eau de source à l'eau de la Seine et du canal de l'Ourcq. - repousser en rivière les bouches d'égout. Belgrand établit un double service de distribution d'eau, l'un pour les habitations (de bonne qualité), l'autre pour la rue ou les usines (qualité moindre). Il prévoit donc dans Paris deux réseaux de conduites entièrement distincts. Il met également en place un réseau de collecteurs pour recueillir les eaux usées des quartiers de Paris et les diriger vers le fleuve, à un point assez éloigné.
A partir de 1882 se met en place le tout à l'égout, nouveau procédé de vidange plus hygiénique. En 1886, il y a moins de 500 raccordements à l'égout dans Paris ; 4667 en 1890 et 23055 en 1900.
Goubert montre également comment les conceptions liées à l'hygiène et à l'eau évoluent au XIXe siècle, sous l'influence essentiellement des instituteurs.
En ce qui concerne l'eau dans l'espace domestique, - le lavabo est normé à partir de la seconde moitié du XIXe et se répand rapidement, à partir de cette époque, dans les classes supérieures de la société. - Dans un intérieur modeste, pas de baignoire, mais des baquets et cuvettes. L'eau est rare, précieuse, coûteuse, et constitue un luxe. On se baigne au fleuve pour les hommes, ou dans des établissements comme les bains à 4 sous, c'est à dire des baignades dans le fleuve, dans une zone close de palissades. Les classes aisées, par contre, vont le plus souvent aux baignoires publiques. - L'usage du bidet est difficile à évaluer car souvent tu pour des raisons de pudeur, mais il ne commence visiblement à s'imposer qu'à partir des années 1920, sauf pour les prostituées. - Les toilettes naissent tard, mais s'imposent rapidement dans la deuxième moitié du XIXe, bien que des problèmes de pression d'eau les rendent malaisées à utiliser. L'idée de s'isoler pour faire ses besoins apparaît à la même période. - pour la lessive, le blanchissage, qui avait déserté les foyers à la période moderne, y retourne, grâce à l'invention de la lessiveuse en métal, qui commence à bien s'imposer dans les années 1900. Les plus pauvres font leur lessive eux-mêmes (manque de vêtements), les autres donnent le linge à des blanchisseuses.
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