Bonjour à tous,
musicologue travaillant sur la musique française à la fin du XIXe siècle, je bute sur une expression qui m'est inconnue : "échange de témoins".
Voici l'extrait du Figaro, daté du 27 juillet 1899, qui me pose problème :
"Un incident s'est produit hier au Conservatoire, à l'entr'acte qui coupait, vers trois heures, le concours d'opéra.
Le père d'une élève de piano non récompensée deux années de suite et qui, par conséquent, devait quitter l'Ecole, irrité, de façon par trop inadmissible, d'un tel résultat, s'est livré envers son professeur, M. Alphonse Duvernoy, à une voie de fait que celui-ci, surpris, n'a pu empêcher.
L'agresseur est parti en donnant sa carte à M. Duvernoy, et il est question d'un échange de témoins."
Une rapide recherche sur Google m'a permis de comprendre que cela avait un lien avec le duel, que cela peut le remplacer, etc.
Qui pourrait éclairer ma lanterne ? Des exemples célèbres ?
Merci par avance

Lors d'un duel, tous les détails matériels de la rencontre étaient réglés, après concertation avec les intéressés, lors d'une entrevue entre leurs témoins, chacun des duellistes devant en choisir au moins un parmi ses amis et relations à cet effet.
Les témoins pouvaient aussi être présents lors de la rencontre, pour veiller à ce que les droits de celui qu'ils représentaient et les règles du duel soient bien respectés lors du duel.
Envoyer ses témoins à quelqu'un signifiait le provoquer en duel.

Dernier duel célèbre (présumé dernier) : René Ribière et Gaston Deferre qui l'avait traité "d'abruti". Il se déroula à Neuilly le 21/04/1969 ; visible sur "youtube".
Ribière fut touché par deux fois, sans gravité (épée).
On peut citer la mort de l'écrivain russe Pouchkine en 1837 à l'occasion d'un duel.

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"Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu à toutes les femmes...."
Extrait de "La Chanson de Craonne"

Pour relancer ce topic abordant le terme de "témoins" et par conséquent celle de duels, principalement au XIX siècle, je vous recommande ce livre.



Cela permet de mieux comprendre la place du duel au sein de la société de cette époque. Pratique coutumière s'entrechoquant avec ce qui relève de la sphère juridique.

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> Le courage, c'est de comprendre sa propre vie... Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.
( Jean Jaurès )

L'insulté choisisssait son arme, un avantage si il était entrainé à une arme particulière. La présentation d'excuses publiques acceptées permettait à l'auteur des propos ou de l'attitude contestés d'éviter le duel et ses risques.
Mais dans ces périodes où garder son honneur était primordial, refuser un duel pouvait paraitre une lacheté.
A l'épée, il pouvait être convenu entre témoins du duel d'arrêter le combat au premier sang. Le duel était parfois pour la forme. Des excuses pouvaient être présentées en cours de duel.
Lors du duel, chacun apportait ses armes en double, une paire de pistolets par exemple, dans un bel écrin, et on choisissait alors les armes. Il était tiré au sort qui tirerait en 1er. Voir le célèbre duel final de Barry Lindon de Stanley Kubrick ou le duel qui ouvre le film.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Aujourd'hui, il n'est plus vraiment possible de laver son honneur par un duel. Une simple blessure infligée à autrui peut valoir jusqu'à cinq ans d'emprisonnement aux termes des art. 309s du Code pénal. Les témoins risquent aussi d'être poursuivis pour non-assistance à personne en danger avec des peines allant de six mois à deux ans d'emprisonnement.
Où va le monde ? Clémenceau, Maupassant, Déroulède et même Jaurès doivent se retourner dans leur tombe.

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Je n'ai pas cru que tes édits pussent l'emporter sur les lois non écrites et immuables des dieux. Sophocle

Autre ouvrage intéressant :
Martin Monestier - DUELS - Editions Le Cherche Midi

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Je n'ai pas cru que tes édits pussent l'emporter sur les lois non écrites et immuables des dieux. Sophocle

La vidéo en question indique 1967.

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[...] Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie
Et l'aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants...
Renaud, Mistral gagnant, 1985.

Avant d'envoyer ses témoins, il fallait un évènement qui rende le duel inévitable. Le procédé habituel était que celui qui avait eu à se plaindre de quelqu'un attendait ou recherchait une occasion de le rencontrer et il le gifflait ou plutot le souffletait en public avec son gant d'une manière plus élégante, en donnant la raison. Le code d'honneur de la bonne société obligeait alors au duel. Il fallait au moins un esclandre pour avoir une belle occasion et entendre la réponse: Monsieur vous recevrez mes témoins .
Les témoins d'un duel avaient une grande utilité, non seulement pour le préparer mais aussi pour attester que tout s'était déroulé dans les règles de l'art, sans guet-apens et en témoigner en justice mais aussi devant la société.
Casanova usait fréquemment du duel pour se tirer d'embarras notamment quand il était pris à tricher ou ne pouvait payer sa dette de jeu. Il le faisait sans risque, car c'était un colosse, habile à l'épée comme dans tout ce qu'il entreprenait.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

En somme les témoins sont les représentants, les huissiers et les arbitres de chacune des parties.

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> Le courage, c'est de comprendre sa propre vie... Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille... Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel.
( Jean Jaurès )

Oui et c'est parce qu'il n'y a pas de représentant assermenté de la loi qu'il y a quatre témoins et pas un ou deux.
Il y a une esthétique et une morale du duel avec ses témoins.
La manière anglaise que les différents se règlent à coup de poings n'est pas mal non plus. Il y a aussi des témoins mais pas les belles règles du duel classique.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.

Alphonse Allais avait en son temps (fin du XIXème) réalisé ce qui reste sans doute le plus grand gag de l'histoire des duels et des échanges de témoins.

Ayant subtilisé à un ami, membre de la vieille noblesse française (siouplaît) tout un lot de cartes de visite, il passa toute une soirée à s'engueuler au hasard avec pas mal de monde, finissant toujours en envoyant à la figure du type l'une des cartes et en disant : "Mossieur, vous êtes un fieffé ... et j'attends vos témoins demain à la première heure".

Le lendemain aux aurores, le propriétaire des cartes de visite, un peu fatigué après la fiesta de la veille, fut réveillé par un embouteillage de témoins à la porte de son appartement !

Alphonse Allais a perdu un copain ce jour-là, mais le tout Paris était écroulé de rire.

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"Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".

Yves Modéran