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Message Publié : 25 Oct 2011 17:14 
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Thucydide
Thucydide
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Inscription : 02 Jan 2011 14:37
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Localisation : Belgique
En octobre 1908, Georges Sorel écrivait dans un périodique bien connu : "(...) Comment ferez-vous pour fédérer des Slaves, ou religieux ou mystiques révolutionnaires ; des Scandinaves assagis : des Allemands ambitieux ; des Anglais jaloux d'autorité ; des Français avares : des Italiens souffrant d'une crise de croissance ; des Balkaniques braconniers : des Hongrois guerriers? Comment calmerez-vous ce panier de crabes qui se pincent tout la sainte journée?" Sorel ne cite pas les belges, mais il aurait pu !

Cet extrait d'article paru est en quelques sortes le préambule à un phénomène qui n'a pas affecté que la Belgique, loin de là. La "Belle Époque" se caractérise en partie par les expositions, qu'elles soient universelles, internationales ou nationales. En 1911, c'est l'exposition internationale (qui n'aura d'internationale que le nom) de Charleroi, alors moteur économique du Royaume. L'objectif de telles manifestations est de mettre en évidence la puissance de Charleroi, mais aussi et surtout d'une nation. C'est une démonstration de puissance économique, et la démonstration d'une fierté d'être, pour le cas, belge.

Trois points sont importants : puissance économique, "notre" race, et la Nation belge.

Concernant la puissance économique, c'est la volonté d'expansion économique qui prime. On entend à l'époque en Belgique, la Brabançonne (hymne national, encore aujourd'hui), mais aussi d'autres hymnes, sortes de God Save the Queen à l'anglaise, hymnes dont on ne connait pas bien la légitimité, mais que tout le monde connais malgré tout ! Un sentiment nationaliste extrême s'installe donc, alors même que nous sommes à l'époque de la Lettre au Roi de Jules Destrée (1912) dans laquelle il commence par écrire "Sire, il n'y pas de belge, il n'y a que flamands et wallons!". Congrès et conférences (comme à Gand) s'y rajoutent. Du congrès de Liège de 1905 en sort un constat : "L'union nationale des deux races (sic.) est menacée". Et dans le même temps, dans ce même congrès, on insiste sur l'importance de développer les spécificités de la race (sic.) wallonne et sur l'importance d'un avenir meilleur en Flandre.

Alors qu'en Belgique et ailleurs, les nationalismes créent une émulation certaine, le 1er juillet 1911, l'Allemagne exige des compensations de la France. C'est l'épisode de la canonnière "Panther". Les rivalités coloniales provoquent une première crise entre la France et l'Allemagne, qui envoie la canonnière "Panther" dans le port d'Agadir pour protéger ses ressortissants, qui se "diraient" en insécurité. La France soutient le sultan Moulay Hafiz face à une révolte berbère, et l'Allemagne voit d'un mauvais œil une présence militaire et donc influente de la France au Maroc. L'entente cordiale est alors réaffirmée avec une intervention de la Grande-Bretagne en faveur de la France, ce qui enclenche les préparations à la guerre. Quatre mois plus tard, l'Allemagne retire son navire, et laisse la France à ses affaires coloniales au Maroc.

Pourtant, la Belgique est neutre, et cet incident ne concerne que les deux grandes puissances que sont l'Allemagne et la France. C'est le paradoxe du ménage à trois, la France, la Belgique et l'Allemagne, avec comme garante, l'Angleterre. Partout en Europe, on pense à la guerre. On y pense tellement que le quotidien "Le Soir", en Belgique neutre, pose la question en 1911 : "Le pays est-il prêt pour la guerre?". Les réponses vont généralement vers une certaine confiance.

Notre race, comme l'on en parlait à l'époque c'est-à-dire nous, belges. Cette partie concerne la présence belge dans le monde, qui est impressionnante et va au-delà des "simples capitaux" (les principaux capitaux investis sont belges, français et allemands. En effet, la Belgique a profité d'un passage radical aux nouvelles technologies (électricités et chimie) et voit l'arrivée d'industriels tels qu'Ernest Solvay qui investit dans ces secteurs (Pour Solvay ce sera la chimie et le carbonate de soude), tout en gardant les matières industrielles classiques, entendez le charbon en majorité, et son utilisation industrielle. Enfin, les secteurs de transports sont aussi des secteurs de prédilection pour les investisseurs belges.

L'importance de tels secteurs engendre la mise en place de cartels internationaux destinés à se partager l'économie mondiale par secteurs. C'est dans ce cadre de formation de cartels, que sont formés d'excellents ingénieurs (formant alors une caste : celle des ingénieurs savants ET cultivés, et non les managers d'aujourd'hui) et juristes dans les universités belges. Ces "experts" sont envoyés à l'étranger, le plus loin possible, puis rapatriés petit-à-petit à mesure qu'ils acquièrent de l'expérience. Ces parcours d'ingénieurs sont similaires à ceux des diplomates. Jeunes, ils sont loin de chez eux, et ils se rapprochent progressivement. Enfin, les belges sont également présent dans les sociétés internationales. Le nombre de mandats d'administrateurs de sociétés qu'ont les décideurs économiques belge est impressionnant.

Enfin, dans la Nation belge, une nation dont on a déjà soulevé les faiblesse (Destrée, 1912). On constate une immigration spontanée (3,4% du pays en 1910) avec 80.000 français, 70.000 hollandais et 59.000 allemands en 1910. L'émigration belge quant à elle est très modeste. Principe de démographie générale : si l'immigration est supérieure à l'émigration, nous sommes dans une phase de croissance démographique. On constate trois phénomènes engendré particuliers dans la phase d'émigration :
* l'importance de l'émigration saisonnière des fermiers flamands en France;
* l'expatriation d'experts comme pour contaminer les grandes puissances (l'exemple de dizaines de juristes au Siam, qui forment le conseil rapproché de la sphère royale);
*la présence de belges en Russie (ouvriers verriers et métallurgistes de Charleroi, +- 20.000).

Tout ceci amène à une rapide conclusion sur la situation belge à la veille de la seconde guerre mondiale. La Belgique, considérée comme un "nain politique" (ce qu'elle est), est cependant extrêmement présente dans l'économie internationale. C'est le résultat d'une véritable propagande nationaliste, d'un concept de "la plus grande Belgique". Dechêne (économiste liégeois du XIXe siècle) résumera l'importance économique de la Belgique en quatre points : le placement de capitaux à l'étranger, une politique coloniale très forte, une marine marchande et de nouveaux débouchés commerciaux. Dechêne ajoute que par ces quatre points, la Belgique se fait "le porte-drapeau de la civilisation" (sic.) et termine en qualifiant le patriotisme de "nationalisme d'expansion" (sic.). L'expansion économique crée la Nation.

Enfin, la Belgique surprendra le monde en 1914, puisqu'elle résistera, contre toute attente, dans les tranchées de l'Yser. Peut-être grâce au rôle du sentiment national qui fit grandir le patrimoine économico-culturel à l'extérieur des frontière, grâce à ce culte de la plus grande Belgique, caractéristique du début du siècle. C'est l'impérialisme plus l'expansion, ou la déchéance. Celle de la Belgique sera mondiale, et pacifique.

Concluons ceci par l'importance de la réforme de l'enseignement, et des arts, qui jouèrent un grand rôle dans l'évolution du sentiment patriotique et nationaliste qui fit de la Belgique, une puissance.

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Le bon historien ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier.
Bloch M.


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Message Publié : 26 Oct 2011 14:04 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
Message(s) : 2953
La Belgique avait une industrie puissante en Wallonie ,la Flandre était fertile,le Congo un réservoir de richesses énormes et cependant ma famille avait conservé le souvenir de prix bien inférieurs à ceux pratiqués en France et Grande Bretagne dans l' immobilier notamment; beaucoup de Français achetaient sur la côte flamande...Je me suis toujours demandé si le Franc belge n'était pas sous évalué par rapport au Franc français ou à la Livre........


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Message Publié : 26 Oct 2011 17:31 
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Thucydide
Thucydide
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Inscription : 02 Jan 2011 14:37
Message(s) : 43
Localisation : Belgique
A l'époque, la Belgique est véritablement tirée par le villes industrielles présentes le long du sillon Sambre-et-Meuse (Mons-Liège et Charleroi en tête), gisement de l'or noir. Rappelons-nous que la Belgique est, avant la première guerre, le deuxième pays le plus industrialisé d'Europe après l'Angleterre.

Le plus grand exportateur de charbon au monde... Jusqu'au début de la guerre.

A quelle période faites vous référence? Si c'est après la Grande Guerre, c'est "normal", la Belgique et ses industries "du sud" commencent leur déclin. Lent jusqu'à la guerre, puis extrêmement rapide jusque dans les années 70"...

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