Nous sommes actuellement le 28 Mars 2024 17:52

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 message(s) ] 
Auteur Message
Message Publié : 06 Fév 2012 15:41 
Hors-ligne
Thucydide
Thucydide

Inscription : 09 Sep 2011 21:01
Message(s) : 33
Bonjour, je voudrais savoir si au début de la IIIe République, il y a eu - même très minoritairement - chez les républicains les plus progressistes, une critique du gouvernement représentatif, considéré ni plus ni moins que comme une oligarchie et une volonté de se rapprocher de l'idéal d'une démocratie directe.

Merci !

"Les « véritables intérêts » du peuple

Pour Jules Ferry, le ralliement des campagnes est dû à la modération des républicains, qui ont su renoncer à appliquer intégralement leur programme pour ne pas heurter les intérêts des paysans. Ces derniers aspirent selon lui à se consacrer pleinement à leur travail et attendent à cet égard du gouvernement qu’il maintienne l’ordre et leur épargne une participation politique trop prenante : « c’est au moment des périodes électorales que ce grand pays, cette masse immense et laborieuse du suffrage universel, se remue, s’agite, réfléchit sur la chose publique et prononce son arrêt. Dans l’intervalle, le pays est très porté à laisser faire ses délégués. » [17] C’est pourquoi il appelle les républicains à abandonner partiellement leurs exigences, au moins provisoirement. L’idéal d’un gouvernement faible, l’élection des juges, la séparation de l’Église et de l’État, la fréquence des élections ou encore l’indemnisation des fonctions électives municipales, sont autant de mesures qu’il affirme légitimes mais inapplicables dans un pays rural comme la France. Et quand les radicaux lui opposent les exemples étrangers, en particulier celui de l’Angleterre, qui présente à leurs yeux ce paradoxe insupportable d’être monarchique et pourtant plus libérale que la République française, il répète inlassablement que le peuple français « est fort étranger, et point encore accoutumé, et ne s’accoutumera pas de longtemps à ces pratiques de gouvernement libre que nous voyons fonctionner avec tant d’éclat de l’autre côté du détroit » [18].

Les radicaux sont stupéfaits. Si la prudence s’imposait au début de la Troisième République, lorsque le régime était encore à la merci de ses ennemis, elle leur paraît avoir tout de la démagogie dès lors que les républicains sont assurés du pouvoir : pourquoi conforter les populations rurales dans leur indifférence politique alors qu’il est désormais possible de les initier à la « vraie » République [19] ? N’est-ce pas sacrifier trop rapidement l’idéal républicain à des considérations bassement électorales ? Et le souci de ménager les paysans ne cache-t-il pas une forme de mépris à l’égard du peuple français, qu’on estime a priori incapable d’accéder à la véritable souveraineté ? C’est selon eux se méprendre en tout cas sur les besoins des ruraux et les confondre trop rapidement avec leurs « préjugés » : « toutes les réactions, toutes les peurs en France se sont toujours appuyées sur le paysan, sur ses préjugés, sur son ignorance, jamais sur son intérêt », peut-on ainsi lire dans La Justice [20]. Contrairement aux opportunistes, les radicaux réclament alors une participation fréquente et approfondie des citoyens aux affaires publiques, seule à même d’instiller dans l’électorat rural « l’habitude de regarder autour de soi et de faire soi même ses affaires » [21] … et satisfaire ainsi ses « véritables intérêts ».

Ils renouent à cet égard avec l’idéal de la démocratie directe, que certains de leurs prédécesseurs avaient d’ailleurs appelé de leurs vœux en 1850-1851. Entretemps pourtant, la perspective a changé. À la fin de la Seconde République, il s’agissait de mettre fin à la représentation, toujours susceptible d’organiser la trahison des représentés par les représentants, pour permettre aux citoyens de gérer directement leurs intérêts, réputés connus, transparents et convergents avec l’intérêt général. À la fin du Second Empire et au début de la Troisième République, les radicaux, quoique ralliés à la démocratie représentative, visent néanmoins à insuffler l’esprit du gouvernement direct dans ses institutions, non plus pour laisser s’exprimer tels quels les intérêts du peuple mais pour les débarrasser des préjugés et les relever en les politisant : comme Allain-Targé, ils se méfient profondément du « gouvernement constitutionnel, parlementaire, qui, au lieu de remuer comme par le reflux et le flux de la mer, d’agiter le peuple tout entier aux jours fréquents des élections populaires, sous le vent du gouvernement direct, et de l’empêcher ainsi de se corrompre, repousse vers ses occupations, ses jouissances matérielles, désintéresse des passions salutaires et nobles de la politique la masse du peuple gouverné »
"
http://www.laviedesidees.fr/spip.php?pa ... ticle=1623


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Fév 2012 18:31 
Hors-ligne
Modérateur
Modérateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 04 Déc 2011 22:26
Message(s) : 1652
Localisation : Paris
persephone66 a écrit :
Ils renouent à cet égard avec l’idéal de la démocratie directe, que certains de leurs prédécesseurs avaient d’ailleurs appelé de leurs vœux en 1850-1851. [...] À la fin du Second Empire et au début de la Troisième République, les radicaux, quoique ralliés à la démocratie représentative, visent néanmoins à insuffler l’esprit du gouvernement direct dans ses institutions, non plus pour laisser s’exprimer tels quels les intérêts du peuple mais pour les débarrasser des préjugés et les relever en les politisant : comme Allain-Targé, ils se méfient profondément du « gouvernement constitutionnel, parlementaire, qui, au lieu de remuer comme par le reflux et le flux de la mer, d’agiter le peuple tout entier aux jours fréquents des élections populaires, sous le vent du gouvernement direct, et de l’empêcher ainsi de se corrompre, repousse vers ses occupations, ses jouissances matérielles, désintéresse des passions salutaires et nobles de la politique la masse du peuple gouverné ».

Source : http://www.laviedesidees.fr/spip.php?pa ... =1623#nb22

Une partie de la réponse ce trouve dans l'extrait que vous nous proposez, persephone66.
François Allain-Targé a été membre (républicain) de la Chambre des députés de 1876 à 1889, où il a pu, sans nul doute, exprimer sa critique du gouvernement indirect, s'il est avéré qu'il a maintenu sa position politique sur la question. La citation proposée par Chloé Gaboriaux (Source : Henri Allain-Targé, La République sous l’Empire : lettres, 1864-1870, Paris, Grasset, 1939, p.133) laisse, en effet, un doute dans la mesure où l'idée défendue par Allain-Targé l'est avant l'avènement de la République.

J'ajoute que Georges Clémenceau était partisan d'une démocratie directe, idée dont il se fit l'écho dans un article du journal La Justice du 13 avril 1880.

_________________
« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 06 Fév 2012 18:36 
Hors-ligne
Modérateur
Modérateur
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 04 Déc 2011 22:26
Message(s) : 1652
Localisation : Paris
Navré pour le double-message.

persephone66 a écrit :
Bonjour, je voudrais savoir si au début de la IIIe République, il y a eu - même très minoritairement - chez les républicains les plus progressistes, une critique du gouvernement représentatif, considéré ni plus ni moins que comme une oligarchie et une volonté de se rapprocher de l'idéal d'une démocratie directe.

Je précise, dans la lignée des thèses développées dans Les assises intellectuelles de la République de Jean-Louis Clément (2006), que les partisans d'une démocratie directe font la critique d'une aristocratie.

_________________
« But thought's the slave of life, and life's time fool. » (William Shakespeare)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Fév 2012 11:03 
Hors-ligne
Thucydide
Thucydide

Inscription : 09 Sep 2011 21:01
Message(s) : 33
Merci bcp Jadis. Alors si je comprends bien il y a peut-être eu des personnes isolées qui ont revendiqué ce genre d'idées mais pas de "mouvement" même minoritaire ?
Autrement dit cela restait quand même assez excentrique, non ?


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 07 Fév 2012 20:06 
Hors-ligne
Georges Duby
Georges Duby
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 27 Juil 2007 15:02
Message(s) : 7445
Localisation : Montrouge
Remettons nous en 1870, les républicains sortent de 18 ans d'empire, ils savent que c'est par le suffrage universel que Napoléon III est arrivé légalement au pouvoir le 20 déc. 1848 à une énorme majorité. Ils se rappellent que durant l'empire l'empereur a reçu massivement les voix rurales et qu'il a pu compter sur elles par une sorte de contrat d'intérêts croisés qui a été analysé, les villes rejoignant l'opposition.
Par ailleurs comment peuvent-ils oublier que c'est encore avec leurs bulletins de vote que les électeurs le 8 février 1871 ont élus 400 députés monarchiste dans un contexte exceptionnel il est vrai. Puis tout change aux élections partielles
Peu de républicains opinent en faveur de la démocratie directe au début de la 3è République.
Ce n'est pas ainsi que les républicains ont envisagé l'avenir mais comme on sait dans une grande campagne pour convertir la province, dont Gambetta a pris la tête avec maestria, cmpagne qui a été relayée par la mise en place de moyens considérables pour convertir les français à la République.
Rappelons enfin que dès la proclamation de la République en sept 1870, les républicains décident de marginaliser leurs extrêmes dont ils se désolidarisent. N'oublions pas que Gambetta et Grévy, Ferry, les leaders, réprouvent la Commune et soutiennent Thiers qui devient leur héros.
Seule une minorité a pu vouloir créer une démocratie directe dans les débuts de la 3è République. Aucun compromis n'a eu lieu, la majorité suivant Gambetta dont l'influence est alors très forte.
Gambetta est très informé que son extrême gauche peut, comme elle l'a déjà fait abondamment dans le passé, faire échouer la fondation d'une république durable. Tout est clair à cette époque.

_________________
Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 message(s) ] 

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 9 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB