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 Sujet du message : La crise du 9 mai 1873
Message Publié : 09 Mai 2012 0:02 
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Je lisais cet article : http://www.lepoint.fr/c-est-arrive-aujourd-hui/9-mai-1873-en-europe-aux-usa-les-bourses-plongent-la-crise-le-chomage-rien-ne-change-09-05-2012-1459471_494.php

Citer :
9 mai 1873. En Europe, aux USA, les Bourses plongent, la crise, le chômage... Déjà.
Le Point.fr - Publié le 09/05/2012 à 00:00
Les dépressions mondiales se suivent et se ressemblent. En 1873, le krach démarre à Vienne, passe à Berlin, à Paris, puis en Amérique !

La crise ! La crise ! On n'entend parler que d'elle depuis quelques années. Horreur, ô désespoir, les Bourses chutent, l'économie s'effondre, l'emploi disparaît... C'est la fin du monde ! Mais non ! C'est simplement le capitalisme qui connaît un petit passage à vide... comme il en vit régulièrement. Une bonne petite purge pour pouvoir repartir de plus belle. Depuis deux siècles, c'est qu'il y en eut un sacré paquet de crises, de krachs, de dépressions et autres gâteries du même style. Et pas que des petites crises, mais des énormes, de celles qui font croire à l'apocalypse. Mais qui s'en rappelle ? Celle de 1929 reste encore dans les mémoires, mais elle a été précédée par de nombreuses autres : en 1873, en 1865, en 1836. À chaque fois, des coups de poing dans la gueule. Le monde civilisé croit ne jamais pouvoir s'en relever et il reprend toujours du poil de la bête, les banques souvent à l'origine de la tourmente renaissent de leurs cendres pour entamer un nouveau cycle.

Le 9 mai 1873, affolement à la Bourse de Vienne. Une semaine après l'ouverture de l'Exposition universelle destinée à magnifier le règne de l'empire austro-hongrois, c'est le krach. La bulle spéculative immobilière de l'Autriche éclate. En quelques heures, des centaines de banques font faillite, entraînant la ruine de centaines de milliers de petits épargnants. Les établissements financiers sont incapables de récupérer l'argent prêté sans discernement aux sociétés immobilières et aux particuliers pour construire à Vienne. Un seul exemple édifiant : la banque Placht et Fels se révèle incapable de réunir 9 000 florins d'avoirs alors qu'elle affiche un passif de 2,76 millions de florins. C'est inimaginable.

Fièvre immobilière
Une fois de plus les banquiers paient leur totale irresponsabilité. Comme tous les Autrichiens, ils eurent la folie des grandeurs quand la France a commencé à verser d'énormes indemnités de guerre après la défaite de 1870. Vienne et de nombreuses autres villes lancèrent des programmes immobiliers énormes. Les particuliers suivirent le mouvement en construisant des immeubles et des maisons. Il fallut emprunter. Les établissements financiers ne demandaient que cela. Ils commencèrent à émettre des prêts hypothécaires comme vache qui pisse. La spéculation s'envola. Quand, pour un ensemble de raisons, la confiance s'effrita, ce fut donc la déroute boursière et bancaire.

La crise s'étend rapidement à l'Allemagne dont les banques ont connu la même fièvre immobilière. Par exemple, entre 1871 et 1873, la Bourse de Berlin avait enregistré 95 nouvelles banques dont la Deutsche Bank. Avant l'effondrement, les établissements immobiliers cotés en Bourse versaient des dividendes exceptionnels compris entre 10 et 15 %. Le krach balaie ces sociétés comme fétus de paille. Les uns après les autres, les groupes financiers sautent comme bouchons de champagne lors d'un mariage princier. La faillite la plus spectaculaire est celle du financier Stephan Keglevich qui avait été le plus jeune parlementaire du Parlement hongrois en 1861. Dans la foulée, des milliers de petits investisseurs qui se croyaient riches et malins se retrouvent sur la paille, Gros-Jean comme devant. En Autriche, pour sauver les meubles, les banques disposent d'un fonds de 20 millions de florins, mais il est plus vite asséché qu'un puits d'oasis après le débarquement d'une caravane de chameaux. Selon les journaux de l'époque, un millier de petits épargnants se suicident. Pas de krach pour les entreprises de pompes funèbres.

Cascade de faillites
Après avoir nettoyé les banques outre-Rhin, le krach décide de visiter Paris, où il y aurait une autre bulle immobilière sympathique à faire exploser. Effectivement, dans la foulée des travaux du baron Georges Eugène Haussmann, les banques françaises avaient elles aussi joué la construction à fond. Aussitôt le vent de la terreur souffle sur la Bourse parisienne. Émile Zola décrit parfaitement les méfaits de la crise immobilière dans son roman La Curée. Après avoir croqué Paris, le krach se sent d'attaque pour prendre à la gorge l'Amérique. À l'automne, la Bourse new-yorkaise, qui est euphorique depuis la fin de la guerre de Sécession et surtout grâce au boom du rail, commence à vaciller. Davantage encore que leurs confrères européens, les banquiers américains avaient pris de gros risques en prêtant à tire-larigot. Quand la crise européenne débarque, elle est la goutte d'eau qui fait déborder le vase déjà bien rempli de compagnies ferroviaires en difficulté et de scandales politico-financiers. La confiance dans le monde bancaire américain s'effondre aussi rapidement que Hiroshima sous la bombe A.

Les faillites se déclenchent en cascade. La crise devient panique le 20 septembre 1873, quand Wall Street doit fermer dix jours après la faillite de la plus grande banque américaine de l'époque, la Jay Cooke. Un témoin de cette époque confie que "l'organisation économique s'écroula avec des accents de cataclysme primitif". Le taux de chômage à New York s'élève alors à 25 %. Dans les grandes villes, les sans-emploi manifestent pour réclamer l'ouverture de chantiers publics. La police répond aussitôt à coups de gourdin. De nombreuses grèves paralysent le pays, se concluant par des échanges de coups de feu avec les milices privées engagées par les patrons. En Europe centrale, la dépression fait également rage, plongeant de nombreuses populations dans la misère. Lesquelles passent leur propre rage sur les Juifs lors de pogroms. Les boucs émissaires habituels. Mais, rassurons-nous, le capitalisme est cyclothymique. Les crises financières finissent par s'essouffler. Phénix des temps modernes, les établissements financiers se remplument pour mieux aborder la crise suivante. Nous y sommes...

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos


Et je me suis posé quelques questions.

Concernant cette crise en particulier, je comprend qu'il y avait de la spéculation en Autriche et en Allemagne suite au payement par la France d'une grosse somme pour libérer son territoire suite à la guerre de 1870. Mais justement, si tout cet argent s'en est allé, qu'est-ce qui nourrit la spéculation française ?

Puis, aujourd'hui l'économie est mondialisée et je comprend bien que les crises puissent jouer à saute-mouton d'un continent à l'autre. Mais, justement à l'époque nos économies étaient moins interdépendantes. Alors pourquoi ce jeu de dominos ?

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
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 Sujet du message : Re: La crise du 9 mai 1873
Message Publié : 09 Mai 2012 2:13 
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Jean-Pierre Vernant
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Je suis bien loin d'être spécialiste néanmoins de vagues évocations remontant à mon parcours en ES au lycée m'amène à glisser ce lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cycle_Kondratieff

Le point de vue suivi par le magazine me semble très empreint de cette analyse de l'économie. Un début d'explication peut être pour votre seconde interrogation.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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 Sujet du message : Re: La crise du 9 mai 1873
Message Publié : 09 Mai 2012 9:59 
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Merci Pédro. Mais, je connais déjà les cycles de Kondratieff. Je trouve que cela explique bien pourquoi les crises reviennent régulièrement. Je comprend que 2 économies qui sont en relations peuvent subir les contrecoups de crises qui arriveraient de l'une à l'autre.
Or, là, je suis étonné que la crise passe de l'Allemagne à la France. Parce que je pensais qu'il ne pouvait y avoir de spéculation en France à cette époque puisque le tribu exigé par les Allemands avait "nettoyé" l'épargne des français. Même si je comprend qu'une économie fragile puisse être plus sensible qu'une économie forte. Mais, cela voudrais dire qu'il y avait des liens financiers entre la France et l'Allemagne plus fort que ce qu'on nous dit au sujet de cette période.

De plus, je suis surpris que la crise "saute" ainsi l'Atlantique. Bref, l'économie de l'époque me semble déjà bien mondialisée.

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 Sujet du message : Re: La crise du 9 mai 1873
Message Publié : 09 Mai 2012 11:16 
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Plutarque
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Et oui les crises économiques ne datent pas d'aujourd'hui !
Et la plupart d'entre elles se résorbent d'elle même !
:mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:

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La meilleure partie de l'humanité ne périra pas; elle migrera d'étoile en étoile au fur et à mesure que celles ci s'éteignent. Ainsi, la vie ne connaitra pas de fin. Le perfectionnement de l'humanité sera permanent.

Konstantin TSIOLKOVSKI
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 Sujet du message : Re: La crise du 9 mai 1873
Message Publié : 09 Mai 2012 12:35 
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Narduccio a écrit :
De plus, je suis surpris que la crise "saute" ainsi l'Atlantique. Bref, l'économie de l'époque me semble déjà bien mondialisée.

Il existe deux écoles historiographiques sur cette expansion de la crise de 1873 :

Selon la première, il faut comprendre ce bond atlantique et cette expansion de crise au niveau européen comme les conséquences de l'abandon de l'étalon argent-métal par les États-Unis (1873) avec le Coinage Act (précédés en cela par l'Allemagne (1871) avec la loi monétaire de décembre 1871). Les États européens qui maintenaient le régime monétaire du bimétallisme souffrent de cette conversion à l'étalon-or, puisque les cours de l'argent-métal chutent. Les bulles spéculatives (touchant essentiellement l'immobilier et les travaux de construction), secouées par ce changement monétaire, éclatent en Europe et la panique gagne les marchés les uns après les autres.
Dans ce modèle historique, il y a un déplacement de la crise des États-Unis vers l'Europe.

Selon la seconde, plus répandue, il faut comprendre ce bond atlantique dans le sens inverse : la crise est née en Europe (en Autriche et en Allemagne) et s'est étendue aux marchés américains, comme le souligne l'article que vous proposiez dans votre premier message. Je me permets de recopier un extrait d'un livre de 1939, lui-même reproduit dans un article en 2008 (comme dit dans la source). Étant donné la date de l'ouvrage, certains jugements, notamment l'impact de la crise sur l'économie française, sont à nuancer, mais les grandes lignes de cette théorie sont exposées.

« Le déséquilibre économique se manifesta d'abord et surtout en Allemagne par la fièvre d'entreprises et de spéculations de 1872 à 1873. (...) Les versements français de 1871 et 1872 accentuèrent le désordre économique de l'Allemagne. La plus grosse partie des fonds disponibles se porta sur la bourse et s'investit en opérations aventureuses : de 1871 à 1873 apparurent à la cote de la bourse de Berlin 95 nouvelles banques ; dans le même temps, 780 sociétés par actions - soit une moyenne de plus d'une par jour - se fondèrent rien qu'en Prusse. La spéculation sévit partout en matière immobilière ; 100 sociétés financières se mirent à l'œuvre pour construire et embellir les villes allemandes (...). Des quartiers neufs s'élevèrent ; on bâtit de toutes parts avec fureur ; il y eut une hausse fiévreuse sur les immeubles ; mais, le plus souvent, ce ne fut qu'une gigantesque escroquerie, à coup de superbes dividendes prélevés sur le capital, de vastes plans de construction, de réclames financières. (...)

Gagnée par la contagion, l'Autriche était en pleine fièvre, une fièvre beaucoup plus pernicieuse encore que celle du Reich, car on ne relevait chez elle, en contre-partie, aucun accroissement comparable des forces productives. C'était surtout une fureur de constructions urbaines et de spéculations immobilières : en quelques mois, à Vienne, les maisons doublèrent de prix. Les sociétés, même les plus récemment fondées, distribuaient des dividendes de 10 à 15 % ; on créait des banques, uniquement pour le jeu de bourse et la vente à terme des valeurs ; 376 sociétés de toutes sortes furent fondées sur le sol autrichien en 1872, repré­sentant un capital de 2 milliards de florins et, dans le premier trimestre de 1873, il fut émis pour 700 millions de titres sans valeur. Sauf peut-être à l'époque célèbre de Law, on n'avait jamais connu jeu d'affaires aussi effréné, fièvre pareille de spéculation. [...]

Le marché international des capitaux donnait des signes d'épuisement à la suite des emprunts multipliés et de l'industria­lisation à outrance. Le 9 mai 1873, un krach se produisit à la bourse de Vienne. La panique gagna aussitôt Berlin, toucha l'Angleterre et la France. Les pays créditeurs rapatrièrent en hâte les capitaux disponibles ; une vive tension se produisit sur le marché monétaire. Le 26 mai, jour de l'ouverture de l'exposition internationale de Vienne, les banques commencèrent à donner des signes de défaillance. Le lendemain, on enregistrait 70 faillites ; le 28 mai, 110. Ce fut le signal d'une baisse catastrophique de toutes les valeurs. La bourse fut fermée, et le gouvernement dut intervenir pour enrayer la panique. Si la banque fut sévèrement frappée, l'industrie et le commerce payèrent aussi un rude tribut à la crise : arrêt des mines, des hauts fourneaux, des brasseries, des fabriques de textile, des entreprises du bâtiment, liquidation de 37 sociétés récentes de chemins de fer en Allemagne et en Autriche. (...) Une foule de sociétés disparurent ; le chômage sévit brutalement et fournit un élément à la propagande socialiste.

La crise de l'Europe, provoquant des rapatriements de capitaux, eut bientôt son contre-coup outre-Atlantique. (...) Les titres américains, discrédités en Europe et aux États-Unis, furent jetés en masse sur le marché ; à l'automne, une série de faillites bancaires se produisit coup sur coup. Le public se préci­pita sur les dépôts en banque ; le taux d'escompte fut porté jusqu'à 25 % ; le Stock Exchange fut fermé le 20 septembre. (...) A la veille de l'hiver, il y avait dans le seul État de New-York près de 200.000 ouvriers sans travail ; dans le Centre et le Sud, les fila­tures de coton s'arrêtaient : on relève, dans les derniers mois de 1873, plus de 5.000 faillites industrielles et commerciales (...). En moins d'un tri­mestre, les États-Unis avaient subi une secousse financière et économique qui devait laisser un ébranlement profond et durable : l'édifice du crédit s'était écroulé, la moitié des 370 compagnies de chemins de fer avait disparu, 50 seulement distribuaient de faibles dividendes, une partie des épargnants étaient ruinés.
»

Source : Hauser Henri, Maurain Jean, Benearts Pierre, Du libéralisme à l'impérialisme (1860-1878), Paris, Alcan, 1939, pp. 400-405, in Guffin Mac, "1873 : la première crise économique mondiale", Le Huffington Post, 23 octobre 2008.

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 Sujet du message : Re: La crise du 9 mai 1873
Message Publié : 09 Mai 2012 21:21 
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Merci Jadis, je comprend mieux. Il y avait bien des capitaux qui passaient d'un marché à l'autre et c'est leur rapatriement pour colmater les fuites d'un cotés qui créaient des déséquilibres de l'autre.

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