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Les relations germano-russes à la Belle Epoque
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Auteur :  Pouzet [ 11 Jan 2013 9:16 ]
Sujet du message :  Les relations germano-russes à la Belle Epoque

Comment expliquer que l'Allemagne et la Russie soient entrés en opposition à la belle époque alors que Nicolas II et Guillaume II étaient cousins ?
Ces deux puissances n'auraient-elles pas eu intérêt à coopérer pour éviter notamment des troubles révolutionnaires ?

Auteur :  Duc de Raguse [ 11 Jan 2013 9:27 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Les relations familiales entre monarques européens à la fin du XIXème siècle ne suffisent pas expliquer pourquoi des pays se font la guerre ou non.
Jusqu'en 1885 l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et la Russie étaient liées par "l'Alliance des Trois Empereurs" (on peut parfois aussi lire "l'Entente des Trois Empereurs). On se promettait neutralité en cas de guerre et assistance éventuelle, malgré le fait que les Russes s'étaient sentis humiliés après la guerre russo-turque de 1877/1878 et surtout après le Congrès de Berlin, qui ruinait en grande partie leurs gains de San-Stéphano. Bismarck y avait soutenu la position britannique, totalement hostile aux Russes.
Après 1885, le différend austro-russe devient trop fort dans les Balkans (essentiellement sur la crise bulgare) pour que l'alliance se poursuive. Berlin tente toutefois de conserver la neutralité russe par un traité de "réassurance" de 1887. Mais, l'EMG russe regarde déjà vers la France...
En 1890, lorsque Bismarck est "remercié" par Guillaume II et que ce dernier ne souhaite pas renouveller l'entente de 1887, les Russes se tournent alors vers des Français qui n'attendaient que cela... A cette date, c'est Alexandre III - qui déteste passablement le jeune empereur Guillaume - qui prend cette décision.
Ponctuellement, Guillaume II tente par la suite de "récupérer" les Russes (1894/95 et surtout 1905, lorsqu'il profite du faible soutien, offert par les Français à la Russie dans ses affaires d'Extrême-Orient), en la personne de Nicolas II et par des rencontres privées (Guillaume II croit encore en cette diplomatie par la "famille", alors qu'elle est totalement dépassée !), sans succès.

Auteur :  Pouzet [ 12 Jan 2013 17:58 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Quel dommage pour eux que ces deux grands empires; russe et allemand n'aient pas pu s'entendre. A force de vouloir s'étendre toujours plus, ils ont fini par tout perdre.

Auteur :  Duc de Raguse [ 14 Jan 2013 10:06 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

C'est surtout dans le choix de ses alliés que l'Allemagne a déçu, voire humilié la Russie.
D'ailleurs les différends autro-russes sont plus importants que les différends germano-russes.

Auteur :  Alexandre Souvorov [ 14 Jan 2013 10:41 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Il me semble que lorsque Guillaume II prit les rennes du pays il dénonça aussitôt le système Bismarck comme allant à l'encontre de son honneur ( il s'agissait en effet d'un jeux de dupes l'Allemagne ne pouvant soutenir les intérêts de l'un de ses alliés sans froisser ceux de l'autre). Par conséquent il abandonna l'alliance russe. Par la suite il sembla regretter ce choix et tenta de détacher la Russie de la France sans succès... La Russie de 1900, on a trop tendance à l'oublier été considéré comme '' LA'' puissance de demain un peu comme la chine d'aujourd'hui. C'est justement ces fantasmes sur le potentiel russe qui feront toutes cette ambiguïté dans les rapports germano-russe. A la fois la crainte d'avoir à affronter le ''rouleau compresseur russe'' et en même temps cette répugnance a lui apporter les capitaux nécessaire à son industrialisation.
Concernant leurs liens familiaux un documentaire sur la première guerre mondial insistait sur le fait que lors d’échange de télégramme entre la Russie et l'Allemagne les deux monarques jusqu’à la veille du conflit s’appelait l'un et l'autre '' cher cousin''.

Auteur :  Duc de Raguse [ 14 Jan 2013 10:48 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Citer :
il dénonça aussitôt le système Bismarck comme allant à l'encontre de son honneur

Il faut y voir aussi les pressions de l'Etat-Major allemand, sous la houlette de Waldersee, qui devenait de plus en plus hostile à la Russie. Cet Etat-Major n'a pas supporté que la Russie refusa de se déclarer neutre lorsque l'opportunité d'une guerre contre la France lors de la crise de 1886/1887 s'ouvrait alors pour l'Allemagne.
Ce soutien à la France fut très mal digéré par l'EM allemand.
Même si le système bismarckien était alambiqué, voire paradoxal, avec la recherche d'une amitié avec deux puissances aux intérêts opposés, il n'en demeurait pas moins très puissant et avait conservé l'isolement français depuis 1871.

Citer :
La Russie de 1900, on a trop tendance à l'oublier été considéré comme '' LA'' puissance de demain un peu comme la chine d'aujourd'hui.

Effectivement. Certains historiens avancent encore que si la guerre de 1914 n'avait pas eu lieu - ni la révolution d'octobre -, la Russie pouvait devenir cette puissance.

Auteur :  Pouzet [ 14 Jan 2013 11:44 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Citer :
lorsque l'opportunité d'une guerre contre la France lors de la crise de 1886/1887 s'ouvrait alors pour l'Allemagne.


Pouvez-nous en dire plus sur cette crise ?

Auteur :  Alexandre Souvorov [ 14 Jan 2013 12:27 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Citer :
Citation:
lorsque l'opportunité d'une guerre contre la France lors de la crise de 1886/1887 s'ouvrait alors pour l'Allemagne.


Pouvez-nous en dire plus sur cette crise ?



Je pense que Duc de Raguse fait allusion au ''général revanche''. Georges Boulanger fut nommé ministre de la guerre le 6 janvier 1886. Il été partisan d'une politique dur à l’égard de l'allemagne. Son ascension fut extrêmement rapide ( comme la chute d'ailleurs) et sa popularité fut tel que ''Sans poser sa candidature — mais à l'appel de Rochefort — 100 000 bulletins portent le nom de Boulanger lors d'une élection partielle de la Seine. La présence du général ne cessant d'aller croissant, le gouvernement le « limoge » en le nommant commandant du 13e corps d'armée à Clermont-Ferrand. Son départ le 8 juillet donne lieu à une manifestation de foule : 10 000 personnes envahissent la gare de Lyon, couvrent le train d'affiches « Il reviendra » et bloquent son départ pendant plus de trois heures et demie.''
Il donna son nom à un courant politique: le Boulangisme.
Mais après je peux me tromper peut être que Duc de Raguse faisait allusion à un autre fait que j'ignore?

Citer :
Effectivement. Certains historiens avancent encore que si la guerre de 1914 n'avait pas eu lieu - ni la révolution d'octobre -, la Russie pouvait devenir cette puissance.

d'Aprés ce que j'ai lu l'Etat-Major allemand craignait tellement la Russie ou du moins ce qu'elle risqué de devenir ( une superpuissance) que la première guerre mondial relève d'un caractère préventif à l’égard de cette derniere. OK ce n'est qu'une thèse parmis d'autre mais je suis assez d'accord

Auteur :  Duc de Raguse [ 14 Jan 2013 16:50 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

C'est effectivement à la popularité du "général Revanche", à laquelle je faisais allusion. L'EM allemand pensait que c'était le moment - à l'hiver 1886 - de régler son compte à cette France qui s'était relevée trop vite, Bismarck était d'accord, mais pas Guillaume Ier.
Ajoutons au printemps 1887 l'affaire schnaebele et la crise fut à son paroxysme.
Afin de "calmer" les Allemands, le gouvernement français se débarasse alors de Boulanger.

Citer :
l'Etat-Major allemand craignait tellement la Russie ou du moins ce qu'elle risqué de devenir ( une superpuissance) que la première guerre mondial relève d'un caractère préventif à l’égard de cette derniere.

Sans aucun doute, mais l'EM allemand travaille sur cette éventualité depuis le milieu des années 1880. Le plan Schlieffen est élaboré en 1891 (avant que l'alliance franco-russe soit totalement sanctionnée...). Il ne fallait qu'un concours de circonstances, intérieures et extérieures, favorables pour que le plan soit mis en branle.

Auteur :  Elgor [ 16 Jan 2013 10:23 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Duc de Raguse a écrit :

Afin de "calmer" les Allemands, le gouvernement français se débarasse alors de Boulanger.



Mon cher Duc, c'est surtout parce que celui-ci menaçait la république que le gouvernement s'en est débarrassé

Auteur :  Duc de Raguse [ 16 Jan 2013 10:52 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

En mai 1887, Boulanger ne "menace" pas encore le régime pour des raisons intérieures, celui-ci a tenté, jusque-là, de le "contrôler" en le nommant ministre de la Guerre. C'est bien les tensions avec l'Allemagne de l'hiver 1886/1887 et l'affaire Schnaebelé, qui vont entrainer sa chute. La presse d'outre-Rhin et Bismarck, lui-même, plaçaient Boulanger comme un pion dangereux sur l'échiquier franco-allemand, donnant à ses discours revanchards une portée internationale.
Un joli cadeau empoisonné de Bismarck à l'égard de cet officier général, somme toute. Avant cet épisode, sa popularité n'atteignait pas l'opinion publique française (en dehors de l'armée et de la Ligue de Déroulède), ce qui impliquait que ses vues sur le régime politique français n'inquiétaient pas ou peu (la preuve, Clemenceau le soutenait...).
Après, tout a été différent. Sa nouvelle auréole de "général Revanche" posée par des doigts allemands, renforcée suite à l'affaire Schnaebelé, le conduit à penser à une véritable carrière politique et à mettre en application son programme (en a-t-il seulement un ?) hostile au régime en place.

Auteur :  Maharbbal [ 07 Oct 2015 16:36 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Je reprend ce vieux fil pour poser la question autrement.

Vers 1885, une opposition ouverte est en place entre l'Angleterre et la Russie, après le départ de Bismarck, l'Allemagne se lance dans la Weltpolitik et la création d'une marine qui menacent directement la puissance britannique mais ne sont pas tournées contre les Russes. Les investissements allemands en Russie sont capables d'augmenter rapidement.

Pourquoi alors que l'impérialisme allemand était clairement dirigé contre l'Angleterre les Russes ont-ils pris la mouche? Le soutien à l'Autriche et aux Ottomans suffit-il à lui seul à expliquer cette opposition germano-russe ou y a-t-il d'autres raisons plus directes?

Puisque j'y suis, j'aimerai poser une question subsidiaire: parmi les nombreux livres sortis ces deux dernières années sur la marche à la guerre y en a-t-il un qui traite de cette opposition d'une façon intéressante? Par ailleurs, avez vous des bon bouquins (ou des articles) à recommander sur l'Allemagne Wilhemine (anglais, français, allemand)?

Auteur :  Duc de Raguse [ 07 Oct 2015 16:59 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Citer :
Pourquoi alors que l'impérialisme allemand était clairement dirigé contre l'Angleterre les Russes ont-ils pris la mouche? Le soutien à l'Autriche et aux Ottomans suffit-il à lui seul à expliquer cette opposition germano-russe ou y a-t-il d'autres raisons plus directes?

La diplomatie allemande est, dans les années 1880 (dès 1878-1879 en vérité), dirigée contre la politique russe en Europe centrale. Son soutien inconditionnel à l'Autriche lors de la crise bulgare est, à ce sujet, assez éclairant.
Qui plus est, la politique autrichienne d'"acheter" les puissances slaves du Sud - Serbie, Roumanie, Bulgarie - par le biais d'un contrôle relatif de leurs monarques gêne largement les Russes et entame ainsi leur développement traditionnel à l'encontre de ces puissances, comme l'impossible accomplissement du rêve des Russes de mettre la main sur les détroits et Constantinople. Le soutien de Bismarck à cette politique, tout comme celui de Guillaume II par la suite, produit un fossé entre les deux Empires qui ne sera jamais comblé.
La "Weltpolitik" ne se limite pas à la construction d'une marine de guerre et à l'expansion coloniale...

Auteur :  ezio-auditore [ 07 Oct 2015 18:15 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Bonjour,

Voici ce que j'ai pu lire sur Wiki concernant l'entente austro-russe : - https://fr.wikipedia.org/wiki/Relations_europ%C3%A9ennes_%281871-1914%29#L.27entente_austro-russe
mais je sais que wiki a ses limites.
La Russie ne semble pas avoir de "problèmes" avec les nouveaux royaumes et j'aimerais avoir votre avis.
Après la révision du traité de San Stefano où la Prusse a été consultée, comment l'Autriche se rapproche de l'Allemagne ? Par défaut ? Par intérêt ? Par crainte (isolation) ?
Les problèmes économiques entre Allemagne et Russie seront-ils vraiment à prendre en compte ?
Une entente Russie-UK semblait "difficile", Bismarck aurait-il pu "isoler" la Russie en tablant sur une alliance avec l'Angleterre ?
Je sais que ceci va vous paraître naïf mais le souverain de Roumanie est proche -familialement- autant de la Russie que de l'Allemagne, idem pour la Bulgarie dont les deux dynasties flirtent même avec l'Angleterre, royaume fantoche ? Vous m'objecterez que la Grèce aussi ;) . Dans cette "weltpolitik", là encore l'Angleterre n'aurait pas été un pion à jouer en ménageant un peu moins l'Autriche-Hongrie ?
Comment se fait-il que Bismarck n'ait pas songé un instant à un rapprochement Russe/France durable ?
Merci de vos réponses.
;)

Auteur :  Duc de Raguse [ 07 Oct 2015 19:10 ]
Sujet du message :  Re: Les relations germano-russes à la belle époque

Citer :
La Russie ne semble pas avoir de "problèmes" avec les nouveaux royaumes et j'aimerais avoir votre avis.

A quels "nouveaux royaumes" faites-vous allusion ?

Citer :
Après la révision du traité de San Stefano où la Prusse a été consultée, comment l'Autriche se rapproche de l'Allemagne ? Par défaut ? Par intérêt ? Par crainte

Le traité de San Stefano n'est pas révisé, il est simplement cassé par la conférence de Berlin, où l'Allemagne - alors que Bismarck promet son impartialité et ses services "d'honnête courtier" à Alexandre II - défend les positions anglaises et autrichiennes contre la Russie. Cette dernière, placée en minorité, doit concéder l'essentiel de ses gains issus de la guerre russo-turque.
Jamais l'armée russe ne pardonnera l'attitude malveillante de Bismarck.
L'Autriche, sortie affaiblie de Sadowa, n'a pas d'autres choix que de s'entendre avec son vainqueur si elle veut maintenir sa position face à la Russie en Europe orientale. Hésitante en 1871, elle progresse vers cette solution jusqu'à la signature de la Duplice en 1879, qui est un traité liant les deux puissances d'une façon très puissante.

Citer :
Les problèmes économiques entre Allemagne et Russie seront-ils vraiment à prendre en compte ?

Oui, encore qu'il faudrait savoir de quoi on parle.
Des échanges commerciaux, des investissements (allemands surtout) ou de la politique sur le rouble.

Citer :
Une entente Russie-UK semblait "difficile", Bismarck aurait-il pu "isoler" la Russie en tablant sur une alliance avec l'Angleterre ?

C'est toute la politique menée par Bismarck de 1880 à 1890 : faire entrer l'Angleterre dans la Triplice. Elle y est pratiquement après avoir signé une entente navale avec l'Italie. Salisbury étant russophobe et francophobe, certains auteurs ont pu émettre l'hypothèse sérieuse qu'une intégration à la Triplice était du domaine du possible, voire du probable.

Citer :
Comment se fait-il que Bismarck n'ait pas songé un instant à un rapprochement Russe/France durable ?

Il a tout fait pour l'éviter. Lorsqu'il est renvoyé par Guillaume II, ce dernier assez certain de son hégémonie sur l'Europe ne cherche pas à renouveler le traité de contre-assurance avec la Russie - auquel Bismarck tenait beaucoup - et jette ainsi la Russie dans les bras de la France, qui n'attendait que cela.

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