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Message Publié : 10 Mars 2014 12:51 
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HEKTOR a écrit :
Narduccio a écrit :
Même s'il avait vécu, sa responsabilité directe est difficile a établir. En fait, il y a très peu de documents qui le mettent en cause. Donc, on ne pourrait le condamner que sur la base de témoignages ou sur la démonstration qu'il a mis en place un système permettant de réaliser l'extermination.

Soit.
Mais la question est de savoir si de ce fait, l'historien devrait affranchir Hitler de toute culpabilité dans les crimes du nazisme sous le prétexte qu'il n'a jamais été jugé ?
Je pense que non, pour ma part.


C'est bien pour cela que j'attirais le regard sur la responsabilité judiciaire. Si Hitler avait survécu et qu'il avait été jugé juste après guerre, il aurait été condamné. A cause du contexte et que tout le monde savait qu'il était le responsable et le déclencheur. S'il s'était caché et qu'on l'avait arrêté et jugé dans les années 80, par exemple, du fait de la disparition de nombreux témoins et du fait du changement du conteste, ses avocats auraient pu jouer le "bouc émissaire". Le dirigeant trompé par ses séides qui avaient interprétés littéralement ses mots, alors que lui n'aurait pas visé à l'élimination physique, mais en tant que responsable politique à l'élimination politique.

Mais, l'historien a les moyens de mettre tout le système en lumière et de montrer que s'il n'y a aucun ordre écrit qui vient du sommet de l’État, celui-ci met les "bonnes" personnes, au "bon" endroit au "bon" moment. J'ai eu une discussion sur la date où l'on aurait donné l'ordre de déclencher la Shoah. Il y a un tas de gens qui disent : "la conférence de Swansee". Mais force est de constater que certains des acteurs sont nommés à leur poste dès le milieu du troisième trimestre 1941, soit presque 6 mois avant. J'ai l'habitude de voir comment fonctionnent les gros projets industriels. Le vrai "Go-NoGo", comme on dit maintenant, se prend quand on nomme les gens chargés de mettre en place les décisions. Ce sont eux qui vont créer les structures, les administrations, lancer les commandes, les études. C'est à ce moment que la machine est lancée et qu'on affecte les budgets. Il faut que ces études soulèvent de gros "loups" pour qu'on fasse des réunions pour décider si on continue ou si on arrête. Or, la conférence de Swansee n'est pas ce type de conférence, c'est une conférence de divers services de l’État se mettent d'accord sur comment s'accorder sur l'application pratique de certains points qui pourraient faire acchopper le projet.
Le second point d'importance est que dès que des gens qui travaillent à mettre en place la solution finale se trouvent confrontés à une opposition sur le terrain, ils sollicitent leurs supérieurs et très vite ils ont rendez-vous à la Chancellerie où on leur remet une lettre qui dit qu'ils ont les ordres pour faire ce qu'ils doivent faire ...
Donc, on peut démontrer que la Chancellerie suit le dossier de près et apporte son soutien si nécessaire. Or, personne, aux niveaux inférieurs ne remet en doute ces lettres, parce qu'ils savent bien que si c'est une secrétaire de la Chancellerie qui signe, l'ordre émane du Chancelier ... Hitler. ceux qui ont contesté de telles lettres, sur ce point ou d'autres, se sont retrouvés convoqués dans le bureau d'Hitler, où d'un de ses secrétaires directs, s'il s'agissait d'un intermédiaire. L'historien, et les procureurs peuvent démontrer le vrai rôle d'Hitler dans le déclenchement de la construction de l'outil d'extermination. Pour le procureur, il y a toujours l'incertitude d'un procès avec parfois des arguments convaincants amenés par un avocat. Ce qui peut apporter un doute, et le doute doit profiter à l'accusé.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
Appelez-moi Charlie


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Message Publié : 10 Mars 2014 13:17 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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HEKTOR a écrit :
L'historien doit s'affranchir du droit.
Personne ne conteste l'innocence de Dreyfus ni le fait qu'Esterhazy ait été l'auteur du bordereau, en tous cas, pas moi. Le sujet de la discussion est : Statut judiciaire d'Esterhazy. Et cela, en 1906, après réhabilitation de Dreyfus bien entendu. Je me suis simplement appliqué à détailler quelle était en droit et à ce moment la situation judiciaire d'Esterhazy, cette situation judiciaire étant en soi un fait historique qui mérite d'être examiné.

HEKTOR a écrit :
Je vous rappelle les termes de l'arrêt de la Cour de cassation par lesquels l'auteur du bordereau est Esterhazy et non Dreyfus. Il s'agit d'une décision de justice souveraine rendue au nom du peuple français.
J'ai exposé en détail ce qu'il fallait lire dans cet arrêt, dont je n'ignore pas qu'il a été rendu au nom du peuple français. Relisez attentivement mes précédents messages. L'arrêt de réhabilitation de Dreyfus ne concerne directement que Dreyfus. Esterhazy n'était pas partie au procès en réhabilitation de Dreyfus. Ce qui, dans l'arrêt de réhabilitation de Dreyfus, vise incidemment Esterhazy n'est pas opposable à ce dernier.
Je résume à nouveau. Le 12 juillet 1906 :
- Esterhazy est juridiquement innocent pour avoir été acquitté par le conseil de guerre.
- La cour de cassation a fini par reconnaître que, matériellement, les actes de trahison avaient été commis par Esterhazy.
- Seul Dreyfus est partie au procès en révision. Esterhazy n'en étant pas partie, ce qui a été constaté par la cour de cassation ne lui est pas opposable.
- Pour que les faits établis par la cour de cassation fussent rendus opposables à Esterhazy, il aurait fallu qu'ils fussent à nouveau examinés au cours d'un procès dans lequel Esterhazy fût partie.
- Ce nouvel examen n'était pas possible, l'acquittement étant définitif. Une révision n'est possible qu'en faveur d'un condamné, non pour revenir sur un acquittement.

HEKTOR a écrit :
Par ailleurs, rien n'était interdit. J'ignore pourquoi vous écrivez cela ?
Tout simplement, comme je l'ai longuement exposé, en vertu des dispositions aujourd'hui contenues dans l'article 368 du code de procédure pénale qui étaient déjà contenues à l'époque dans le code d'instruction criminelle alors en vigueur.

HEKTOR a écrit :
Toutes les voies de recours restaient ouvertes.
En 1906, toutes ? Comme la cour d'assise encore récemment, le conseil de guerre jugeait en dernier ressort. Il ne pouvait y avoir que des recours extraordinaires, soit la cassation, soit la révision. Or, en 1906, le délai au cours duquel le ministère public aurait pu se pourvoir en cassation était épuisé depuis longtemps. Ne restait que la révision. Mais celle-ci n'était prévue qu'en faveur d'un condamné. Il n'y avait donc finalement, en 1906, plus de recours possible.

HEKTOR a écrit :
Mais le consensus a été de s'arrêter à cette décision explicite qui innocentait totalement Alfred Dreyfus et accusait Esterhazy nommément. C'est clair pourtant, non ?
Non, ce n'est pas clair. Je pense qu'une personnalité comme Jaurès aurait souhaité une condamnation d'Esterhazy (voir la citation que j'en donne dans un précédent message où il semble regretter qu'il ne soit plus possible de poursuivre Esterhazy). Mais votre opinion est parfaitement défendable. Ce qui est sûr, c'est que les soutiens de Dreyfus ont admis le droit en vigueur tel qu'il était sans chercher à le faire modifier. De toutes façons, la loi pénale ne pouvant être rétroactive, cela n'aurait rien changé pour Esterhazy. Un débat sur la question de l'application en droit positif de l'adage non bis in idem n'a pas été ouvert. Qu'aurait-on fait si le droit avait été différent ? Nous entrons dans le what if et je trouve personnellement de peu d'intérêt de spéculer sur le sujet, sans vous dénier toutefois le droit de penser autrement.

HEKTOR a écrit :
Ce n'est pas parce que Esterhazy n'a pas été condamné du fait d'arguties juridiques qu'il est innocent des crimes qui ont été imputés à un autre.
L'historien a des preuves, des données, un ensemble documentaire hiérachisé et critiqué à sa disposition qui lui permettent de conclure sans aucun doute.
Je vous répète, encore une fois, que je n'ai nullement nié l'implication réelle d'Esterhazy telle qu'elle est reconnue judiciairement et historiquement.
Juridiquement, à l'issue de l'affaire en 1906, Esterhazy est officieusement coupable (arrêt de réhabilitation de Dreyfus) mais officiellement innocent (acquittement par le conseil de guerre en 1998).
Pour l'historien il est coupable (au sens large du terme, non au sens étroit de sa définition en droit).


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Message Publié : 10 Mars 2014 14:36 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Nous sommes donc d'accord, sauf en matière d'opinion concernant les recours.
La mienne est que sur la base d'une volonté politique forte, une révision du Conseil de guerre de 1898 était possible.
La vôtre est que cela ne l'était pas.
Je n'ai pas les moyens d'aller plus loin.

Juste un point concernant l'article CPP368.
J'ignore sa rédaction de l'époque, mais de nos jours il porte que :

"Aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente."

En vertu de quoi d'une part, la forme pouvait être attaquée, puisque l'accusé devait avoir été légalement acquitté, et d'autre part, Esterhazy pouvait être poursuivi sur la base de la découverte d'un fait nouveau de trahison, inconnu du Conseil de guerre de 1898, puisque dans ce cas, il n'eût pas été poursuivi pour les mêmes faits.

Reste que comme je l'ai dit plus haut, le problème principal résidait dans la loi d'amnistie de 1900, qu'il eût fallu attaquer afin de poursuivre Esterhazy. Pas impossible juridiquement, mais impensable politiquement en 1906.
Cette loi a mis tous les faussaires et conspirateurs à l'abri de toute poursuites pour toujours.


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Message Publié : 10 Mars 2014 16:04 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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HEKTOR a écrit :
Nous sommes donc d'accord, sauf en matière d'opinion concernant les recours.
La mienne est que sur la base d'une volonté politique forte, une révision du Conseil de guerre de 1898 était possible.
La vôtre est que cela ne l'était pas.
Je n'ai pas les moyens d'aller plus loin.
La question des recours est au coeur du sujet dont nous débattons.
Je ne parle pas de la volonté politique. Lors du conseil de guerre du 11 janvier 1998, la volonté politique était claire : il fallait innocenter Esterhazy et le reste, et la vérité et le droit étaient laissés de côté. Là, nous sommes d'accord.
En 1906, quelle était la volonté politique à l'égard d'Estehazy, je l'ignore. Vous avez peut-être raison, elle était peut-être de l'oublier. Mais quoiqu'il en soit, juridiquement, une révision était impossible.

HEKTOR a écrit :
Juste un point concernant l'article CPP368.
J'ignore sa rédaction de l'époque, mais de nos jours il porte que :

"Aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente."

En vertu de quoi d'une part, la forme pouvait être attaquée, puisque l'accusé devait avoir été légalement acquitté, et d'autre part, Esterhazy pouvait être poursuivi sur la base de la découverte d'un fait nouveau de trahison, inconnu du Conseil de guerre de 1898, puisque dans ce cas, il n'eût pas été poursuivi pour les mêmes faits.
J'ignore moi aussi le terme exact des dispositions du code de procédure criminelle en vigueur à l'époque, mais ces dispositions sont identiques dans leur teneur à celles du code de procédure pénale d'aujourd'hui.

Immédiatement, le conseil de guerre statuant en dernier ressort, le seul recours possible était la cassation, non seulement pour des questions de forme, mais beaucoup plus largement pour des questions de respect du droit. Mais, vu que la volonté politique était d'acquitter Esterhazy, on s'est bien gardé de se pourvoir en cassation.
Imaginons toutefois que le jeu n'était pas faussé dès le départ, qu'on avait un suspect qu'on voulait réellement faire condamner. Le ministère de la guerre aurait pu relever de graves irrégularités et demander un pourvoi en cassation. Imaginons que cela a été fait et que la cour de cassation, reconnaissant ces irrégularités, casse le jugement du conseil de guerre. Casser un jugement, c'est prononcer l'illégalité de ce jugement. Dans ces conditions, Esterhazy n'est plus légalement acquitté, le conseil de guerre est censé ne s'être pas tenu et Esterhazy peut donc être à nouveau traduit devant ce même conseil de guerre pour les mêmes faits.

La cassation était possible, mais dans un délai très court.

La révision, à la différence de la cassation, vise à revenir sur un jugement rendu dans le respect du droit au motif que, depuis le rendu de ce jugement, sont apparus des éléments nouveaux qui, s'ils avaient été connus, auraient été susceptibles de conduire à un jugement différent. En droit pénal, en 1906 comme aujourd'hui, la possibilité de révision n'est ouverte qu'au bénéfice du condamné. Un procès s'étant conclu par un acquittement ne peut être révisé.

S'il y avait eu une volonté affirmée de condamner Esterhazy, ce n'est pas une révision qu'il aurait fallu obtenir, légalement impossible, mais l'ouverture d'une nouvelle affaire. Mais pour cela, il fallait avoir des charges contre Esterhazy qui ne ramènent pas à la première affaire. Comme pour Al Capone qu'on a pu poursuivre pour ses actes de banditisme, peut-être aurait-on pu découvrir qu'Esterhazy avait fraudé le fisc ou tout autre chose, pourquoi pas ? Mais la possibilité de l'accuser à nouveau de trahison dans une nouvelle affaire qui ne soit pas celle dont le bordereau a été l'élément déclencheur, me semble une hypothèse peu vraisemblable. Car, me semble-t-il, on connaît bien les relations qu'Esterhazy a entretenu avec l'ambassade d'Allemagne et les accusations portant sur ces relations n'ont pas été retenues par le conseil de guerre. Or, de ce que nous savons d'Esterhazy, sauf erreur de ma part, il n'y a pas eu d'autres relations répréhensibles avec une puissance étrangère que celles pour quoi on l'a accusé devant le conseil de guerre qui l'a acquitté. Du reste, en raison du peu de valeur des informations transmises, les Allemands ont décidé de mettre un terme à ces relations. Dans ces conditions, je ne vois vraiment pas comment, même en s'acharnant contre lui, on aurait pu finalement faire condamner Esterhazy pour trahison.

HEKTOR a écrit :
Reste que comme je l'ai dit plus haut, le problème principal résidait dans la loi d'amnistie de 1900, qu'il eût fallu attaquer afin de poursuivre Esterhazy. Pas impossible juridiquement, mais impensable politiquement en 1906.
Cette loi a mis tous les faussaires et conspirateurs à l'abri de toute poursuites pour toujours.
Il n'existait pas de contrôle de constitutionnalité en 1906, donc aucune possibilité de s'attaquer à une loi.

Enfin, je cite à nouveau Vincent Duclert :
En conséquence, Me Mornard fonda ses conclusions pour la cassation sans renvoi sur les deux moyens suivants, inscrits dans le code d'instruction criminelle :
1° "La Cour statue au fond sans renvoi lorsqu'il ne pourra être procédé de nouveau à des débats oraux entre toutes les parties." Or Esterhazy, auteur du bordereau et de la trahison, informateur habituel de Schwartzkoppen , comme le vulgaire bon sens le voulait, et comme il ne pouvait plus y avoir de poursuite contre lui, ayant été acquitté par le conseil de guerre de 1898, il ne pouvait plus être procédé à des débats oraux entre toutes les parties."
2° Si l'annulation de l'arrêt à l'égard d'un condamné vivant ne laisse rien subsister qui puisse être qualifié crime ou délit, aucun renvoi ne peut être prononcé." Or l'enquête de la cour n'avait laissé aucune charge contre moi."


L'avocat de Dreyfus écrit dans ses conclusions, arguments purement juridiques, qu'il ne peut plus y avoir de poursuite contre Esterhazy. Il devait tout de même bien savoir, juridiquement, ce qu'il en était ! Non ?


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Message Publié : 10 Mars 2014 16:23 
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Georges Duby
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Jean R a écrit :
Alain.g a écrit :
Intelligence avec l'ennemi hors du bordereau semble convenir.
On n'était pas en guerre !
Ce n'est pas nécessaire et il y a d'ailleurs d'autres chefs d'inculpation hors du bordereau et du jugement qui acquitte Esterhazy, qui auraient pu permettre de chercher dans son rôle au sein du SR ou dans ses rapports avec l'Allemagne, comme trahison, livraisons d'information à une puissance étrangère. Il y avait dans les années 1900 d'autres délits ou crimes couvrant les méfaits d'Esterhazy qui a bien trahi son pays, livré des documents, confirmant un écrit dans lequel il déclare avoir la haïne de la France ...
Concernant la loi d'amnistie, elle ne couvre que les faits relatifs à l'affaire Dreyfus, pas d'autres chefs d'inculpation. S'il y avait eu une volonté, pas de problème qu'on aurait trouvé ce qu'il fallait pour convaincre un conseil de guerre aux ordres, car Esterhazy est bien plus qu'un faussaire, il a reçu je crois de mémoire des sommes d'argent de l'ambassade d'Allemagne pour services rendus, fournitures de documents ..
Pour Hitler, le fait de ne pas donner d'ordres écrits d'extermination n'exonère pas du tout Hitler de sa responsabilité judiciaire car ce que recherchent les juges, fautes d'ordres écrits, c'est un lien de commandement ou d'influence entre un inculpé éventuel et les faits incriminés, génocide en l'espèce.
Ce lien découle en l'espèce des fonctions de Président et de Chancelier exercées par Hitler. C'est en vertu d'un tel lien que de nombreux maires se sont retrouvés inculpés pénalement de dommages à l'environnement ou d'imprudences de leurs service ayant entrainé la mort ou des dommages, alors que le magistrat cherchait à se soustraire à sa responsabilité en arguant qu'il n'avait eu aucune part aux décisions.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 10 Mars 2014 17:25 
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Pierre de L'Estoile
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Alain.g a écrit :
et il y a d'ailleurs d'autres chefs d'inculpation hors du bordereau et du jugement qui acquitte Esterhazy, qui auraient pu permettre de chercher dans son rôle au sein du SR ou dans ses rapports avec l'Allemagne, comme trahison, livraisons d'information à une puissance étrangère. Il y avait dans les années 1900 d'autres délits ou crimes couvrant les méfaits d'Esterhazy qui a bien trahi son pays, livré des documents, confirmant un écrit dans lequel il déclare avoir la haïne de la France ...
Concernant la loi d'amnistie, elle ne couvre que les faits relatifs à l'affaire Dreyfus, pas d'autres chefs d'inculpation. S'il y avait eu une volonté, pas de problème qu'on aurait trouvé ce qu'il fallait pour convaincre un conseil de guerre aux ordres, car Esterhazy est bien plus qu'un faussaire, il a reçu je crois de mémoire des sommes d'argent de l'ambassade d'Allemagne pour services rendus, fournitures de documents ..
Je veux bien, mais il faudrait être plus concret.

"qui a bien trahi son pays" : quels actes de trahison en-dehors de ceux le conseil de guerre l'a exonéré ?
"livré des documents" : quelles livraisons en dehors des actes de trahison dont le conseil de guerre l'a exonéré ?
"Esterhazy est bien plus qu'un faussaire, il a reçu je crois de mémoire des sommes d'argent de l'ambassade d'Allemagne pour services rendus" : quels services en-dehors des actes de trahison dont le conseil de guerre l'a exonéré ?
Déclarer sa haine de la France dans une correspondance privée, est-ce pénalement répréhensible ?

Ce qu'on sait d'Esterhazy a été jugé par le conseil de guerre qui a conclu par un acquittement.
Ce qu'on sait aussi, c'est qu'à l'ambassade d'Allemagne on ne voulait plus avoir à faire à lui vu le peu de valeur de ce qu'il transmettait.
Il est donc difficile d'imaginer avec un minimum de vraisemblance qu'on pût trouver des charges sérieuses permettant d'accuser à nouveau Esterhazy.


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Message Publié : 10 Mars 2014 18:58 
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Georges Duby
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Localisation : Montrouge
Barbetorte a écrit :
"qui a bien trahi son pays" : quels actes de trahison en-dehors de ceux le conseil de guerre l'a exonéré ?
"livré des documents" : quelles livraisons en dehors des actes de trahison dont le conseil de guerre l'a exonéré ?
quels services en-dehors des actes de trahison dont le conseil de guerre l'a exonéré ?
Ce qu'on sait d'Esterhazy a été jugé par le conseil de guerre qui a conclu par un acquittement.

Non, il y a eu autre chose et on n'a pas acquitté Esterhazy de toute sa carrière au SR, je ne sais plus où j'ai lu sur le fond qu' Esterhazy avait reçu, quelque chose comme deux fois 15.000 F des allemands. Il aurait fourni des documents, notamment un plan des fortifications de Nice. Le point de vue des allemands sur Esterhazy ne peut évidemment être pris en compte.
Quand à la lettre de haine de son propre pays, je n'ai jamais dit qu'elle constituait un délit , vous interprétez à tort. Elle indique qui est Esterhazy et ce qu'il a pu faire dans un SR et aurait mal disposé un nouveau conseil de guerre ayant ses instructions et s'appuyant sur des preuves de trahison ou autre délit du même genre à construire à partir d'informations sur le bonhomme.
Les attendus de la Cour de cassation ne valent pas condamnation pénale bien sûr, mais elles pèsent d'un grand poids dans l'histoire. Les juges ont écrit au vu du dossier complet ce qui a pris des mois. On peut être assuré que tout a été lu et relu par des magistrats confirmés et avertis de tous les aspects du dossier. Ces attendus sont accablants.

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Message Publié : 11 Mars 2014 10:23 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 17 Mars 2008 11:47
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Barbetorte a écrit :
Enfin, je cite à nouveau Vincent Duclert :
En conséquence, Me Mornard fonda ses conclusions pour la cassation sans renvoi sur les deux moyens suivants, inscrits dans le code d'instruction criminelle :
1° "La Cour statue au fond sans renvoi lorsqu'il ne pourra être procédé de nouveau à des débats oraux entre toutes les parties." Or Esterhazy, auteur du bordereau et de la trahison, informateur habituel de Schwartzkoppen , comme le vulgaire bon sens le voulait, et comme il ne pouvait plus y avoir de poursuite contre lui, ayant été acquitté par le conseil de guerre de 1898, il ne pouvait plus être procédé à des débats oraux entre toutes les parties."
2° Si l'annulation de l'arrêt à l'égard d'un condamné vivant ne laisse rien subsister qui puisse être qualifié crime ou délit, aucun renvoi ne peut être prononcé." Or l'enquête de la cour n'avait laissé aucune charge contre moi."


L'avocat de Dreyfus écrit dans ses conclusions, arguments purement juridiques, qu'il ne peut plus y avoir de poursuite contre Esterhazy. Il devait tout de même bien savoir, juridiquement, ce qu'il en était ! Non ?

Attention, il ne faut pas prendre la position exprimée par Me Mornard au pied de la lettre.

Il faut bien se rappeler que l'objectif de la défense était d'obtenir une cassation sans renvoi, car on pensait encore en 1906, qu'un nouveau Conseil de guerre serait toujours sous influence néfaste des conspirateurs et donc capable de condamner Alfred Dreyfus une troisième fois !

Par conséquent, l'avocat cherche plus ici à argumenter en faveur de son objectif, que d'opérer une démonstration juridique générale.

Alain.g a écrit :
Ce n'est pas nécessaire et il y a d'ailleurs d'autres chefs d'inculpation hors du bordereau et du jugement qui acquitte Esterhazy, qui auraient pu permettre de chercher dans son rôle au sein du SR ou dans ses rapports avec l'Allemagne, comme trahison, livraisons d'information à une puissance étrangère. Il y avait dans les années 1900 d'autres délits ou crimes couvrant les méfaits d'Esterhazy qui a bien trahi son pays, livré des documents, confirmant un écrit dans lequel il déclare avoir la haïne de la France ...

Il n'y a jamais eu d'enquête véritable, au sens juridique, contre Esterhazy, à l'exception de celle qu'a menée Georges Picquart de mars à août 1896. Et cette enquête n'a pas permis d'établir de faits d'espionnage, car à cette époque, Schwartzkoppen s'était débarrassé d'Esterhazy. Au moment où Picquart allait découvrir des éléments plus probants, il a été limogé.

Les procédures ultérieures ont pu établir le rôle d'Esterhazy dans la conspiration contre Picquart, animée par du Paty de Clam et Henry. Ce qui a amené sa mise en réforme.
Quant à une correspondance outrancière à l'égard de la France et de son armée, il s'agit de plusieurs lettres, dont la célèbre "lettre du Uhlan", rendues plubliques par une ex-maîtresse d'Esterhazy, Mme de Boulancy. Elles ont qualifié le personnage aux yeux de l'opinion, qui n'y a d'ailleurs pas cru en général. Mais ces lettres n'ont jamais été, comme vous le dites, retenues contre l'espion.

Alain.g a écrit :
S'il y avait eu une volonté, pas de problème qu'on aurait trouvé ce qu'il fallait pour convaincre un conseil de guerre aux ordres, car Esterhazy est bien plus qu'un faussaire, il a reçu je crois de mémoire des sommes d'argent de l'ambassade d'Allemagne pour services rendus, fournitures de documents .

La question de faux concernant Esterhazy est très marginale. Elle ne correspond en rien aux activités d'un Henry (faux multiples du dossier secret) ou d'un Gribelin (maquillage de comptabilité du SR).
En revanche, il est établi avec certitude que Esterhazy a fourni de nombreuses informations à Schwartzkoppen. C'est peu dit, bizarrement, mais il existe encore une note fournie par Esterhazy aux Bundesarchiv, à Cologne. Elle a été publiée pour la première fois par Marcel Thomas dans les années 60.
Je vous renvoie vers son livre, Esterhazy ou l'envers de l'Affaire Dreyfus, Philippe Lebaud, 1989, qui ne laisse place à aucun doute sur la question de la trahison.

Barbetorte a écrit :
Je veux bien, mais il faudrait être plus concret.

"qui a bien trahi son pays" : quels actes de trahison en-dehors de ceux le conseil de guerre l'a exonéré ?
"livré des documents" : quelles livraisons en dehors des actes de trahison dont le conseil de guerre l'a exonéré ?
"Esterhazy est bien plus qu'un faussaire, il a reçu je crois de mémoire des sommes d'argent de l'ambassade d'Allemagne pour services rendus" : quels services en-dehors des actes de trahison dont le conseil de guerre l'a exonéré ?

Attention aussi ici. Esterhazy a été jugé en janvier 1898 sur la base d'une accusation de Mathieu Dreyfus, frère du condamné, selon laquelle, ledit Esterhazy était l'auteur du bordereau. Personne ne disposait à l'époque d'autre moyen à l'encontre de l'espion. Il a suffit aux conspirateurs de faire pression sur les experts pour que ceux-ci ne reconnaissent pas l'écriture d'Esterhazy dans le bordereau...
Voilà tout ce qui a été reproché à Esterhazy à ce moment là. Ce n'est que bien après, par des recherches historiques dans les archives, et grâce aussi à la publication des mémoires de Scwhartzkoppen, qu'on a pu apprécier l'étendue exacte de la trahison d'Esterhazy.

Barbetorte a écrit :
Il est donc difficile d'imaginer avec un minimum de vraisemblance qu'on pût trouver des charges sérieuses permettant d'accuser à nouveau Esterhazy.

Il ne faut pas omettre le contexte de tension internationale provoquée par cette affaire. Les gouvernements successifs tenaient assez peu à ce qu'on raconte dans le détail les procédés louches employés par le SR à l'encontre DES ambassades, pas seulement l'ambassade d'Allemagne.
Donc avec une volonté politique forte, trouver des charges d'espionnage contre Esterhazy eût été un jeu d'enfant. Mais cette question n'a jamais été à l'ordre du jour.


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