Barbetorte a écrit :
Ma conclusion sur le statut judiciaire d'Esterhazy est donc que la justice a pu dire à Dreyfus que les faits pour lesquels il avait été condamné avaient en fait été commis par Esterahzy mais que, tout d'abord cette vérité juridique ne valait qu'à l'égard du seul Dreyfus et ensuite qu'il était interdit de faire en sorte qu'elle pût aussi être établie à l'égard d'Esterhazy.
Je vous rappelle les termes de l'arrêt de la Cour de cassation par lesquels l'auteur du bordereau est Esterhazy et non Dreyfus. Il s'agit d'une décision de justice souveraine rendue au nom du peuple français.
Par ailleurs, rien n'était interdit. J'ignore pourquoi vous écrivez cela ? Toutes les voies de recours restaient ouvertes. Mais le consensus a été de s'arrêter à cette décision explicite qui innocentait totalement Alfred Dreyfus et accusait Esterhazy nommément. C'est clair pourtant, non ?
Barbetorte a écrit :
Il y avait certainement...En cherchant bien...Des éléments que nous ne connaissons pas...
Oui, c'est possible. On peut tout imaginer. Mais c'est pure spéculation. Nous nous interrogeons sur des faits historiques, nous ne faisons pas du roman.
La position évoquée ici est ambiguë.
Il convient de distinguer ce qui ressort du droit et ce qui ressort de l'histoire.
En 1906, les juristes ont fait du droit. Il n'ont pas réalisé un travail d'historien.
Ils recherchaient des voies de recours, et ils se sont concentrés sur elles seules. Ils ont exclu de leur champs de recherche tout ce qui s'écartait de leur cause.
En l'occurrence, l'objectif de la défense, comme du parquet, était de faire reconnaître l'innocence d'Alfred Dreyfus.
Simplement, et pour écarter tout doute, le Président de la Cour a décidé de charger Esterhazy, ceci afin d'identifier officiellement le coupable, dont les enquêtes avaient déterminé le rôle exact.
Le procès de 1894 ayant condamné Alfred Dreyfus sur la seule base du bordereau, il suffisait de démontrer que le condamné ne l'avait pas écrit, par le fait qu'un autre officier en était l'auteur. C'était nécessaire et suffisant pour innocenter Alfred Dreyfus. La Cour n'a donc pas recherché d'autre fait concernant Esterhazy, que la procédure ne concernait pas.
Barbetorte a écrit :
Mais ce qui est certain, c'est qu'il était impossible de poursuivre Esterhazy pour les faits mentionnés dans l'arrêt de réhabilitation de Dreyfus parce que ces faits étaient ceux pour lesquels Esterhazy avait été acquitté.
Notez bien que l'initiative d'un recours en cassation contre le jugement du 11 janvier 1898 eût appartenu à l'état par la voie du parquet.
Si cette décision avait été prise, les multiples vices de forme de ce Conseil de guerre eussent facilement permis la cassation : il n'y avait que l'embarras du choix.
Mais il aurait fallu avant tout cela, combattre la loi d'amnistie de 1900, ce qui ne pouvait se faire que très difficilement. Mais n'était pas impossible.
L'historien doit s'affranchir du droit.
Ce n'est pas parce que Esterhazy n'a pas été condamné du fait d'arguties juridiques qu'il est innocent des crimes qui ont été imputés à un autre.
L'historien a des preuves, des données, un ensemble documentaire hiérachisé et critiqué à sa disposition qui lui permettent de conclure sans aucun doute.
Si on devait se limiter au droit pour prendre position, il serait bien difficile de faire de l'histoire. Par exemple, il ne serait pas possible de déterminer l'écrasante responsabilité d'Adolf Hitler dans la Shoah, sous le prétexte que comme il s'est suicidé, il n'a pu être jugé et condamné.
Vous pourriez affirmer qu'en droit il est innocent. Mais cela retirerait-il quoi que ce soit à son immense culpabilité dans la destruction de millions de vies innocentes ?
Le droit est une chose. Il conclut sur le droit. Et lui seul.
L'histoire en est une autre.