Voilà une belle discussion... On voit que c'est la rentrée sur PH.
Alors, dans l'ordre :
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Mais il me semble avoir lu (mais je ne sais plus où) que l'État-Major s'exaspérait de plus en plus de le voir reculer après avoir pris des positions de faucon (dirait-on maintenant), lors des 2 crises marocaines par exemple.
Guillaume II a réussi à exaspérer tout le monde en Allemagne : militaires, diplomates, députés du
Reichstag, fonctionnaires, etc., au cours de son règne. Le problème est qu'il peut dire tout et son contraire en très peu de temps. Effectivement, après avoir imposé des démonstrations grandiloquentes, comme au Maroc, il semble modérer ses vues après 1911, tout en exposant une fermeté exemplaire à l'encontre de la Serbie au début du mois de juillet 1914, pour après faire comme s'il n'avait pas soutenu François-Joseph et l'EM allemand...
. Pire, il part en croisière sur son yacht. Cela ressemble quelque peu à de l'irresponsabilité.
Faire cela à une machine aussi bien huilée que l'administration allemande risque de provoquer quelques dégâts. De toute manière, dès 1914 - ce sera encore pire en 1916 - les militaires ne l'écoutent pratiquement plus.
Je ne pense pas qu'on puisse parler pour autant de "manipulation", quelques jours après il aurait à nouveau changé d'avis (sa modération partait du postulat que la France ne suivrait pas la Russie et le 31 août il a la preuve que cela ne sera pas le cas...) a sans doute dû penser l'EM allemand.
Enfin, je ne trouve pas que vous écriviez des approximations, loin de là...
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Il me semblait au contraire que l'État-Major allemand s'alarmait des progrès très rapides de l'économie russe (progrès financés en grande partie par les épargnants français via les célèbres "emprunts russes"), en particulier industriels. La Russie juste avant le conflit était moins arriérée qu'on le dit souvent: le développement des chemins de fer entre 1900 et 1914 rendit par exemple la mobilisation russe beaucoup plus rapide que Schlieffen l'avait anticipé. De manière plus anecdotique, les premiers avions quadrimoteurs sont dus à Igor Sikorsky en 1913.
Absolument. On avance souvent les années 1900-1910 (et l'or français...) pour parler des progrès de l'armée russe - et des chemins de fer stratégiques nécessaire aux mobilisation et concentration russes -, mais ceux-ci sont déjà bien engagés dans les années 1880-1890 (c'est au tournant de ces deux décennies que les plus importants sont réalisés). L'EM allemand se montre déjà disposé à en découdre avec les Russes dès les débuts de 1880 (comme avec les Français) afin de conserver, encore, la supériorité allemande sur le continent. C'est cette fuite en avant des officiers généraux allemands qui explique bien des choses entre 1870 et 1914. C'est ce qu'on a aussi appelé la "guerre préventive".
Bismarck était bien plus pondéré à ce sujet et devait souvent modérer un Moltke vieillissant devant Guillaume Ier.
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mais je ne crois pas que l'État-Major allemand ait jamais considéré l'Autriche-Hongrie comme une menace crédible après Sadowa, et d'autant moins que le décollage industriel de l'Allemagne avait fortement augmenté le déséquilibre entre les deux empires.
Effectivement et certains se sont demandés si Bismarck n'attendait tout simplement pas le délitement final - à la mort de Rodolphe, la vision d'une désagrégation finale de l'Autriche-Hongrie, lorsque François-Joseph ne serait plus, anime les chancelleries européennes - pour récupérer l'élément germain de l'A-H afin d'achever l'unité de la "grande Allemagne".
Quoiqu'il en soit, à partir de 1879, il semble certain que l'A-H ne constitue plus qu'une puissance vassale de l'Allemagne.
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Enfin Berlin ne pensait il pas qu'une alliance franco britannique était exclue du fait des contentieux outre mer et que l'Allemagne alliée à l'Autriche n'aurait aucun mal à vaincre la France alliée à la Russie sans le royaume uni ?
Non, Berlin sait que l'accord anglo-russe de 1907 achève de constituer ce qu'on nommera la Triple Entente. Bien entendu, les intérêts géopolitiques britanniques pouvaient se heurter à ceux des Français, mais au début des années 1900 ils se heurtaient surtout à ceux des Allemands !
Ces derniers avaient amorcé un rattrapage industriel considérable et dépassaient le Royaume-Uni, sans compter qu'ils entraient, eux aussi, dans la course à la colonisation. Pire, ils osaient défier la
Royal Navy Par ailleurs, les Allemands redoutaient bien plus les Russes que les britanniques, qui n'ont pas d'armée de conscription et dont le déploiement sur le continent serait forcément lent et long.
De plus, la défaite de 1905 est digérée. Qui plus est, cette défaite a surtout affecté le potentiel maritime de la Russie, beaucoup moins les éléments terrestres.