Duc de Raguse a écrit :
Citer :
Il s'est révélé incapable d'enrayer la course aux armements, les lois militaires exigeant chaque années plus de crédits, ni celles allongeant la durée du service militaire.
La question demeure pourquoi ?
De l'autre côté du Rhin les crédits ne cessent d'augmenter depuis 1872. Comment ne pas suivre ? Surtout après les chaudes alertes de 1875 et 1886/1887 ?
Bonjour,
Pour moi l'échec de Jaurès c'est l'echec du mouvement pacifiste dans sa volonté d'enrayer la montée des nationalismes dans les pays d'Europe. Nationalismes
alimentés par les crises extérieures.
En France, la défaite de 1871 et l'amputation de l'Alsace-Lorraine entretient un esprit de revanche pendant 20 ans, notamment par les fondateurs de la République et leur oeuvre scolaire nationaliste. Par l'école on entretient le souvenir des provinces perdues et le culte des héros nationaux. A partir de 1882 la collaboration entre l'école et l'armée est assez révélatrice à cet égard.
Déroulède fonde cette même année la ligue des patriotes elle même fondée sur un fort esprit de revanche, bien que celui ci déclinera à la faveur d'un antiparlementarisme virulent.
La crise du Boulangisme donne un nouvel élan au nationalisme qui marque l'arrêt à l'idée d'une Restauration et de fait rapproche les nationalismes qui trouvent leur source dans la Révolution et celui issu de la contre-révolution. Le boulangisme donne son premier véritable théoricien au nationalisme en la personne de Maurice Barrès.
L'affaire Dreyfus donne le second, Charles Maurras: qui cimente le mouvement grâce à un sens aigu de la pédagogie, et diffuse ses idées dans son journal Action française qui exalte la xénophobie, l'antiparlementarisme et l'antisémitisme.
Il séduit un peuple trop déçu d'une République trop jeune et jugée trop bourgeoise. Le nationalisme devient un mouvement de masse. Les élections législatives de 1902 le montrent, malgré leur victoire, les socialistes sont bousculés par cette vague nationaliste.
A partir de la crise Marocaine on assiste à une dramatisation des relations internationales, le nationalisme trouve un élan nouveau en se tournant vers l'extérieur, on craint une guerre imminente, les passions se déchainent, les esprits se transforment.
Là dessus les querelles intestines entre un Gustave Hervé antimilitariste et un Jaurès qui le ménage envoient un mauvais signal à la population.
Le Congrès de Bâle des 24 et 25 novembre 1912 sonne le glas de l'idée d'unité internationale entre les socialistes où les allemands craignent que leur grève cause la perte de l'Allemagne. De fait le sentiment national est plus enraciné que la conscience de classe chez les allemands comme chez les français.
Finalement les socialistes français veulent défendre leur république contre une Allemagne restée antidémocratique. Les allemands se savent puissants et veulent le rester car ils craignent leur voisin russe.
A la Belle Epoque donc, les rêves d'hégémonie et les volontés de puissance s'étendent dans toute l'Europe. Guillaume II et sa Weltpolitik portent en elles les germes de la guerre, les gouvernements n'ont d'autres choix que de se lancer dans cette course aux armements et de conclure des alliances s'ils ne veulent pas se retrouver sans défense. Dans ce climat de tension internationale la multiplication des crises résigne l'opinion à l'idée nationale et désarme ainsi toute action pacifiste. Si les pacifistes échouent c'est parce que dans ce climat de tension internationale, les solidarités nationales passent avant l'internationalisme prolétarien aux yeux de tous.