Helios a écrit :
On nous parle tellement, depuis le collège au moins, de 1914 et 1945 comme deux ruptures majeures, que j'ai l'impression que notre monde est apparu en 1945 (dans le discours médiatique, on nous parle tout le temps de notre système social comme celui de la Libération... on finirait presque par se croire en 1945), et qu'à l'inverse, le monde d'avant 1914 est celui de l'altérité radicale.
Et puis, je vois que la duchesse de Guermantes est morte en 1952 et tout se bouscule!
Je me suis déjà fait cette réflexion ("Après tout la Belle Epoque n'est pas si lointaine") au constat du nombre d'officiers et généraux connus, nés au 19e siècle, qui ont étrenné leurs 20 ans en 14-18 pour tenir plus tard un rôle dans la SGM et finir leur vie dans les années 60-70. Que de changements ont-ils connu au cours de leur vie !
De Gaulle, le premier d'entre eux (1890-1970) disait dans les années 20 à un collègue de l'Ecole de Guerre :"Voyez-vous, nous sommes la génération des catastrophes."
Inversement je me suis déjà dit que si on avait la possibilité de voyager dans le temps et de revenir en 1905, à la Belle Epoque, pour raconter à un homme cultivé tout ce qui allait survenir dans les 70 années suivantes, il refuserait de le croire et appellerait l'hôpital psychiatrique !
De Gaulle encore :"Nous avons décolonisé 40 ans trop tôt ? Et vous croyez que je ne le sais pas ? Un vent de folie souffle sur le monde ! Que voulez-vous que j'y fasse ?"
En somme, Proust nous décrit une période pas si lointaine, mais qui a été recouverte et ensevelie par des années de folie, et dont on parle comme on parlerait de l'Egypte ancienne.