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Ma remarque s'ancrait d'un point de vue militaire large et non pas diplomatique.
Moi aussi, dans le sens où l’entrée en guerre des Britanniques a été un événement important, même si au début leur rôle militaire n’a pas été incroyable. Sur la durée, cela compte. Mais je comprends votre point de vue militaire direct.
Concernant l’entrée en guerre de la Grande Bretagne, je ne connais pas le fin mot de l’histoire. Mais de mes lectures, j’en retire qu’elle était prévisible mais pas totalement gravée dans le marbre et ce pour plusieurs raisons raisons. En 1914, l'Etat est divisé par plusieurs questions de politique intérieures (en témoigne le peu d’intérêt pour l’archiduc qui, d’ailleurs éveille plus de sympathies que les Serbes), le pacifisme y est bien plus fort que dans les autres pays, l’opinion publique est clairement contre une guerre et la « crise de juillet » n’est pas vraiment vécue dans ce pays. A cela s’ajoute les propos du ministre des affaires étrangères (pacifiste) qui dit qu’il suivra l’opinion publique (bon entre ce qu’il dit et ce qu’il pense faire…). Et en définitive c’est bien le cabinet qui décide d’entrer en guerre. Et s’il le fait, c’est surtout pour défendre les intérêts propres à la Grande Bretagne que vous mentionniez plutôt qu’en tant que membre de l’Entente. Il était de l’intérêt de cet Etat de s’engager auprès des Français.
D’ailleurs, lorsque la France demande des clarifications à la Grande Bretagne, elle ne reçoit pas de réponse avant le 2 août (ou le 4) si ce n’est une discrète garantie que les cotes de la Manche seront protégées par la Royal Navy. Il y a donc eu plus de tergiversations que ce que l’on pourrait croire.
Et surtout, la Belgique a été utilisée comme prétexte par le gouvernement pour justifier la guerre auprès de l’opinion publique qui ne voulait pas entrer dans le conflit. Ce point ne doit pas être négligé. Une attaque par la France aurait sans doute eu beaucoup moins d’impact sur l’opinion. En allant plus loin, et débordant un peu, Guillaume II était aussi persuadé que si la France n’était pas attaquée, la Grande Bretagne n’interviendrait pas du tout.
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et à aucun moment, dans les différentes crises de la fin du XIXème siècle, l'Allemagne ne s'est laissée emporter par son allié. Pourquoi à l'été 14 il en aurait été autrement ?
C’est la question que se posent encore les historiens de nos jours. Pourquoi est-ce que cette fois là ça a explosé alors qu’au cours des années précédentes, les tensions avaient pu être résorbées ? Mais dans les faits, oui l’Allemagne s’est laissée emporter.
En revenant sur les derniers jours avant le début de la guerre, on voit en effet Guillaume II soutenir l’Autriche, mais aussi s’assurer que le conflit reste local. Il fait des démarches auprès des Russes en ce sens et fait valoir son avis aux Autrichiens (« arrêtez-vous à Belgrade »). Si les militaires Allemands veulent en découdre, ce n’est pas le cas de Guillaume II.
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De toute manière si la concorde n'existe pas entre les deux alliées, il n'y a aucun automatisme : en 1908, Paris ne suit pas Saint-Pétersbourg, celle-ci lui rend la politesse en 1911.
Sauf que dans le cas présent, la France avait donné des garanties claires lorsque le 22 juillet, Poincaré parle „d’indissoluble alliance“ dans un de ses discours lors de sa visite en Russie. Et cela explique la citation de la France „prise au piège“ par la Russie. Poincaré s’est peut-être trop avancé, car par ses déclarations, il donnait un signal encourageant pour la Russie et ses velléités. C’est une hypothèse, mais je ne pense pas que la France était prête à mobiliser, voire entrer en guerre, pour la Serbie. L’attitude de la Russie va la forcer à le faire.
Ensuite, s’il y a bien l’article que vous mentionnez, l’alliance est défensive et est valable si l’un de ces deux pays est attaqué par l’Allemagne et/ou l’Autriche-Hongrie (alors qu’en 1892, la France ne s’intéressait guère à cette dernière et voulait une alliance contre l’Allemagne uniquement) : « La France et la Russie étant animées d'un égal désir de conserver la paix, et n'ayant d'autre but que de parer aux nécessités d'une guerre
défensive, provoquée par une attaque des forces de la Triple-Alliance contre l'une ou l'autre d'entre elles, […] » (c'est moi qui souligne)
D’ailleurs, en 1909 et 1912, l’Autriche-Hongrie avait déjà mobilisé contre la Serbie et la Russie n’avait pas réagit. La Russie l’a fait en 1914 alors que la mobilisation autrichienne ne lui était pas « destinée » et cela a conduit l'Autriche a faire une mobilisation complète. Dans ce cas, la Russie aurait dû consulter la France d’abord. Suite à cette décision, et par réaction, il y a eu la mobilisation de l’Allemagne et de la France (cette dernière ayant d’ailleurs proclamé la mobilisation avant l’Allemagne).
On peut donc dire que l’alliance franco-russe n’était pas automatique durant l’été 1914, et des précédents le montrent, mais les propos français l’ont liée à l’attitude russe. Et à ce sujet, je viens de trouver un vieil article de Renouvin qui abonde avec ce que j’ai lu par-ci par là et retranscris dans ce message :
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... m_1_1_1411 Il met bien en avant la difficulté du cas Austro-hongrois et l’ambiguïté de l’article 2 que vous citiez tout comme il montre bien le manque d’automatisme que vous mentionniez.
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Aucun n'a été pris au "piège", tous savaient ce qu'ils faisaient.
Je ne peux évidemment pas être d’accord avec ça. Vous pensez sérieusement que les (futurs) belligérants savaient ce qu’ils faisaient, qu'ils voulaient consciemment entrer en guerre les uns contre les autres? Actuellement, il y a plutôt un consensus pour dire que l’enchaînement des événements de juillet, lié au système d’alliance, n’est pas ce qu’auraient voulu les puissances concernées. Un conflit généralisé n'était pas du tout à l'ordre du jour pour beaucoup de gouvernements.