La Saussaye a écrit :
Cher Vallès, vous écrivez (et je me permet en vous en présentant par avance mes excuses de mettre en exergue cet extrait de votre propos) :
"Et puis, je suis toujours effaré de voir avec quelle facilité certains acceptent et justifient le massacre de milliers de Français du moment qu'ils sont un peu "rouges" et révolutionnaires, tout en s'insurgeant prodigieusement quand ces mêmes hommes exécutent quelques prêtres en représailles du massacre mené à Paris".
Je met en exergue cet extrait de votre explication car elle m'amène à poser deux questions :
- qu'entendez-vous par "un peu rouge" ? En quoi les communards sont-ils dialectiquement comparables avec les troupes de combat bolcheviques d'octobre-novembre 1917 en Russie, puis de l'armée rouge génialement créée et gérée par Trotsky, de 1919 à 1922 ? Pensez-vous que leur combat soit comparable ?
- vous évoquez l'exécution de quelques prêtres en représailles du massacre mené à Paris : j'ignore la chronologie exacte des évènements lors de la Commune, mais votre propos me pousse à deux questions, l'une purement factuelle, et l'autre, je l'avoue, plus existentielle : d'une part, est-il exact, vraiment, que l'exécution de ces prêtres ait été faite en représailles des massacres menés par les Versaillais rentrant dans Paris ? D'autre part, en quoi fusiller deux ou trois hommes d'église était-il de nature à stopper l'avancée des versaillais, dont l'on peut supposer que, en tout cas pour leur commandement, cette nouvelle n'a pas du les inciter à la clémence pour les prisonniers ?
Qu'en pensez-vous, et quelles sont vos sources sur ce point ? Cela m'intéresse beaucoup !
Très amicalement,
si je peux me permettre d'anticiper sur la réponse qui vous sera faite par l'intéressé ?
La qualification de « Rouge » n’est pas l’apanage des bolcheviques.
L’expression est utilisée en 1870 (lors des manifestations de septembre à Paris ou de la crise du 31 octobre) et en 1871 pour désigner l’extrême gauche révolutionnaire qui soutenait le programme de la Commune.
Quelques éléments de la chronologie, par ailleurs :
2-4 avril : Opération de la Commune menée par Flourens et Duval (début des combats entre Commune et Versaillais) ; Faits prisonniers, Flourens et Duval sont exécutés (on peut même dire que le premier est purement assassiné par un gendarme).
5 avril : en manière de représailles, la Commune adopte le décret des otages qui prévoit l’exécution de plusieurs otages pour tout Communard assassiné.
22 mai : entrée de l’armée de Versailles dans Paris.
24 mai : exécution de Mgr Darboy (et 5 autres otages)
26 mai : massacre de la rue Haxo (exécution de 51 otages)
En d’autres termes, il apparaît exact que l'exécution de ces prêtres (et autres otages) a été faite en représailles des exécutions sommaires (4 avril) et exécutions non moins sommaires (22-23 mai) menés par les Versaillais rentrant dans Paris.
Citer :
D'autre part, en quoi fusiller deux ou trois hommes d'église était-il de nature à stopper l'avancée des versaillais, dont l'on peut supposer que, en tout cas pour leur commandement, cette nouvelle n'a pas du les inciter à la clémence pour les prisonniers ?
Je me permettrai une réponse : d’un point de vue strictement rationnel, ces exécutions n’étaient pas de nature à stopper l’avancée des Versaillais. Mais telle n’était pas leur raison d’être : la crédibilité de la Commune exigeait ces exécutions ; mais cette réponse est encore rationnelle quand, dans le feu de la semaine sanglante, il n’y a plus de rationalité. Vengeance, désespoir, ressentiments sont les ultimes ressorts de ces meurtres.
Sur le dernier point, on ne peut que vous donner raison : l’exécution des otages n’a pas favorisé la clémence ; elle a même aggravé la brutalité de la répression en la légitimant. Ce qui ne justifie pas cette brutalité pour autant ; elle l’explique seulement.
cordialement