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Message Publié : 02 Oct 2018 16:47 
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Hérodote
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Bonjour

Un de mes étudiants m'a posé une question aujourd'hui sur le chapitre de l'unité italienne : Pourquoi l'Autriche n'a pas annexé les trois duchés de Parme, Modène et Toscane, comme pour la Lombardie-Vénétie ?

N'étant pas un spécialiste du sujet, j'ai promis à l'élève de me pencher sur ce cas.
Mes conclusions sont les suivantes : Le congrès de Vienne a restauré l'Italie dans son format avant le passage de Napoléon, dans lequel ces trois duchés existaient déjà. Ensuite, inutile de les annexer et de les intégrer dans le fonctionnement géo-politique de l'empire, ils sont déjà sous la tutelle de princes autrichiens. Enfin, cela permet de limiter les mécontentements des italophones qui refuseraient de voir des villes comme Florence devenir officiellement autrichienne.

Mais je récolte volontiers vos avis, merci d'avance pour votre retour sur le sujet.
Une belle soirée.


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Message Publié : 02 Oct 2018 17:51 
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Marc Bloch
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Sans être un spécialiste, je partage vos idées et j'ajoute que je crois avoir retenu que le Congrès de Vienne avait pris comme base à ses décisions le concept de légitimité - sur la proposition de Talleyrand me semble-t-il. Dès lors, il était logique et même nécessaire de restaurer les Etats d'ancien régime avec de modiques modifications (suppression définitive des républiques de Gênes et Venise).

Accessoirement les Autrichiens n'étaient pas fous et ils savaient que les populations italiennes n'allaient guère apprécier d'être assimilées à des Allemands. D'où le rétablissement d'entités traditionnelles relativement bien connues et acceptées par les habitants - du moins le croyait on !

Je crois que les regroupements hâtifs opérés par Napoléon en Italie ou en Westphalie n'avaient guère été du goût des habitants !


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Message Publié : 03 Oct 2018 11:03 
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Pour comprendre la mécanique des annexions autrichiennes en Italie, il faut revenir à la fin des guerres napoléoniennes. En avril 1814, le royaume d'Italie (bonapartiste) capitule. Le 23 avril, le vice-roi Eugène de Beauharnais remet en effet sa capitulation au Feld-maréchal autrichien de Bellegarde. Son armée reste en armes et passe aux mains de son adversaire, ce qui le fait maître militaire de la région. Le 26 avril, de Bellegarde nomme Hannibal Sonmariva au titre de "Commissaire autrichien de la Lombardie", puis le 12 juin, de Bellegarde prend personnellement des fonctions de "Gouverneur général de la Lombardie". La situation est donc propice à ce que les vieilles possessions autrichiennes reviennent dans le giron de Vienne.

Le Royaume de Lombardie-Vénitie est ainsi créé (7 avril 1815) : Trente, Trieste et Gorizia sont simplement annexées, de même pour Venise et son large territoire marin et terrestre, le duché de Milan et le duché de Mantoue sont fusionnés, les villes de Milan et Mantoue sont cependant dotées d'un statut particulier, eu égard à leur passé politique, enfin quelques terres des duchés de Parme et Ferrare sont annexées, en vertu de vieux accords avec la République de Venise. Négociée lors du Congrès de Vienne, la création de ce royaume autrichien en Italie aurait été pensé d'un point de vue financier, ce royaume constituant "un tiers de l'impôt impérial et un huitième de la population impériale" selon la formule de l'historien italien Cattaneo.

Le cas du duché de Parme est plus délicat. D'abord, sous l'occupation française, le duché a été découpé en quatre "circonscriptions", ce qui a accru l'indépendance réciproque de Parme et Plaisance. Ensuite, le duché a été amputé par la cession de Guastalla, brièvement donné à Pauline Bonaparte (1806), puis réunifié au sein du département français du Tao (1808). Lorsque les Autrichiens reprennent le contrôle de la région, en avril 1814, ils imposent d'abord un "Ministre d'Etat", à la tête d'un "Conseil d'Etat de Parme", qui contrôle l'administration, les finances et la justice du duché. Toutefois, en ce même mois d'avril, Napoléon a nommé son épouse, Marie-Louise, duchesse de Parme. Par courtoisie, le Congrès de Vienne la maintient à ce titre, mais Vienne continue de contrôler l'administration du duché à travers deux ministres d'Etat (1816) puis un secrétaire d'Etat (1821), qui constituent le gouvernement de l'ex-impératrice.

Le cas du duché de Modène est encore plus complexe. Lors de l'invasion française de l'Italie, la famille d'Este-Modène (qui régnait sur le duché depuis 1450) fut privée de ses droits et un duché élargi fut créé. En 1803, Hercule III, le dernier duc d'Este, meurt et sa fille Marie-Béatrice d'Este hérite de ce titre "d'apparat". Son mariage avec l'archiduc Ferdinand d'Autriche (en 1771) sert d'argument pour raviver les prétentions autrichiennes sur le duché. En 1806, l'archiduc meurt et passe donc son titre de duc de Modène à son fils aîné, François, qui prend la ville en février 1814. Eu égard à ses faits d'armes, le Congrès de Vienne lui confia le titre de duc de Modène.

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Message Publié : 03 Oct 2018 13:37 
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Reste le cas du grand duché de Toscane, peut-être le plus compliqué des trois. Royaume des marquis puis des margraves au Moyen-âge, (grand) duché depuis Alexandre de Médicis (1532), la Toscane a connu une rapide et profonde évolution de sa situation au début du XIXème siècle. En 1796, le grand-duc Ferdinand III prend parti contre les Français (aux côtés des Anglais), ce qui lui vaut l'invasion de ses terres. En octobre 1800, le consul Bonaparte négocie avec l'Espagne le traité secret de San Ildefonso : l'Espagne abandonne la Louisiane américaine à la France, en échange de la création d'un royaume espagnol en Italie.

Le 21 mars 1801, le traité d'Aranjuez crée en conséquence le royaume d'Etrurie, dont Louis Ier de Bourbon est fait roi. Ferdinand III est alors forcé à l'exil à Vienne avec sa famille (et mis à la tête de l'archidiocèse de Salzbourg). Pour l'anecdote, Louis Ier est le fils de Ferdinand Ier de Bourbon, duc de Parme et de Plaisance (1765-1802), qui est mourant à l'époque et sous l'emprise des Français. Il est le dernier duc de Parme avant l'occupation française du duché (évoquée dans mon précédent message), dont l'homme-fort fut Médéric Moreau de Saint-Méry (1802-1806).

En 1802, le vieux duc Ferdinand de Parme meurt, mais son fils ne fait pas connaître ses prétentions sur le duché familial. Il lui succède dans la tombe en 1803. Comme son fils aîné n'a que quatre ans, la régence d'Etrurie va donc à son épouse Marie-Louise d'Etrurie, Infante d'Espagne. A Paris, Napoléon entend cependant restaurer le Grand-Duché de Toscane pour y mettre à sa tête sa soeur, Elisa Bonaparte. Marie-Louise résiste : elle en appelle à son père, le roi d'Espagne Charles IV, puis aux Britanniques, mais la lutte est vaine. En décembre 1807, le royaume est dissous, le duché est découpé en trois départements (Arno, Ombrone et Méditerranée), tandis que Marie-Louise s'exile en Espagne auprès de son père et de son frère, dont elle favorisera le retour politique.

En Toscane, Elisa Bonaparte "règne" sur les trois départements français d'Italie avec le titre de Grande-Duchesse de Toscane jusqu'en février 1814. Après l'invasion autrichienne, lors du Congrès de Vienne, le grand-duché est rétabli et formellement redonné aux Bourbons : il se compose de l'Etat des Présides, de la principauté de Piombino, des anciens fiefs impériaux de Vernio, Montauto, Monte Santa Maria Tibernia et d'une partie de l'île d'Elbe. Les Autrichiens ont néanmoins confié le duché de Parme "en viager" à l'ex-impératrice française Marie-Louise (comme indiqué dans mon précédent message), prévoyant ainsi son retour au sein du grand-duché à sa mort. Ils ont également donné la ville de Lucques, érigée en duché, à la reine Marie-Louise d'Etrurie. En 1815, rétabli sur son trône, Ferdinand III ne règne donc que sur un "petit duché de Toscane".

En mars 1824, Marie-Louise d'Etrurie meurt, mais le duché de Lucques est maintenu en l'état et confié à son fils Charles II de Parme. En juin 1824, à la mort de Ferdinand III de Toscane, son fils Léopold II monte sur le trône du Grand-Duché de Toscane.

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Message Publié : 03 Oct 2018 16:09 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
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---
Les Habsbourg... :wink:
Je trouve la réponse de Ronsard très équilibrée.
évoquer l'épisode napoléonien est beaucoup de problèmes pour un moment très court.
Revenir avant cet épisode -c'est d'ailleurs les fruits du Congrès de Vienne- fait le "tour de l'histoire". Ensuite chacun développe s'il le souhaite l'épisode napoléonien.
Le développer initie aussi un développement et une explication de l'impact de la Révolution et aussi le pourquoi la France a-t-elle fait des campagnes d'Italie et là, nous serons bien loin des océans de "lumières" que la France doit apporter aux pays voisins mais dans un épisode beaucoup plus pragmatique car il touche essentiellement l'économie.

Le Habsbourg en Italie : il faudrait remonter à Charles Quint et son héritage du côté maternel. Puis sa décision de faire de la Toscane un grand duché avec à sa tête un Médicis certes mais des liens familiaux tissés.
Avec l'héritage de Ferdinand II d'Aragon, ceci fait des possessions plus amples.

Ce qui me gêne un peu sont les mots "main mise". Il n'y a pas eu de "main mise" juste une politique matrimoniale fructueuse comme bien souvent avec les Habsbourg.

Citer :
... En 1803, Hercule III, le dernier duc d'Este, meurt et sa fille Marie-Béatrice d'Este hérite de ce titre "d'apparat". Son mariage avec l'archiduc Ferdinand d'Autriche (en 1771) sert d'argument pour raviver les prétentions autrichiennes sur le duché. En 1806, l'archiduc meurt et passe donc son titre de duc de Modène à son fils aîné, François, qui prend la ville en février 1814. Eu égard à ses faits d'armes, le Congrès de Vienne lui confia le titre de duc de Modène.

Hercule III est le 13ème duc de Modène, son épouse (Malaspina) amène dans la corbeille de noce les duchés de Massa, Reggio, La Mirandole ainsi que la principauté de Carrare.
Les époux n'ont qu'une fille, Marie-Béatrice, héritière du tout.
Marie-Béatrice épouse Ferdinand-Charles de Habsbourg, 4ème fils de Marie-Thérèse Ière et François Ier (ESERG).
Le couple règne de 1803 à 1806 ensuite c'est l'épisode "Bonaparte".
Le jeune couple, qui a créé la branche d'Habsbourg-Lorraine-Este rejoint alors Vienne.
Comme l'écrit Ronsard, après le Traité de Vienne, chacun retrouve ses possessions et même un chouïa avant.
François IV (fils de Ferdinand-Charles & M-Béatrice) devient duc de Modène en 1814 et abdique en faveur de son fils en 1840. Voici donc François V (8 Aldegonde de Bavière -fille de Louis Ier roi de Bavière-) ; il reste duc jusqu'en 1859, date à laquelle l'unification italienne oeuvre.
Le duc n'avait que deux filles, la 2nde a épousé V-Emmanuel Ier (Maison de Savoie), roi de Sardaigne.
Ce couple aura une fille Marie-Thérèse qui en 1820 épousera Charles-Louis de Bourbon (1799 Madrid-1883 Nice) qui sera roi d'Etrurie (1803-1807) puis duc de Lucques (1824-1847) et duc de Parme, le fameux Charles II (1847- abdication 1849).
Le fils de Charles II épousera Louise d'Artois (fille du comte de Chambord) d'où postérité.

Je ne comprends pas bien les mots "apparat", "raviver les prétentions autrichiennes" : Hercule III avait-il le couteau sous la gorge pour le choix de son gendre ? Si oui, des sources seraient bienvenues ainsi que la "prise" de François IV-Joseph qui ferait de lui le possesseur de Modène par les armes et non d'évidence avant le fameux chamboulement de l'Europe entière (épisode de deux décennies au maximum devant trois générations...).
Merci.

Citer :
Le cas du duché de Parme est plus délicat.

En effet. Mais Ronsard a raison. Lors du Congrès de Vienne (puisque là est la question), Metternich obtient le duché pour l'ex-impératrice. Parme a aussi vécu avant de connaitre l'épisode napoléonien.

Citer :
Reste le cas du grand duché de Toscane, peut-être le plus compliqué des trois. Royaume des marquis puis des margraves au Moyen-âge, (grand) duché depuis Alexandre de Médicis (1532), la Toscane a connu une rapide et profonde évolution de sa situation au début du XIXème siècle. En 1796, le grand-duc Ferdinand III prend parti contre les Français (aux côtés des Anglais), ce qui lui vaut l'invasion de ses terres. En octobre 1800, le consul Bonaparte négocie avec l'Espagne le traité secret de San Ildefonso : l'Espagne abandonne la Louisiane américaine à la France, en échange de la création d'un royaume espagnol en Italie.

Lorsque la Toscane est érigée en grand duché avec à sa tête un Médicis (Cosme Ier), c'est sous Charles Quint. Le pape d'alors songeait à s'agrandir, la France posait problème dans le Milanais et faisait plus que lorgner Naples.
"Jadis" Naples avait été sous les Anjou... Ensuite récupérée par l'Aragon ----> Charles Ier des Espagnes / Charles V ESERG (héritage de son grand père côté maternel).
Le temps passe, l'histoire aussi.
En Lorraine, un jeune duc François-Etienne. Pour des raisons politiques, suite à des conflits, il accepte de laisser à Louis XV -qui fera de son beau-père l'usufruitier du duché- la Lorraine contre la Toscane. Il épouse sa cousine Marie-Thérèse Ière. Il est élu ESERG. Le couple décide que le grand duché de Toscane ira au puîné.
Joseph est l'aîné, sera archiduc d'Autriche, roi de Hongrie et de Bohême et ESERG et sa première union avec "Tya-Tya" (petite fille de Louis XV) ne donnera que des filles qui décèderont en bas-âge. Sa seconde union ne sera sans doute jamais consommée.
Le puîné Léopold (futur ESERG Léopold II) a le grand duché de Toscane et y est très apprécié car dans une politique éclairée.
Là encore, je ne vois nulle difficulté, nulle force.
Le grand duché ira à son puîné Ferdinand III (8 M-Louise de Bourbon, infante d'Espagne). Ferdinand continue de régner sur son grand duché jusqu'en 1801. La France y est depuis 1796 et le duché définitivement conquis en 1799.
Transformé en Royaume d'Etrurie, il échoit à Elisa Bonaparte. Napoléon Ier dédommage Ferdinand III avec le grand duché de Wurtzbourg. Ferdinand III y reste jusqu'en 1814.
Congrès de Vienne.
Retour de Ferdinand III en Toscane où il reprend sa place et se paie le luxe d'accueillir les "Bonaparte" dont personne ne veut... Le titre va à son fils Léopold II (à ne pas confondre avec l'Empereur, son aïeul). Léopold II abdique en 1859 en faveur de son fils Ferdinand IV qui ne règne qu'une année. Le grand duché est rattaché au royaume d'Italie.
Pour Ferdinand IV, deux unions. Anne-Marie de Saxe (sans postérité) puis Alice de B-Parme (d'où postérité).

Il semble que la Toscane ait touché à une sorte d'unité avec la création du grand duché.
Il semble tout autant que le sentiment d'une appartenance à "l'Italie" n'ait pas été présente et l'histoire le montre bien à travers l'évolution des différents royaumes, duchés, grand duché, villes, états pontificaux etc.

Je trouve que le résumé de Ronsard est vraiment très clair. Sinon, il faut remonter bien au-delà de l'Empire français débordant de ses frontières et des volontés révolutionnaires de s'attribuer la richesse du haut de l'Italie (Cf. : le discours de Bonaparte) quant à Florence et ses multiples convulsions, il faudra attendre qu'enfin un grand duché naisse pour que les essais de "main mise" d'où qu'ils viennent (familles florentines, roi de France, Pape, roi d'Espagne, Maison de Savoie, France révolutionnaire, Empire etc.) cessent.

Concernant le royaume lombardo-vénitien, il faudrait remonter l'histoire de la Lombardie (Guerres d'Italie) et celle de Venise. On pourrait ainsi s'apercevoir que la Lombardie était "autrichienne" (si on veut vraiment le voir ainsi) depuis belle lurette. Le Congrès de Vienne ne fait qu'entériner une était de fait.
Ce qui explique la difficulté de l'unité italienne car à ce moment l'Autriche est en perte de vitesse et la France impériale -Napoléon III- réussira enfin un "coup diplomatique".
De toutes les manières vu "l'éveil des peuples" dû à l'intervention napoléonienne -et pas dans le sens où on l'imagine en Prusse, Pologne, Espagne et ce qui sera l'Italie-, les choses ne pouvaient durer en l'état.
Reste l'histoire de la Vénétie.

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Message Publié : 03 Oct 2018 17:25 
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Rebecca West a écrit :
Je trouve la réponse de Ronsard très équilibrée.

Oui, pour faire simple, la réponse de Ronsard est un bon résumé : retour à la situation pré-bonapartiste, équilibre à trouver avec la naissance d'un sentiment patriotique italien et maintien d'une influence à travers des princes autrichiens ou un système de principautés "en viager", qui reviendront ensuite dans le giron autrichien. Mon résumé "beaucoup plus long" visait plutôt à donner des explications supplémentaires sur l'histoire à moyen terme de ces trois duchés.

Rebecca West a écrit :
Le couple règne de 1803 à 1806 ensuite c'est l'épisode "Bonaparte".

Le couple ne règne pas sur Modène, car le père (Hercule III) a abdiqué en 1796 devant l'avancée des troupes françaises. En 1797, la famille d'Este-Modène fut d'ailleurs déchue de ses droits sur Modène par le Traité de Campo Formio. Le duché de Modène fut intégré dans la République cisalpine.

Rebecca West a écrit :
Je ne comprends pas bien les mots "apparat", "raviver les prétentions autrichiennes" : Hercule III avait-il le couteau sous la gorge pour le choix de son gendre ? Si oui, des sources seraient bienvenues.Merci.

Eu égard à cette déchéance des droits, le titre de duc de Modène (porté en exil par Hercule III puis par son gendre) est donc un titre "d'apparat", c'est-à-dire d'ostentation, qui n'existe que sur le papier. Il n'en recouvre pas moins une véritable prétention familiale à recouvrer le pouvoir sur Modène.

Rebecca West a écrit :
Si oui, des sources seraient bienvenues ainsi que la "prise" de François IV-Joseph qui ferait de lui le possesseur de Modène par les armes et non d'évidence avant le fameux chamboulement de l'Europe entière (épisode de deux décennies au maximum devant trois générations...).

Je vous retranscris, ci-après, un extrait du Tome X de L'Art de vérifier les dates des faits historiques des chartes, des chroniques et autres anciens monuments depuis la naissance de notre seigneur (1819), écrit par un religieux de la Congrégation de Saint-Maur et réimprimé par M. de Saint-Allais. C'est un document d'époque, donc il me semble qu'on peut prêter une crédibilité relative au témoignage de l'entrée de François IV de Modène dans son duché.

Citer :
Les affaires de l'Europe changèrent de face à cette époque et des troupes napolitaines, sous les ordres de Murat, alors roi de Naples, parurent [à Modène], le 21 janvier, sans pourtant faire apparaître un caractère hostile. Mais peu de jours après, il arriva un petit corps autrichien et un autre anglais, commandés par le général Nugent. Ils se joignirent à l'armée napolitaine et commencèrent, dans ces pays, les hostilités contre l'armée du royaume d'Italie. Le 7 février, on publia une proclamation du général Nugent, par laquelle on rendait ces états au successeur légitime, François IV, archiduc d'Autriche, fils aîné de Ferdinand, archiduc d'Autriche, déjà mort, et de l'archiduchesse Marie-Béatrix d'Est, seul rejeton survivant de l'ancienne famille d'Est.

Les troupes de Naples occupant toujours la ville de Modène, on y accueillit, le 27 mars, le saint père Pie VII, qui revenait triomphant de son esclavage, et qui logea au palais de l'évêché pendant les quatre jours qu'il y demeura.

Le nouveau souverain François IV entra solennellement à Modène, le 14 juillet 1814, accompagné de son épouse, Marie-Béatrix-Victoire, fille de S. M. le roi de Sardaigne, et suivi du prince Maximilien d'Est, archiduc d'Autriche, son frère. Cela répandit la plus grande joie parmi tous les ordres des citoyens, qui voyaient enfin leurs voeux accomplis.

Source : M. de Saint-Allais, op. cit., pp. 423-424.

Pour les curieux, suit d'ailleurs l'épisode de la guerre de Modène (avril 1815) : l'armée de Murat se présente devant Modène le 4 avril, gardée seulement par un corps d'infanterie allemande, sous les ordres du général autrichien Bianchi. Le duc François IV fuit Modène et s'exile à Mantoue (tandis que sa famille se réfugie à Venise). Les Autrichiens libèrent la ville et forcent le départ des Napolitains dans la nuit du 11 au 12 avril. François IV revient dans la ville le 12 avril au matin, à la tête d'un corps de cavalerie hongroise. Les 24-25 mai, le duc accueille de nouveau le pape (qui avait fui Rome devant l'avancée des troupes napolitaines).

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Message Publié : 03 Oct 2018 19:08 
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Jean Froissart
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Jadis a écrit :
Le couple ne règne pas sur Modène, car le père (Hercule III) a abdiqué en 1796 devant l'avancée des troupes françaises. En 1797, la famille d'Este-Modène fut d'ailleurs déchue de ses droits sur Modène par le Traité de Campo Formio. Le duché de Modène fut intégré dans la République cisalpine.

Vous avez raison pour les soubresauts concernant l'épisode napoléonien et, à ce moment, nul ne pouvait savoir ce qu'il en deviendrait.
Comme toutes les dynasties malmenées -on peut le noter avec celle de Prusse à ce moment- il est dans la normalité d'espérer retrouver des possessions que l'on considère comme "siennes", le temps ayant fait. Sans pour autant avoir des "prétentions".
Il ne viendrait pas à l'idée d'estimer que la France avait des "prétentions" sur l'Alsace-Lorraine en 1918, elle retrouve ce qu'elle estime être ses possessions.
Concernant les titres "d'apparat" il est vrai que nous en usons et abusons : il suffit de considérer l'appellation des frères de Louis XVI alors que la monarchie est abolie et la France reconfigurée ainsi que le titre d'empereur pour l'hôte de Ste Hélène.
Merci pour l'indication de votre source. J'ignorais tout à fait ces livres.
Il faudra que je me familiarise avec la BNF, j'ai abandonné à la page 52, devant les comtes d'Auvergne. Je pensais que ceci défilait non stop alors pour 400 pages plus loin en cliquant... ;)
Je ne comprends toujours pas comment le duc est considéré reprendre Modène les armes à la main. Certes il est accompagné de son frère cadet Maximilien-Joseph, grand maître de l'Ordre teutonique et nommé Feldmarschall en 1805 mais, j'ai dû rater quelque chose concernant François IV-Joseph.
Il va vraiment falloir que je me familiarise avec la BNF (et son utilisation) ainsi que Gallica.
Merci encore, ceci m'apprendra à mieux lire mes a. généalogiques : c'est écrit rouge sur noir en plus...
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Message Publié : 03 Oct 2018 19:37 
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Rebecca West a écrit :
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Comme toutes les dynasties malmenées -on peut le noter avec celle de Prusse à ce moment- il est dans la normalité d'espérer retrouver des possessions que l'on considère comme "siennes", le temps ayant fait. Sans pour autant avoir des "prétentions".
Il ne viendrait pas à l'idée d'estimer que la France avait des "prétentions" sur l'Alsace-Lorraine en 1918, elle retrouve ce qu'elle estime être ses possessions.
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Je pense qu'il conviendrait d'éviter les anachronismes : le contexte juridique et idéologique du congrès de Vienne n'a aucun rapport avec le traité de Versailles. D'un côté on se réfère au principe de légitimité (quitte à l'assouplir en pratique). De l'autre on se fonde sur le droit des peuples à disposer d'eux mêmes (même réserve pratique).


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Message Publié : 04 Oct 2018 14:53 
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Rebecca West a écrit :
Comme toutes les dynasties malmenées -on peut le noter avec celle de Prusse à ce moment- il est dans la normalité d'espérer retrouver des possessions que l'on considère comme "siennes", le temps ayant fait. Sans pour autant avoir des "prétentions".

A partir du moment où l'Autriche et la France actent de la déchéance des droits de la famille d'Este-Modène sur le duché et instituent un territoire français en Italie, il est légitime de dire que l'autorité de cette famille sur Modène ne relève plus que de la "prétention". D'un point de vue matériel, les Français sont maîtres du territoire et administrent Modène via un envoyé spécial ; d'un point de vue légal, le Traité de Campo Formio du 18 octobre 1797 fait entrer cette situation dans le "droit international".

Jerôme a écrit :
Je pense qu'il conviendrait d'éviter les anachronismes : le contexte juridique et idéologique du congrès de Vienne n'a aucun rapport avec le traité de Versailles. D'un côté on se réfère au principe de légitimité (quitte à l'assouplir en pratique). De l'autre on se fonde sur le droit des peuples à disposer d'eux mêmes (même réserve pratique).

Oui, merci !

Rebecca West a écrit :
Je ne comprends toujours pas comment le duc est considéré reprendre Modène les armes à la main. Certes il est accompagné de son frère cadet Maximilien-Joseph, grand maître de l'Ordre teutonique et nommé Feldmarschall en 1805 mais, j'ai dû rater quelque chose concernant François IV-Joseph.

Dans mon précédent message, j'évoquais l'entrée de François IV de Modène dans la ville en juillet 1814, sûrement à la tête d'une armée autrichienne, vus les membres éminents du cortège. Je mentionnais également la reprise de la ville en avril 1815, à la tête d'un régiment de cavaliers hongrois. C'est donc peut-être à ce second épisode qu'il faut se référer concernant "la prise de Modène" comme assise de la légitimité du duc.

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Message Publié : 05 Oct 2018 9:52 
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Jadis a écrit :
A partir du moment où l'Autriche et la France actent de la déchéance des droits de la famille d'Este-Modène sur le duché et instituent un territoire français en Italie, il est légitime de dire que l'autorité de cette famille sur Modène ne relève plus que de la "prétention". D'un point de vue matériel, les Français sont maîtres du territoire et administrent Modène via un envoyé spécial ; d'un point de vue légal, le Traité de Campo Formio du 18 octobre 1797 fait entrer cette situation dans le "droit international".

Vous avez totalement raison sur ce point.
Je vais me répéter mais je trouve la réponse de Ronsard équilibrée car ainsi présenté -à compter du Traité de Vienne-, l'intervenant n'a pas à entrer ou faire retour sur un épisode qui peut appeler des échanges qui feront justement glisser sur ce terrain.
Comment en est-on arrivé au Traité de Campo Formio par exemple, et devoir présenter la chose ("Napoléon" - Tulard - pp. 79-87 ou encore "La République bourgeoise" - Woronoff - pp. 104-107 ou plus adapté aux élèves -ce sont manifestement des élèves et non des étudiants- "Révolution et Empire : 1783-1815 - Jessenne - p. 179-180 etc.) ; ce qui appelle d'autres questionnements quant à l'équilibre du gouvernement du moment, était-il oui ou non reconnu officiellement à l'étranger, à partir de quelle date et pourquoi puisque visiblement -et l'Europe n'en verra la fin qu'en 1814- posant un problème géopolitique grave.

Perso, je ne suis d'aucune chapelle et l'histoire "de France" est pour moi une histoire comme une autre : nulle exaltation dans les "exploits" (ou vu comme) nul désolation pour certains épisodes.
Sur certains sujets, peut être à cours d'arguments, on se retranche ou il est avancé des pièces qui n'ont rien à voir avec l'histoire mais, là, le coeur s'émeut, les choses sont appréciées différemment et le vaincu d'un conflit devient la victime sans trop considérer qu'il fut l'agresseur (voilà le pourquoi de mon évocation du traité de 1871 : nous étions les agresseurs, nous avons perdu mais par une étonnante pirouette due à une vision très orientée, nous sommes -enfin la France- est une victime) ; sur ce terrain, on ne m'y trouvera pas. Un sujet fut ouvert sur la suffisance de la France je crois : il serait temps de se poser les bonnes questions plutôt que dérouler le lé qui nous arrange.
Pour l'explication de l'histoire de Modène etc. j'imagine que Ronsard -en bon enseignant- a du parcourir le Net et trouver ce que vous avez proposé.

Je vois un titre "La mainmise de l'Autriche sur la péninsule italienne". Bon. Pourquoi pas. Tout dépend à quelle période du XIXème. Je vais à la définition de "mainmise" :
1.
Action de s'emparer.
La mainmise d'un État sur des territoires étrangers.
synonymes : prise
2.
PÉJORATIF
Influence exclusive.
synonymes : emprise


Je remonte l'histoire afin de montrer qu'il n'y a eu aucune "mainmise" et je m'interroge : aurait-on écrit -lors des conflits d'Italie- "la mainmise de la France sur le Milanais", non. Sur Naples ? Pas plus, c'est ressenti comme une "normalité".
Il en est de même pour l'appréciation des personnages : Louis XI a une bonne politique (et de sourire à ses coups) mais un politique comme Bismarck est un "tordu" s'illustrant par des coups "tordus".

Vous développez l'épisode "Bonaparte" moi je m'essaie à démontrer qu'il n'y eut nulle mainmise mais un retour au statu quo ante qui était le fruit d'une politique matrimoniale réussie et le fruit d'un échange initié par la France laissant à ce moment une Lorraine bien désolée. J'y voir des possessions et non des "viagers" (serait-ce le mot nouveau pour une politique assez "éclairée" pour l'époque dans des possessions ?).

Cette approche de l'histoire du pays "France", considérer que les autres s'octroient des provinces sur lesquels ils n'ont nul droit alors que la France ne fait qu'être "conquérante", "délivrer les autres du joug des tyrans" m'interpelle.

Le mot "mainmise" n'ait fait tilter personne et nul n'a rappelé à ce moment le droit international.

Ronsard enseigne l'histoire. Il se trouve devant une question et gère parfaitement la réponse. Mais dans l'énoncé du sujet, on peut noter tout de même un certain "problème" toujours d'actualité. Le "Français" perd toute notion de sa fameuse "méthodologie" pour retomber dans une vison assez obscurantiste et binaire d'une histoire où la France est "les gentils" (les ambitieux, les conquérants, les Grands, les Alexandre, César et autres, les "Délivre-nous du mal et montre-nous la lumière") et les autres, quels qu'ils soient, les "méchants" tyrans dont la vision obscure rend les peuples abrutis et leur histoire comme amputée d'un épanouissement que seule la France peut revendiquer, fruit de "sa" révolution et leur apporter afin de les remettre à niveau.

J'espère/souhaite/désire avoir été claire sur le paradoxe face à la "méthode".
--

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