Pour ne pas faire de HS dans le fil "que lisez vous en ce moment" :
Barak Obamo a écrit :
Robert Spierre a écrit :
Parallèlement, en lisant un dossier sur l'Italie, j'ai appris qu'en 1861, date de sa création, seulement 2% de la population parlaient italien.
J'ai fait également cette "découverte" récemment, il est alors difficile d'expliquer aux élèves que la langue peut faire partie des ciments d'un nation !
"Nous avons fait l'Italie, maintenant nous devons faire des Italiens.", aurait dit un défenseur de l'unité italienne. Comme il l'a été dit dans un autre topic ("Napoléon père de l'unité italienne ?" je crois), un habitant de Naples ne se sent pas forcément proche d'un habitant de Gênes, c'est la grande différence avec l'unité allemande qui s'est fait "par le haut", mais avec un soutient populaire dont la langue commune est évidemment l'un des points fort, voire le principal pour quelques théoriciens pangermanistes.
On en revient à l'éternel débat entre Fustel de Coulanges défendant la définition française de la nation, sa « communauté d'idées, d'intérêts, d'affections de souvenirs et d'espérances » et Mommsen, défendant la définition allemande : appartenir à une nation, c'est appartenir à une communauté ethnique parlant la même langue. En cette fin de XIXe siècle, dans les jours/semaines suivant la fondation du Kaiserreich, il est compréhensible que de dire "nous formons un Etat-nation car nous parlons la même langue" est légitime. Il faut juste laisser les considérations politiques de côté et se remettre dans le contexte pour comprendre pourquoi l'Autriche ne fait pas partir de cet Etat-nation, alors qu'ils parlent allemand (il en est de même pour tous les territoires à minorité germanique). La construction des deux pays est l'explication parfaite de cette différence de conception : la France en tant qu'État et en tant que nation n'est pas l'héritage d'un peuple sur un territoire donné, mais la constitution progressive par l'État d'un territoire composé de cultures bien différentes (comme peuvent l'illustrer les nombreux patois qui, aux XIXe et XXe siècles, restent encore très vivaces malgré les politiques d'uniformité linguistique depuis la Révolution Française -chose pourtant exceptionnelle pour l'époque). L'Allemagne quant à elle est formée d'une population qui a depuis bien longtemps la conscience d'être un même peuple, de parler la même langue, mais qui ne dispose pas d'un État commun.
Renan reprend quelques années plus tard dans son célèbre
Qu'est-ce qu'une nation ? la définition de Fustel de Coulanges, la modifie/complète, mais rejette complètement l'idée d'ethnie/langue comme fondement de la nation.
Cependant, si la langue n'est pas à la base de la nation, elle peut la servir : langue d'administration (cf la théorie de Benedict Anderson, fonctionnant autant en Italie qu'en Allemagne), démocratisation de l'école primaire renforçant considérablement le poids de la langue nationale (la IIIe République en est le parfait exemple, mais les efforts de germanisation menés par Bismarck dans les premières années du Reich en sont un autre exemple), standardisation de la langue par la littérature (pays slaves).
PS : je me rend compte que je me suis un peu "enflammé" mais que je ne parle finalement que peu de l'Italie...