C'est une duplication du système de l'ancienne métropole. La révolution de 1804 n'a pas été une révolution institutionnelle mais seulement un changement de maîtres: les créoles ont pris la place des blancs et ont réinvestis l'ensemble des dispositifs mis en place par les blancs pour assurer leur propre domination.
Régis Debray résume bien la chose dans son rapport de 2004 sur
Haïti et la France:
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L'indépendance, en soi, ne suffit pas à créer une nation. En effet, la classe privilégiée des Créoles, ceux qui étaient nés dans la colonie de Saint-Domingue, s'est alors approprié, tel quel, l'ancien Etat colonial et, passant du statut de dominé à celui de dominant, n'a eu de cesse d'asservir la grande majorité constituée de tous ces autres Haïtiens qui, eux, étaient nés en Afrique. Cet éclatement en deux, Bossales et Créoles, a survécu à la société servile et va se maintenir pendant deux siècles en sorte que le facteur racial ou culturel a obéré le facteur national.
En Haïti plus que partout ailleurs, l'Etat a précédé la nation - et sous la forme la plus brute, le pouvoir des armes issu des luttes d'indépendance. Or cet Etat côtier, militarisé, chamarré et occidentalisé, prenant la place encore chaude du maître blanc, a instauré de tels rapports d'exploitation et d'exclusion avec la masse rurale "africaine" de l'intérieur ("le pays en dehors" pour reprendre la formule de Gérard Barthélémy) qu'au lieu d'accompagner le développement matériel et mental de la nation, il l'a systématiquement contré. Avec le catholicisme contre le vaudou, le français contre le créole, le Code Napoléon contre le droit coutumier, l'armée contre le peuple, etc. L'Etat parasitaire et prédateur extorque à la paysannerie les surplus qui lui sont nécessaires, pendant que les grandes familles de l'import-export investissent autant et plus à l'extérieur qu'à l'intérieur.