Inscription : 09 Juin 2010 14:22 Message(s) : 2087
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Absolument, je viens de retrouver un commentaire de texte que j'avais fait à ce propos le voici, qu'en pensez-vous ? Deux définitions de l'anarchie : Kropotkine et Malatesta
« On ne le dira jamais assez, l'anarchisme, c'est l'ordre sans le gouvernement ; c'est la paix sans la violence. C'est le contraire précisément de tout ce qu'on lui reproche, soit par ignorance, soit par mauvaise foi » . Cette réflexion de l'anarchiste belge Hem Day a le mérite de mettre en exergue l'ambiguïté qui plane sur la pensée anarchiste. En effet, il est frappant de voir comment ses détracteurs se sont ingéniés à confondre ce mouvement complexe avec l'anomie, sorte de chaos social dans lequel le plus fort exerce sa liberté aux dépens du plus faible. Or, quiconque ouvrant un livre de ces théoriciens - parfois très fins - relèvera aisément leur aspiration à une vie paisible. C'est dans cet état d'esprit qu’Élisée Reclus pourra intituler son Discours à la séance solennelle de rentrée du 22 octobre 1895 de l’Université Nouvelle de Bruxelles : « l'anarchie est la plus haute expression de l'ordre ». C'est dans un contexte, le XIXe siècle, de croissance économique quasi - unique dans l'Histoire, tirée par les révolutions industrielles qu'apparaît l'anarchisme (courant de philosophie politique développée sur un ensemble de théories et pratiques anti - autoritaires) au milieu d'un foisonnement intellectuel d'idéologies parfois révolutionnaires. Notons bien qu'une infime partie de la population récolte les fruits de ce fantastique développement technique puis économique alors que l'immense majorité survit tant bien que mal à une indéfectible misère. Hugo ou Zola sont les racines de Marx ou Proudhon. Certaines anarchies (car il est plus propre d'en parler au pluriel) en sont très proches, c'eût été le cas de Kropotkine (1842 1921) avant sa rupture avec les socialistes en 1907 , alors que d'autres s'en dissocient à des degrés divers : « La liberté sans le socialisme est le privilège et l'injustice, le socialisme sans la liberté l'esclavage et la brutalité » Michel Bakounine. Tout un éventail de tendances parfois divergentes sur le constat, les moyens et/ou les buts à atteindre sont à relever.
C'est dans ce florilège disparate que les tenants de la propagande par le fait se font remarquer par des coups d'éclat parfois violents. L'enjeu est donc crucial pour les autorités, des vies considérées comme plus importantes que d'autres sont en jeu ; alors qu'une redistribution plus équitable du capital et de l'autorité se laisse entrevoir. D'où l'importance des définitions respectives de l'anarchie de ces deux incontournables théoriciens de l'anarchisme que sont Piotr Kropotkine et Errico Malatesta (1853 - 1932). Les contextes respectifs de ces deux énonciations sont peut-être déterminants. Kropotkine , acculé à l'occasion d'un procès à Lyon, lit cette sorte de manifeste en son nom et celui de ses co - accusés ; alors que . Malatesta accorde une interview à Jules Huret, journaliste au Figaro. L'objectif de ce travail sera de montrer en quoi ces deux textes illustrent bien la pluralité des nuances d'analyses dont font preuves les philosophies anarchistes. Si tous les deux sont résolument du même bord intellectuel libertaire (I), ils n'en ont pas moins chacun une vision sensiblement différente de l'autre (II).
Tous deux résolument inscrits dans le même paradigme anarchiste ont, au moins, trois points en commun : la liberté et l'égalité érigées au rang d'idéaux, une grille d'analyse proche de celle du marxisme et un but qui se trouve être l'abolition de toute forme d'autorité. Les deux textes étudiés sont jalonnés de revendications à plus d'égalité et de liberté. Dès la première phrase, Kropotkine en appelle à la liberté sans frontières «leur devoir de se recommander de la liberté illimitée. » (L 2) ; notons dès maintenant que jusqu'en 1889 (la morale anarchiste) et même après , la liberté sera l'une de ses préoccupations privilégiées : il la mettra en relief en l'opposant à l'utilitarisme de Bentham et au libéralisme de John Stuart Mill accusant les deux théoriciens de la corrompre tout en s'en revendiquant. De la même manière, quelques lignes plus tard on peut entrevoir l'ombre de Jean-Jacques Rousseau et de son contrat social : « du libre contrat » (ligne 11). Il s'agit de contractualiser les pouvoirs sans l'aide des gouvernements , ce qui restera, bien souvent, latent dans la pensée libertaire. Pour autant, pour l'orateur l'égalité ne sera pas en reste : « pas de liberté sans égalité » (ligne 19). Directement ou indirectement elle reste omniprésente dans le discours de Kropotkine : « des voisins également respectables » (ligne 5) ou encore «l'égalité de fait, comme corollaire ou plutôt comme condition primordiale de la liberté » (ligne 25). L'entretien de Malatesta est tout autant imprégné de ces notions : «: tandis que nous entendons que tous les hommes aient pleine liberté et les moyens », « c'était elle seule, et non toute la masse du peuple qui s'était émancipée » on doit y lire en filigrane une aspiration à plus d'égalité. «les moyens et la liberté de travailler comme il l'entend, la société servira à l'avantage de tout le monde » (ligne 21) , les deux droits naturels sont convoqués dans cette phrase. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen ajoute notamment la propriété à ces droits naturels, ce qui, selon Marx, n'est pas sans avantager la bourgeoisie. Bien qu'il ne faille, en aucun cas, assimiler la pensée anarchiste à celle de Marx , il est saisissant de voir transpirer de ces deux déclarations, la pensée marxiste. Nuançons tout de même : les concepts utilisés sont ceux du XIXe siècle. Pour autant, Marx a largement contribué à les fonder avec notamment le capital - dont le premier livre a été publié en 1867 - et on les retrouve tout au long des deux textes. Par exemple, Kropotkine : «: Il apprendra également à se passer de propriétaires. Le pire des tyrans, en effet, n'est pas celui qui vous embastille, c'est celui qui vous affame » (lignes 16 - 17) ; il est éclairant de préciser, que dans l'analyse historique marxiste, que c'est le droit naturel à la propriété qui a permis de pérenniser la mainmise bourgeoise sur l'économie. Pour lui, la révolution française en a été le tournant et donc, le mot « embastillé », surtout devant un public français, n'est peut-être pas neutre. Plus tard, «le capital est monopolisé par les mains d'une minorité qui va se réduisant tous les jours et où rien n'est également réparti ,patrimoine commun de l'humanité puisqu'il est le fruit de la collaboration des générations passées (...), doit être à la disposition de tous (...). » on est encore là dans un schéma typiquement marxiste. Mais, cette phrase , époustouflante de subtilité : « de chacun selon ses facultés, à chacun selon ses besoins » (ligne 26) se retrouve, mot pour mot, dans la critique du programme Gotha en 1875 de Karl Marx ; l'influence est patente. En ce qui concerne Malatesta, les concepts qu'il utilise sont aussi très marxistes : «l'exploitation de quelques-uns sur la masse » bien qu'il serait, ici, abusif de ne voir que l'ascendance marxiste (car c'est un lieu commun dans la pensée révolutionnaire du XIXe siècle), ils ont en commun cette vision des choses. De la même manière : «Sous l'ancien régime on prétendait que, sans la tutelle gouvernementale, la production et le commerce seraient impossibles. La bourgeoisie conquit sa liberté et, au lieu de tomber dans le chaos, elle sut organiser, sans le concours du gouvernement, la puissante production capitaliste » (lignes 18 - 19). La huitième section du livre premier du capital ne dit pas autre chose. Comment encore nier les ressemblances ? Qui plus est quand on lit la suite : «Elle organisa, à son avantage particulier, parce que c'était elle seule et non toute la masse du peuple qui s'était émancipée. » (Ligne 21) Cette explication s'inscrit exactement dans le même cadre que la précédente, elle n'en est que son extension... Le constat du cruel manque de liberté d'égalité mis en évidence à l'aide d'une grille d'analyse d'influence marxiste ne peut être pallié que par l'élimination de toute forme d'autorité. Avec Montesquieu, on cherchait la séparation des pouvoirs, avec les anarchistes on cherche à se séparer des pouvoirs, tant étatiques (exécutif, législatif et judiciaire) que cléricaux (la loi de 1905 n'étant pas encore passé par là). C'est un peu l'essence de l'anarchisme, d'ailleurs Michel Bakounine le dit fort bien : «« Le pouvoir ne doit pas être conquis, il doit être détruit » . C'est donc tout naturellement, que dans ces deux définitions de l'anarchie on y retrouve cette matrice. Ainsi, on voit Kropotkine parler d'incompatibilité avec « l'existence d'un pouvoir quelconque, quelles que soient son origine et sa forme, qu'il soit élu ou imposé ». C'est exactement dans la même optique que près d'un siècle plus tard Herbert Marcuse aura cette phrase exquise « Le fait de pouvoir élire librement ses maîtres ne supprime ni les maîtres ni les esclaves ». L'idée étant centrale il faut qu'elle marque les esprits, ainsi on la répète : «ne réside pas dans telle forme de gouvernement ,plutôt que dans telle autre. Il est dans l'idée gouvernementale elle-même, il est dans le principe d'autorité » (ligne 10). La substitution (...)la tutelle administrative et légale, à la discipline imposée, tel est notre idéal », une fois encore, le paradigme anarchiste est proclamé. Il ne faut pas que l'oppression étatique occulte l'oppression ecclésiastique ainsi, il faut l'affirmer aux yeux du grand public : «Les anarchistes se proposent donc d'apprendre au peuple à se passer de gouvernement comme il commence à apprendre à se passer de Dieu. » (Ligne 15) ; Il est vrai, que dans les élites surtout , le sentiment religieux tend à s'éroder (de plus en plus vite depuis le XVIIIe siècle) mais il reste tout de même très prégnant au grand dam de Frédérich Nietzsche qui, la même année 1882 dans Le Gai Savoir, affirme avec force que « Dieu est mort ». Le constat est un peu rapide, mais il est clair que les anarchistes n'iront pas le sauver. Suivant la ligne marxiste, comme nous l'avons montré plus haut, la religion (l'opium du peuple) et le gouvernement bourgeois s'évertuent à défendre les intérêts des propriétaires : «Il apprendra également à se passer de propriétaires » (ligne 17) ; en tant qu acteurs ou bénéficiaires indirects de l'autorité, ils doivent aussi être privés de leurs privilèges. Pour l'anarchiste italien, théoricien et homme d'action, le résultat est le même : «c'est la conception d'une société sans gouvernement, » pour lui, il paraît «difficile de concevoir un gouvernement qui ferait vivre une société » (ligne 5) ; quel intérêt à garder un gouvernement qui ne sert à rien ? Qui ne sert à rien ? Si, bien au contraire : «le gouvernement n'a jamais servi qu'à garantir l'exploitation de quelques-uns sur la masse. » (Ligne 16) Et c'est précisément ce dont veulent se débarrasser les anarchistes , la cible est donc toute désignée. Alors qu'en plus «tout marche en dehors du gouvernement ». Au détour d'une parenthèse il rappelle encore : «(et c'est pour garantir le privilège de ceux-là que le gouvernement existe) ligne 6. Mais, une fois l'anarchie ayant fait son travail : «Je ne vois pas à quoi pourrait alors servir un gouvernement, puisqu'il n'y aura plus de privilège à défendre. » (Dernière ligne) On observe donc bien des similitudes dans les deux argumentations. Mais au-delà de ces conjonctions, au demeurant bien naturelles pour deux anarchistes, peut-on y voir des points qui leur sont personnels à chacun ?
Une analyse plus fine des propos de Malatesta laisse à penser que l'utilitarisme de Bentham (mort en 1832) n'a pas laissé notre penseur indifférent. L'utilitarisme est une doctrine éthique qui prescrit d'agir (ou ne pas agir) de manière à maximiser le bien-être global de l'ensemble des êtres sensibles. L'utilitarisme est une forme de conséquentialisme : il évalue une action (ou une règle) uniquement en fonction de ses conséquences (Wikipédia) . Notons quand même que dans l'histoire des idées il n'est en rien précurseur de l'anarchisme, mais qu'il a marqué à jamais la pensée dans sa globalité. Ce texte de Malatesta en est imprégné, probablement inconsciemment. En tout état de cause, la ligne 14 en témoigne : «puissent s'organiser selon leurs intérêts » (ligne 14) , le mot intérêt est vraiment significatif et central dans les calculs utilitaristes. Continuons , à peine deux lignes plus tard : «les moyens de régler eux-mêmes leurs intérêts » ; régler ses intérêts, la phrase parle d’elle-même en faveur de l'utilitarisme, tout comme la ligne 21 : «Elle organisa, à son avantage particulier, parce que c'était elle seule et non toute la masse » (ligne 7). Le champ sémantique est important : le verbe organiser sous - tend la notion d'intentionnalité (très proche de l'utilitarisme) alors que l'expression avantage particulier en est indiscutablement fille. Mais ce n'est pas tout, on trouve aussi : «la société servira à l'avantage de tout le monde » (ligne 24) ; la société doit bien être mise au service de tout le monde, cette paraphrase - volontaire -, tout en gardant le sens originel, fait ressortir la notion de service, belle et bien issue du champ conceptuel de Bentham. Et jusqu'à la dernière ligne : «Je ne vois pas à quoi pourrait alors servir un gouvernement » (ligne 24) où l'on retrouve, encore l'utilitarisme. Alors, une fois de plus, est - ce Malatesta qui est le digne héritier - conscient ou non - de Bentham, ou est - ce toute la pensée du XIXe siècle qui s'en ressent ? En cas de validité de la seconde hypothèse, on la retrouverait aussi dans la déclaration de Kropotkine. Or, même en cherchant scrupuleusement, on n'en trouve trace. L'utilitarisme présuppose une liberté intellectuelle totale pour faire ses choix. Cependant, chez le « prince des anarchistes » (comme le surnommaient ironiquement ses anciens amis) c'est presque une contrainte qui le pousse vers l'anarchisme, nous y reviendrons bientôt. Il n'y a rien d'historiquement établit, semble-t-il, mais à la lumière de son avenir philosophique, la morale anarchiste parue en 1889 , on peut soupçonner qu'il était déjà enclin à rejeter l'utilitarisme ; en effet, on sait que c'était un penseur invétéré et ses idées étaient mûrement réfléchies. Alors, ce silence total avant l'opposition franche à l'utilitarisme , notamment, que sera l'oeuvre qu'il produira sept ans plus tard, est-il un hasard ? Probablement, non. Toujours est-il, que dans un texte, les silences peuvent être tout aussi révélateurs que des affirmations, et si c'est le cas, l'influence de Bentham sur Malatesta semble encore consolidée. Ceci est histoire de contexte général, mais le contexte immédiat est révélateur sur les déclarations respectives. Sur les déclarations respectives, et pas plus. En effet, si l'on s'en tient au contenu de chacun des textes, l'illusion est parfaite : Kropotkine est un activiste radical, alors que Malatesta est un anarchiste réfléchi et mesuré. Ce n'est pas exactement l'inverse, mais presque... En effet, l'historiographie décrit Kropotkine comme un rat de bibliothèque et théoricien radical dans l'âme alors qu il est unanimement admis que Malatesta est tout autant un homme d'action hors pair qu’ un théoricien consommé. Ainsi, méfions-nous des contextes et explorons les de plus près : Piotr Kropotkine a, pendant le procès dit des 66, presque 40 ans. Ils sont accusés : "D'avoir (...) été affiliés ou fait acte d'affiliation à une société internationale, ayant pour but de provoquer à la suspension du travail, à l'abolition du droit de propriété, de la famille, de la patrie, de la religion, et d'avoir ainsi commis un attentat contre la paix publique". L'accusation est grave, preuve en est la lourdeur des peines pour les meneurs : quatre ans de prison. Il est donc astreint à se défendre et, c'est bien connu, la meilleure défense, c'est l attaque ; surtout pour un écorché vif tel que lui. Il va donc, dans un style impeccable, remettre en cause, jusqu'aux fondements de la société. Cette déclaration fera date et nombre de penseurs libertaires s'en réclament encore. Sans faire la moindre concession à ses accusateurs, il va déployer aux yeux du grand public la doctrine anarchiste. Dès la ligne 2 : «leur devoir de se recommander de la liberté illimitée » ; c'est un devoir, presque une obligation, c'est plus fort qu'eux. Il enchaîne à la ligne 4 : «de satisfaire intégralement tous ses besoins ». Pour un lettré comme Kropotkine, un pléonasme n'est jamais gratuit : « intégralement tous » en est un, mais ô combien rhétorique. Il s'agit ici, encore une fois, d'insister sur la radicalité de l'exigence. Tout comme à la ligne 10 : «Il est dans l'idée gouvernementale elle-même, il est dans le principe d'autorité. » Le problème est donc en profondeur, s'il était en surface, il serait peut-être temps d'agir, mais dans le cas présent seule une refonte totale serait salutaire. Le rejet se trouve jusque dans la forme : ligne 18 «Pas de liberté sans égalité ! », La forme exclamative est lourde de sens dans le contexte présent. C'est un coup de poing sur la table. Pour le cas de Malatesta, l'enjeu est tout autre. Il est interrogé par un journaliste, Jules Huret, qui a une réputation qui le précède qui «est un journaliste français, connu surtout pour ses interviews d'écrivains. » (Wikipédia). Signalons au passage que c'est pour le journal le Figaro - politiquement diamétralement opposé de Malatesta - qu'est donnée cette interview. Il s'agit ici, d'être clair, logique mais de ne rien lâcher. Cet érudit au sang chaud va donc faire une démonstration de ses talents d'analyse de la société contemporaine. Dans un contexte nettement moins dramatique que le précédent, Malatesta semble mieux étayer son discours. Par exemple, ligne 10 : « ce n'est pas un gouvernement qui a pensé à ensemencer la terre et à pétrir lepain », en disant cela, il cherche à montrer que l'État est superflu, que le peuple vivrait tout aussi bien sans lui. Il poursuit dans le même sillon à la ligne 11 «La production, le commerce, les sciences, tout marche en dehors du gouvernement (...). Pour Malatesta, ici, tout est tellement plus simple que chez Piotr Kropotkine qui est littéralement contraint de se tourner vers l'anarchisme. Malatesta, dans une argumentation simple, posée et bien étayée nous affirme tranquillement que si l'État n'était pas là, tout irait tellement mieux ; les lecteurs ont dû avoir le souffle coupé... Il est même si tranquille qu'il peut convoquer l'histoire à sa guise, ainsi à la ligne 16 il se réfère à l'Ancien Régime. Ces deux définitions sont donc, très certainement, quand on les oppose, biaisées par les contextes respectifs dans lesquels elles ont dégénérées. Ainsi, les conditions de production de ces discours ont certainement exacerbées les petites, mais bien réelles, divergences de pensées des deux anarchistes.
Au travers d'une grille d'analyse d'influence marxiste commune, tant Kropotkine que Malatesta, ne peuvent concevoir une vie sans liberté ni égalité et les deux s'accordent à dire que la source de ce manque réside dans l'autorité (ou tout au moins dans la notion de gouvernement). Tous deux ne font que décrire l'essence de l'anarchisme. Pour autant, lorsqu'on fait une lecture comparée, on peut constater des écarts de formes tout de même évocateurs. Évocateurs d'influences forcément différentes (nous avons parlé, ici, de l'utilitarisme, mais bien d'autres sont nécessairement impliquées, les champs de recherche sont ouverts...) ; D'autant que les contextes immédiats sont aussi incriminés dans ces différences. Comment être aussi serein lorsqu'on est acculé par la justice que lorsque l'on s'exprime dans le cadre d'une entrevue journalistique ? Cependant, il y a fort à parier que si Stirner Bakounine, Proudhon, Makhno , Stirner, Max Sirner ou d'autres eurent été soumis au même exercice les différences auraient été tout aussi prononcées. C'est la raison pour laquelle nous pouvons dire que ces deux définitions de l'anarchisme sont deux illustrations de l'éventail de sensibilités qui coexistent au sein de ce mouvement. Un mouvement duquel personne ne peut dire qu'il n'a aucune postérité aujourd'hui, en témoigne cette dépêche AFP tombée la veille de l'écriture de ce travail. Alors que la fréquence nationale de radio libertaire est 89. 4 ; sur laquelle le chanteur à succès Leo Ferré, entre autres, diffuse le message anarchiste (ni Dieu ni maître, les anarchistes etc.). Quelle manifestation ne voit pas flotter au-dessus de son cortège au moins un drapeau noir. Sans parler de tous les gestes d'insoumission de la vie quotidienne qui, sans être connotés idéologiquement, perpétuent cette aspiration à la « liberté illimité ».
Bibliographie
Emmanuel de Waresquiel, Le siècle rebelle, dictionnaire de la contestation au XXe siècle, Larousse, coll. « In Extenso », 1999
Sébastien Faure, Encyclopédie anarchiste, Paris, La Librairie Internationale
AUTOUR D’UNE VIE. (Mémoires d’un révolutionnaire), Traduit de l’anglais par Francis Leray et Alfred Martin et revu par l’auteur. Préface par G. Brandès. 1898
La Morale anarchiste/ Pierre Kropotkine Paris : Les Temps Nouveaux, 1889.CIRA, Lausanne
Daniel Colson, L’Anarchisme de Malatesta, Atelier de création libertaire, 2010
Filmographie
Malatesta de Peter Lilienthal (1970)
Webographie
http://fr.wikipedia.org/wiki/Anarchisme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Errico_Malatesta
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Kropotkine http://www.federation-anarchiste.org/
http://www.ina.fr/
http://www.drapeaunoir.org/
_________________ et tout le reste n'est que littérature
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