Narduccio a écrit :
Plusieurs auteurs prétendent que l'une des causes de l'augmentation de la population est le fait qu'on puisse nourrir plus de bouches. En fait, je me doute bien qu'il y a 2 raisons : moins d'enfants et de mères meurent grâce aux progrès de la médecine.
Si je suis en accord avec vous sur la première phrase, je suis plus dubitative sur la fin. L'augmentation de la population rurale -semble-t-il- ne tient que pour peu aux "progrès de la médecine". A défaut d'être compris dans des couches sociales aisées, certaines choses (la vaccination) sont actées par l'exemple donné.
- Louis XVI en se faisant vacciner ainsi que ses enfants contre la variole, ce qui n'empêche les deux garçons de périr de tuberculose ;
- Victoria qui accouche "sous chloroforme" afin de démontrer que la souffrance n'est pas une fatalité à supporter n'aura aucun problème, par ailleurs elle fait bénéficier ses filles et fils de l'hémophilie. Cette maladie n'est pas l'apanage d'un milieu mais au rural qui se pose la question ?
- sa fille fera de même afin de faire évoluer les mentalités en Allemagne. La nouveauté à ses bornes et le fils nait handicapé.
Ce sont des milieux aisés.
Chaque avancée médicale remet sur l'ouvrage les avancées antérieures, lorsqu'elle ne les contredit pas. On peut éviter les douleurs de l'accouchement avec du chloroforme mais on n'a pas anticipé un "accouchement à problème". La femme est passive et si tout à coup on a besoin qu'elle soit active, il est impossible de la faire "revenir" suffisamment tôt. Se présente alors un choix guidé par des valeurs. Entre la mère et l'enfant, l'Eglise se prononce pour l'enfant. Le rural est encore très imprégné mais à ce stade en général les deux sont perdus. Il n'existe ni médecin ni sage-femme. L'accouchement est à domicile, aidé par les voisines ou les femmes de la famille (on retrouve ceci avec les doulas). On sait qu'il faut du linge propre et de l'eau chaude, pour le reste à Dieu va. Alors bien sûr, au moindre problème, c'est l'infection et la fameuse "fièvre puerpérale" qui a le dos bien large. Si l'enfant survit qui va l'allaiter ? L'époque est ignorante pour les nourrissons de l'intolérance aux protéïnes de lait de vache, de l'intolérance au gluten etc. On vit, on meurt et c'est tout, le tout sans se poser de question. L'Eglise est d'ailleurs présente afin que tout se passe bien. Le rapport au deuil est différent car la foi est présente. La médecine aussi : tout ce qui est inexplicable est nommé "fièvre de ceci ou cela".
On vaccine pour la variole mais la phtisie fait des dégâts incroyable. Il a été remarqué qu'a défaut d'éradiquer la maladie, elle peut être ralentie voire "disparaitre" en "changeant d'air". Ceci bien sûr est pour les couches aisées.
Le croup fait des ravages chez les enfants : du nourrisson à l'adolescence. Le passage de la maladie chez l'adolescent et l'adulte, s'il est plus aisé, rend la personne très fragiles aux pneumopathies mortelles à l'époque.
Citer :
Mais, si tout les autres paramètres restent identiques par ailleurs, l'augmentation d'une population, si les ressources n'augmentent pas conduit à la forme d'autorégulation qui se nomme famine.
Avant d'arriver à la famine, il existe des "solutions intermédiaires". Il suffit de se reporter aux listes de conscriptions et de noter pourquoi tel ou tel est déclaré "inapte". Ceci est une grande source d'informations.
Il est aussi des régions porteuses de malformations. En Bretagne, la "luxation congénitale de la hanche" n'est dépistée au final que depuis peu. Il est vraisemblable que là était le problème de claudication de la reine Anne.
Cependant au rural, c'est une bouche à nourrir avec non espoir de mariage (le bassin est un marqueur pour la fécondité), chez un fils c'est pire encore.
Avant la famine, il existe le stade des carences qui entraine aussi des pathologies (rachitisme etc.).
Bien sûr une famine n'est jamais souhaitable mais elle a ceci d'éliminer les plus faibles laissant la nature faire son tri. C'est donc aussi une sorte de régulateur de santé : restent les plus résistants.
Citer :
Mais, que je cherche à savoir si l'explication générale donnée par certains est vraisemblable.
Un sujet à été développé là-dessus. La conclusion énoncée par d'aucun a été "l'évolution de la médecine", point/barre.
J'ai tenté une autre piste mais l'assertion avait fait son effet avec une démonstration à peu près inexistante. La messe était dite. C'est le système "Panurge" : il avait choisi non pas le mouton bêlant le plus juste mais celui bêlant le plus fort, et toute la troupe de suivre -comme un seul homme- au fond du ravin dans une bouillie cotonneuse...
Citer :
On sait qu'à la faveur du mouvement des Lumières, des méthodes qui permettent l'augmentation des récoltes sont mises en application un peu partout en France. Mais, je sais aussi qu'elles firent l'objet de bien des réticences du monde agricole.
Ce n'est pas le mouvement des Lumières à proprement parler. A part Candide qui évoque le fait de retourner à son jardin, les Lumières ne se penchent pas sur le sujet. Cependant Arouet fera assécher ses marais, source de maladies. Il y a d'abord la barrière "science et foi" mais le début du XIXème siècle va voir un essor du mouvement scientifique. Des "sociétés savantes" vont se créer avec ouverture à la recherche maintenant quel en a été le bénéfice pour le rural ? On ne peut pas être réticent devant une démonstration technique réussie, cependant il est de vieux réflexes. Il n'existe pas non plus de vraie politique agricole soutenue, valorisée et encouragée par les pouvoirs successifs. Le paysan est considéré un peu comme une machine à produire afin de nourrir la société. On ne lui en demande pas plus.
Dans le topic que j'ai évoqué, j'avais déjà souligné la mortalité due à la mise en nourrice mais là encore...
Citer :
- diminution de la natalité et de la population SANS augmentation des ressources => famines et mortalité déportée. Les enfants qui ne meurent pas dans la petite enfance mourront plus tard du fait de la famine;
- augmentation des ressources SANS diminution de la mortalité => les populations vivent de manière plus aisées et la population augmente plus lentement que dans le cas suivant;
- diminution de la natalité et de la population AVEC augmentation des ressources => plus de gens peuvent vivre sur le même territoire jusqu'au moment où ce territoire "déborde" ce qui conduit à un exode rural. Les jeunes gens cherchant du labeur ailleurs.
Je ne comprends pas votre première conclusion ni comment elle s'articule.
Pour la seconde, l'augmentation des ressources d'une génération fait que l'on offre à la seconde l'éducation. La diminution de la mortalité se constatera donc avec la troisième génération.
L'augmentation des ressources + l'éducation font que bien souvent pour des raisons diverses, on ne souhaite plus de grandes familles mais de bonnes alliances afin d'agrandir les possessions. Aux 4ème et 5ème générations de vivre en rentiers avec des tâcherons ou mieux des régisseurs. Le stade de l'aîné qui hérite, du cadet qui va au militaire et du benjamin à l'Eglise est dépassé. Il faut donc faire en sorte de réguler les naissances. On peut aller à la messe et bien écouter. Il est dit que le rapprochement doit être fait seulement dans le but de procréer : OK, on ne se rapproche plus. Pour la recherche du plaisir, il existe des maisons ad-hoc avec pignons sur rue (Maupassant en fait une description excellente). Pour le paysan propriétaire, il existe l'employée. En-dessous tout est resté un peu flou, la survie est de mise.
Pour le labeur "ailleurs", tout dépend encore où se situer. Ce peut être la ville, le propriétaire du coin, l'espoir qu'offrent les nouvelles contrées etc. Il est étonnant de constater l'attrait de la ville en ceci : on préfèrera toujours une vie difficile mais ouvrière à une vie difficile mais paysanne et ceci il y a encore peu.
J'aimerais comprendre ce choix...
Je reviens au sujet : "L'expansion démographique et son déclin dans le monde rural".
Il faut associer la science, la sociologie et l'histoire sans doute. L'expansion démographique dans quelles couches de la société ? Quels milieux abondent cette expansion, pourquoi et à quel moment ? Sur un siècle les mentalités évoluent, de plus le XIXème est riche en idées, en concepts et en échanges.
Faut-il comprendre "l'expansion démographique" et en même temps "son déclin dans le monde rural" ?
Ce serait donc les couches sociales nanties qui abondent et les ruraux qui stagnent voire plus. La stagnation ou le déclin sont-ils "naturels" ? Le fruit d'une réflexion qui montre que moins d'enfants, plus de travail mais un meilleur dispatching et une meilleure qualité de vie ? Faut-il optimiser son lopin et réguler sa progéniture ? Faire en tout dans la qualité plutôt que s'essayer à gros risques dans la quantité ? Un meilleur dosage et échange entre paysans : l'un fait des céréales, l'autre de l'élevage et l'on commence à envisager une politique d'échange ? Je pense que si certains endroits sont restés très réticents à ce style, d'autres ont su en voir l'avantage.
Un troisième paramètre va exister. Les enfants qui ont été chercher du travail vers la ville, reviennent s'approvisionner chez les parents en cas de crise. Le contraire est impossible. On essaiera donc toujours de maintenir un lien avec le rural. Ce lien coupé, on pourra constater les dégâts pour les "pauvres des villes" et le renouveau des épidémies. On pourra aussi noter la fracture entre le monde rural et le monde urbain. Le monde rural a compris et gère ses naissances au mieux mais il en est terminé d'abonder les villes à moindre prix. Carences, famines, maladies endémiques se déplaceront alors.