Quodlibet a écrit :
Sans disconvenir du rôle important du temps des horloges dans la divergence entre Europe et Chine, il me semble très indirect: la notion de temps régulier (au sens où toutes les heures ont la même durée) a favorisé le développement scientifique de l'Europe dès le 13°-14° siècle, lequel a favorisé à son tour le développement économique. Mais j'ai un peu de mal à croire que l'ouvrier était payé à l'heure (plutôt qu'à la journée) avant la révolution industrielle
Je crois aussi que les ouvriers étaient payés plutôt à la journée qu'à l'heure. De plus, la journée de travail était alignée sur la journée solaire, une nécessité avant de pouvoir disposer d'un éclairage artificiel suffisant qui n'apparaîtra qu'au dix-neuvième siècle avec l'éclairage au gaz, procédé connu d'ailleurs depuis plusieurs siècles en Chine.
Quodlibet a écrit :
Citer :
Les élites intellectuelles occidentales étaient semblables aux mandarins jusqu'à la renaissance : toute la science était contenue dans les écrits des Anciens. Il a fallu des gens comme Rabelais se moquant des "sorbonagres" pour que cela change. Sortant leur nez de leurs grimoires les savants se sont rendu compte qu'en fait ils ne savaient pas grand-chose et se sont mis à chercher par eux-mêmes.
Je pensais que cette vision un peu réductrice de la science médiévale avait été abandonnée depuis Duhem - au moins. Galilée est le successeur
direct de Grosseteste, Bacon, Oresme (après le hiatus de la grande peste). J'adore Rabelais pour sa verve et sa richesse de langage, mais sa caricature des scolastiques est assez éloignée de la réalité.
Réducteur, un peu, oui, mais le procès de Galilée est tout de même la manifestation d'un gros blocage. Vous citez Bacon, Grosseteste et Oresme comme exemples de la science médiévale. Mais ce sont trois personnages ayant vécu du douzième au quatorzième siècle alors que je mentionne Rabelais qui a vécu au seizième. Il ne s'agit pas d'ignorer la science au moyen-âge. La pensée scolastique a été très utile, elle a notamment permis des progrès considérables dans le domaine du droit, mais il est venu un temps où il fallait bien la dépasser. Or l'Université a refusé de l'admettre et s'est sclérosée. Il est intéressant de relever que les grands esprits scientifiques aux seizième et dix-septième siècles ont travaillé en marge de ce cadre officiel : Ambroise Paré, Pascal, Descartes, Newton et autres. Harvey a rencontré de très fortes résistances à faire admettre la circulation du sang. L'enseignement de cette thèse a même été interdite à l'université de Paris alors qu'elle ne faisait plus aucun doute et Louis XIV a dû intervenir personnellement pour en imposer l'enseignement. Il est aussi intéressant de relever que les écoles scientifiques et techniques ancêtres des écoles d'ingénieurs actuelles ont été créées sur décisions royales hors du cadre universitaire, celui-ci continuant à enseigner les humanités seul savoir vraiment noble : le pouvoir laïc faisait acte de dissidence contre le pouvoir intellectuel alors détenu par l'Eglise. Cette situation tout à fait remarquable ne s'est pas présentée en Chine. Sous la chape de plomb du pouvoir impérial relayée dans toutes les provinces par la caste mandarinale, les intelligences ont été bridées et cela n'a pu que favoriser le déclin de la civilisation chinoise.
Quodlibet a écrit :
Je pense que Hughes de Hador a raison de pointer comme une cause majeure du décollage économique de l'Europe la naissance d'une bourgeoisie, dont la puissance financière devint largement indépendante du pouvoir militaire et religieux, alors que les commerçants et entrepreneurs chinois restaient sous le contrôle tatillon de l'administration mandarinale.
Cela a été certainement déterminant.