26 juin 1876 ...
Dans la matinée du 26 juin, les avant-gardes du général Terry approchent de la Little Big Horn.
Ses unités n'ont aucune nouvelles depuis trois jours du 7ème de cavalerie, quand elles trouvent les compagnies de Reno et Benteen, blotties et terrorisées.
Terry, un vieux combattant de la guerre de sécession, s'agace des rapports délirants et abscons des deux officiers du 7ème, et envoie des éclaireurs vers les hauts des collines surplombant la Little Big Horn.
Lorsque le premier rapport "dead men and horses above hills" lui revient, il aura cette phrase terrible à l'égard des survivants : "qu'avez vous fait de Custer ?" ...
Benteen et Reno, qui étaient heureux d'avoir sauvé leurs hommes, prennent tout à coup conscience que leur régiment a été anéanti, et qu'ils n'y étaient pas ...
Pendant ce temps, les éclaireurs de Terry arrivent sur les collines et découvrent un spectacle effrayant, dont la description va dans l'est faire dans les journaux des dégâts énormes.
Sur trois collines sont éparpillés des dizaines de cadavres, dépouillés, scalpés ...
Tous morts sur place, la position des malheureux permet tout de suite de déterminer comment les compagnies du 7th de cavalerie ont été anéanties sur leurs positions de défense ultime.
Les indiens, pour leur part, après avoir dépouillé les cadavres, ont emporté leurs morts, et surtout ont évacué leur grand camp avec femmes et enfants : l'ensemble est parti vers le nord.
Compter les morts est une chose, avertir Washington et l'opinion publique en est une autre ...
La nouvelle de la destruction du légendaire 7ème de cavalerie atteint l'est, et est repris par les journaux, le ... 4 juillet, jour anniversaire de la déclaration d'indépendance.
Le 4 juillet 1876 devait être la grande célébration du centenaire de l'indépendance, et permettre au Président Ulysse Grant de préparer sa réélection : ce sera pour lui le début de la fin.
Mais Ulysse S. Grant a un autre souci à gérer : son administration n'est pas vierge, loin de là ... et le lieutenant-colonel Custer avait, depuis plusieurs années, dénoncé par la presse une situation scandaleuse de détournement d'argent public via les affaires indiennes dont le principal responsable était ... le propre frère du président des Etats-Unis.
Grant avait dès 1872 essayé de mettre de côté Custer mais ses principaux soutiens historiques, des hommes incontournables : Sherman et Sheridan, lui avaient imposé ce fichu cavalier comme le meilleur officier en territoire indien.
La catastrophe du 25 juin 1876 offre alors à Grant une porte de sortie inespérée.
La Maison Blanche va alors être le premier vecteur de propagande anti-Custer et, par effet de retour, anti-cavalerie.
Si en effet Custer est un tueur d'indien, et que de surcroît il a envoyé à la mort son régiment pour tuer des femmes et des enfants, non seulement c'est une ordure de la pire espèce, mais en plus sa personnalité de salaud fait de lui un officier incompétent et criminel.
De ce fait ses dénonciations concernant les trafics des affaires indiennes et l'environnement du Président n'ont pas de sens : des racontars colportés par une ordure de tueur d'indien, qui est mort frappé par la justice divine.
Et c'est ainsi que va se créer, dès juillet 1876, une légende noire et ignoble traînant dans la boue le lieutenant-colonel (Brigadier Général) Georges Armstrong Custer, ses hommes et ses officiers.
J'évoquais au départ de ce propos le film "Little Big Man".
J'évoque aussi à nouveau Michael Blake, scénariste de "Danse avec les loups".
Michael Blake, farouchement militant des droits des indiens, se mit après le succès mondial du film dont il avait écrit le synopsis, à étudier sérieusement les guerres indiennes.
L'homme était honnête : ce qu'il découvrit l'amena à écrire dix ans plus tard un livre intitulé "le paradis des Héros".
Il y décrivit la réalité et la mort des cavaliers du 7ème régiment de cavalerie US, exterminés à la Little Big Horn, alors même qu'eux n'étaient pas des assassins ni des tueurs d'indiens.
Encore aujourd'hui, le désastre de la Little Big Horn est ce que l'on appelle un évènement "clivant".
Si pour la plupart, peu au fait de la réalité de la réalité historique, cette bataille reste au mieux un souvenir de western, et au pire un argument haineux contre les "suprémacistes blancs", pour les historiens contemporains ce combat reprend sa place dans l'histoire des Etats-Unis.
Le désastre du 25 juin 1876 a en effet profondément marqué les Etats-Unis des années 1880, et les 276 morts de la Little Big Horn ont eu plus de conséquences que les 600 000 morts de la guerre de sécession, car ces morts ont profondément marqué la conquête de l'Ouest, le "Go West".
Il reste aujourd'hui un évènement incroyablement fort de l'histoire des Etats-Unis, et l'un de ses épisodes dont tout le monde se rappelle.
Aujourd'hui encore, si un jour vous allez faire du tourisme dans l'Etat du Montana, on vous conseillera le circuit des Black Hills et vous pourrez aller sur le site de la bataille ou l'on vous montrera, stèle par stèle, ou moururent le 25 juin 1876 dans l'après-midi les 276 hommes des compagnies du 7ème de cavalerie partis refouler les rebelles sioux et cheyennes dans un printemps brûlant de 1876.
_________________ "Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".
Yves Modéran
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