Duc de Raguse a écrit :
C'est la même chose pour la Constitution de 1787 : le terme n'est jamais prononcé, pour ne pas qu'il soit gravé dans le marbre. Nous sommes là dans la constitution d'un compromis pour qu'une nation puisse naitre de la fin de ce qui est perçu comme le joug anglais. L'esclavage est secondaire à cette date.
On peut noter le cynisme avec lequel l'article 1 de la constitution de 1787 contourne le problème pour définir le calcul de la population pour la représentativité des Etats à la chambre des représentants :
« Sont à l'origine comprises dans la population d'un état toutes les « personnes libres », trois-cinquièmes des « autres personnes » » C'est le fameux compromis des trois cinquième qui a donné un énorme poids électoral aux Etats esclavagistes.
Pierma a écrit :
Le détail qui tue : il a dû un temps, avec l'aide d'amis, passer en Angleterre, parce que son ancien propriétaire le réclamait (au même titre qu'on aurait réclamé un objet volé !) et la loi fédérale ne s'y opposant pas, il restait de fait la propriété légale de son maître du Sud
C'est le fameux "droit de suite" qui permet au propriétaire d'aller rechercher un esclave évadé jusque dans un Etat abolitionniste. Le beau film
12 years a slave montre les abus qui en étaient faits : du fait de l'absence d'état civil clair et incontestable, des Noirs nés libres étaient enlevés par des trafiquants qui prétendaient avoir reconnus des évadés. De nombreuses histoires de ce genre empoisonnaient les relations entre nord et sud avant la guerre de sécession.
supertomate a écrit :
Une innovation technologique change la donne: en 1793 est inventée l'égreneuse à coton [...] Dix ans plus tard, le président Thomas Jefferson achète justement à la France, pour une bouchée de pain,cette immense région qu'on appelle la Louisiane [...] Dés lors la culture du coton - et l'esclavage avec elle - s'enracine dans les Etats du Sud profond et s'étend vers l'ouest [...] Même les Etats septentrionnaux du Sud ont tout intérêt à sauvegarder l'institution [...]
James Mc Pherson, dans
la guerre de sécession mentionne l'égreneuse, le "cotton gin".
Elle prend sa place dans un débat dont Alexis de Toqueville se fait l'écho dans son célèbre
De la démocratie en Amérique : la rentabilité de l'esclavage. En effet, Toqueville affirme que l'esclavage est bien moins rentable que le salariat, car le maître doit subvenir aux besoins directs de ses esclaves : nourriture, logement... même quand ils ne peuvent pas être productifs, notamment quand le coton n'est pas encore mûr. Sans compter les maîtres humanistes qui s'occupent de leurs vieux esclaves et des enfants qui ne peuvent pas ou plus travailler
De bons salariés embauchés en fonction de la demande, payés un prix fixe et chargés d'assurer eux-mêmes leur vivre et couvert - et congédiés dès qu'ils ne rapportent plus assez... - paraissent bien plus souples. Et de fait, il semble que les plantations connaissaient une crise relative à la fin du XIXe siècle. L'égreneuse apporte une réponse : en simplifiant la séparation des graines du coton de la fibre, elle rend l'esclavage visiblement rentable. Couplé avec l'ouverture des régions humides de Louisiane, propices à sa culture, cette innovation technologique engendre cette fameuse ruée tout en renforçant considérablement l'intérêt de l'esclavage.