Voilà,voilà .
Merci à JM Labat .
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La destruction de « la république des soviets » de La Courtine :
Les unités russes vont passer du statut de sauveur à celui de « gangrène » aux yeux des autorités françaises prise dans le tourbillon des mutineries et des grèves d’avril 1917. Pour éviter le pire (la propagation des idées et des actes), le commandement français prend soin de ne pas cantonner les troupes russes à coter des unités françaises et des villes. De plus, l’état-major interdit la diffusion d’informations concernant les brigades. En effet, les soldats russes, partout où ils le peuvent en France, font de la politique « avec leurs pieds » et propage des opinions « révolutionnaires ».
Dans l’attente d’une opération de rapatriement, l’isolement, vers un camp de l’intérieur, apparaît pour la France comme une mesure utile afin d’écarter le danger de la propagation des idées. L’objectif des Français étant de laisser au commandement russe une possibilité de reprise en main. Les unités sont transportées et séparées (la 3ème brigade reste hors du camps) au camp militaire de La Courtine en juin 1917 (ce camp est situé dans le département de la Creuse, dans la région du Limousin. Il a servi de camp d’instruction et de camp de concentration à l’été 1914). Le camp de La Courtine devient alors un lieu « autogéré » par les hommes de troupe. Aux alentours du camp, les autorités civiles régionales sont terrorisées par une contagion révolutionnaire au sein de la population. Les autorités civiles font établir, en direction des autorités militaires, des faux rapports sur la violence, le défaitisme et l’alcoolisme des Russes.
Dans La Courtine, le commandement russe est totalement dépassé, les officiers sont obligés de « raser les murs » et sont exclus des comités de la 1ère brigade. Le camp est très vite isolé par la gendarmerie et les troupes françaises. Les soldats et les officiers russes ne peuvent dépasser un périmètre 4 km autour du camp de La Courtine, ni pénétrer dans les villages alentour. Cet attentisme des dirigeants français s’explique par le fait que ceux-ci attendent les résultats de l’offensive militaire du 29 juin 1917 (16 juin 1917) lancé par Kerenski (1881-1970, de tendance socialiste il est ministre de la Guerre en mai 1917 et Premier ministre en juillet). En effet, en Russie la situation évolue très vite, la majorité des membres du Gouvernement Provisoire (aidé par les officiers), est partisan de la guerre à outrance « jusqu’à la victoire finale » et cela malgré l’Appel du Soviet de Petrograd du 27 mars 1917, en faveur d’une « paix sans annexions » (14 mars 1917). Les bourgeois libéraux et les aristocrates espèrent que la poursuite de la guerre permettra d’étouffer la révolution et de faire de l’armée un instrument docile de la contre-révolution.
Entre juillet et août 1917, les autorités civiles et militaires russes veulent procéder à une « reprise en main » de l’armée et de la société. Ils rétablissent la peine de mort pour s’attaquer à tous les révolutionnaires. En France, malgré ce changement, les mutins refusent de se soumettre aux représentants du Gouvernement Provisoire et aux divers chantages à la nourriture. Les représentants russes ne veulent pas rapatrier les soldats. Ils lancent plusieurs ultimatums aux mutins tout en refusant les compromis. Ainsi les « meneurs », qui tentent de négocier le retour en Russie avec les émissaires de Kerenski, sont arrêtés. Pendant ce temps, les soldats aident la population alentour dans les travaux agricoles et se lient d’amitié avec elle et cela accroît la peur d’une contagion.
Cette inflexibilité des soldats met à l’ordre du jour des Français l’idée d’une répression armée de la mutinerie. D’autant que, parmi les soldats de la 3e brigade, le sentiment grandit de vouloir obtenir un rapatriement immédiat. Les Français envoient 3000 hommes encercler le camp, mais refuse de se salir les mains en premier. Ils veulent régler cette révolte aux moindres frais et obligent les Russes à orchestrer le massacre. Pour mener cette répression on sélectionne rigoureusement les 2000 russes (épaulés par une brigade d’artillerie russe assistée par des techniciens et des armes françaises) chargés de réduire les irréductibles par la violence. Ainsi, la tragique répression suit son cours inéluctable : le 12 septembre 1917, la population civile est évacuée. Le 14 septembre, l’ordre est donné aux mutins de se rendre sous 48 heures et les livraisons alimentaires sont interrompues. Le 19 septembre 1917, les derniers mutins se rendent. Le bilan officieux de cette tuerie est d’une centaine de mort et de blessés. 81 meneurs sont incarcérés à l’île d’Aix et après la répression il ne restera à La Courtine que 7500 hommes de la 1er brigade privés de toute liberté et gardée par les troupes françaises.
La répression ordonnée par le Gouvernement Provisoire a fait définitivement perdre la confiance de la troupe en celui-ci et accentuer la haine pour la France bourgeoise. Le rejet de tous les officiers (représentants brutaux de l’ancien régime) est définitif et l’état d’esprit révolutionnaire se répand dans la 3e brigade cantonné en dehors de La Courtine. La situation va encore se compliquer, pour le gouvernement d’Union Sacré, car la Révolution d’Octobre fait de Lénine un héros pour les soldats. La victoire des « maximalistes » (dans l’esprit des soldats il n’y a pas de grande différence entre bolcheviques et anarchistes) a galvanisé les espoirs des unités russes d’une paix immédiate, de la terre, de la Liberté et de l’égalité. A la suite de cette nouvelle poussée révolutionnaire, les soldats russes sont gardés en otage par la France. En effet, la France soutient activement les blancs durant la guerre civile. Les soldats sont envoyés dans les différentes compagnies de « travailleurs volontaires » et de « travailleurs forcés ». Pour un petit nombre d’entre eux, ils sont recrutés dans la première unité combattante de la « Légion des Volontaires russes » contre la révolution d’Octobre -mais sans grands résultats.
Pour les « travailleurs volontaires » (fragmentés en petit groupe afin d’éviter la propagation des idées et des actions révolutionnaires) ce sont des salaires misérables au profit du patronat français, des conditions de vie mauvaise, une surveillance policière et militaire étroite. Les réfractaires sont envoyés en prison dans des conditions difficiles ou déportées en Algérie. Les soldats russes toujours déterminés font des évasions et tentent de déserter. Touché par les conditions de vie des diverses populations (française, juive, arabe, etc.) ils pratiquent une agitation politique permanente. Du côté de la gauche française, la S.F.I.O se désintéresse presque totalement du sort des soldats russes et des prisonniers allemands. D’ailleurs, les prisonniers de guerre russes libérés d’Allemagne sont eux aussi gardés en otage. L’année 1923, voit la libération des derniers otages rapatriés en Russie, ainsi que l’échec total de la propagande anti-bolchevique française parmi les soldats russes acteur de la mutinerie de La Courtine. En définitive, loin de la révolution, sans soutiens physiques des organisations politiques, les soldats ont constitué une « république de soviets » sur le sol de la France. Cette « révolution russe » qui traumatisera pendant longtemps les autorités militaires et les dirigeants français de toutes tendances politiques.