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Si Vercors avait fait dans Le silence de la mer, de Von Ebrennac et de la nièce des amants, il aurait en effet scandalisé bien plus largement que le livre de Radiguet par exemple. Mais c'eût aussi été un coup extrêmement dangereux pour les Éditions de minuit.
Je ne sais s'il existe des romans présentant de façon relativement favorable une relation femme française/soldat allemand durant la DGM.
Autre différence de taille entre adultère PGM et adultère DGM: en 39/44, les Français de sexe mâle sont humiliés, "effeminés", symboliquement émasculés par la défaite. Rien de tel en 14/18, ou au contraire les soldats français sont enveloppés d'une aura héroique qui leur confère une un attrait érotique supplémentaire aux yeux des femmes.
Les écrivains durant la DGM constatent amèrement le grand nombre de femmes qui couchent avec des allemands et ressortent les couplets habituels sur les femmes volages qui ne s'offrent qu'aux vainqueurs.
En plus de la victoire, les soldats allemands ont une autre source d'attrait érotique que ne possèdent pas les Français: ils sont plus sportifs, plus musclés, et de plus se baladent volontiers torse nu en public, habitude prise dans les activités de plein air et les mouvements de jeunesse, qui n'est pas pratiquée en France: les jeunes Français ne se promènent guère torse nu, sauf à la plage. Les Français moyens, peu sportifs, font pâle figure à côté de ces Apollons impeccablement sains, propres et bronzés.
Le roman "Le chemin des écoliers" de Marcel Aymé, est une sorte de "Diable au corps bis" pour la DGM: il y a aussi un personnage de jeune femme de prisonnier qui, jusqu'à l'occupation, a vécu dans une sorte d'engourdissement des sens.
Libérée de la présence de son mari, elle s'émancipe sexuellement, et après avoir essayé une demi-douzaine d'amants, elle aussi se met en ménage avec un lycéen de dix sept ans, même profil que François. Ce jeune homme, Antoine, qui se fait beaucoup d'argent dans des trafics de marché noir divers, lui offre en plus une vie facile, le luxe auquel les revenus de son mari ne lui permettait que de rêver. Désormais, elle ne voudra plus se contenter d'une vie aussi terne et ennuyeuse.
En 14/18 comme en 38/45, on trouve souvent la notion que l'absence des maris va entraîner l'émancipation, sexuelle mais pas seulement, des femmes, et que le pouvoir des hommes sur les femmes va sortir significativement affaibli de ces deux guerres; ce que la plupart des commentateurs masculins déplorent et voient comme devant mener inévitablement au déclin de la France.