Vladtepes a écrit :
Je crois que l'auteur du livre ne parle que de la journée du 22/08/1914.
C'est ça. Il conteste l'image traditionnellement véhiculée des masses de fantassins attaquant des nids de mitrailleuses.
Il ne dit pas que l'offensive à outrance n'aurait pas existé, ni ne conteste l'étendue des pertes, d'ailleurs il parle du "jour de deuil de l'armée française" pour ce jour là le 22 août, soit d'après ses recherches entre 25 000 et 27 000 tués (ce dernier chiffre étant celui de l'estimation de Henry Contamine)
Je me permets de reproduire l'un de ses mails qui explique sa démarche :
"Les pertes du 22 août 1914, je les ai obtenues par une méthode que je ne peux vous détailler ici (cela représente la taille d'un chapitre dans le tome 2), mais que je vais essayer de résumer. J'ai travaillé bataille par bataille, rassemblant toutes les sources existantes (publications, archives de tous pays), les recoupant et y appliquant une formule que l'expérience m'a dictée. Cela m'a permis de déterminer les pertes de chaque affrontement, françaises comme allemandes, pertes totales comme morts. A partir de là, il ne restait plus qu'à les additionner. Dans ce total de plusieurs dizaines de milliers de morts, j'estime la marge d'erreur à quelques centaines. Mais je n'ai étudié que le front central, certes le plus touché par la journée du 22 août. Il m'a fallu ensuite réunir un maximum d'informations chiffrées sur les deux ailes, que j'ai ajoutées à mon premier chiffre. Voilà comment je trouve environ 25.000 morts français pour ce jour-là. Contamine ayant postulé 27.000, le bon chiffre se trouve dans ces eaux-là.
Pour ce qui est de la méthode employée pour septembre 1915, je suis assez d'accord avec Arnaud Carobbi, à savoir que multiplier un échantillon par un facteur 100 n'est pas exempt d'imprécision. Il doit être possible de trancher le débat en recourrant aux archives du service historique. Je ne parle pas ici des statistiques générales du conflit, celles publiées par le député Louis Marin après le conflit et dont on peu trouver des versions parfois divergentes au SHD. Elles sont fausses (comme les statistiques allemandes d'ailleurs). Malgré tout, elles donnent un ordre de grandeur. Ainsi, le tableau mensuel apporte un peu d'eau au moulin de Pat 56 : selon lui, la période la plus sanglante de la guerre est août-septembre 1914, suivi par septembre 1915. Dans ce domaine, les deux journées pointées par Pat 56 doivent bel et bien être les pires (et non, comme on pourrait l'imaginer, Verdun, la Somme ou le Chemin des Dames).
Pour en savoir plus sur septembre 1915, il faudrait ouvrir les archives des 1er bureaux des unités concernées et procéder à une addition. L'offensive de Champagne s'étant déroulée à l'époque du front fixe et sur une surface réduite, il était plus facile d'y recenser les pertes que le 22 août 1914. Au besoin, il est possible de recourir aux sources allemandes pour compléter ce travail.
D'ici là, pour ma part, j'en reste à mon idée première : le jour de deuil de l'armée française est le 22 août 1914. A noter que j'emploie cette expression "jour de deuil" non seulement au premier degré, mais aussi au sens figuré, à savoir l'échec de la première offensive majeure de la guerre et pour une autre raison, bien plus importante, mais que je ne peux divulguer pour le moment dans la mesure où elle figure dans le tome 2, qui n'est pas paru."Mais ma question initiale portait davantage sur la représentation que l'on peut encore avoir de ces jours là. Le côté "sacrifice" pleinement conscient de la part de l'Etat major de compagnies entières qui se font hacher par le tir des mitrailleuses.
Vladtepes a écrit :
Quant aux attaques à la baïonnette en pantalon garance, elles ont bel et bien existé, mais peut-être pas ce fameux jour.
Précisément, c'est là que je m'interroge :
1) l'auteur parle du 22 août comme étant LA journée la plus sanglante
2) Il dit que l'image "sacrificielle" de l'attaque à la baïonnette n'a pas eu lieu (or c'est précisément cette image qui explique traditionnellement les pertes les plus lourdes de la bataille des frontières)
CNE503 a écrit :
Après, les causes sont multiples, mais une tactique fondée sur l'offensive et le choc plutôt que la défensive et le feu, ainsi qu'un refus de disperser les soldats en tirailleurs pour préserver la ligne (et donc la capacité de choc...), sont clairement en cause.
Et pourtant, ce qui est curieux, c’est que le règlement de manœuvre de l’infanterie de 1875, qui fut applicable à ma connaissance jusqu’en 1914, ne semble pas tout à fait correspondre à l’image caricaturale que l’on a parfois de la notion d’offensive à outrance
Ce règlement relève :
-l’importance prépondérante du feu comme mode d’action,
-l’impossibilité pour une troupe d’un effectif sérieux de se mouvoir et de combattre en ordre serré dans la zone efficace du feu ennemi (que ce soit en ligne ou en colonne),
En conséquence, il conclut sur la nécessité de fractionner les unités en 1ère ligne, soit en ordre dispersé
On est loin de l’image d’Epinal, sauf à se dire que ce règlement a été peu ou pas appliqué du tout