Frédéric de Matra a écrit :
Le terme même d'"intellectuels" est certainement réducteur.
Psichari, Alain, Pergaud, comme les a fort justement cités M.Dufaure, auxquels on peut adjoindre Péguy, n'ont rien de commun avec un Romain Rolland.
Cultivés, talentueux, tournés vers les choses de l'esprit, les premiers surent quitter le monde des idées pour mieux le défendre dans l'atroce réalité de la guerre. Ils étaient des hommes au sens le plus élevé et rare du terme.
Rolland, lui, était un "intellectuel" au sens que l'on prête de nos jours à ce terme et qui légitime l'idée que le moindre scribouillard est au-dessus des autres, "au-dessus de la mêlée".
C'est inverser la perspective.
Je me permets de remonter ce très vieux sujet. Je ne sais pas si le contributeur du message cité vient toujours sur le forum, mais je voulais aussi donner mon avis.
La critique concernant Romain Rolland, avec le terme "intellectuel" entre guillemets pour remettre en question ce statut est un peu dure je trouve. Certes, il n'a pas combattu et son affirmation d'être "au dessus de la mêlée" a été très mal reçue. Comme l'a dit Annette Becker, pour beaucoup, le fait d'être neutre pendant la Grande Guerre ne pouvait être pensé, était "impensable".
Mais bientôt un siècle plus tard, avec le recul et peut-être une autre vision moins passionnée sur la neutralité, nous pouvons apporter un autre regard sur Rolland. On pourrait certes critiquer son non-engagement militaire (et encore) de même que son appel est peut-être teinté d'opportunisme, mais je ne vois pas en quoi il n'aurait pas été un "homme au sens le plus élevé et le plus rare du terme" parce qu'il n'a pas combattu.
Et ce "scribouillard" a tout de même eu un engagement certain lors de son travail bénévole pour l'agence centrale des prisonniers de guerre à Genève. C'est certes moins glorieux que le champ de bataille, mais cette activité a été d'une importance extrêmement grande. Quiconque a vu quelques extraits des fichiers de la Grande Guerre au musée international de la Croix-Rouge se rend compte de l'immensité de l'oeuvre accomplie. Et là, en me faisant l'avocat du diable, je pourrais dire qu'au contraire, Rolland a su résister au bourrage de crâne mentionné tout au début du sujet et garder la tête froide pour se rendre utile autrement que par la prise des armes.
Alors certes, ensuite toute est question de point de vue. Se trouvant en Suisse alors que la guerre se déclenche, vaut-il mieux galoper jusqu'en France et aller "casser du boche" ou rester en Suisse et essayer de se rendre utile différemment? Je pense que la réponse dépend de chacun. Mais Rolland, de par son choix, ne mérite pas d'être autant déconsidéré. C'était un intellectuel, certes, trop idéaliste, sûrement, mais son travail bénévole n'en fait pas un homme totalement coupé de la réalité.