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Message Publié : 31 Jan 2014 16:49 
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Salluste
Salluste

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Bonjour,

Je suis en train d'arpenter les réserves de notre bibliothèque (le Centenaire se rapproche, il va falloir se décider sur ce qu'on va faire !) quand je suis tombé sur le texte ci-dessous.
Ce sont les Annales Politiques et Littéraires.

(désolé pour les coquilles, j'ai essayé de le reprendre en gros, le mode texte de Gallica a du mal avec certains textes, mais vous avez la version originale ici :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5746961f.image.langFR.r=annales%20politiques%20et%20litteraires

NB pour les distraits : nous sommes le 19 juillet 1914...
NB-bis pour distraits-bis : la guerre, c'est le 3 août 1914


Citer :
Le Pantalon Rouge

Nous ne pouvons le laisser partir sans un mot de tristesse et de regret... Un vote de la Chambre vient de le condamner... Pourquoi? Quel crime a commis ce vêtement, associé, dans notre esprit, à tant de souvenirs glorieux? Il expose, paraît-il, ceux qui le portent à de redoutables dangers. Sa couleur rutilante attire les regards, sert de cible aux projectiles... Le colonel Rousset vous dira, quelque jour, si ces griefs sont valables. Des généraux les ayant appuyés de leur compétence, il a fallu s'incliner. C'est dommage. A côté de la raison, il y a le sentiment, la tradition; il y a le panache, qui, précisément, est une des conditions essentielles du métier des armes.

Au service de l'Autriche,
Le militaire n'est pas riche.


Il n'est guère plus riche au service de France ; et, si ce rôle de dévouement abnégation, de sacrifice, de privation, offrait pas une légère compensation par prestige de l'uniforme, il ne resterait pauvre « troupion » que le devoir tout , « du pain et rien avec», comme disent les enfants.

Certes, le costume de nos Dumanet que d'élégance. Fait à l'avance, sur types réglementaires, il s'ajuste à chacun, au hasard de la distribution. Il fait des plis, il baye, il engonce ; il tient chaud en hiver, il tient trop chaud en été.

Malgré tout, le pantalon rouge garde sa séducton, son allure. Il a la gaieté du coquelicot dans les blés et sépare nettement le soldat du civil. La couleur kaki ou verdâtre, qui se confond avec le ton terreux des champs défrichés, fi donc! Cela ne reluit pas au soleil. Cela n'est pas de chez nous.

L'autre semaine, la musique d'un de nos régiments de ligne s'était rendue à Guernesey, à l'occasion des fêtes de Victor Hugo. Quand nous vîmes ces chers petits pioupious gravir d'un pas allègre la principale rue de Saint-Pierre en enlevant avec entrain Le Chant du Départ, un frisson nous parcourut, notre coeur battit plus vite. S'ils avaient eu le pantalon caca d'oie au lieu du pantalon garance, je crois que notre émotion eût été moindre. Que voulez-vous! les anciennes habitudes nous possèdent. Et, l'avouerai-je ? je trouve que nous ne leur demeurons pas assez fidèles. Beaucoup de Français sont iconoclastes. L'absence de culture artistique et surtout l'intolérance des passions politiciennes les enferment dans ce fâcheux état d'esprit. Une sorte de rage les pousse à abolir les vestiges du passé. Ils s'acharnent après les vieux quartiers, les vieux murs. Ils aiment les larges voies, bordées d'immeubles de rapport. A l'irrégularité pittoresque, ils préfèrent la banale et luxueuse uniformité. Ils se préoccupent de la santé publique, de l'hygiène. Sollicitude louable à laquelle ils sacrifient la vraie beauté des villes, faite des empreintes successives que les siècles y ont déposées. Les cités se ressemblent par leurs parties neuves. Paris, Bruxelles, Londres, Genève, Berlin, Madrid, ont les mêmes maisons à Windows, les mêmes pavés de bois, les mêmes trottoirs, les mêmes boulevards rectilignes... Ce singulier désir d'unification supprime également les costumes provinciaux et suggère aux paysannes bretonnes ou normandes qu'elles seront plus jolies si elles s'habillent à la parisienne. Il s'attaque, enfin, aux choses militaires et tend à supprimer les marques distinctives extérieures des armées. Bientôt, il n'existera plus en Europe qu'un fantassin, qu'une vareuse, qu'un casque, comme il n'y existe qu'une seule architecture. Ce sera le règne universel du kaki, c'est-à-dire du neutre, de l'indifférent, de l'effacé.

Quelques peuples luttent encore! Les Anglais, traditionalistes et loyalistes dans l'âme, ne se pressent pas de détruire... Ils prolongent, ils conservent... lis s'insurgeraient, si une main brutale s'avisait de dépouiller de leur tunique écarlate les horse-guards, d'enlever aux highlanders la jupe bariolée qu'arborait fièrement le jeune prince de Galles, futur empereur Edouard VII. Chaque régiment, chez eux, s'enorgueillit des exploits que, jadis, il accomplit; il met de côté ses uniformes périmés, et, quelquefois, à de certaines dates, il les tire de l'armoire. Nous fûmes ravis de la parade qu'exécutèrent devant nous, à Guernesey, au son du long tambour et du fifre, des grenadiers vêtus et armés à la mode de 1740, bonnets en forme de mitres, perruques à cadenettes, guêtres blanches, fusils à tabatières. La manoeuvre, merveilleusement précise, de ces soldats travestis, évoquait une époque de courtoisie raffinée et de bravoure élégante, le temps de la guerre en dentelle et de Fontenoy. C'était un délice. Et nous nous représentions, en jouissant de ce spectacle, la diversité des races et des tempéraments. Là, le respect de ce qui fut. Ici, l'impatience de ce qui sera... La, l'invincible attachement aux pierres, aux moeurs, aux coutumes. Ici, une ardente soif de nouveauté...

Je sais que le fond subsiste et que notre tempérament n'a pas changé. La témérité nous plaît. Nous l'admirons dans les actes, nous la goûtons dans les mots. Peut-être vous souvient-il d'une historiette qui circula autour du célèbre général Poillouë de Saint-Mars, d'impérissable mémoire. Il passait en revue les conscrits de sa garnison. Il s'appliquait à leur inculquer les meilleurs principes. Voulant s'assurer que ses paroles ont été comprises, il s'adresse à l'un des « bleus ».

— A quel moment, dans une bataille, si la fortune vous est contraire, commencezvous à battre en retraite?

L'homme reste un moment interdit. Puis, saisi d'une inspiration soudaine :

— Jamais, mon général.

Voilà ce qui s'appelle répondre! Il est surprenant que la réforme proposée, hier, à la Chambre, n'ait pas soulevé plus d'opposition.

— Le soldat français, qu'on l'habille en bleu ou en gris, se battra toujours bien, S'est écrié M. Lasies.

J'en suis convaincu. Cependant, — ne raillez pas, — je ne puis m'empêcher de verser un pleur sur ce joyeux pantalon rouge, ingratement immolé.

LE BONHOMME CHRYSALE.


Aujourd'hui, sur le Net, on se fendrait d'un bon "facepalm". Un siècle de recul, quelques millions de morts.
Autres temps, autres moeurs.
Autre époque...

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Le secret de la tactique, c'est dix contre un, et par derrière ! Tout le reste n'est que littérature.
(un professeur de l'Ecole Supérieure de Guerre, années 30)


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Message Publié : 31 Jan 2014 17:16 
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Toute époque a ses conservateurs... Le plus amusant ici est l'affirmation que toutes les grandes capitales européennes se ressemblent.

Ainsi l'assemblée a voté la fin du pantalon rouge... mais trop tard.

Le plus étonnant est que personne n'ait pensé assez tôt à l'adoption du casque.

Joffre, lorsqu'on lui propose le prototype du nouveau casque Adrian :"Très bien. Mais mon ami, nous n'aurons pas le temps de le fabriquer... Je tordrai les boches avant trois mois."

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Message Publié : 31 Jan 2014 17:56 
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Grégoire de Tours
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A des manoeuvres militaires en ALLEMAGNE (1911) le Kaiser déclare en riant à l'attaché militaire français "Pourquoi abandonner le pantalon rouge ,c'est ainsi que vous avez remporté vos belles victoires".


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Message Publié : 31 Jan 2014 18:27 
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Jean Mabillon
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Je possède des exemplaires d'une revue hebdomadaire publiée quelque mois avant Août 1914 un article illustré de photos montre certains uniformes essayés accompagnés de casques assez semblables à ceux des Allemands en cuir bouilli.....,un seul est métallique,il est copie presque conforme à ceux des dragons


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Message Publié : 31 Jan 2014 19:06 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

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ALEXANDRE 1ER a écrit :
A des manoeuvres militaires en ALLEMAGNE (1911) le Kaiser déclare en riant à l'attaché militaire français "Pourquoi abandonner le pantalon rouge ,c'est ainsi que vous avez remporté vos belles victoires".

Non, nuance, il s'adressait à l'Attaché Militaire Français en lui disant "pourquoi avez-vous abandonné la tenue bleue…"

Poncif : les marchés perdus des producteurs de garance du sud-ouest si l'Armée changeait la couleur ?

_________________
il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 31 Jan 2014 20:21 
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Jean Mabillon
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La teinture n'était plus fournie par la garance depuis d'assez nombreuses années,en fait elle était produite en Allemagne par la B A S F avec pour base l'eosine


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Message Publié : 01 Fév 2014 8:34 
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Pierma a écrit :
Le plus étonnant est que personne n'ait pensé assez tôt à l'adoption du casque.




Aucun des belligérants n'avait de casque en acier pour l'infanterie. Le casque à pointe est en cuir, seule la pointe est en métal.

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 01 Fév 2014 9:15 
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Et s'il n'y avait que le pantalon rouge de 14 ! Du « Nous sommes prêts et archiprêts. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats » de Leboeuf jusqu'à tous ces aveuglements arrogants de nos ganaches en 14 et en 40, s'il y a bien une malheureuse constante c'est bien cette manie de conserver ce qui ne devait pas l'être.

Je vous livre un extrait des propos rapportés par le récemment disparu Hélie de Saint Marc dans la biographie que lui a consacré Beccaria, Saint Marc, jeune capitaine vient alors d'achever son premier séjour en Indochine :

Citer :
J'ai retrouvé aussi d'anciens instructeurs de Coëtquidan, devenus professeurs dans les écoles militaires. Ils me sermonnaient : "Écoutez, Saint Marc, soyez raisonnable, vous avez fait un séjour là-bas, c'est très bien, mais pourquoi y retourner ? Vous n'y êtes pas obligé. Travaillez, pensez à préparer l'École d'état-major, puis l'École de guerre. Vous savez, ces combats en Indochine déforment. Vous aurez du mal ensuite à vous réhabituer à un véritable travail." En moi-même, je rigolais doucement. Cela me rappelait je ne sais quel personnage de roman, un officier de carrière, à qui Maurois fait dire durant la Grande Guerre : "Vivement la paix que l'on puisse faire des manœuvres et travailler sérieusement!"


Je conseille à ceux qui ne l'auraient pas encore lu, le très bon "La politique de l'autruche" de Pierre Servent qui revient en autres sur bon nombre de ces étranges manifestations du "modèle français de l'échec", notamment dans l'histoire militaire depuis 1870.

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"Lisez, éclairez-vous, ce n'est que par la lecture qu'on fortifie son âme." - Voltaire
"Historia vero testis temporum, lux veritatis, vita memoriae, magistra vitae." De oratore - Cicéron


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Message Publié : 01 Fév 2014 10:20 
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Clio a écrit :
Je conseille à ceux qui ne l'auraient pas encore lu, le très bon "La politique de l'autruche" de Pierre Servent qui revient en autres sur bon nombre de ces étranges manifestations du "modèle français de l'échec", notamment dans l'histoire militaire depuis 1870.

C'est bien noté, le sujet est intéressant.

Cela dit, si notre armée continue aujourd'hui à s'équiper pour les guerres qui n'auront pas lieu, cela n'empêche pas qu'il y a des réflexions très intéressantes sur les conditions d'engagement réelles depuis 30 ans et les meilleures moyens de s'y adapter. Je n'en dis pas plus c'est HS.

S'il y a une constante d'impréparation - et surtout d'inadaptation de la stratégie - en 70, en 14 et en 40, il y a une autre constante qui est l'adaptation rapide à la réalité. Toujours surprise, l'armée française est aussi toujours capable d'adaptations étonnantes, avec un sommet en 1918, où elle réussit à battre la Prusse dans sa spécialité : le métier de la guerre.

Cela dit il faut se rappeler le mot de Mac Arthur :"Toutes les défaites se résument à deux mots : trop tard."

En 1914 l'armée qui se fait massacrer aux frontières réalise en trois semaines une remarquable adaptation aux procédés de combat allemands, aidée en cela par le limogeage de la moitié des généraux. C'est cela, le véritable miracle de la Marne.

Pour Saint-Marc, il faut convenir qu'il y avait à cette époque un divorce entre deux armées, celle qui combattait effectivement, en Indochine puis en Algérie, et la métropole, où on se préparait contre les Russes, avec une efficacité du même ordre que celle de 14 et 40. (Le général Challe, nommé un moment chef du CENTAG, le centre-Otan, chargé de défendre l'Allemagne, faisait remarquer qu'il commandait une passoire. Réponse "ça n'a pas d'importance, il s'agit simplement de faire face quelques jours, avant que les armes nucléaires n'entrent en scène." 8-| )

Ce divorce recouvrait en partie une opposition née à la fin de la guerre entre officiers ayant combattu dans la Résistance, les FFL et/ou l'Armée d'Afrique, et ceux qu'on appelait les "officiers naphtaline" qui avaient laissé leur uniforme au placard pendant 4 ans avant de se découvrir une vocation résistante tardive, qui leur permit de réintégrer l'armée.

Les vrais guerriers méprisaient ces officiers naphtaline. Jean Pouget, autre officier para très connu, issu de la résistance, met en 46 son poing dans la figure d'un de ces généraux naphtaline, qui venait de lui jeter :"La résistance, ce n'était pas tous des voyous, mais tous les voyous y étaient !"

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Message Publié : 01 Fév 2014 10:30 
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Jean Mabillon
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Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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L'armée française,au moins depuis le second empire et la fin du rôle joué par la noblesse qui devait l'impôt du sang au roi et à la nation ,est une armée de fonctionnaires"stricto sensu" donc de gens dont l'objectif principal n'est plus de gagner une guerre mais de "faire carrière" substitut de la grandeur dont parlait Vigny


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Message Publié : 01 Fév 2014 11:17 
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Salluste
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Inscription : 29 Jan 2013 17:21
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Bonjour,

Il y a plusieurs éléments qui peuvent expliquer ce type d'article.

D'abord le journal lui-même, qui offre de grandes signatures du monde littéraire de l'époque (un rapide coup d'oeil sur les articles m'a permis de repérer beaucoup de "Trucmuche, de l'Académie française").
Ce sont des auteurs, pas des soldats. Péguy et Alain-Fournier ne sont pas encore tombés au champ d'honneur, alors la réalité de la guerre...

La réalité de la guerre, de la Grande, d'ailleurs, n'existe pas encore. On voyait la guerre "héroïque", glorieuse, digne de grandes envolées lyriques (avec l'amour, il n'y a rien de mieux que la guerre pour faire de belles lignes :wink: - encore que l'amour soit moins spectaculaire et très surfait...).
Au bout de quelques mois, les troufions (dont quelques artistes ayant l'âge d'être envoyés à l'abattoir) comprendront vite que cette guerre-là n'a rien à voir avec le lyrisme, mais plus avec le grand massacre, la brutalité, les atrocités, l'industrialisation de la mort. On crève dans la boue des tranchées, anonymement, non plus en chargeant héroïquement à la tête de ses hommes, musique en tête, le chapeau au bout du sabre (enfin, au début oui, puis la sélection naturelle ayant fait le ménage, on a abandonné l'idée).
14-18 reste un choc terrible, une guerre totalement différente de ce qu'on avait connu - et fantasmé - jusqu'alors.

*

Je ne sais pas qui se cache derrière le "Bonhomme Chrysale" (le directeur, Adolphe Brisson ?). Il renvoie à une future analyse du colonel Rousset, qui écrit effectivement dans les Annales, et qui connaît la chose militaire. Personnellement, je le connais pour son "Histoire de la Guerre franco-allemande".

Il ne livre pas son analyse dans le numéro suivant du 23 juillet. Peut-être à cause des vacances ? Le ton est badin, on cause théâtre, arts, littérature. Un peu du voyage présidentiel en Russie.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5746962v.image

Encore une semaine, 30 juillet, et c'est le procès Caillaux.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57469638/f1.image
Le rédacteur note qu'on inaugure beaucoup de monuments patriotiques, ces temps-ci...
Pour se détendre, on fait du Télé Z avant l'heure avec la petite blagounette de la semaine :
Citer :
Un ménage reconnaissant, chez des amis, à la campagne :
- Voilà quinze jours que nous sommes chez nos amis X... Que pourrions-nous bien faire pour leur faire plaisir ?...
- Nous en aller...
De la littérature, du théâtre antique, du... tourisme ?! Quelle audace, mais après tout, ce sont les vacances...
Et puis, p.12, aïe, la tuile capable de ruiner une saison littéraire : Serbes et Austro-Hongrois sont en bisbilles. Je crois qu'on a un faible pour nos amis Serbes aux Annales. En tout cas, leur hymne national, "moderato marziale", impressionne.
Mais toujours pas de colonel (peut-être adepte lui-aussi de l'"automobilisme" ?)

Et puis le 9 août :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5746964p.image
La guerre :
Citer :
Passons au conflit général. Nous devons nous y engager avec sang-froid, car jamais nous ne nous sommes trouvés dans des conditions meilleures pour l'accepter.
C'est le lieutenant-colonel Rousset, enfin de retour, mais il a d'autres soucis que notre pantalon. Son analyse est intéressante à lire, d'ailleurs : comment un connaisseur de la chose militaire voyait les atouts et les faiblesses des uns et des autres.

Et le pantalon rouge, on l'a encore quand les hostilités commencent... :-|

PS : Vous l'avez peut-être compris, j'adore feuilleter les journaux de cette période. L'irruption de la crise austro-serbe en plein procès Caillaux, qui se transforme en crise européenne puis en conflit généralisé.
La façon dont la presse a suivi les événements, le décalage temporel - j'ai un journal local de province qui a 2 jours de retard sur l'actualité...
Le vocabulaire employé, l'angoisse qui monte, puis l'odieuse agression des Boches (ça aussi ça fait partie du vocabulaire après le 3 août) et le patriotisme cocardier qui envahit la presse.
Et bien sûr, l'actualité du moment qui disparaît face à la crise - le procès Caillaux en étant l'exemple le plus connu.

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Message Publié : 01 Fév 2014 12:43 
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Pierre de L'Estoile
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BiblioEdualk a écrit :
14-18 reste un choc terrible, une guerre totalement différente de ce qu'on avait connu - et fantasmé - jusqu'alors.

Oui, à rapprocher des pensées de Drieu La Rochelle (La Comédie de Charleroi)

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Message Publié : 01 Fév 2014 14:16 
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BiblioEdualk a écrit :
14-18 reste un choc terrible, une guerre totalement différente de ce qu'on avait connu - et fantasmé - jusqu'alors.


C'est très loin d'être vrai. Depuis au moins la guerre de Sécession ont sait que les armes légères sont suffisamment efficaces pour interdire tout mouvement sur le champ de bataille. Elles peuvent même bloquer la cavalerie et çà, ce sont les anglais qui en ont fait la démonstration au Soudan. Les armées européennes avaient envoyé des observateurs aux USA durant la guerre et j'avais lu un article qui recensait certains de leurs témoignages et qui montraient que la prochaine guerre serait une guerre de position puisque le feu était devenu tellement prépondérant qu'il interdisait tout mouvement. Il y a donc des européens qui avaient bien "fantasmé" ce qui va subvenir. Il semble qu'ils furent peu écoutés et que lorsqu'on les a écouté, on a eu le temps d'oublier ce qu'ils dirent.

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Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable.
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Message Publié : 01 Fév 2014 15:15 
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Une impréparation en 1914 ? Je ne vois pas très bien laquelle... :-|
En lisant ce fil, je trouve des contributions particulièrement dures avec l'armée française, prise comme un bloc monolithique d'un siècle ( 8-| ), dont l'irresponsabilité camperait dans sa trop grande confiance en elle, lui interdisant toute modernisation de sa stratégie et de son matériel de combat. Pour 1870 et 1940, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, des pages existent déjà sur ce forum. Encore que cette faute soit partagée avec des responsables politiques particulièrement hors du temps et de l'espace contemporains.
En 1914, le port du pantalon rouge du côté français est du même ordre que celui du casque à pointe chez le Prussien : le poids de la tradition, rien de plus. Les premiers combats de position feront perdre au premier comme au second cette tradition, rendant trop visible son porteur à l'ennemi. Dans ce cas, le Français n'est pas plus bête que le Prussien !

En 1914, les quelques phrases anecdotiques d'un Joffre ne peuvent illustrer l'état d'esprit de l'EMA français. Depuis 1871, celui-ci a peur des Prussiens et de l'armée allemande en général, qualifiée de "meilleure armée du monde". Il n'a cessé de faire des progrès, tant au niveau de son organisation logistique qu'à celui de l'armement des soldats. En 1914, les Français sont prêts à recevoir l'Allemand, ils éprouvent une certaine crainte, mais sont préparés. Les cadres de l'Etat-major prévoyaient déjà avant 1891 que les Allemands adopteraient ce plan et se sont préparés en ce sens. Le fait qu'il tombe dans les mains du 2ème bureau en 1905 ne change pas grand chose d'ailleurs.
Je souhaite simplement souligner qu'au 9 septembre 1914, l'Allemagne est en position de repli stratégique, le plan Schlieffen se solde par un échec cuisant. A long terme, elle ne peut vaincre l'Entente sans nouvel allié de poids autre que les "boulets" austro-hongrois ou ottomans, qui ne pourront jamais constituer que des aides secondaires.
En somme, aucune comparaison possible avec 1870 et 1940. :wink:

Une anecdote sur le pantalon rouge : dès 1881 le général russe Skobeleff en fait déjà la critique à l'attaché militaire français en Russie, moquant les soldats français, qui "font de trop belles cibles" avec leur pantalon rouge pour leurs adversaires...

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 01 Fév 2014 15:30 
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Salluste
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Il est certain qu'on savait depuis quelques décennies quelle serait la physionomie d'une guerre en 1914. On avait eu la Guerre de Sécession comme rappelé par Narduccio, mais aussi la Guerre russo-japonaise, ayant montré que la puissance de feu n'avait plus rien à voir avec les guerres napoléoniennes.
Et que s'enterrer n'était plus seulement utile pour investir une forteresse.

Il n'empêche que tout le monde semble convaincu à l'été 1914 que l'affaire va se régler en quelques semaines. Pour rester dans les journaux d'époque, "L'Illustration" l'explique dans son 1er numéro de la guerre (c'est un hebdo) : ils arrêtent de publier leurs suppléments Romans et Théâtre (économie de papier en particulier), mais cela reprendra après l'épreuve... en 1915 !
C'est dit texto :
Citer :
l'Illustration, après la série des numéros qui se seront efforcés d'être sobrement éloquents et dignes des heures graves de 1914, redeviendra une abondante et belle publication de littérature et d'art, pour célébrer la grande renaissance de 1915, dont il nous semble entrevoir déjà les perspectives éblouissantes.

Raté... et on parle d'un journal ayant couvert les conflits précédents, donc normalement renseigné sur un certain nombre de principes militaires de l'époque.

La vision de l'armée est une chose, celle du public, des journaux qui le renseignent et l'instruisent, en est une autre. En 1914, c'est l'optimisme qui domine.
J'ai parcouru un article expliquant après la Marne que la retraite allemande n'allait pas s'arrêter, et un autre expliquant que dans le Nord, il n'y avait plus que des gamins et des vieillards sous l'uniforme allemand.

Raté là-encore, mais il est facile de critiquer un siècle plus tard.

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