antonyyy a écrit :
Ais-je seulement nié ce que vous me présenté d'une façon aussi cynique et désobligeante ?
Oui, là : "Pourtant cela ne correspond absolument plus à notre société. nous vivons aujourd'hui dans un pays en paix avec ses voisins et ces critères ne sont absolument plus à l'ordre du jour." J'en déduis donc que comme aujourd'hui nous sommes en paix, il n'y a plus de soldats qui meurent, et donc que tout ce folklore d'arriérés on n'en a plus besoin.
En ce qui me concerne, ça ne pourrait être plus erroné.
Citer :
Drôle de conception, vraiment !, sous couvert que l'histoire est passée, froide, on ne pourrait donc pas développer de sympathie, de compassion pour certains évènements. Tenez, prenez la boucherie de la PGM, cela ne vous fait rien ? C'est triste.
Elle n'est pas drôle. Tendre à l'objectivité la plus complète - même si je conviens sans difficulté que l'atteindre est impossible - est une nécessité en Histoire. Quand on s'immerge dans la subjectivité que procure des sensations, on ne fait plus de l'Histoire mais de la politique. Et on réécrit allègrement l'Histoire en disant que Louis XIV et Napoléon étaient d'infâmes esclavagistes, entre autres perles récentes.
Citer :
Enfin ! , vous prenez un cas vraiment extrême. Prenez des valeurs, des idées, elles ne sont pas tombées du ciel !, elles nous viennent de nos aïeux. N'en doutez pas !
Mais quel est le rapport ? Ici on ne fait pas de la psychologie ou de la sociologie, on fait de l'Histoire. Zola avait le droit d'accuser, pendant l'affaire Dreyfus, c'était un contemporain, il s'exprimait dans un contexte qu'il maîtrisait avec sa sensibilité de contemporain. Mais nous, de quel droit le ferions-nous ? Vous me faites penser à ceux qui disent, bien confortablement assis dans leur fauteuil et installés dans leurs certitudes, qu'ils sont bien certains qu'en 1940 ils auraient rejoint de Gaulle, tiens : aucune relativisation ou mise en contexte, on juge de ce qui est bien des décennies après les faits que l'on juge, sans se rendre compte que les faits ne se jugent pas, qu'ils sont.
La remise en question des jugements des fusillés de la Grande Guerre est une affaire médiatique et politique, absolument pas historique. Si elle l'était, on creuserait le pourquoi, on étudierait en détail le système judiciaire militaire d'alors, on mettrait en avant l'incroyable détermination, issue de l'état d'esprit revanchard post-1871 qui s'était emparée très majoritairement des Français, on viserait l'historique récent de l'unité incriminée, pour avoir une idée de l'enchaînement des combats qui ont pu amener à une telle conclusion malheureuse, bref on chercherait un faisceau de causes explicatives d'un fait qui est, et qui ne sera pas révoqué jusqu'à ce qu'on invente la machine à remonter le temps.
Mais aujourd'hui, on s'attaque au ressenti actuel, à la sympathie de la démarche (après tout, ça ne coûtera rien à personne et puis ça fera plaisir aux petits-enfants), au fait que les descendants peuvent mieux faire leur deuil, comme ça. Bref, que des considérations actuelles bien éloignées de l'Histoire. Et pendant ce temps, on occulte les autres, ceux qui ont vomi leurs poumons sous les attaques chimiques parce qu'ils avaient refusé de fuir en dépit de la protection dérisoire qu'on leur avait donné ; ceux qui ont été vaporisés par les obus de gros calibre à tel point qu'il ne restait plus assez de dépouille identifiable pour qu'on puisse les inhumer et leur rendre les honneurs qu'ils méritaient ; ceux qui ont été tués dans des corps-à-corps à la pelle de tranchée et au coutelas, dans le sang, la boue et la sueur ; ceux qui ont été affreusement blessés dans leur chair parce qu'ils sont restés à leur poste jusqu'au bout, et qui ont dû vivre avec ça le restant de leur vie...
CNE503