En effet, ce sujet est intéressant, avec ce que l'on sait et le peu de résultat de la guerre de mouvement, le recours à la diplomatie pourrait paraître une option censée qui préviendrait du massacre acharné... Enfin, je trouve qu'à l'époque, si on tente de se replacer dans le contexte et dans les têtes, qu'elles soient coiffées de képis plus ou moins galonnées, on trouve peu d'argument possible en faveur de cette voie diplomatique. Ce ne sont des remarques à discuter, mais ce sont celles qui me viennent à l'esprit :
les états engagés ont des buts de guerre précis et qui ont, convaincants au yeux de l'opinion publique semble-t-il. Or, aucun des belligérants engagés n'est parvenu à ses fins. La situation est bloqué, mais dans les tête ce n'est pas encore le trop plein, j'imagine que beaucoup voyaient ces buts de guerre comme réalisable, il ne fallait pas « couper l'effort » à ce stade. Les plus grands États engagés étaient vraiment confiant et désireux de poursuivre un match engagé finalement par l'entremise de puissance secondaire mais qui du coup donnait là l'occasion de porter un coup sérieux à l'adversaire héréditaire. La France veut se venger. A ce stade, de plus, je pense qu'elle croyait réellement dans l'option résolument défensive : les allemands s'acharneront encore et encore à percer ce front que nous pourrons aisément protéger ; la défensive, selon Clausewitz, n'est-elle pas supérieure à l'offensive ? Une fois le prussien épuisé par les alliés sur deux front, la contre attaque serait dévastatrice, permettant de récupérer Alsace et Lorraine, et qui sait, peut-être plus ?
A cela, pour la France s'ajoute le fait qu'elle dispose, avec l'Angleterre d'un empire colonial immense et les petites possessions allemandes du Togo et du Cameroun sont de fait, des proies faciles, je me mets à la place des généraux : il faut profiter de cette occasion, puisque a grandir son Empire devient de plus en plus difficile, et que les territoires ne sont plus entre les mains des autochtones mais d'européens à qui l'on doit déclarer la guerre en règle et non pas en catimini. L'Angleterre devait suivre la même voie en regardant avec appétit ce vieil empire Ottoman qui ne pourrait s'offrir le luxe d'un deuxième front dans ses colonies.
L’Allemagne, j'imagine pense pouvoir percer le front et saigner une armée française qui ne peut que défendre, sa démographie et sa population ne sont-elles pas nettement supérieures ?
C'est vrai que pour les autres puissances, continuer la guerre qui se verrouille n'est pas une solution, les trois Empires finissant, Autriche, Russie, Ottomans ne peuvent pas vraiment, contrairement aux occidentaux parvenir à rester longtemps dans le coup d'une guerre totale et qui s'annonce longue. La Russie est au bord de l'explosion sociale et la paix est souhaité par une forte partie de la population, l'Autriche est au bord de l'implosion et ses buts de guerre sont archaïques, comment se battre avec ferveur pour un pays qui ne représente plus rien ? Pour les Ottomans, j'imagine qu'ils devaient soutenir les allemands par devoir, mais la situation n'est pas brillante.
Pourtant pour ces trois puissances qui, je trouve comme vous ont le moins intérêt à poursuivre ce conflit à ce stade là, il existe aussi des « occasions », La Russie peut gagner de nouveaux territoires face à l'Allemagne, entrer de plein pied dans cette Europe qu'elle admire tant et déteste aussi (à l'âme Russe ! Elle peut, par des victoires, redonner confiance en la personne du Tsar et la lignée impériale. Ne pas honorer l'alliance avec la France et l'Angleterre devait également représenter une menace et condamner les rapports de la Russie avec ses alliés. L'Autriche, elle, voit là l'occasion de s'emparer de certains territoires convoités depuis très longtemps et de s'étendre dans les Balkans. Elle est liée dans cette guerre plus que nul autre : la lignée impériale a été visée, un petit Etat, la Serbie la nargue, elle pour cette grande puissance, si elle ne le réprime pas, que se passera-il dans l'Empire ? La fermeté devait sembler l'option unique pour l'Autriche. Les Ottomans de même ne pouvait perdre leurs précieux alliés allemands en s'avouant vaincus. Les temps troublés de cette guerre représentaient également un avantage, faire pratiquement ce que l'on veut au sein de son pays, comme s’adorner à des persécutions pour écarter des élites gênantes et des foyers potentiels d'indépendantisme, c'est horrible mais cela éclairerait le génocide Arménien...
Pour les petits Etats des Balkans, en guerre depuis si longtemps (les guerres balkaniques), je ne voit aucun retour en arrière possible, la négociation n'est pas de mises entre peuples qui se haïssent... Et puis, il y a des Etats qui n'ont pas tout les problèmes des autres, comme l'italie, elle n'est pas encore pleinement engagée dans le conflit, ce front ne concerne pas une grande partie prospère et étendue comme en France par exemple, la guerre, c'est très cynique, peut sembler pour eux plutôt bénéfique, elle ne sera pas aussi dévastatrice qu'en France par exemple. J'imagine que pour les pays qui n'avaient pas à subir un front sur leur territoires ou bien qui en avaient un mais qui n'avait pas de conséquence graves sur leur économie la poursuite de la guerre semblait plus évidente, ils étaient « en bonne position ».
Je vois d'autres causes qui s'appliquent à tous (désolé pour le manque d'organisation de ces idées) :
-les contrats passé avec les fabricants d'armes et de matériel on se retrouverait en cas d'arrêt quasi généralisé du conflit avec des surplus, qui dans l'immédiat ne serviraient à rien... sortir de l'économie de guerre, toujours une période difficile, mais sans contreparties, la guerre n'aurait servie à rien (ou presque).
-Risquer de diviser l'opinion publique en camps très remontés les uns envers les autres, certains d'accords avec la politique raisonnée et d'autre profondément frustrés, revanchards, complètement contre le gouvernement.
-des sanctions pour les alliés moins puissants qui se seraient malgré tout détachés
-Les pertes aussi, elles sont importantes, j'imagine qu'à ce stade là il faut bien monter à la populations qu'elles servent à quelque chose. Revenir au statu quo ante bellum rendraient ces victimes inutiles, et cela aurait l'effet néfaste de faire prendre conscience au gens que cette guerre n'était pas si obligatoire puisque naturellement elle se serait bloquée.. Et ces même personnes se seraient posée la question: (peut-être) et si on avait continués ? Il faut donc au moins que ces pertes servent disons très, au moins soit (pour France et Allemagne) à repousser l'envahisseur et récupérer ce qui est à nous et pour d'autres à reprendre Paris...
-Dans les têtes, l'enlisement devait être vu comme une situation provisoire, s'arrêter à ce stade ce serait reconnaître alors l’incompétence de certains généraux et ne pas permettre de se rattraper, par une offensive ou une contre offensive débloquant cette situation et permettant la restauration d'une mobilité stratégique et tactique qui aurait été gage de succès potentiels et de sauver la guerre la rendant finalement « efficace ». Mais qui prévoyait un enlisement jusqu'en 1918 quoique je pense que cette solution n'était tout de même pas si inenvisageable, si incroyable qu'on ne l'a dit (ce point se discute très largement, j’émets juste une nuance).
-Des renversement de situation, l'Allemagne s'est trouvée en position attaquante et si en fin d'été 1914, elle ne parvient pas à concrétiser cette contre-offensive elle est tout de même en place sur le territoire français, menace la capitale et, protège efficacement de ce fait l'Allemagne, pourquoi les Allemands voudraient-ils s'arrêter là ? Si ils doivent faire face au front est, je pense qu'ils ne se faisaient guère d'illusions sur les capacités de la Russie, capacités qui déclineraient petit à petit.
-Si la France ne se venge pas elle ne répond pas efficacement au coup traumatisant de 1870 !
-Si les pays qui avaient moins intérêt à poursuivre la lutte avaient émis cette volonté commune de traiter, quelles auraient été les réactions des très grandes puissances ? L'Autriche avait une responsabilité très importante dans le déclenchement des hostilités, elle ne pouvait se permettre de se retirer un an après, ayant jeté dans la batailles des forces dont elle n'avait pas bien estimé la détermination.
-Comment, surtout se mettre d'accord sur des proposition satisfaisante pour tous les partis, à ce stade où personne n'a l'ascendant décisif ? Si négociation il y avait eut, personne n'aurait consenti à se contenter d'un retour à l'avant guerre, les débats ne pouvant être que stérile et d'une complexité sans borne ils auraient été ajournés (mis au placard) au mieux, en attendant une situation qui permette de concéder des contreparties à ceux ayant pris l'ascendant.
-Cet armistice dont vous parlez ne pouvait être signé par un nombre restreint de belligérants, si il n'y a pas de consensus, ceux qui choisissent de faire défection (cela aurait été vu comme cela à mon avis) deviennent moins honnêtes du coup sur la scène des relations entre les pays, ils sont mis au banc, et cela peut durer, même après la guerre. IL faut vraiment y réfléchir à deux fois.
-Quel gouvernement aurait osé porter à ce stade un tel message d'apaisement qui traduisait un aveu de faiblesse ?
Je pense que les belligérants, en guerre depuis une année seulement, pour les plus puissants en tout cas voyaient là une « occasion » : l'affrontement pouvait ouvrir de grandes perspectives, ensuite, il fallait répondre à des buts de guerre, sinon tout l'engagement et les pertes ne se justifiaient plus. Et puis, soit on percevait déjà l'intérêt de la nouvelle guerre de position qui se présentait en ayant confiance en ses capacités pour user jusqu'à la corde l'adversaire soit on voyait la une situation provisoire à laquelle il ne fallait pas céder, mais plutôt voir plus loin : l'attaque réussie ou la contre-attaque dans une seconde phase de mouvement qui verrait alors l'un triompher.
Peut être aussi qu'avec nos yeux nous accordons, à juste titre, une importance énorme à cette période de fin de guerre de mouvement. Si je ne doutes pas que certains pressentaient des choses, la plupart et notamment la troupe ne devait pas voir dans ce moment un verrous qui condamnait la plupart des Etats et les faisait entrer dans un énorme siège , à l'époque on devait minimiser la porté de cet arrêt du front...
Savez-vous si il y eut des tentatives dans le sens d'une négociation par la voie diplomatique à cette période ? Des personnalités ou courants allant dans le sens de l'armistice ? Ou d'autres assez clairvoyants pour entrevoir les conséquence de cet été 1914 ?
_________________ Þat skal at minnum manna meðan menn lifa
Cela restera dans la mémoire des hommes tant qu'ils vivront (pierre de Runby, Upland)
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