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Les soldats français qui "craquaient" en 14-18
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Auteur :  nico86 [ 08 Mai 2018 10:23 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

CEN_EdG a écrit :
Attention, le shell shock, si je ne m'abuse, est le nom anglais qualifiant l'effet de blast consécutif à un bombardement. C'est un état physiologique lié au déplacement d'air, au bruit assourdissant, à la fumée, à la poussière. Il n'est que transitoire, une personne mise à l'abri pouvant récupérer en quelques minutes (s'il n'y a pas de blessure handicapante comme la crevaison des tympans)
CEN EdG


Oui vous avez raison, merci de l'avoir relevé.
Le shell shock est bien un choc de "l'obus" appelé "Obusite" en Français. Etat, généralement, observé suite à un choc lié à la déflagration d'un obus ou d'une autre pièce d'artillerie.
La page Wikipédia sur ce sujet n'est pas trop mal faite https://fr.wikipedia.org/wiki/Obusite

Comme vous le soulignez, à juste titre, d'autres chocs peuvent entraîner des syndromes que l'on qualifiera de post traumatiques. Je me permets de faire un rapide décrochage chronologique pour prendre l'exemple des personnes victimes d'attentats qui, plusieurs temps après une attaque terroriste, sont victimes d'états traumatiques d'ordres dépressif.
A cette différence près que les soldats, psychologiquement atteints, subissaient un état de tension permanent et assez étalé dans le temps.

Auteur :  LCL_511 [ 08 Mai 2018 11:00 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Il y a une infinité de facteurs qui rentrent en ligne de compte dans le cas d'un stress post-traumatique, et la nature de la blessure psychique n'en est qu'un parmi d'autres.
Je prends un exemple : un soldat aguerri, qui a fait plusieurs fois "campagnes" dans des pays d'Afrique ou d'Asie où il a vu des choses peu reluisantes qui n'améliorent pas la confiance en la nature humaine, peut très bien ne présenter aucun symptôme de stress post-traumatique à l'issue de toutes ces campagnes. Il y a été préparé psychologiquement, a été débrieffé par un psy spécialiste à plusieurs reprises et a pu compter sur l'effet de groupe, avec ses camarades, pour résister à ces "agressions".
Il rentre en métropole et bénéficie de plusieurs semaines de permissions. Au cours de l'une d'elle, il est témoin d'un accident de la circulation. Une petite fille de cinq ans a été projetée hors d'un véhicule et git sur la chaussée, morte.
Et là, paf ! Stress post-traumatique. Le soldat en question a vu bien pire, à de nombreuses reprises. Mais il était dans un environnement psychologique favorable à la résistance (préparation psychologique, morale, intellectuelle, effet de groupe) et ne s'est donc pas effondré. Cependant, une blessure psychique (qui intervient dès qu'on est confronté à sa propre mortalité de l'avis des spécialistes) a bien été infligée à sa psyché. Las ! Dans un environnement dans lequel il était relâché, pas du tout prêt à être confronté à de la violence visuelle, cette blessure psychique originelle (et même multiple) se rouvre à la vue de ce petit corps désarticulé sur une route française. La psyché du soldat s'était configurée comme étant en veille, au repos, dans un endroit sécurisé où elle ne serait pas agressée. Elle est donc incapable de se rebeller contre cette attaque, et en raison des lézardes qui s'y sont créées précédemment elle s'effondre.

Il est faux de penser qu'un homme véritablement courageux ne subit pas de stress post-traumatique. Il arrivera sans doute à mieux le gérer qu'un lâche, bien sûr, mais ce qui fait vraiment la différence, c'est la préparation à la blessure psychique et l'environnement, ainsi que le suivi postérieur.
Je répète : une blessure psychique est portée à votre psyché dès que vous estimez que vous êtes en danger de mort, selon les spécialistes du domaine. Il n'est donc pas étonnant que quelqu'un victime d'une attaque terroriste ait été blessé psychiquement même si le danger n'a été que fantasmé ou était très éloigné. Il suffit de le croire pour l'être.

Aujourd'hui, c'est très bien pris en compte dans les armées modernes. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de blessures psychiques - elles sont impossibles à éviter - mais juste qu'on arrive mieux à les gérer et à les cicatriser.

CEN EdG

Auteur :  bina bang [ 09 Mai 2018 10:56 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Je vais déporté légèrement le sujet dans le temps. J'ai lu récemment "La Seconde Guerre Mondiale - Antony Beevor." L'auteur aborde ce thème du traumatisme lors du chapitre sur la Normandie. Il indique notamment que les soldats américains (et allié en général) y sont plus sujet que les allemands ou que les russes. L’auteur indique que les psychiatres alliés ont émis l'hypothèse que cela serait dû aux sociétés nazies et soviétiques préparant d'avantage à la dureté des combats.

Le tout avec beaucoup de prudence.

Il rappelle par ailleurs que l’acceptation de tel traumatisme est beaucoup plus faible pour les forces hitlériennes et staliniennes et la réprobation beaucoup plus brutale voir fatale pour les soldats atteints...

Auteur :  LCL_511 [ 09 Mai 2018 12:10 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Autant je pense que la préparation psychologique en amont, par le biais de la propagande notamment, peut expliquer une meilleure résilience aux chocs, autant le fait de se montrer très coercitif avec les soldats souffrant de SPT n'a jamais amélioré sa prévention ni son traitement. Au contraire.

CEN EdG

Auteur :  Pouzet [ 09 Mai 2018 12:40 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Citer :
" L'auteur aborde ce thème du traumatisme lors du chapitre sur la Normandie.


A ce sujet j'avais vu le DVD sur la bataille de Normandie par Daniel Costelle, et il y avait le témoignage d'un officier allemand qui expliquait que lors d'un des grands bombardements de rupture fait par les bombardiers alliés pour briser le front allemand, sous la violence du choc (des chars se retournaient), certains soldats allemands se suicidaient ou avaient été envoyés en asile psychiatrique...

Auteur :  LCL_511 [ 09 Mai 2018 12:43 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Oui, les cas de folie et de suicide sont avérés de manière régulière sous un bombardement intense. Je me souviens que c'était déjà le cas à Douaumont en 1916.

CEN EdG

Auteur :  Brisbout [ 09 Mai 2018 14:42 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Denis Rolland estime à environ cinq mille cinq cents suicidés au minimum durant la guerre et situe effectivement les pics de suicides à juillet 1916 (au plus fort des batailles de Verdun et de la Somme), avril-mai 1917 (chemin des dames) et juillet 1918 (seconde bataille de la Marne).

Auteur :  Jean-Marc Labat [ 09 Mai 2018 16:02 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Ce n'est pas énorme, le taux de suicide pour les hommes est de 19,3 pour 100.000 à l'heure actuelle et par an.

Auteur :  Brisbout [ 09 Mai 2018 18:01 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Effectivement ce n'est pas énorme, mais quand on sait qu'un suicidé n'est pas reconnu "mort pour la France", j'imagine que beaucoup d'hommes de l'avant ont déguisés leur suicide en s'exposant volontairement au feu ennemi.

Auteur :  Pouzet [ 09 Mai 2018 19:04 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Citer :
le taux de suicide pour les hommes est de 19,3 pour 100.000 à l'heure actuelle et par an.

Oui mais ce taux de suicide est tiré par le haut par le taux de suicide très élevé des personnes âgés.
Pour faire des comparaisons vraiment pertinentes il faudrait voir uniquement le taux de suicide des jeunes hommes de 20-40 ans en âge donc de faire la guerre.

Auteur :  Narduccio [ 09 Mai 2018 21:42 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Pouzet a écrit :
Citer :
le taux de suicide pour les hommes est de 19,3 pour 100.000 à l'heure actuelle et par an.

Oui mais ce taux de suicide est tiré par le haut par le taux de suicide très élevé des personnes âgés.
Pour faire des comparaisons vraiment pertinentes il faudrait voir uniquement le taux de suicide des jeunes hommes de 20-40 ans en âge donc de faire la guerre.


Voici les taux actuels :

Citer :
Les classes d’âge « actives » sont les plus touchées :
- plus de 22 % des suicides concernent les 45-54 ans,
- plus de 17 % des suicides concernent les 35-44 ans ,
- plus de 17 % des suicides concernent les 55-64 ans.

Le suicide est la 1ère cause de mortalité des 25-34 ans (20 % du total des décès dans cette tranche d’âge) et la 2ème cause (après les accidents de la circulation) chez les 15-24 ans (16,3 % du total des décès).

Le taux de mortalité par suicide augmente avec l’âge. Pour 100 000 habitants, l’incidence du suicide est de :
- 6,4 chez les 15-24 ans,
- 12,2 chez les 25-34 ans,
- 20.9 chez les 35-44 ans,
- 26.4 chez les 45-54 ans,
- 22.3 chez les 55-64 ans,
- 20.6 chez les 65-74 ans,
- 29,6 pour les 75-84 ans,
- 40,3 pour les 85-94 ans.


http://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-mentale-et-psychiatrie/article/etat-des-lieux-du-suicide-en-france

Auteur :  Brisbout [ 10 Mai 2018 7:58 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Pouzet a écrit :
Citer :
le taux de suicide pour les hommes est de 19,3 pour 100.000 à l'heure actuelle et par an.

Oui mais ce taux de suicide est tiré par le haut par le taux de suicide très élevé des personnes âgés.
Pour faire des comparaisons vraiment pertinentes il faudrait voir uniquement le taux de suicide des jeunes hommes de 20-40 ans en âge donc de faire la guerre.


Même ainsi, je ne suis pas certain que la comparaison soit pertinente. Entre 1918 et 2018 la société s'est transformée en profondeur et à une vitesse jamais observée jusque maintenant. Notre rapport au sacré et donc au suicide n'a pratiquement plus rien à voir. Et je ne parle même pas de notre rapport à la guerre étant donné que la moitié des hommes en âge de faire la guerre aujourd'hui n'ont même pas connu le service militaire...

Auteur :  Narduccio [ 10 Mai 2018 9:28 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Brisbout a écrit :
Même ainsi, je ne suis pas certain que la comparaison soit pertinente. Entre 1918 et 2018 la société s'est transformée en profondeur et à une vitesse jamais observée jusque maintenant. Notre rapport au sacré et donc au suicide n'a pratiquement plus rien à voir. Et je ne parle même pas de notre rapport à la guerre étant donné que la moitié des hommes en âge de faire la guerre aujourd'hui n'ont même pas connu le service militaire...


Pour abonder dans votre sens, nous avons eu une discussion, il y a des années sur les suicides durant la SGM (certains pensant qu'ils devaient être très élevés). En fait, si j'ai bonne mémoire, l'année où le taux de suicides a été le plus bas en France depuis le temps où l'on suit ce telles statistiques, c'est 1942. Et l'une des raisons semble être que lorsque l'on lutte au quotidien pour sa survie, on n'a pas le temps de ressasser son mal-être

Auteur :  Faget [ 10 Mai 2018 10:22 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

.
Citer :
Et l'une des raisons semble être que lorsque l'on lutte au quotidien pour sa survie, on n'a pas le temps de ressasser son mal-être


Je crois que c'est reconnu en psychiatrie, au même titre que les états dépressifs : quand les gens ont à faire face à des problèmes concrets graves, ils n'ont pas le "loisir" de spéculer dans leurs têtes.

Auteur :  Pouzet [ 10 Mai 2018 14:34 ]
Sujet du message :  Re: Les soldats français qui "craquaient" en 14-18

Citer :
lorsque l'on lutte au quotidien pour sa survie, on n'a pas le temps de ressasser son mal-être


En effet d'ailleurs quand les allemands ont envahi la France en juin 1940, il est connu que les hôpitaux psychiatriques français se sont vidés, les gens ayant d'autres problèmes à régler....

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