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 Sujet du message : La force de l'élan patriotique
Message Publié : 14 Oct 2018 9:33 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Bonjour à toutes et à tous,

Pierre Fort n'a que 19 ans, en 1915, lorsqu'il s'engage volontairement dans l’armée, il devance ainsi de deux ans la conscription fixée à 21 ans.
Ce petit Parisien diplômé (Il venait de décrocher son bac à 18 ans) et vivant dans un milieu aisé aurait, pourtant, pu faire tout autre chose.
Il aurait pu attendre que les choses se passent, il aurait pu envisager ce poste d'officier à St Cyr, que les relations et l'entregent de son père, alors haut fonctionnaire, lui auraient permis d'obtenir. Mais il préfère refuser, devancer l'appel sous les drapeaux, s'engager par patriotisme.
Le patriotisme, cet attachement sentimental à la patrie au point de donner sa vie pour la défendre, le patriotisme ce concept qui ne semble pas avoir de visage, de niveau d'éducation, de catégorie sociale, le patriotisme cette motivation indéfinissable au sein d'un collectif aussi forte que fragile.
Fragile quand on se résigne à constater l'horreur et l'absurdité d'un Chemin des Dames, fragile comme en témoigne les écrits de ce même Pierre Fort, et vraisemblablement de tant d'autres Avec nos bons imbéciles de l'armée cela peut durer jusqu'à perpet'inclus sic

J'ai ouvert ce fil car je n'arrive pas à définir la force que représente cet élan patriotique. Les bons écrits de Mona Ozouf contenus dans ''L'école, l'église et la République'' en montrant toute l'importance de la construction patriotique, sur les bancs des écoles publiques, entre le XIX et XX siècles me donnent certaines indications.
L'expérience familiale, où les hussards noirs de la République étaient en grand nombre, me laisse à penser que les instituteurs ont joué un rôle décisif dans le façonnage des esprits et de l'identité patriotique.
Si l'on s'en tient aux données chiffrées combien de personnes ont devancé l'appel ? ce phénomène est t'il resté marginal ou s'est s'est t'il accéléré à une certaine période ? comme on pourrait le penser y'a t'il une homogénéité sociale parmi ces engagés volontaires ?

Ensuite quelle corrélation peut t'on faire entre la nature des programmes éducatifs et la volonté d'une montée en puissance de se sentiment patriotique ? enfin le patriotisme peut t'il être considéré comme une arme produite par les représentants de la Républiques ?

Autant d'interrogations me permettant de jauger la force de cet élan patriotique, si tentez qu'elle puisse être quantifiable.

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Message Publié : 14 Oct 2018 10:03 
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La classe 16 est appelée en avril 1915. Alors je ne comprends pas l'engagement au moment de la mobilisation. Mon grand-père était dans ce cas là, lui aussi classe 16. Et il me semble que la conscription est à vingt ans et non à vingt et un.

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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Message Publié : 14 Oct 2018 10:49 
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Je n'ai jamais entendu ni lu qu'on pouvait devancer l'appel. (Dans quelle arme s'est-il engagé ?)

L'appel sous les armes était normalement fixé à 20 ans. (l'appel d'une classe avec un an d'avance est une mesure exceptionnelle, qui relève d'une urgence nationale.)

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Message Publié : 14 Oct 2018 11:16 
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Philippe de Commines
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Pierma a écrit :
Je n'ai jamais entendu ni lu qu'on pouvait devancer l'appel. (Dans quelle arme s'est-il engagé ?)

L'appel sous les armes était normalement fixé à 20 ans. (l'appel d'une classe avec un an d'avance est une mesure exceptionnelle, qui relève d'une urgence nationale.)


Il me semble que c'est le 43 RI puisqu'il était originaire de Charente.
Son histoire est abordé dans le dernier ça m'intéresse Histoire, il est écrit :
"En 1915 Pierre Fort à 19 ans lorsqu'il décide de s'engager dans l'armée, devançant la conscription fixée à 21 ans (sur ce point vous avez bien fait de le noter car je n'ai pas réalisé sur le coup c'est bien 20 ans j'en était resté à mon arrière grand père né en 1886 et si ma mémoire est bonne le service est passé à 3 ans en 1913 http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/guerre_14-18/loi_3_ans/index.asp)
Pour mettre fin à cette intense campagne antimilitariste, la Chambre adopte le 16 juillet 1913, un amendement, présenté par Paul Escudier, abaissant de 21 à 20 ans l'âge du recrutement, libérant ainsi la classe 1910, alors que de nombreux amendements ayant le même objet avaient été rejetés tant en commission qu'en séance publique. (Donc ceux qui sont nés en 1890 : source AN)

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Message Publié : 14 Oct 2018 13:18 
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Jean Mabillon
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Oui.20 ans....Pour diverses raisons il était possible de s'engager dès 17 ans (on pouvait alors choisir son arme artillerie,cavalerie,infanterie puis aviation après 1916,je crois) dans ma famille maternelle......des commerçants depuis fort longtemps,mon grand père qui était presque du même âge que Pétain et qui fréquentait la même école que lui à St Omer s'était engagé en 1870.Il portait fièrement la mention"médaillé de 1870" sur sa carte de visite.......Son fils,mon oncle, s'était engagé à 17 ans en 1913 dans la marine nationale pour apprendre le métier de mécanicien de marine,en août 1914,il était à l'école des mécaniciens à Toulon.Dans les ateliers ,on lut une proclamation annonçant la formation d'un corps de fusiliers marins pour combattre à terre,on demande des volontaires,il demande où ira-t-on ? On lui répond:en Belgique,dans les Flandres,il déclare alors:" c'est près de chez moi :je vais aller défendre mes soeurs",il combattra à Dixmude et sur l'Yser.Blessé à la face,il devient une "gueule cassée"...Il termine la guerre et son engagement sur les torpilleurs en Mer du Nord.......
Du côté paternel,depuis Louis XIV l'armée maritime était un second métier ou presque.Mon arrière arrière grand père figurait sur la liste des demi-soldes....Tous les prénoms des enfants étaient ceux des Bonaparte...Donc assez longue tradition militaire .Mon grand père avait dans l'escadre de Courbet, fait campagne contre les Pavillons Noirs Mon père avait 13 ans en 1914,il était scout,très sportif,avec ses copains,à la mobilisation,ils avaient épuré les murs des plaques"Liebïg" et "Kub". Son frère ainé venait de terminer ses 3 ans,en août,il avait replongé pour être porté disparu en mars 1915......Mon père dès lors se voulait devenir le vengeur du frère tué....Depuis sa chambre,dans la haute maison familiale,muni de jumelles il suivait les combats aériens au dessus des arrières du front.....Les as de l'aviation étaient ses idoles,il en côtoyait certains dans les grandes "brasseries".Il voulait devenir pilote de chasse.Ayant appris que les titulaires du permis de conduire s'ils s'engageaient dès 17 ans pouvaient choisir leur arme,Il demanda à son père de lui offrir le permis .Il l'obtint,se procura les papiers pour l'engagement et demanda à son père de signer....Il reçut une paire de claques en échange,accompagné d'un cri "Tu crois que deux morts dans la famille par cette guerre ne suffisent pas !!"

Alors,dans ces deux cas....élan patriotique, sans doute...avec aussiuneimplication familiale........


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Message Publié : 14 Oct 2018 14:48 
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La patrie... dans les témoignages des poilus elle n'est guère évoquée.

Peut-être par pudeur devant le fait d'employer les grands mots...

Mais au front, dans des conditions au mieux inconfortables, au pire épouvantables, on combattait d'abord pour les copains, qui formaient comme une seconde famille, et ensuite pour la famille à l'arrière. (En gros, pour le pays...) Mais au milieu des combats, la patrie devenait soudain une notion bien abstraite, insuffisante pour motiver les soldats : l'idée ne leur venait même pas, dans ce quotidien trop violent.

Il ne faut pas oublier aussi que les Allemands se trouvaient "chez nous", ce qui donnait toute sa signification à la défense du pays, contre une éventuelle occupation, sans qu'il soit besoin de parler d'élan patriotique.

Sans parler des hommes des départements occupés, qu'on avait eu le temps de mobiliser en 14, mais qui avaient une motivation évidente à se battre contre les Allemands.

L'élan patriotique, c'est un bien grand mot, et à mon avis il n'a joué, sous cette forme, qu'à la mobilisation. Encore faut-il remarquer que les foules défilant ou chantant la Marseillaise, c'était un phénomène purement urbain. Dans les campagnes on s'est préoccupé de la moisson en cours, et on est parti avec une certaine gravité, plus réaliste.

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Message Publié : 14 Oct 2018 16:40 
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Jean Mabillon
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Outre l'enseignement délivré en Histoire ou en instruction civique, il faudrait mentionner le latin et le français avec quelques auteurs classique (Corneille) ou Romantique (Hugo) qui faisaient baigner les petits lycéens dans une ambiance exaltant plus la Patrie que la démocratie...c'est bien rendu par Pagnol me semble t il...


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Message Publié : 14 Oct 2018 22:40 
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Jean Froissart
Jean Froissart
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Inscription : 28 Avr 2006 23:02
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Mona Ozouf, que je n'ai pas lue, parle sûrement du fameux manuel, Le Tour de la France par deux enfants, deux orphelins d'Alsace-Lorraine. Ce livre s'est vendu à plusieurs millions d'exemplaires selon Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Tour_d ... ux_enfants . Son édition de 1904 est consultable en ligne https://archive.org/details/letourdelaf ... ft/page/n0

Elle parle sans doute aussi des manuels d'Histoire. Ceux d'Ernest Lavisse ont été assez répandus. L'édition de 1913 est consultable sur Gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... texteImage Je choisis de mettre le lien sur le chapitre de la guerre de 1870, qui contient quelques commentaires patriotiques. Néanmoins, j'ai du mal à y trouver d'autres passages anti-germaniques, si ce n'est une phrase page 58 : "En 1214, le roi de France Philippe-Auguste battit les Allemands à Bouvines, et à cause de cela il fut très aimé par les Français.". D'ailleurs, en juin et en juillet 1914, les célébrations du septième centenaire de Bouvines furent assez importantes, dans le but évident d'exalter le patriotisme des Français, http://www.bouvines2014.fr/commune-bouv ... e-en-1914/ . Bref, ce manuel est un peu chauvin, mais pas très revanchard, sans doute parce que Lavisse a lui-même vécu trois ans en Allemagne.

Un livre paru en 1977, Comment les Français sont entrés dans la guerre de Jean-Jacques Becker est recommandé par un jeune historien, Tristan Rondeau, qui a écrit une série de sept articles sur la guerre de 14-18 et la ville d'Argentan en Normandie. Dans le premier, https://actu.fr/normandie/argentan_6100 ... 40756.html , il rapporte que "l'ordre de mobilisation a été reçu rarement avec enthousiasme ; dans certains cas, il le fut avec consternation, la tendance dominante semble la résignation.". Cependant, les militaires mobilisés qui sont allés à la gare pour aller à la guerre, ont été acclamés par la foule, et ont laissé des images montrant un certain élan.
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Message Publié : 15 Oct 2018 6:09 
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Grégoire de Tours
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Un extrait intéressant où Céline (qui a bien connu cette époque) décrit un tel "élan patriotique" lors de la déclaration de vuerre de 1914 (au tout début du "Voyage au bout de la nuit") :

Mais voilà-t-y pas que juste devant le café où nous étions attablés un régiment se met à passer, et avec le colonel par-devant sur son cheval, et même qu’il avait l’air bien gentil et richement gaillard, le colonel ! Moi, je ne fis qu’un bond d’enthousiasme.
« J’ vais voir si c’est ainsi ! que je crie à Arthur, et me voici parti à m’engager, et au pas de course encore.
— T’es rien c... Ferdinand ! » qu’il me crie, lui Arthur en retour, vexé sans aucun doute par l’effet de mon héroïsme sur tout le monde qui nous regardait.
Ça m’a un peu froissé qu’il prenne la chose ainsi, mais ça m’a pas arrêté. J’étais au pas. « J’y suis, j’y reste ! » que je me dis.
« On verra bien, eh navet ! » que j’ai même encore eu le temps de lui crier avant qu’on tourne la rue avec le régiment derrière le colonel et sa musique. Ça s’est fait exactement ainsi.
Alors on a marché longtemps. Y en avait plus qu’il y en avait encore des rues, et puis dedans des civils et leurs femmes qui nous poussaient des encouragements, et qui lançaient des fleurs, des terrasses, devant les gares, des pleines églises. Il y en avait des patriotes ! Et puis il s’est mis à y en avoir moins des patriotes... La pluie est tombée, et puis encore de moins en moins et puis plus du tout d’encouragements, plus un seul, sur la route.
Nous n’étions donc plus rien qu’entre nous ? Les uns derrière les autres ? La musique s’est arrêtée. « En résumé, que je me suis dit alors, quand j’ai vu comment ça tournait, c’est plus drôle ! C’est tout à recommencer ! » J’allais m’en aller. Mais trop tard ! Ils avaient refermé la porte en douce derrière nous les civils. On était faits, comme des rats.


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Message Publié : 15 Oct 2018 10:07 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
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Pour la Mobilisation de 14 n'oublions pas les statistiques, on s'attendait à un % élevé de déserteurs et il n'y en a eu que 1% (de mémoire)
Source familiale d'un grand-oncle : en 14, la France, ce vieux peuple guerrier, s'est levé comme un seul homme

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 15 Oct 2018 17:31 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
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Bonjour......
Oui je pense que les mobilisés partaient le coeur serré,ils avaient autre chose à faire de leur jeunesse,mais ils partaient,optimistes,"gonflés",sauf les gens avertis qui côtoyaient l'Allemagne au quotidien,c'était le cas du frère de mon père Il voyageait à l'international :il était contrôleur des wagons lits Il voyait les camps allemands le long de certaines lignes,le tout regorgeant de matériel,les milliers de canons alignés....Ceux qui avaient de l'enthousiasme c'était sans doute ceux qui ne partaient pas,mais les partants étaient résolus à aller jusqu'au bout,avec détermination.....Encore une fois,je puise dans les souvenirs familiaux


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Message Publié : 25 Oct 2018 11:46 
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Hérodote
Hérodote

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Cela fait longtemps que je n'étais pas venu et je n'ai que peu de temps... Je vois que les interrogations ne changent que peu ;) Quelques pistes (qui vont encore être critiquée par les plus rigide):

20 ans pour la conscription et oui il y a un engagement volontaire qui existe (assez peu étudié)... Certains historiens parlent de devancer l'appel, ce qui est un peu bête puisque, de fait, il s'agit de servir volontairement (2 ans,3 ans ou pour la durée d'une guerre si je me souviens bien)...Vu que cela est ouvert au 17-19 ans (après il y a conscription), on devance de fait l'appel...

Sur la question statistique, cela ne veut pas tout dire, il faut voir le contexte et les lois... Le carnet B n'a pas été appliqué aussi parce que les syndicats -du moins les plus important- sont entré en guerre. On parle souvent de la SFIO et de l'internationale, mais la question de la guerre divise à la SFIO (comme dans les autre section) et à l'internationale ouvrière. La question est alors sociale, la guerre n'est pas prévu et n'est donc pas réellement anticipée. Par ailleurs lorsque l'on voit un Jean Jaurès en faire l'apôtre de la paix à tout prix est absurde. Il n'est ni contre l'armée ni contre la guerre. Il en analyse les conditions et les moyens. Il prévient aussi de la catastrophe d'une guerre moderne. Par ailleurs quand on voit un Gustave Hervé, antipatriote et antimilitariste avant guerre et son optimisme des années précédents la guerre... Le pourcentage faible des insoumis et déserteurs s'explique aussi, surtout en ville, par le fait qu'on a tendance à rechercher ces hommes! Par ailleurs, par la suite, il y a une pression sociale qui se fait jour: quand le voisin a vu son fils partir (plus encore quand il reçoit une mauvaise nouvelle), il ne peut pas voir "l'embusqué" d'un bon œil...

Sur la question des manuels, Olivier Loubes en parle souvent. Là comme ailleurs, rien est écrit dans le marbre. Les manuels scolaires évoluent de 1871 à 1913 (tout comme le tour de France par deux enfant). Les idées véhiculées changent aussi... Par ailleurs, et c'est peut-être plus important encore, lire un manuel -qui bouge-ne veut rien dire de son utilisation ou pas (Lavisse est le plus connu, il y en a d'autre me semble-t-il), pas plus qu'ils disent la perception de l'enseignant et celle-ci aussi évolue dans le temps et d'individu en individu! Et certains enseignants rejettent la guerre depuis 1900...

La fleur aux fusils? Qui mettaient des fleurs? Il y a des sources qui disent que les jeunes "crânait", l'idée de virilité limite aussi les effusions. Elles soulignent aussi que se sont les jeunes filles (et les autres civils) qui m'étaient des fleurs au bout de leur fusils... On peut penser que ce n'est pas la guerre que l'on fête, mais ces futurs héros qui ne reviendrait pas... Les chants sont du même domaine. La Marseillaise, oui, mais selon les lieux, d'autres chanson aussi... A Toulouse "La Toulousaine" et "Montagne Pyrénées" ont aussi été chanté en 1914... Le chant a un pouvoir fédérateur et accompagne les gens qui partent


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Message Publié : 27 Oct 2018 19:58 
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Philippe de Commines
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Je viens de l'acheter et j'entame sa lecture.

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http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-histoire/14-18-penser-le-patriotisme

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Message Publié : 07 Jan 2019 17:22 
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Philippe de Commines
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Bonjour à toutes et à tous,

Cela fait depuis un certain temps que j’ai achevé de lire l’ouvrage de Frédéric Rousseau « 14-18 penser le patriotisme » et cela fait également depuis un certain temps que j’avais promis de vous en faire un retour.
C’est un très bon ouvrage, pour ne pas dire excellent !
C’est un très bon ouvrage car, en suivant le fil de la chronologie et en s’appuyant sur un nombre de correspondances significatives, il permet de définir très précisément la nature et l’évolution des mentalités face à ce que l’on qualifie de devoir patriotique.
En tenant compte des différentes strates de la société (Officiers – Soldats / Employés - employeurs / Artisans Agriculteurs - Exploitants Dirigeants / Ruraux - Urbains…) l’analyse, de la conception du patriotisme, n’est pas uniquement chronologique mais elle est polymorphe car elle recouvre toute série de situations variées. Situations, certes différenciées mais, ayant comme dénominateur commun le poids du corps social.
Car le patriotisme, tel que le définit l’auteur, n’est pas une alternative fermée au sein de laquelle on limiterait l’individu dans une aptitude au dévouement et au sacrifice pour le compte de son pays.
Au travers de témoignages, et de lettres, Frédéric Rousseau nous montre que le patriotisme est un « objet social » ou plus précisément un inextricable écheveau de normes sociales fait de conformismes, d’attachements, de loyautés.

Quelques exemples tirés du présent ouvrage :

- On crâne devant les copains
- On ne veut pas décevoir femmes, enfants, et parents
- On ne souhaite pas être jugé à son retour

Sur ce dernier point cette analyse est conforme à un exemple familial repris sommairement dans l’ouvrage nous étions des hommes malgré la Guerre.

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Au début du conflit, étant officier au service du matériel et de l’habillement au 63 RI, mon arrière-grand-père demanda, à plusieurs reprises, à être affecté sur le front, chose faite en 1916.
L’analyse patriotique, purement primaire, considérant à qualifier cette demande comme une démarche sacrificielle n’est pas valide. Si l’on considère que de nombreux collègues instituteurs officiant dans la même école primaire que lui étaient sur le front, que des amis et des proches originaires de son village l’étaient également, il lui apparaissait, par conséquent, totalement impensable de rester tranquillement à l’arrière jusqu’à la fin du conflit.
Dans ce cas le poids social à inconsciemment joué son rôle.
Le corps social est un puzzle où les pièces se tiennent mutuellement car emboîtées par des règles et de normes.
Le mari ne doit pas montrer son inquiétude devant sa femme et ses enfants, l’épouse ne doit pas montrer qu’elle s’inquiète pour ne pas démotiver son mari.

A défaut d’élan patriotique car, à bien y réfléchir, le titre n’est pas si finement choisi que ça, c’est un véritable élan solidaire (et surtout dans les campagnes) qui se met en place. Un ballet social prenant la forme d’un réseau de solidarités, parfaitement décrit au début de cet ouvrage, se met en place pour accompagner au mieux l’effort de mobilisation. Ainsi les premiers instants de la mobilisation sont considérés comme un véritable tourbillon au sein duquel tout le monde fait corps. (Les inconnus avec lesquels on fraternise, l’ensemble de la famille mise à contribution pour acheminer proches et amis à la gare, tous ces gens le long des quais, au passage des trains de mobilisés, accompagnant et saluant par des vivats.

Derrière ces considérations sociales Frédéric Rousseau introduit une notion, très significative, celle du « penser double ». De nombreuses correspondances font état de cette ambigüité cultivant une certaine forme d’ambivalence où l’on souhaite que le mari soit un bon soldat, voir décoré, tout en espérant secrètement qu’il soit affecté à des secteurs moins exposés.
Une pensée double naviguant entre le jugement des autres et la peur de certaines évidences.

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( Jean Jaurès )


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Message Publié : 08 Jan 2019 8:29 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 13 Mars 2010 20:44
Message(s) : 2195
Mon gd-père paternel est né en 1900, avait 4 frères, et a voulu s'engager volontairement le jour de ses 17 ans
Il était orphelin de père et la majorité à l'époque était à 21 ans
Il fallait donc l'autorisation des parents puisque mineur
sa mère en pleurait, en lui parlant d'un de ses frères déjà mort pour la France, et d'un autre au front, mais elle lui a répondu : je ne suis pas femme à empêcher un de mes fils de faire ce qu'il croit être son Devoir , en lui conseillant toutefois d'aller consulter ses gd-pères encore vivants qui ont su le raisonner
En 18 il était en formation à l'arrière et n'est donc jamais monté au feu, alors qu'un deuxième frère (séminariste) tombait en septembre

commentaire ultérieur du benjamin de cette fratrie : mes frères avaient du sang sous la peau

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