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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 31 Oct 2018 14:42 
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Merci nico86

Ce fut loin d'être simple... et pas grand chose n'avait été anticipé ... Malgré la création d'une commission qui devait préparer tout cela et qui fut mise en place en 1916 (de mémoire).


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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 31 Oct 2018 17:00 
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nico86 a écrit :
Ce sont les militaires qui mettent en place les premières commissions de triage, avant que les civils ne se saisissent de la question en décembre 1918.

Qu'est-ce qu'une commission de triage ?
(Vu le nom, je pense qu'il s'agit de savoir qui est français et qui ne l'est pas, mais j'aimerais confirmation.)

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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 31 Oct 2018 19:45 
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Philippe de Commines
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Pierma a écrit :
nico86 a écrit :
Ce sont les militaires qui mettent en place les premières commissions de triage, avant que les civils ne se saisissent de la question en décembre 1918.

Qu'est-ce qu'une commission de triage ?
(Vu le nom, je pense qu'il s'agit de savoir qui est français et qui ne l'est pas, mais j'aimerais confirmation.)


Établies dès le 2 novembre 1918 , elles étaient chargées de l’examen , au cas par cas, des Alsaciens et Lorrains signalés comme suspects, en raison de leurs sentiments germanophiles, leurs propos ou leur attitude pendant la guerre.

Il s’en créa une par arrondissement (1 er degré) et une par département (2 e degré).

Les commissions départementales devaient également s’occuper du sort des Alsaciens-Lorrains internés en France et assurer leur retour.

Les commissions de triage étaient composées de civils, sous l’autorité d’un officier . Ce n’était pas des juges assermentés et ils n’étaient pas responsables de leur jugement. La décision finale revenait aux commissaires de la République (il y en avait trois : à Strasbourg , à Colmar et à Metz).

On leur reprocha rapidement l’arbitraire des procédures et la disproportion des peines prononcées : mutations, suspensions, expulsions, séquestre des biens…

En Moselle, 30 000 personnes furent expulsées vers l’ Allemagne , entre décembre 1918 et octobre 1920.

Ces « tribunaux » furent officiellement supprimés le 27 octobre 1919.

Le Républicain Lorrain

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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 31 Oct 2018 19:49 
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Philippe de Commines
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https://cdn-s-www.republicain-lorrain.fr/images/09C6210F-8EA4-46B3-A2A5-6B16BC5B3B90/LRL_v0_13b/carte-d-identite-alsace-lorraine-modele-a-1918-(photo-dr)-1491297284.jpg

Dès l’entrée des troupes françaises sur leur sol , les mairies d’Alsace et de Moselle reçurent l’ ordre d’établir des cartes d’identité provisoires, distribuées à la population selon des critères héréditaires. L’ idée émanait de l’abbé Wetterlé (1861-1931), membre de la commission « Alsace-Lorraine » qui siégeait à Paris durant la guerre.

La population des anciens territoires annexés fut ainsi classée en quatre catégories, selon son ascendance . Une politique d’épuration fut mise en place par les autorités françaises à travers des commissions de triage.

Un arrêté du 14 décembre 1918 établit quatre modèles de cartes d’identité :

• La carte A, avec bandes tricolores, était délivrée aux Alsaciens -Lorrains ayant eu la nationalité française avant 1870 ou à ceux dont les parents ou grands-parents avaient été dans ce cas. Ils étaient réintégrés de plein droit dans la nationalité française mais devaient néanmoins en faire la demande en mairie.

• La carte B, avec deux bandes bleues, était remise à ceux dont l’un des parents était de descendance étrangère en dehors des pays ennemis.

• La carte C, avec deux bandes rouges , concernait ceux dont les parents étaient nés dans des pays alliés ou neutres.

• La carte D, sans bande, était attribuée aux étrangers originaires des pays ennemis et à leurs enfants , même nés en Alsace-Lorraine. Considérés comme indésirables, les titulaires de cette carte durent quitter le pays.

Cette ségrégation engendra des situations douloureuses, en particulier au sein des familles mixtes.

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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 31 Oct 2018 20:01 
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Le cas des familles "mixtes" a souvent été défini comme ubuesque :
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Ce triage des populations génère des situations inextricables, parfois véritablement ubuesques, notamment dans les grandes villes du fait de l’importante mixité. Ainsi, au sein des familles « mixtes » établit-on une discrimination interne, tous les membres n’ayant pas les mêmes droits : ces familles se retrouvent éclatées. En effet, si le père avait la carte D, il était expulsé avec ses enfants mineurs, qui recevaient automatiquement sa nationalité, tandis que la mère, si elle avait la carte A, pouvait rester en Alsace (les autres enfants majeurs, dotés de la carte B, pouvaient formuler une demande de naturalisation). Pour dénouer les problèmes, on va inciter à la séparation les couples « mixtes » A-D en facilitant leur divorce.

Le classement des Alsaciens-Lorrains en quatre catégories se déroulera sur deux mois, de décembre 1918 à janvier 1919. Il contraindra les Alsaciens de souche à effectuer des démarches généalogiques fastidieuses et parfois compliquées, souvent vexatoires. Quant aux employés des mairies, ils seront contraints de se plonger dans les registres pour valider la généalogie des uns et des autres, pères, grands-pères, arrière-grands-pères, nécessaire à l’établissement des cartes.


C'est en partie sur ce terreau que va se développer la tentation autonomiste alsacienne. Des cercles "d'alsaciens-lorrains" vont se créer sur le territoire allemand. La plupart de ces cercles finiront par se fondre dans le NSDAP... LA POLITIQUE DES ALLEMANDS EXPULSES
D'ALSACE-LORRAINE EN 1918 d'après l'ouvrage du Dr Ribert ERNST «Compte rendu d'un Alsacien» (1954) par M. René HOMBOURGER


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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 31 Oct 2018 22:48 
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Pierre de L'Estoile
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Léonard59 a écrit :
C'est en partie sur ce terreau que va se développer la tentation autonomiste alsacienne. Des cercles "d'alsaciens-lorrains" vont se créer sur le territoire allemand. La plupart de ces cercles finiront par se fondre dans le NSDAP... LA POLITIQUE DES ALLEMANDS EXPULSES
D'ALSACE-LORRAINE EN 1918 d'après l'ouvrage du Dr Ribert ERNST «Compte rendu d'un Alsacien» (1954) par M. René HOMBOURGER
Précisons que ce docteur Ernst était un germanophile radical qui avait choisi de quitter l'Alsace en 1918 et qui deviendra sympathisant du régime nazi comme l'atteste cette magnifique profession de foi rédigée en 1940 :

Mon Führer, en ce jour, les champions de la cause de notre peuple alsacien et lorrain allemand, sont arrivés sur le sol alsacien, libérés des geôles françaises. Ils n'avaient commis qu'un seul crime, rester fidèles à l'âme allemande des Alamans et des Francs entre Rhin et Vosges, sur la Sarre et sur la Moselle.

En dépit de leurs souffrances morales, ils se sont toujours efforcés de maintenir la paix, le droit et l'entente entre le peuple allemand et le peuple français, jusqu'au jour où la France, cédant à un incroyable aveuglement, a déclaré la guerre au peuple allemand et repoussé toute tentative dictée par un grand renoncement.

Associés à eux, des milliers d'hommes de confiance, recrutés au sein du service d'entraide alsacien, réunis au service du peuple, du Reich et du Führer et avec eux des centaines de milliers d'autres demandent l'incorporation de leur patrie au Reich Grand allemand en communion de pensée avec le Dr Karl Roos, tombé sous des balles françaises.


A l'opposé Paul Appell, un universitaire qui avait participé aux travaux de la Conférence d'Alsace-Lorraine, écrit dans ses Souvenirs d'un Alsacien 1858 - 1822 :

Les Alsaciens qui avaient tant souffert, qui avaient perdu toutes leurs libertés, auraient voulu que le vainqueur fit sentir sa force aux immigrés : parmi ceux-ci, un certain nombre avaient épousé des Alsaciennes que nous regardions tous comme ayant trahi la France.
...
Le nombre des expulsés était d'ailleurs faible et les Français péchèrent par excès de bonté : les gens de ma vieille rue des Tonneliers vinrent me dire qu'ils étaient outrés parce qu'on avait laissé, dans la rue, un commerçant allemand qui les avait menacés pendant la
guerre et qui, disaient-ils, pavoisait avant la cathédrale pour chaque victoire allemande. J'écrivis au préfet pour lui demander d'ouvrir une enquête ; l'enquête confirma les faits et l'Allemand disparut.


Comme on le voit, le climat n'était pas serein et il y a avait d'autres causes plus profondes que les maladresses de l'administration. Les commissions de triages étaient submergées de telles dénonciations.


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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 31 Oct 2018 23:09 
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Pierre de L'Estoile
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Léonard59 a écrit :
Le cas des familles "mixtes" a souvent été défini comme ubuesque :
Citer :
Ce triage des populations génère des situations inextricables, parfois véritablement ubuesques, notamment dans les grandes villes du fait de l’importante mixité. Ainsi, au sein des familles « mixtes » établit-on une discrimination interne, tous les membres n’ayant pas les mêmes droits : ces familles se retrouvent éclatées. En effet, si le père avait la carte D, il était expulsé avec ses enfants mineurs, qui recevaient automatiquement sa nationalité, tandis que la mère, si elle avait la carte A, pouvait rester en Alsace (les autres enfants majeurs, dotés de la carte B, pouvaient formuler une demande de naturalisation). Pour dénouer les problèmes, on va inciter à la séparation les couples « mixtes » A-D en facilitant leur divorce.

Le classement des Alsaciens-Lorrains en quatre catégories se déroulera sur deux mois, de décembre 1918 à janvier 1919. Il contraindra les Alsaciens de souche à effectuer des démarches généalogiques fastidieuses et parfois compliquées, souvent vexatoires. Quant aux employés des mairies, ils seront contraints de se plonger dans les registres pour valider la généalogie des uns et des autres, pères, grands-pères, arrière-grands-pères, nécessaire à l’établissement des cartes.
Ce passage est extrait d'un ouvrage de Bernard Wittmann, militant régionaliste fondateur de la revue ELSA qui a été condamnée pour propos négationnistes sur le massacre d'Oradour-sur-Glane et sur l'existence de chambres à gaz à Auschwitz. Le titre de l'ouvrage permet de douter de l'objectivité de son contenu : Une épuration ethnique à la française.


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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 31 Oct 2018 23:41 
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Je sais d'où vient ce passage. Je sais aussi que des cas comme cela ont existé. C'est un drôle de procédé que vous employez. Bon, Bernard Wittmann utilise parfois les mêmes... Ce n'est pas une raison.

En fait, il est compliqué de trouver des passages spécifiques sur le net. On trouve des milliers de fois la même chose. Les écrits de Bernard Wittmann ont eût un certain succès, donc de nombreuses personnes l'ont reproduit. Il aurait fallu chercher sur plusieurs milliers de pages pour trouver des choses identiques, mais ne provenant pas de sa bouche. Il y a aussi des articles payants ... qu'il faudrait payer avant de savoir si on y trouve ce qu'on cherche. J'ai donc eut la faiblesse d'aller au plus court. Je plaide coupable pour cela.

Maintenant, pourquoi tourner, comme à votre habitude, autour du pot. Ce que je rapporte est-il faux ? Malgré le fait que celui qui les rapporte à cette odeur de souffre ? C'est un témoignage, en effet, comme je l'ai déjà écrit par ailleurs, il faut relativiser les témoignages. Relativiser ne veut pas dire : nier par principe. Mais, remettre dans le contexte, confronter avec d'autres témoignages, avec des faits avérés. Pour l'instant, vous ne vous appuyez que sur des publications officielles en faisant comme si les décisions ont été immédiatement applicables. Vous savez bien qu'en période de paix, il faut un temps pour que les décisions soient appliquées. Dans une période comme novembre 1918 ... Pourtant, vous avez fait comme si ces applications s'appliquaient immédiatement. Depuis, vous avez mis systématiquement en doute tout ce que j'ai publié. Que vous attentiez de me faire passer pour un idiot, peu me chaud... Mais, le fond ? Ces témoignages ? Tous des menteurs ?

J'ai souvent défendu le fait que les vérités vues par les témoins sont multiples. Chacun voit un peu midi à sa porte. Mais, le fait est que des gens ont été expulsés de manière très immédiate. Effectivement, ils ont vu de nombreux uniformes. Même des civils portaient parfois encore l'uniforme, fin 1918. Les circonstances ont fait que tout le monde n'avait pas un costume civil sous la main ...


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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 01 Nov 2018 8:42 
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Philippe de Commines
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Léonard59 a écrit :
Je sais d'où vient ce passage. Je sais aussi que des cas comme cela ont existé. C'est un drôle de procédé que vous employez. Bon, Bernard Wittmann utilise parfois les mêmes... Ce n'est pas une raison.


C'était la raison pour laquelle je m'étais initialement abstenu de faire mention de ce site http://7seizh.info/2016/10/15/epuration-ethnique-a-francaise-alsace-moselle-1918-1922/. Bon puisque qu'on en parle !

Pour être tout a fait honnête rien que le titre de son ouvrage ne m’apparaît pas favoriser une approche sereine des débats.

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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 01 Nov 2018 9:57 
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C'est drôle ce sujet… cela me fait penser à une anecdote familiale : le frère d'un arrière-grand-père a dû passer devant une commission de triage. Il n'a pas obtenu le sésame nécessaire - à la différence de sa femme -, car le drôle avait été pris en train de voler du charbon aux autorités allemandes pendant le conflit. Lors du second conflit mondial, certains auraient pris ça pour un acte de "résistance", mais là, c'est tout le contraire. Les autorités françaises ont finalement suivi les consignes allemandes et l'ont condamné à payer une amende.
Il a tout de même continué à vivre en Alsace et n'a pas été expulsé.

Il faut néanmoins conserver un minimum de sérénité dans ces débats. L'Alsace-Lorraine avait été soumis à une dictature militaire allemande pendant tout le conflit, afin d'éviter toute velléité de se prononcer pour la France - ce n'est qu'en octobre 1918 que les autorités impériales proposent au Reichsland un statut autonome, lorsque toute chance de victoire était passée et qu'elles savaient que le retour à la France était irrémédiable.
Les autorités françaises arrivées en décembre n'ont pas été adroites et parfois très brusques avec une population locale qui avait parfois perdu l'usage de la langue française - je ne parle pas des tentatives d'Herriot en 1924. Incompréhensions réciproques et rigidité excessive de l'administration française ont fait le terreau d'un parti autonomiste pendant l'Entre-deux-Guerres, favorable, en grande partie (malgré certaines scissions), aux nazis aux milieux des années 1930, avec la figure de Roos comme proue du mouvement, fusillé par les Français en février 1940. Cela dit, ces exaltés n'ont jamais représenté la majorité des Alsaciens dans les années 1930 (le souffle autonomiste était tombé après les luttes des années 1924-1926 et le retour de Poincaré aux affaires).

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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 01 Nov 2018 10:35 
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Philippe de Commines
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Duc de Raguse a écrit :
Les autorités françaises arrivées en décembre n'ont pas été adroites et parfois très brusques avec une population locale qui avait parfois perdu l'usage de la langue française


Cette expérience a du servir de leçon lorsque le cas s'est reproduit en 1945, surtout qu'il est venu s'adjoindre la douloureuse problématique des enrôlés de force (terme que beaucoup d'Alsaciens préfèrent employer en lieu et place de "Malgré Nous").
De Gaulle, dans un esprit de concorde et de paix civil, n'a pas mis une éternité pour le comprendre.

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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 01 Nov 2018 11:16 
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Complètement cher nico86 - on peut même utiliser le terme juridique d'"incorporé de force" pour la Seconde Guerre mondiale, je trouve aussi que "malgré nous" n'est pas le meilleur terme pour illustrer cela mais bon, nous sortons du sujet de discussion ! :wink:

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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 01 Nov 2018 12:09 
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Duc de Raguse a écrit :
Les autorités françaises arrivées en décembre n'ont pas été adroites et parfois très brusques avec une population locale qui avait parfois perdu l'usage de la langue française - je ne parle pas des tentatives d'Herriot en 1924. Incompréhensions réciproques et rigidité excessive de l'administration française ont fait le terreau d'un parti autonomiste pendant l'Entre-deux-Guerres, favorable, en grande partie (malgré certaines scissions), aux nazis aux milieux des années 1930, avec la figure de Roos comme proue du mouvement, fusillé par les Français en février 1940. Cela dit, ces exaltés n'ont jamais représenté la majorité des Alsaciens dans les années 1930 (le souffle autonomiste était tombé après les luttes des années 1924-1926 et le retour de Poincaré aux affaires).


Effectivement, si on a l'image de l'accueil des français en 1918, qui signifie aussi bien la fin de la guerre que le retour à la France, on a du mal à comprendre les résultats aux élections suivantes, avec la montée en force d'un parti autonomiste qui ne devrait avoir aucune raison d'exister... Or, ce mouvement est le fruit d'une agitation germaniste qui trouve une partie de ses soutiens de l'autre coté du Rhin, mais qui est aussi nourrie des ressentiments des alsaciens face à l'accueil qui leur a été fait par l'administration française.

Il y a une double incompréhension, d'ailleurs, si on y regarde de plus près. Une partie des alsaciens estime que c'est la France qui l'a abandonnée... Et on entends, ou on lit encore la phrase: "en 70, ils nous ont lâché pour avoir la paix....". Oui, dans certains milieux, cette blessure existe encore. Ensuite, avant même la signature d'un Traité de paix, et avant même qu'on décide des conditions pour que l'Alsace redevienne française se mettent en place ces commissions de triages. Oui, pour diverses raisons, il y a eut des dénonciations. Et comme le montre l'exemple cité par Barbetorte : dénonciation signifie souvent expulsion. Il y a ensuite une peur de l'agitateur politique, ce qui explique les avanies faites à tous ceux que l'on pense anarchistes ou gauchistes pouvant essayer de fomenter des mouvements révolutionnaires. Ce sont les bourgeois des villes qui vont presser l'armée française pour qu'elle prenne possession de la région et qu'elle y ramène l'ordre. Et on va se servir des documents de l'administration prussienne pour cela. Un voyou qui s'attaquait à l'ordre, ne peut que rester un voyou ...

De nombreux hommes politiques, et maintenant divers historiens rappellent que les exclusions qui ont suivie l'annexion de 1870 se sont faites dans le cadre du Traité de Francfort qui signait l'annexion de l'Alsace au Reich allemand. Les exclusions de 1918-1920 précèdent la signature du Traité de Versailles. Elle se font en-dehors de tout cadre légal sur le plan international. Sauf le droit du vainqueur. Cela sera un argument de campagne lors des diverses élections.

Puis, au fil des années, les relations entre l'Alsace et la France vont se pacifier, et le vote autonomiste va décroitre. Ne resteront que les purs et durs, ceux qui s'inféoderont au NSDAP....

Les français font en novembre 1918 comme s'ils n'avaient jamais signé le traité de Francfort. Ils font comme si la situation alsacienne n'avait pas évoluée durant ces décennies qui vont de 1871 à 1918. Et ils sont bien accueillis en novembre 1918 car leur arrivée signifie la fin de la guerre, et des privations, mais elle signifie aussi la fin de la dictature militaire allemande qui a durée 4 ans. Quand les alsaciens pavoisent, les français pensent que c'est parce qu'ils sont heureux de revenir à la mère-Patrie. Ce n'est pas le cas pour tout le monde. Cela, les français ne le percevront que trop tard


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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 01 Nov 2018 12:32 
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Pierre de L'Estoile
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Léonard59 a écrit :
Que vous attentiez de me faire passer pour un idiot, peu me chaud... Mais, le fond ? Ces témoignages ? Tous des menteurs ?
Bien sûr que cela vous chaut. Là est le problème. On ne peut vous apporter la contradiction sans que vous en fassiez une affaire personnelle et que vous recouriez à ce que je dénomme syllogisme de comptoir :

Quand on n'est pas un menteur, on dit vrai ;
Je ne suis pas un menteur ;
Donc je dis vrai et vous n'avez pas le droit de me contredire.

C'est le degré zéro de la discussion.

Vous vous abstenez de donner une source, laquelle est un personnage douteux, c'est moi qui le fais et c'est moi qui suis malhonnête. C'est un peu fort.

Il faut relativiser les témoignages dites-vous. Plutôt que de le dire, vous feriez mieux de le faire. Est-ce que je m'amuse à polémiquer avec CDG-EnG quand il parle de questions militaires ? Non. Avec Drouet Cyril quand il parle de l'empire ? Non. Mais je réfute ou exprime des réserves sur tout ce que vous avez affirmé depuis le début de cette discussion. Cherchez pourquoi.

Non, on n'a pas poursuivi des Alsaciens pour désertion de l'armée allemande.

Non, ce n'est pas la présence de militaires à certains postes qui a suscité des mécontentements, le fait que les agents de l'Etat fussent ou non militaires n'ayant pas d'incidence.

Non, l'expulsion d'un certain nombres de titulaires de cartes D n'a pas fait scandale pour la simple raison que l'épuration, difficile à comprendre aujourd'hui, était voulue par une majorité de la population alsacienne. Vous trouvez peu d'informations sur la toile. C'est peut-être tout simplement qu'il ne s'agit pas d'un fait majeur d'un point de vue historique.

Vous donnez un témoignage, celui du dr Ernst. Je vous en apporte un autre très différent, celui de Paul Appell, lui aussi un contemporain et qui n'a rien d'un fou furieux. Pour dire les choses simplement, un nazi en herbe se plaint d'atteintes graves aux droits de l'homme tandis qu'un humaniste dénonce le laxisme des autorités qui auraient dû selon lui en faire plus. Il y a un paradoxe à expliquer. Duc de Raguse en a donné une explication interne : L'Alsace-Lorraine avait été soumis à une dictature militaire allemande pendant tout le conflit, afin d'éviter toute velléité de se prononcer pour la France - ce n'est qu'en octobre 1918 que les autorités impériales proposent au Reichsland un statut autonome, lorsque toute chance de victoire était passée et qu'elles savaient que le retour à la France était irrémédiable. J'ajoute une explication externe : le sort qu'ont subies les populations des territoires occupés pendant le guerre. Cela a commencé dès septembre 1914 à Senlis avec l'exécution sommaire d'otages parmi lesquels figurait le maire. Cela n'incitait certainement pas à la mansuétude envers les Allemands présents en Alsace-Lorraine.

Voilà ce que dit F-G Dreyfus :

A cela s'ajoute toute une série de mécontentements. Au moment de la réintégration de l'Alsace à la France, on classa la population selon leur nationalité mais aussi leur attachement réel ou supposé à la France. Cette espèce d'épuration laissa un souvenir amer à une partie de la population, d'autant plus que l'on assista à des classifications ridicules, tel le comte d'Andlau qui aura beaucoup de mal à se faire réintégrer dans la nationalité française et dont l'élection au Sénat ne sera validée qu'après des débats kafkaïens.

Pas un mot sur les expulsions.

C. Baechler n'est guère plus prolixe. Il insiste surtout sur le nombre des délations et le climat délétère que cela révèle et qui n'est pas du fait de l'administration. Sur le travail des commissions de triage il se contente de :

Il s’agit d’interner ou d’expulser les suspects et les indésirables. Au cours du mois de décembre, les commissions n’examinent guère que 66 cas et prononcent 63 condamnations. Ce n’est qu’à partir du mois de janvier qu’elles travaillent à plein rendement. Aussi leur activité ne commence‑t‑elle à susciter un certaine émotion qu’à partir des mois de février et de mars. Le classement des Alsaciens‑Lorrains en quatre catégories, selon leur nationalité, de décembre 1918 à janvier 1919, alimente l’inquiétude et le mécontentement dans une population où les mariages mixtes sont nombreux. À Strasbourg, les cartes B – délivrées aux personnes dont l’un des parents est d’origine étrangère, pour l’essentiel des descendants de couples Allemands‑Alsa­ciens – représentent près de 12 % des cartes distribuées.

Il faut donc relativiser. Beaucoup de cartes B mais, semble-t-il, fort peu de cartes D.

Outre les tracasseries à subir pour se faire délivrer une carte d'identité provisoire, les motifs de mécontentement que Baechler mentionne sont :

- la désorganisation des services administratifs et leur lenteur imputée au fait que les décisions se prennent à Paris ;
- le mauvais fonctionnement des postes, télégraphes et téléphones et des transports ;
- le blocage des comptes bancaires en attente du règlement du change entre le mark et le franc : les industriels, les commerçants, les agriculteurs, les propriétaires, les rentiers ont des comptes courants dans les banques, où ils ne peuvent retirer leurs fonds dont ils ont besoin et ils se voient réclamer des intérêts de 6 et de 7 % pour les sommes qui leur sont indispensables et qui leur sont versées à titre d’avance.
- l’arrivée d’enseignants et de fonctionnaires de « l’intérieur » qui reçoivent des indemnités et les meilleurs postes ;
- des inquiétudes sur le statut des fonctionnaires et sur les questions linguistiques et scolaires.


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 Sujet du message : Re: Novembre 1918 en Alsace
Message Publié : 01 Nov 2018 15:27 
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Inscription : 20 Juin 2003 22:56
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Bien entendu, c'est un ensemble qui explique certains ressentis d'Alsaciens-Lorrain dont le paroxysme sera atteint entre 1924 et 1926 avec la politique du cartel des gauches.
La citation de Ch. Baechler me parait intéressante, puisqu'elle recouvre d'autres faits, aussi importants que ces commissions de triage, de la vie quotidienne - faut-il rappeler que les Allemands ont souvent détruit tout ce qui pouvait être utile à la population lorsqu'ils se sont retirés ?
Par contre l'usage du terme d'"épuration" me semble exagéré - surtout si on la compare avec celle qui sera réalisée en 1944-1945.

Citer :
J'ajoute une explication externe : le sort qu'ont subies les populations des territoires occupés pendant le guerre. Cela a commencé dès septembre 1914 à Senlis avec l'exécution sommaire d'otages parmi lesquels figurait le maire. Cela n'incitait certainement pas à la mansuétude envers les Allemands présents en Alsace-Lorraine.

Oui, c'est la crainte de la part des Allemands de la présence de "franc-tireurs" (comme en 1870-1871) sur leurs arrières, on fait donc quelques "exemples" pour éviter que des Français se révoltent derrière les lignes allemandes.
Cela dit, c'est, malheureusement, logique, puisque les Allemands sont ici en terrain ennemi. Tout civil peut se révéler être hostile.
C'est moins logique lorsqu'ils se comportent de la même manière en Alsace, peuplée d'"Allemands". L'exemple des incidents qui se produisent dans le val de Villé entre les 18 et 20 août 1914 sont, à ce titre, consternants.

La crainte des Français de voir des saboteurs ou autres membres de la 5ème colonne fin 1918 ressemble à celle qu'ils éprouvaient également après la conquête (partielle) du sud de l'Alsace en 1914 avec cet ordre du général Dubail :
Image
Les "libérés" sont donc placés sous la loi martiale - ce qui peut se comprendre parfaitement en temps de guerre -, mais une chose est certaine : la paranoïa n'a pas de nationalité ou, plutôt, elle affecte les autorités franco-allemandes de manière égale, en 1914 comme en 1918, et les Alsaciens-Lorrains en font les frais.
Est-ce, finalement, bien particulier pour une zone frontalière, dont les populations sont victimes d'un "paternalisme", parfois mal placé et exacerbé, des deux nations voisines, qui se disputent ce territoire ?
Il n'est malheureusement pas surprenant que, dans ces conditions, un mouvement autonomiste se forme. Ce qui l'est davantage c'est que certains, en son sein, voient dans les nazis comme des alliés.

_________________
Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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