Léonard59 a écrit :
Que vous attentiez de me faire passer pour un idiot, peu me chaud... Mais, le fond ? Ces témoignages ? Tous des menteurs ?
Bien sûr que cela vous chaut. Là est le problème. On ne peut vous apporter la contradiction sans que vous en fassiez une affaire personnelle et que vous recouriez à ce que je dénomme syllogisme de comptoir :
Quand on n'est pas un menteur, on dit vrai ;
Je ne suis pas un menteur ;
Donc je dis vrai et vous n'avez pas le droit de me contredire.
C'est le degré zéro de la discussion.
Vous vous abstenez de donner une source, laquelle est un personnage douteux, c'est moi qui le fais et c'est moi qui suis malhonnête. C'est un peu fort.
Il faut relativiser les témoignages dites-vous. Plutôt que de le dire, vous feriez mieux de le faire. Est-ce que je m'amuse à polémiquer avec CDG-EnG quand il parle de questions militaires ? Non. Avec Drouet Cyril quand il parle de l'empire ? Non. Mais je réfute ou exprime des réserves sur tout ce que vous avez affirmé depuis le début de cette discussion. Cherchez pourquoi.
Non, on n'a pas poursuivi des Alsaciens pour désertion de l'armée allemande.
Non, ce n'est pas la présence de militaires à certains postes qui a suscité des mécontentements, le fait que les agents de l'Etat fussent ou non militaires n'ayant pas d'incidence.
Non, l'expulsion d'un certain nombres de titulaires de cartes D n'a pas fait scandale pour la simple raison que l'épuration, difficile à comprendre aujourd'hui, était voulue par une majorité de la population alsacienne. Vous trouvez peu d'informations sur la toile. C'est peut-être tout simplement qu'il ne s'agit pas d'un fait majeur d'un point de vue historique.
Vous donnez un témoignage, celui du dr Ernst. Je vous en apporte un autre très différent, celui de Paul Appell, lui aussi un contemporain et qui n'a rien d'un fou furieux. Pour dire les choses simplement, un nazi en herbe se plaint d'atteintes graves aux droits de l'homme tandis qu'un humaniste dénonce le laxisme des autorités qui auraient dû selon lui en faire plus. Il y a un paradoxe à expliquer. Duc de Raguse en a donné une explication interne :
L'Alsace-Lorraine avait été soumis à une dictature militaire allemande pendant tout le conflit, afin d'éviter toute velléité de se prononcer pour la France - ce n'est qu'en octobre 1918 que les autorités impériales proposent au Reichsland un statut autonome, lorsque toute chance de victoire était passée et qu'elles savaient que le retour à la France était irrémédiable. J'ajoute une explication externe : le sort qu'ont subies les populations des territoires occupés pendant le guerre. Cela a commencé dès septembre 1914 à Senlis avec l'exécution sommaire d'otages parmi lesquels figurait le maire. Cela n'incitait certainement pas à la mansuétude envers les Allemands présents en Alsace-Lorraine.
Voilà ce que dit F-G Dreyfus :
A cela s'ajoute toute une série de mécontentements. Au moment de la réintégration de l'Alsace à la France, on classa la population selon leur nationalité mais aussi leur attachement réel ou supposé à la France. Cette espèce d'épuration laissa un souvenir amer à une partie de la population, d'autant plus que l'on assista à des classifications ridicules, tel le comte d'Andlau qui aura beaucoup de mal à se faire réintégrer dans la nationalité française et dont l'élection au Sénat ne sera validée qu'après des débats kafkaïens.
Pas un mot sur les expulsions.
C. Baechler n'est guère plus prolixe. Il insiste surtout sur le nombre des délations et le climat délétère que cela révèle et qui n'est pas du fait de l'administration. Sur le travail des commissions de triage il se contente de :
Il s’agit d’interner ou d’expulser les suspects et les indésirables. Au cours du mois de décembre, les commissions n’examinent guère que 66 cas et prononcent 63 condamnations. Ce n’est qu’à partir du mois de janvier qu’elles travaillent à plein rendement. Aussi leur activité ne commence‑t‑elle à susciter un certaine émotion qu’à partir des mois de février et de mars. Le classement des Alsaciens‑Lorrains en quatre catégories, selon leur nationalité, de décembre 1918 à janvier 1919, alimente l’inquiétude et le mécontentement dans une population où les mariages mixtes sont nombreux. À Strasbourg, les cartes B – délivrées aux personnes dont l’un des parents est d’origine étrangère, pour l’essentiel des descendants de couples Allemands‑Alsaciens – représentent près de 12 % des cartes distribuées.Il faut donc relativiser. Beaucoup de cartes B mais, semble-t-il, fort peu de cartes D.
Outre les tracasseries à subir pour se faire délivrer une carte d'identité provisoire, les motifs de mécontentement que Baechler mentionne sont :
- la désorganisation des services administratifs et leur lenteur imputée au fait que les décisions se prennent à Paris ;
- le mauvais fonctionnement des postes, télégraphes et téléphones et des transports ;
- le blocage des comptes bancaires en attente du règlement du change entre le mark et le franc :
les industriels, les commerçants, les agriculteurs, les propriétaires, les rentiers ont des comptes courants dans les banques, où ils ne peuvent retirer leurs fonds dont ils ont besoin et ils se voient réclamer des intérêts de 6 et de 7 % pour les sommes qui leur sont indispensables et qui leur sont versées à titre d’avance.- l’arrivée d’enseignants et de fonctionnaires de « l’intérieur » qui reçoivent des indemnités et les meilleurs postes ;
- des inquiétudes sur le statut des fonctionnaires et sur les questions linguistiques et scolaires.