Jerôme a écrit :
Je remercie chaleureusement les auteurs de ces réponses très étayées.
J'ignorais tout des intrigues internes à l'état-major allemand !
En résumé : un énorme enjeu psychologique et politique des deux côtés avec une variante parlementaire à Paris et une variante monarchique à Berlin?
ça va plus loin que la Chambre des Députés, en France. Après plusieurs mois (les Allemands ont attaqué autour du 20 février) la défense de Verdun est suivie par l'ensemble de la presse. Le premier ordre du jour de Pétain :"Courage! On les aura !" est répercuté par les correspondants de guerre des journaux étrangers, et c'est bientôt le monde entier qui a les yeux fixés sur Verdun.
Les généraux français sont bien conscients qu'ils pourraient parfaitement abandonner Verdun, quitte à le reprendre plus tard, pour se retrancher sur la rive gauche et surtout sortir de ce secteur devenu épouvantable. (le sol argileux de Verdun n'absorbe pas l'eau, et les combats de la rive droite ont lieu dans un quadrilatère de 10 km sur 10, et même bien moins au pire de la bataille, devenu un cimetière à ciel ouvert, au milieu "d'une pouillerie de décharge publique")
Mais Verdun est devenu un tel symbole que le monde entier considérerait cela comme une défaite française majeure. Ce qu'on ne peut pas se permettre, en particulier parce qu'on espère déjà l'intervention des USA - qui ne viendront pas au secours d'un pays moribond - et pour ne pas décevoir les alliés. Sans parler du moral qui baisse dans le pays, parce que la bataille s'éternise sans avancée ou recul spectaculaire, et que les télégrammes de décès pleuvent sur les civils.
Il n'est plus question d'abandonner Verdun, pas même pour quelques jours. Au plus fort de l'avancée allemande, début juillet 1916, alors que les Allemands font un dernier effort (ils savent que Joffre va bientôt déclencher l'offensive de la Somme) et arrivent à proximité des collines surplombant la ville, l'état-major sacrifie plusieurs régiments - on ne peut guère parler "d'organiser des attaques", il s'agit de tuer des Allemands pour affaiblir leur tentative : "le phénomène Verdun justifie à ce moment ce qu'on a appelé la guerre d'usure" écrit Georges Blond.
Le dernier fort au dessus de la ville, le fort de Souville, éventré par les obus et qui sert d'infirmerie, est sauvé de justesse le 11 juillet par l'initiative d'une compagnie qui devait monter en ligne et choisit plutôt de le défendre (un signe supplémentaire que l'armée française s'est en quelque sorte "professionnalisée" et que ses officiers se montrent autonomes dans "le métier de la guerre") et peu après les Allemands arrêtent leur offensive : l'Allemagne vient de perdre la bataille de Verdun.
La reconquête de TOUT le terrain perdu se fera de septembre à décembre, avec une facilité relative mais non sans perte. Dans l'immédiat c'est une explosion de joie dans le pays, et l'évènement fait les manchettes des journaux étrangers. (le gouvernement et l'armée française reçoivent une avalanche de télégrammes officiels de félicitations, venus du monde entier.)