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 Sujet du message : Le plan Schlieffen
Message Publié : 19 Juil 2005 20:53 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 14 Juil 2005 17:38
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Le 3 août 1914, après quelques jours d'une invraisemblable montée en pression, l'Allemagne déclare la guerre à la France.

Elle applique ce faisant le plan Schlieffen, du nom d'un général d'état-major prussien, le comte Alfred von Schlieffen, mort dix-huit mois plus tôt.

Une stratégie brutale

Après la signature de l'alliance franco-russe (1894) et la menace d'une attaque de son pays par l'Ouest comme par l'Est, cet officier devenu chef du grand état-major allemand a ébauché un plan en vue de permettre à l'Allemagne de combattre sur les deux fronts.

Von Schlieffen considérait que la Russie tsariste disposait d'effectifs militaires supérieurs en nombre à ceux de l'Allemagne mais était handicapée par son étendue géographique et l'insuffisance de ses infrastructures de transport, d'où une mobilisation très lente en cas de conflit.

Du coup, le stratège allemand préconisait une attaque immédiate et brutale contre la France pour la mettre hors d'état de nuire en quelques semaines, comme dans la guerre franco-prussienne de 1870. Ensuite seulement, l'Allemagne pouvait se retourner contre la Russie.

Mais les frontières françaises des Ardennes et des Vosges étaient relativement bien protégées par les montagnes et les fortifications...

Pour contourner cet obstacle, le comte von Schlieffen s'inspira de la stratégie d'enveloppement inaugurée par... Hannibal à Cannes en 216 avant JC.

Il préconisa un pivotement des armées autour des Ardennes, avec une offensive principale à travers la Belgique, en vue d'attirer les troupes ennemies dans la plaine du Nord et de les écraser ou de les refouler vers la Suisse.

A l'instant de mourir, le 4 janvier 1913, von Schlieffen eut encore la force de recommander à son successeur à la tête de l'état-major, Ludwig von Moltke : «Renforcez l'aile droite !»

Von Moltke (66 ans) était le neveu du grand Helmut von Moltke, autre chef d'état-major à l'origine des victoires de la Prusse sur l'Autriche et la France, à Sadowa et Sedan. Mais à l'heure décisive, il manqua de l'audace de ses prédécesseurs.

Fatal enchaînement

Début août 1914, craignant que se concrétise le cauchemar d'une attaque conjointe de la Russie et de la France, l'état-major allemand décide de mettre en oeuvre le plan Schlieffen mais en l'édulcorant.

Le 1er août, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie et deux jours plus tard à la France.

Au lieu de jouer le tout pour le tout dans l'attaque de l'aile droite sur la Belgique, von Moltke choisit de maintenir par précaution deux armées en Alsace. Ces deux armées feront cruellement défaut un mois plus tard, lorsque les Français lanceront sur la Marne la contre-offensive de la dernière chance.

Mais ce n'est pas le seul dérapage qui va affecter les Allemands... En ébauchant son plan, von Schlieffen a négligé le fait qu'il impliquait l'invasion d'un petit pays neutre, la Belgique.

Pas plus que lui, les dirigeants allemands ne s'en soucient. Le chancelier Bethmann-Hollweg qualifie de «chiffon de papier» le protocole de 1831 qui garantissait cette neutralité tandis que ses troupes entrent en force en Belgique dès le 4 août.

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bien cordialement.


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Message Publié : 19 Juil 2005 21:21 
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Plutarque
Plutarque
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Inscription : 15 Juil 2005 23:14
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bel exposé ! :D

on pourrait rajouter que c'est à peu près le même chemin qu'emprunterons les armées allemande en 1940, avec encore plus de succès...

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"Labor omnis improbus vincit"


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Message Publié : 19 Juil 2005 22:02 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Mai 2002 23:54
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Bonsoir,

Oui intéressant. Je rajouterai que la victoire de la Veme Armée Française du général Lanrezac à Guise, le 29 août 1914, a beaucoup changé la donne. Afin de dégager les Britanniques du B.E.F. en mauvaise posture, Joffre avait ordonné à Lanrezac de contre-attaquer la IIeme Armée Allemande de Bülow. Pilonnés par les 75mm, enfoncés et mis en déroute par l'infanterie Française, les troupes Allemandes de Bülow repassèrent l'Oise et se replièrent sur plusieurs kms, donnant ainsi la victoire à Lanrezac qui resta maître du champ de bataille avant de se replier peu de temps après. Inquiet du revers éprouvé par la IIeme Armée Allemande à Guise, le général Kluck, commandant la Iere Armée Allemande, décida d'abandonner le chemin initial que devait emprunter son armée pour se rapprocher de la IIeme Armée Allemande. Ce changement d'itinéraire eut deux conséquences stratégiques importantes, de l'une Paris n'était directement plus menacé par la Iere Armée Allemande, de l'autre cette même Iere Armée Allemande ne pouvait plus prendre à revers la 6eme Armée Française de Maunoury. Lanzerac, notre meilleur général, admiré des militaires Allemands, n'est donc pas étranger à l'échec du plan Allemand.

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Bien qu’on ait du cœur à l’ouvrage, l’Art est long et le Temps est court.

Charles Baudelaire


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Message Publié : 19 Juil 2005 22:49 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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C'est peut-être une impression personnelle et erronée. Mais à la lecture du pavé de J.Keegan, il m'a semblé que cet auteur développait la thèse que le plan Schlieffen portait son propre échec en lui-même, d'une part, et que côté français, une contre-offensive couronnée de succès était plus logique, sinon inéluctable, que miraculeuse et "de la dernière chance".

Même avec toutes ses armées, la fameuse aile droite ne pouvait rien obtenir de plus car les voies de communication étaient déjà saturées de troupes. Le moyen de faire avancer tout le monde était, paraît-il, le cauchemar de Schlieffen, au point que celui-ci, peu avant sa mort, aurait réalisé que son plan allait s'enrayer et mener l'armée allemande dans un piège.
A propos de Lanrezac, Keegan écrit du général allemand qui lui court sus : "La vérité est qu'il est mené par le bout du nez". Le repli de Lanrezac attire cette armée allemande, l'écarte de sa route, ouvre la brèche entre elle et sa voisine. De son côté, Joffre constitue sa masse de manoeuvre avec comme seule question : lequel des grands cours d'eau tendus en travers de la marche allemande sera le bon ?
Toujours si j'ai bien suivi, l'armée française battue aux frontières se replie vite, avec un potentiel de combat globalement, sinon intact, du moins pas amoindri de façon décisive. Ayant l'avantage des communications, notamment d'un réseau ferré dense, elle prend de vitesse son poursuivant. La question n'est pas : va-t-elle se reformer et se retourner vers le nord, mais où et quand, face à une armée allemande victorieuse, mais distendue, fatiguée, pas toujours bien menée.
Le moment venu, comme le dit Jünger dans Orages d'acier, le travail décisif n'est accompli que par une poignée de combattants. Mais la situation stratégique a fini par rebasculer, et la Marne vient sanctionner cet état de fait.
J'ai bon ? :oops:


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Message Publié : 20 Juil 2005 0:45 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Mai 2002 23:54
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Bonsoir,

Je ne comprend pas très bien ce que le général Allemand veut évoquer lorsqu'il prétend que Lanrezac est mené par le bout du nez, il avait plutôt tendance à se fâcher avec Joffre en ce qui concerne les ordres. Par exemple, après notre défaite aux frontières, c'est Lanrezac qui décide de la retraite de la Veme Armée car il a ses deux flancs menacés, ce qui va provoquer la colère de Joffre car le repli de la Veme Armée va donc entraîner l'échec du plan du généralissime Français. Pour la contre-attaque de Guise, Joffre s'en prend encore à Lanrezac car ce dernier prend son temps pour préparer son combat. Bref, Lanrezac fera les frais de cette mésentente en se faisant cordialement virer de son commandement, la mésentente du chef de la Veme Armée avec les Britanniques n'y serait pas non plus étrangère. En tout cas, certains généraux Allemands se seraient réjouis du limogeage de Lanrezac, disant "tant mieux, ils perdent leur meilleur général"..

Pour en revenir à la poursuite des troupes Allemandes, il y a un épisode qu'on oublie souvent, celui de troupes Françaises qui vont se redresser plus vite que prévu et cela dès la fin août. J'ai parlé du succès de la Veme Armée Française à Guise, mais la IVeme Armée Française du général Langle de Carry va réussir à retarder l'avance de la IIIeme Armée Allemande de Haussen via des combats d'arrière-garde. Le 27 août, notamment, une contre-attaque de la IVeme Armée Française permit de rejeter les troupes Allemandes dans la Meuse. Ces petits revers infligés aux Allemands va permettre à l'armée Française de freiner la poursuite Allemande, de se replier avec moins de pressions et de bien préparer la contre-offensive stratégique à partir de la Marne. Il y a aussi la IIeme Armée Française du général Castelnau qui remporte la bataille de la Trouée des Charmes, le 25 août, empêchant les Bavarois de prendre Nancy et surtout de prendre à revers une partie de l'armée Française. Dans tous ces combats, les Français utilisent bien le terrain et se font même le luxe de réussir quelques contre-attaques baïonnette au canon, il faut dire que les Allemands avançaient peut-être avec trop de confiance, envoyant leurs colonnes d'infanterie à l'avant sans vraiment d'appui feu. On était loin de notre sombre défaite des frontières où après avoir haché les troupes Françaises chargeant n'importe comment avec l'artillerie lourde et les mitrailleuses, les colonnes Allemandes contre-attaquaient et repoussaient sans peine nos troupes amoindries par les pertes au feu.

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Charles Baudelaire


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 Sujet du message : 1914-1918
Message Publié : 20 Juil 2005 5:30 
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Eginhard
Eginhard

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Je n'y comprends rien en stratégie (pas plus qu'Hitler d'ailleurs, qui, me semble-t-il, travaillait au feeling), mais effectivement, cela ressemble dans le fond à l'attitude de notre ami Adolf. Il agressa les petits pays (Danemark-Norvége), ou fortement dépourvus de capacités militaires (Pologne), s'allia avec le Diable (notre grand Staline) afin d'avoir les mains libres en Occident, puis se retourna contre son "camarade".

Hitler s'est-t-il inspiré de ce plan ? :twisted:

Que ce soit en 1914 ou en 1940, les allemands ont violé la neutralité belge. Est-ce la preuve d'une certaine impuissance ? Quelle différence entre 1870 et 1914 ?


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Message Publié : 20 Juil 2005 8:26 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 08 Mai 2002 9:54
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Cuchlainn a écrit :
C'est peut-être une impression personnelle et erronée. Mais à la lecture du pavé de J.Keegan, il m'a semblé que cet auteur développait la thèse que le plan Schlieffen portait son propre échec en lui-même, d'une part, et que côté français, une contre-offensive couronnée de succès était plus logique, sinon inéluctable, que miraculeuse et "de la dernière chance".


Qu'a-t-il de particulier, ce pavé de Keegan ? Quels sont les titres de cet auteur pour remettre en cause les "stéréotypes" de l'histoire de la 1ère guerre mondiale ?

En quoi le plan Schlieffen portait-il son propre échec en lui-même ? Ceci me paraît une analyse bien aventureuse, du style: "ça c'est passé comme ça, car ça ne pouvait pas se passer autrement..."!

Comment la contre-offensive française devait-être logiquement couronnée de succès ? Quels arguments pour aboutir à une telle conclusion ?

Citer :
Même avec toutes ses armées, la fameuse aile droite ne pouvait rien obtenir de plus car les voies de communication étaient déjà saturées de troupes. Le moyen de faire avancer tout le monde était, paraît-il, le cauchemar de Schlieffen, au point que celui-ci, peu avant sa mort, aurait réalisé que son plan allait s'enrayer et mener l'armée allemande dans un piège.


C'est une plaisanterie, je pense ! Si le plan Schlieffen a échoué, c'est parce qu'il n'a pas été respecté !!! La manche du dernier soldat allemand de l'aile droite devait frôler la mer... Ceci n'a pas été réalisé pour les raisons fort bien expliquées par C.Douville !

Citer :
A propos de Lanrezac, Keegan écrit du général allemand qui lui court sus : "La vérité est qu'il est mené par le bout du nez". Le repli de Lanrezac attire cette armée allemande, l'écarte de sa route, ouvre la brèche entre elle et sa voisine. De son côté, Joffre constitue sa masse de manoeuvre avec comme seule question : lequel des grands cours d'eau tendus en travers de la marche allemande sera le bon ?


Bien entendu, les Français ne se laissent pas manoeuvrer... Mais les initiatives de Lanrezac, si elles ont été validées par la critique stratégique, ne le furent pas par Joffre...

Citer :

Toujours si j'ai bien suivi, l'armée française battue aux frontières se replie vite, avec un potentiel de combat globalement, sinon intact, du moins pas amoindri de façon décisive. Ayant l'avantage des communications, notamment d'un réseau ferré dense, elle prend de vitesse son poursuivant.


Vu le débordement inévitable de sa gauche, Joffre est contraint de se replier pour ne pas se laisser envelopper afin de se donner du temps pour reconstituer une masse de manoeuvre. La densité de notre réseau ferrée, la très bonne coordination armée-rail sera un des atouts du redressement de la Marne, en effet. Dire qu'elle va prendre de vitesse son poursuivant me semble exagérée.

Citer :
La question n'est pas : va-t-elle se reformer et se retourner vers le nord, mais où et quand, face à une armée allemande victorieuse, mais distendue, fatiguée, pas toujours bien menée.


Ceci semble évident. La contre-attaque française était inévitable, parce qu'indispensable ! Les hommes étaient d'ailleurs épuisés et démoralisés, suite aux marches forcées qu'ils subissaient, sans avoir combattu pour la plupart d'entre-eux...

Citer :
Le moment venu, comme le dit Jünger dans Orages d'acier, le travail décisif n'est accompli que par une poignée de combattants. Mais la situation stratégique a fini par rebasculer, et la Marne vient sanctionner cet état de fait.


Pas vraiment. Et le propos de Jünger s'applique plus aux tentatives de percée des années 17 et 18 qu'aux manoeuvres de 1914. La victoire de la Marne tient dans la "manoeuvre" de Joffre, mais aussi des erreurs allemandes qui négligent Paris et sous-estiment les capacités françaises.

Sans compter l'incroyable autonomie des chefs d'armées par rapport au généralissime allemand. Lisez ou relisez "la discorde chez l'ennemi" d'un certain Charles de Gaulle...


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Message Publié : 20 Juil 2005 9:59 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Citer :
Qu'a-t-il de particulier, ce pavé de Keegan ? Quels sont les titres de cet auteur pour remettre en cause les "stéréotypes" de l'histoire de la 1ère guerre mondiale ?


Bah il me semble que son bouquin a été bien accueilli par la critique. Il n'est d'ailleurs pas forcément révolutionnaire, et j'ai probablement forcé le trait. J'ai retenu de son chapitre sur la Marne, le fait que ce n'est pas tant un miracle que ça. Après...

Citer :
En quoi le plan Schlieffen portait-il son propre échec en lui-même ? Ceci me paraît une analyse bien aventureuse, du style: "ça c'est passé comme ça, car ça ne pouvait pas se passer autrement..."!


Non : il évoque le casse-tête de Schlieffen lui-même lorsqu'il a posé concrètement le problème de déplacer correctement sa fameuse aile droite, et c'est lui-même qui a fini par avoir des mots selon lesquels il y avait, parlant par respect, un os dans le bouillon.

Citer :
Comment la contre-offensive française devait-être logiquement couronnée de succès ? Quels arguments pour aboutir à une telle conclusion ?


Là aussi, c'est moi qui exagère à dessein : une bataille est rarement gagnée d'avance, et diverses choses ont bien failli tourner dans le mauvais sens à l'instant décisif. Mais j'ai compris de sa lecture, qu'au moment de la Marne, la France s'est remise dans le bon sens. Vous en parlez vous-même : beaucoup de troupes retraitent sans avoir combattu. Le jour où on leur dit enfin de faire face, comme les hommes de Genevoix dans "Ceux de 14", leur moral se regonfle, et ce sont par définition des unités matériellement intactes. Joffre avait donc de sérieux atouts dans son jeu.

Citer :
C'est une plaisanterie, je pense ! Si le plan Schlieffen a échoué, c'est parce qu'il n'a pas été respecté !!! La manche du dernier soldat allemand de l'aile droite devait frôler la mer... Ceci n'a pas été réalisé pour les raisons fort bien expliquées par C.Douville !


Ce soir, avec le livre en main j'essaierai de résumer les doutes émis par Schlieffen en personne...


Citer :
Vu le débordement inévitable de sa gauche, Joffre est contraint de se replier pour ne pas se laisser envelopper afin de se donner du temps pour reconstituer une masse de manoeuvre. La densité de notre réseau ferrée, la très bonne coordination armée-rail sera un des atouts du redressement de la Marne, en effet. Dire qu'elle va prendre de vitesse son poursuivant me semble exagérée.


La phrase que je mets en gras montre que d'une certaine façon, il prend de vitesse l'avance allemande : disons qu'il réussit à se donner le délai nécessaire, que les Allemands n'avaient certes pas l'intention de lui laisser. Donc d'une certaine façon, il les prend de vitesse.

Citer :
Pas vraiment. Et le propos de Jünger s'applique plus aux tentatives de percée des années 17 et 18 qu'aux manoeuvres de 1914. La victoire de la Marne tient dans la "manoeuvre" de Joffre, mais aussi des erreurs allemandes qui négligent Paris et sous-estiment les capacités françaises.


ça fait partie d'un tout. Je faisais surtout cette remarque au sens où la bataille de la Marne a été une affaire assez chaude, et que l'aléatoire des combats fait que la victoire n'est pas automatique sous prétexte que le contexte est favorable.

Citer :
Sans compter l'incroyable autonomie des chefs d'armées par rapport au généralissime allemand. Lisez ou relisez "la discorde chez l'ennemi" d'un certain Charles de Gaulle...


Je ne posterai plus jamais après 23h, je fatigue et je schématise de trop. :oops: Par contre, je suis en train de lire les Mémoires de Foch (dans une édition de 1943, pour la petite histoire); et j'aimerais savoir ce que vous (ou un autre posteur) en pensez comme document historique (puisque cet ouvrage est sous-titré "Pour servir à l'étude de la guerre de 14-18"...)


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Message Publié : 20 Juil 2005 10:25 
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Polybe
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Inscription : 30 Juin 2004 13:50
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Roy-Henry a écrit :
Qu'a-t-il de particulier, ce pavé de Keegan ? Quels sont les titres de cet auteur pour remettre en cause les "stéréotypes" de l'histoire de la 1ère guerre mondiale ?


Je n'ai pas lu le bouquin en question et n'ai donc aucun avis sur ce qui est discuté ici mais John Keegan, professeur à l'académie militaire de Sandhurst pendant 25 ans est véritablement considéré comme l'un des plus éminents historiens militaires anglo - saxons contemporains. Controversé par certains pour son rejet de la lecture "clausewitzienne" de l'histoire et son absence d'expérience militaire personnelle. En résumé (et si je saisis bien les nuances :D ), il voit et explique la guerre comme un phénomène plus culturel que politique.

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" Un aide de camp peut perdre en route ses culottes, mais il ne doit perdre ni ses lettres ni son sabre. " Napoléon

Sic Transit Gloria Mundi


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Message Publié : 20 Juil 2005 17:17 
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Jean Froissart
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Inscription : 16 Avr 2005 0:09
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Ce que Schliffen n'avait pas pris en compte dans son plan et que Von Klück constate amèrement (tout en rendant hommage à l'ennemi) dans ses propos faisant suite à la Marne :

" Que des hommes couchés par terre et à demi morts de fatigue puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon, c’est là une chose avec laquelle nous n’avions jamais appris à compter, une possibilité dont il n’a jamais été question dans nos écoles de guerres. ".

Cordialement.
Vlad

"C'est à Craonne, sur le plateau..."


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Message Publié : 20 Juil 2005 17:37 
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Jean Froissart
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Inscription : 16 Avr 2005 0:09
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Localisation : Outre nulle-part
Notons également que le plan Schlieffen n'avait pas prévu une intervention aussi rapide du côté russe en Prusse-orientale (bien que les Russes n'avaient pas terminé leur concentration). Le Haut Etat-Major allemand dut donc ponctionner le front de l'ouest de quelques divisions pour faire face à cette situation inattendue, dès la deuxième quinzaine d'août. Ces forces prélevées changèrent sensiblement la donne à la veille de la bataille de la Marne. Et puis leur G.Q.G. était bien trop éloigné du théâtre des opérations pour une bonne coordination des mouvements. Ajoutons à cela une mauvaise entente entre certains chefs d'armée désirant s'accaparer en premier des lauriers de la victoire.
Cordialement.
Vlad

"C'est à Craonne, sur le plateau..."


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Message Publié : 20 Juil 2005 18:55 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Vlad, votre premier message touche là à une des choses que Keegan note sur Schlieffen : à force de remanier et remanier son plan sur carte, il avait fait de la guerre une pure abstraction mathématique.

J'ai donc le livre de Keegan sous les yeux et notamment le chapitre "Plans de guerre". Il y signale que Schlieffen a été quasi obsédé par les problèmes du déplacement de son aile droite, et noté qu'il atteignait la saturation du réseau routier connu. Et surtout, note des conclusions "désespérées" dans le Grand Mémorandum de 1905 : "si les Français abandonnent l'Oise et l'Aisne, et se replient derrière la Marne, la Seine, etc... la guerre n'en finira jamais."
Schlieffen désigne la France comme "la grande forteresse" pour la prise de laquelle il exige encore huit nouveaux corps à lever, mais son plan pour l'attaque de Paris omet de prévoir leurs déplacements. Schlieffen prévoit que les troupes à pied avanceront de 20 km par jour; elles le feront, tandis que tel régiment anglais dépassera les 30, par exemple.
Schlieffen en arrive donc à cette impasse : pour assurer la victoire, il a besoin de faire suivre son attaque de 8 corps pour enlever Paris, alors qu'il n'a plus la place de les mouvoir.
Keegan conclut : "C'est sans surprise que l'on trouve, à la lecture attentive du mémorandum, cet aveu de Schlieffen : 'Nous sommes trop faibles" (pour parachever le plan)." Et enfin : "Les fondements mêmes de ce plan, conçus pour remporter une victoire éclair, s'avèrent défectueux."

En ce sens, les modifications de Moltke n'auraient rien changé au problème de fond, qui était l'impossibilité physique pour les Allemands d'amener à pied d'oeuvre assez de troupes pour obtenir la supériorité qui assurait le succès.

Voilà pour Keegan. Je n'ai certes pas autorité pour dire s'il a ou non raison dans ses conclusions qui tranchent avec ce que Roy-Henry lui-même appelle des stéréotypes. Mais sa démarche de repartir à la base, aux documents d'époque (comme il le fait dans son démontage de l'engrenage fatal de l'été 14) semble légitime, non ? Après, on peut discuter des conclusions :wink:


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Message Publié : 20 Juil 2005 20:01 
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Jean Froissart
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Inscription : 16 Avr 2005 0:09
Message(s) : 1311
Localisation : Outre nulle-part
Le Maréchal Foch eut un jour cette phrase :

"Les évènements dominent les raisonnements".

On a beau se casser la tête pour mettre sur pied le plan le plus élaboré possible, on est toujours à la merci d'imprévus faisant en sorte que l'édifice s'écroule. La guerre comme l'Histoire n'est pas une science exacte et on ne peut guère la réduire comme vous dites à de pures abstractions mathématiques. Je pense que pour partir en campagne, il faille bien des lignes directrices, faisant partie d'une stratégie ; cette dernière devant faire l'objet de correctifs en fonction des aléas rencontrés. Aucun plan ne doit être figé dans le temps et doit régulièrement être repensé, mais ce ne restera qu'un plan, un genre d'équation à "x" inconnues. La part de l'imprévu demeurant importante. Moltke "le jeune" a apporté des correctifs qu'il jugeait essentiels ; je pense qu'à sa place Luddendorf aurait fait de même. Aurait-il fait des choix semblables...?
Cordialement.
Vlad
"C'est à Craonne, sur le plateau..."


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Message Publié : 20 Juil 2005 21:53 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 08 Mai 2002 9:54
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On peut se moquer des plans, des kriegspiels... En France, c'était même devenu une spécialité...

Turlututu, chapeau pointu !

Mais le plan Manstein -lui- a fonctionné... Ô combien ! :cry:

Une des premières armées au monde ! Par terre, en moins de cinq semaines...

Le plan Schlieffen était excellent ! Il a échoué, parce qu'il n'a pas été respecté. Même si Schlieffen était lui-même un pessimiste notoire !

Peut-être les sources de Keegan sont meilleures que celles de De Gaulle.
ça ne change rien au fait que Schlieffen aurait réussi là où Moltke le jeune a échoué !

A-t-il un commentaire sur le déplacement des culs de plomb du maréchal French qui a empêché la Marne de devenir une victoire totale ? :wink:


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Message Publié : 20 Juil 2005 22:03 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
Message(s) : 5364
Citer :
On peut se moquer des plans, des kriegspiels... En France, c'était même devenu une spécialité...

Turlututu, chapeau pointu !


:roll:

Citer :
Mais le plan Manstein -lui- a fonctionné... Ô combien !

Une des premières armées au monde ! Par terre, en moins de cinq semaines...


Peut-être qu'elle était un peu moins première qu'elle pensait. Mais bon, ce n'est pas le sujet.

Citer :
Le plan Schlieffen était excellent ! Il a échoué, parce qu'il n'a pas été respecté. Même si Schlieffen était lui-même un pessimiste notoire !

Peut-être les sources de Keegan sont meilleures que celles de De Gaulle.
ça ne change rien au fait que Schlieffen aurait réussi là où Moltke le jeune a échoué !


Ben si, ça change quelque chose. "Schlieffen aurait réussi", c'est du what if, après tout...
L'intérêt du livre de Keegan, c'est qu'il expose le raisonnement qu'il fait à partir des sources d'époque.
Schlieffen conclut qu'en fait son aile droite ne pourra pas être assez forte pour assurer la victoire. Keegan en conclut que même si Moltke l'avait laissée telle quelle, elle n'aurait effectivement pas suffi. Il me semble que ça peut amener un autre débat que "Schlieffen aurait réussi c'est certain, c'était juste un pessimiste". Même pessimiste, il connaissait la force réelle de l'armée qu'il réunissait sur papier, à défaut de bien mesurer celle de ses ennemis...

Citer :
A-t-il un commentaire sur le déplacement des culs de plomb du maréchal French qui a empêché la Marne de devenir une victoire totale ?

Je ne le connais pas par coeur ce bouquin, et n'ai pas le temps de le redécortiquer à l'instant... mais si c'est le fond de votre question, le ton général n'est ni anglophile ni francophobe, c'en est même très loin.


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