Mon cher Paul, c'est un vrai plaisir de vous lire à nouveau ! Cela faisait longtemps que nous n'avions pas eu l'occasion d'échanger. Je vais tâcher de vous répondre au mieux mais je n'avais pas d'idée fixe derrière la tête en postant cet article - il s'agissait surtout de le partager avec d'autres passionnés d'histoire et de politique du forum.
PaulRyckier a écrit :
"L'utopie, c'est la disparition du conflit et du hasard: c'est un monde intégralement fluide, ce qui suppose une mainmise sur les choses, les êtres, la nature et l'histoire. Or, le noyau dur du nazisme, c'est moins le racisme que cette dimension utopique."
Pour moi, toutes les totalitarismes ont construit un "système" des éléments déja présent dans la societé, mais qu'ils ont essayé de rassembler dans une unité plus au moins cohérente. Par exemple le Communisme sous la direction de l'Union Soviètique, où le Nazisme en Allemagne. Et je comprends qu'on voulait modeller leur sociétés spécifiques selon ce modèle préfiguré et quand on appelle ça une utopie je peux suivre l'auteur de l'article...
Je crois qu'une des grandes différences dans l'analyse des fascismes européens (et extra-européens), c'est le caractère novateur de l'utopie politique pensée : pour certains fascismes-partis, c'est-à-dire des régimes politiques dans lesquels le fascisme a été un courant idéologique mais n'a pas pu s'emparer du pouvoir, l'idéologie est restée assez conservatrice, passéiste, conforme à une vision traditionnelle de la nation et du peuple national à ses heures de gloire passées, alors que pour d'autres fascismes-Etats, c'est-à-dire des régimes politiques dans lesquels le fascisme a percé au point de prendre le pouvoir et de devenir l'Etat (comme le nazisme), l'idéal politique, l'utopie que cherche à définir l'auteur de l'article publié dans les colonnes du
Figaro, c'est un avenir encore inconnu, un futur à construire, un but à atteindre.
Je trouvais très intéressant cette référence à l'utopie parce qu'elle pose la question de savoir si un régime d'extrême-droite animée par un idéal passéiste et ultra-conservateur, comme le régime de Vichy en France, par exemple, peut être qualifié de fasciste.
Que dire, encore, de l'Italie mussolinienne, animée par une vocation eugéniste (pureté de la race italienne, antisémitisme à partir du milieu des années 1930, racisme à l'encontre des peuples colonisés, etc) et par le désir de créer une Rome nouvelle, tout en étant construit autour d'un mythe passéiste, celui de la Rome impériale, celle qui s'est effondrée et que le fascisme italien entreprend de reconstruire ?
PaulRyckier a écrit :
Moi personnelement au lieu d'un accent sur l'utopie, vois plus des paralleles avec une réligion. Comme l'histoire montre, les réligions veulent convaincre les hommes qui ne sont pas de cette conviction spécifique de se convertir et parfois si la réligion spécifique a le pouvoir, avec des methodes totalitaires.
Je suis bien d'accord avec vous pour parler de l'édification des fascismes, et d'abord du nazisme, en religion : renaissance du mythe politique, réinvestissement du concept de demi-dieu avec l'homme parfait, le surhomme nazi, encadrement des foules derrière un dogme commun, figure suprême du chef indiscuté.
Je trouve d'ailleurs intéressante la question de définir la "Bible", si vous me permettez l'expression, du nazisme, son livre saint.
J'aurais tendance à dire que
Mein Kampf avait ce rôle mais
Le Mythe du XXème siècle d'Alfred Rosenberg pourrait aussi tenir ce rôle.
Qu'en pensez-vous ?