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 Sujet du message : Re: Qui a financé les Nazis ?
Message Publié : 13 Mars 2011 5:58 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

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Vous tournez sympathiquement autour du pot... mais vous tournez quand même !

Je ne puis à cette heure citer les mémoires de Winston car ils sont dans la pièce où dort mon fils, mais je peux choper sur mon disque dur quelques lignes d'un livre à paraître, qui cernent l'attitude de Churchill sur le moment, à l'égard de l'accord naval anglo-allemand du 18 juin 1935, qui est bien le geste le plus lourd de conséquences d'un gouvernement appeaser, loin devant les simagrées des crises rhénane et tchèque :

Citer :
Les espoirs qu’il avait nourris d’un retour au gouvernement expliquent sans doute qu’il ait été bien discret sur l’accord naval anglo-allemand du 18 juin 1935. Or, si on tient à relever des incohérences dans son antinazisme et des ratés dans son ardeur à mobiliser les consciences anglaises et européennes contre Hitler, voilà sans conteste la meilleure matière. On ne sait évidemment pas ce jour-là qu’on est à cinq ans de l’entrée tonitruante du général de Gaulle dans l’histoire. On sait beaucoup mieux, surtout à Londres, que cette date marque le cent-vingtième anniversaire de la bataille de Waterloo. Et il est douteux que la coïncidence échappe à Hitler et à Ribbentrop, dont elle parachève l’exploit : ce rapprochement nuit tout autant à la France que la jonction des armées de Wellington et de Blücher. D’une part, si vraiment l’Allemagne construit une flotte égale à 35% de celle des Britanniques, la sécurité navale française n’est plus assurée en cas de guerre avec le Reich et l’Italie. Mais surtout, un tel accord bilatéral, qui contrevient au traité de Versailles sans qu’on ait consulté ses autres signataires, vaut absolution pour les récentes violations allemandes du traité, pourtant dénoncées vigoureusement par Londres, de concert avec Paris et Rome, au long des mois précédents. Il est vrai que, le 20 mai, le prestidigitateur allemand avait, en prononçant le discours le plus pacifiste de sa carrière, prodigué la poudre de perlimpinpin.
Les dossiers du Foreign Office ne sont pas seulement précieux par la conservation scrupuleuse (même si le classement et les inventaires laissent à désirer) des échanges écrits entre Londres et ses ambassades. Ils comportent aussi fréquemment, sur la chemise même dans laquelle des télégrammes concernant un sujet sont conservés, un petit débat reflétant les vues des d’un certain nombre de fonctionnaires du ministère. Ainsi, pendant la discussion de l’accord naval, on s’est posé la bonne question : « la signature de Hitler vaut-elle quelque chose ? », et on l’a posée à l’ambassadeur Eric Phipps, qui a envoyé un riche inventaire des « paroles d’honneur » violées par le Führer . Le putsch de 1923 et la nuit des Longs couteaux sont les exemples les plus développés et Ralph Wigram (un spécialiste de l’Allemagne dont la mort prématurée, au début de 1936, va porter un coup sévère au moral de Churchill comme à sa capacité d’information), non seulement conclut de ces exemples que la parole hitlérienne ne vaut rien, mais esquisse une analyse qui aurait singulièrement réduit la marge de manœuvre du Reich entre 1935 et 1939, si elle avait guidé la diplomatie britannique. Hitler s’est montré, écrit Wigram le 13 juin 1935, particulièrement habile à mettre les autres dans leur tort pour se délier de ses propres serments. Il souhaite que, en sus des parjures recensés par Phipps, on soit attentif à cette tactique :

Citer :
On pourrait compléter ces observations par une référence aux méthodes adoptées par Hitler pour démontrer que les promesses faites dans le passé par l’Allemagne ont été rendues caduques par le comportement prétendu de ceux auxquels elles avaient été faites.


Mais Orme Sargent, un autre fonctionnaire qui, lui, va rester en poste et monter en grade tout au long de la période, devenant même sous-secrétaire d’Etat à la fin de la guerre, ne veut rien savoir des manquements de Hitler à sa parole, au nom d’une distinction spécieuse et, s’agissant du nazisme, particulièrement erronée, entre politique intérieure et politique extérieure :

Citer :
A l’intérieur de l’Allemagne, Hitler a sans nul doute violé bien des serments dans sa dure lutte pour le pouvoir. Mais dans le domaine international, je ne crois pas me tromper quand je dis que jusqu’ici en tout cas il n’a violé aucune des promesses qu’il a faites librement (freely given).


C’est négliger en particulier le fait que Hitler, au lendemain de son arrivée au pouvoir, avait promis librement de respecter le traité de Versailles, ce qui n’a pas empêché, deux ans plus tard, les violations flagrantes que l’on sait sur la Luftwaffe et le service militaire. Mais le pauvre homme –a l’air de dire Sargent- était-il vraiment libre ? Il était bien obligé, s’il voulait garder son poste plus de quelques jours, de faire une génuflexion devant le traité de Versailles ! Passons donc l’éponge et signons, précisément, de nouveaux accords, avec des promesses freely given. Toute la ligne de l’appeasement est là. Non seulement on s’engage dans la voie des concessions mais on considère que la Grande-Bretagne a le droit et le devoir, en la matière, de faire cavalier seul, au nom de sa grande sagesse et de sa proverbiale modération. C’est visiblement le point de vue de Sargent qui prévaut lorsque le gouvernement, cinq jours plus tard, paraphe l’accord naval.
Non moins visiblement, ce n’est pas en raison d’une confiance quelconque en la parole hitlérienne que Churchill tarde un peu à réagir à cette signature. Serait-il séduit par le fait que la France, désormais, sera plus tributaire de l’alliance anglaise ? Il est permis d’en douter car à cette date, la Rhénanie restant démilitarisée, la France pourrait à elle seule régler le compte de l’Allemagne avec un simple soutien moral de l’Angleterre et de l’Italie, et ce ne serait pas pour déplaire à Churchill, soucieux encore à ce moment, comme tout bon Anglais, de limiter les engagements continentaux de son pays. Si donc il ne réagit pas avant le 11 juillet, c’est certainement pour de pures raisons de politique intérieure : on est en campagne électorale, avec un premier ministre, Baldwin, à la fois débutant et vieillissant, dont il a naguère été ministre pendant cinq années dans un climat d’amicale coopération ; on est aussi à la veille du vote de l’India Bill, propre à lever le désaccord qui a amené leur rupture (l’invitation à participer au sous-comité sur la défense aérienne, signifiée début juillet, pouvant apparaître comme le signe avant-coureur d’une réconciliation, à charge pour lui de rendre les bons procédés). Cette perspective d’une entrée prochaine au gouvernement va-t-elle être gâchée par une dénonciation claironnante du plus grand succès hitlérien et du plus compromettant pour l’Angleterre, alors qu’il a été préparé par le gouvernement précédent ? Sans doute vaut-il mieux tourner la page.
L’hypothèse est confortée par les circonstances dans lesquelles Winston se décide, avec un retard de plus de trois semaines, à critiquer cet accord. Il réagit à une provocation de Hoare, nouveau ministre des Affaires étrangères, qui tire argument de ce traité « aussi profitable à la paix qu’au contribuable » pour dénoncer les alarm-mongers and scaremongers . La réplique winstonienne s’en prend moins au traité qu’à une telle manière d’en tirer des leçons. Il dit qu’on a « absous, et même approuvé, le fait que Hitler brise les traités en matière navale ». Après cette critique bien partielle vient une litote de même farine, suivant laquelle « il n’y a pas du tout dans cet accord matière à se réjouir », et un avertissement : ce n’est pas comme cela qu’on désarmera l’Allemagne, mais en regroupant les forces qui la craignent.
Il traite donc l’affaire comme un raté dont les conséquences, vu le délai nécessaire à la construction des navires, ne sont guère d’actualité, et ne paraît pas comprendre (ce qui, de sa part, est étonnant) quelle calamité vient de frapper, précisément, les chances d’un regroupement européen antinazi. Car ce n’est pas seulement le front de Stresa qui a été mis à mal, mais la politique de fermeté de Barthou , prolongée par Laval et sanctionnée non seulement par un rapprochement avec Rome, mais par le pacte franco-soviétique du 2 mai 1935. Il s’ensuit une dispersion qui favorise le cavalier seul de Mussolini en Ethiopie et la concentration de Laval sur une politique intérieure de lutte à outrance contre la gauche… qui va finalement l’amener, en février 1936, à se prononcer contre la ratification de son propre pacte avec Staline !


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 Sujet du message : Re: Qui a financé les Nazis ?
Message Publié : 23 Mars 2011 18:45 
Oui ce n'est pas l'envie qui lui manque de dire ses quatre vérités au gouvernement, mais Churchill ne veut pas se mettre à dos la classe politique.
C'est vrai que le traité naval de 1935 peut paraitre choquant, que l'invasion de l'Ethiopie peut lui être mis sur le dos... qu'en gros c'est l'ouverture de la boîte de Pandore...mais franchement si on veut remonter aux racines de l'apeasment, on pourrait remonter au traité de Versailles que les Américains ont refusé de ratifier... les USA, vous imaginez, c'est incroyable, la première puissance mondiale qui refuse de ratifier le traité de paix... c'est un sacré coup dans le dos de ladite paix... la France avait beau jeu après d'essayer de récupérer les réparations promises... il est évident que c'est une paix mort-née quelque part. Les premiers appeasers ce sont les Américains :mrgreen:. D'ailleurs ils ne rejoignent pas non plus la SDN ! Incroyable traîtrise à la paix et à la démocratie. Erreur qu'ils retiendront en 1945 en rejoignant l'ONU cette fois...


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 Sujet du message : Re: Qui a financé les Nazis ?
Message Publié : 23 Mars 2011 22:15 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 09 Jan 2005 18:30
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rectificatif : Wigram est mort (vraisemblablement suicidé) non au début mais à la fin de 1936 et même la fin extrême, le 31 décembre.


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