Daniel Laurent a écrit :
Le General de Brigade a titre temporaire de Gaulle etait completement inconnu du grand public en 1940.
En 1940, Général de Gaulle, ou Colonel de Gaulle ? Il n'est nommé général à titre temporaire que quelques jours avant de passer en Angleterre : le 9 juin exactement.
Le lendemain, le 10, il croise Pétain à Briare.
Citer :
"Vous êtes général ! me dit-il. Je ne vous félicite pas ? A quoi bon les grades dans la défaite ?"
"Mais, vous-même, Monsieur le Maréchal, c'est pendant la retraite de 1914 que vous avez reçu vos premières étoiles. Quelques jours après, c'était la Marne."
Pétain grogna : "Aucun rapport !". Sur ce point, il avait raison.
Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, 1954
Parfait inconnu du grand public,
le Colonel de Gaulle est un habitué des cabinets, a rang de ministre depuis plusieurs semaines, participe à ce titre aux conférences franco-anglaises, est envoyé s'entretenir à deux reprises au 10 Downing Street au nom du gouvernement... Lui et Churchill se connaissent donc et
le Général de Gaulle arrive à Londres le 16 en terrain de connaissance.
Sa promotion à titre temporaire lui donne alors une légitimité que son grade de colonel ne lui aurait jamais autorisé auprès des Anglais. Sinon, la face de l'histoire en aurait sans doute été changée. A neuf jours près !
Je ne résiste pas à citer ce témoignage de première main et qui ne manque pas de lyrisme. La scène se passe le 14 juin, mais, relativisons, elle est relatée en 1954.
Citer :
Au Maréchal Pétain qui dînait dans la même salle, j'allai en silence adresser mon salut. Il me serra la main, sans un mot. Je ne devais plus le revoir, jamais.
Quel courant l'entraînait et vers quelle fatale destinée ! Toute la carrière de cet homme d'exception avait été un long effort de refoulement. Trop fier pour l'intrigue, trop fort pour la médiocrité, trop ambitieux pour être arriviste, il nourrissait en sa solitude une passion de dominer longuement durcie par la conscience de sa propre valeur, les traverses rencontrées, le mépris qu'il avait des autres. La gloire militaire lui avait, jadis, prodigué ses caresses amères. Mais elle ne l'avait pas comblé, faute de l'avoir aimé seul. Et voici que, dans l'extrême hiver de sa vie, les événements offraient à ses dons et à son orgueil l'occasion, tant attendue! de s'épanouir sans limites; à une condition, toutefois, c'est qu'il acceptât le désastre comme pavois de son élévation et le décora de sa gloire.
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L'âge le livrait aux manoeuvres des gens habiles à se couvrir de sa majestueuse lassitude. La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s'identifier avec le naufrage de la France.
Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, 1954