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L'ennui, c'est que ces thèses, justement, ont un tel lien avec l'actualité qu'il sera difficile d'en débattre sur un plan historique. Déboulonner le New Deal, c'est aussi, voire même surtout, chercher à influencer les choix politiques de notre époque...
Tout à fait. La thèse de Florin Aftalion, prof de finance à l'ESSEC, par exemple, en est une lecture ultralibérale (je suppose que votre source est
cette interview, notamment 26ème minute et suivantes, ou encore les nombreuses interventions d’Aftalion sur des sites ultralibéraux. Il ne fait d’ailleurs pas dans la nuance pour qualifier l’action de Roosevelt :
"Théories bizarres", "réglementation curieuse", et même "extravagances", "ennemi de la liberté", toutes appréciations à mon sens plus militantes qu’historiques.
Il est d’une particulière mauvaise foi en accusant Roosevelt d’avoir prolongé la crise, alors que c’est la Cour suprême à majorité républicaine (en raison des deux mandats précédents le sien) qui a systématiquement retoqué les dispositions du New Deal jusqu’en 1937, lorsque Roosevelt, fort de la nouvelle légitimité tirée de sa réélection, tenta de renverser la majorité de cette cour en en augmentant le nombre des membres (Judiciary reorganization Bill), ce que F. Aftalion qualifie de mesure anticonstitutionnelle, quasiment de coup d’Etat, alors que très normalement, elle fut présentée au Sénat (et finalement rejetée d'ailleurs) , et qu’entre temps, peut-être émue par cette perspective, la Cour Suprême finit par valider le New Deal ; mais ce ne fut qu’en 1937, et ce sont ces retards et combats d’arrière-garde qui sont peut-être en partie à l’origine du demi-succès du New Deal avant 1939-41, et assurément responsables de ce
"climat d'incertitude tel que les entreprises arrêtèrent d'investir" qu’il mentionne.
Cette démarche visant à faire du New Deal un mythe est d’ailleurs directement inspirée par les ultralibéraux républicains dans la dernière campagne électorale américaine qui agitèrent l’épouvantail de la « Welfare queen », cette maman noire manucurée entretenue par les contribuables, et qui proposaient aussi de remplacer Roosevelt par Reagan sur les pièces de 10 cents (Voir sur ce point l’article de Marianne n° 612 (10 au 16/01) Les 100 premiers jours de la présidence Roosevelt, qui lui aussi en quelque sorte cède à la tentation du parallèle, c’est pourquoi j’éviterai de le commenter pour ne pas être hors charte, sauf à dire qu’il équilibre cette thèse ultralibérale)