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Message Publié : 13 Oct 2010 22:19 
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En plus de la certitude de cette droite traditionnelle de pouvoir manipuler AH, il y avait aussi la notion, répandue pas seulement chez nombre de ses leaders mais aussi chez pas mal de politiciens européens, que Hitler allait se calmer, se normaliser en sortant de l'opposition et en accédant au pouvoir, qu'il allait devenir un politicien comme les autres une fois admis dans le sérail politique.

Effectivement et lui confier un poste dans le gouvernement aurait eu comme conséquence politique l'érosion du NSDAP aux élections suivantes. Cette stratégie est aussi à ne pas oublier, à condition que le rythme des élections continuent normalement... :mrgreen:
Hitler n'a pas attendu d'en arriver là et confisque immédiatement le pouvoir.

Citer :
C'était aussi une illusion entretenue par l'élite anglaise qui favorisait une politique d'appeasement.

Cette politique diplomatique n'est que la traduction de ce qui c'était déjà passé en interne, en Allemagne.
Il n'y a que Churchill qui ait eu la lucidité de la contrer. Les talents du maître-chanteur Hitler ne fonctionnaient plus.

Citer :
de l'importance qu'à pu jouer, au final et pour parachever cette comédie des erreurs qui a mené à la nomination d'AH, l'affaire du supposé chantage exercé par les nazis sur Hindenburg suite à des malversations de son fils Oskar

Finalement, cette affaire qui peut ressembler à un fait divers au sein de l'élite a tout son poids, puisque c'est ce qui permet de faire changer d'avis le vieil Hindenburg.

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Un peuple sans âme n'est qu'une vaste foule
Alphonse de Lamartine


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Message Publié : 14 Oct 2010 0:26 
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Georges Duby
Georges Duby
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Finalement, si on regarde de haut l'évolution qui a conduit l'Allemagne à devenir hitlérienne, on voit un ensemble de causes économiques, sociales, politiques, des circonstances et un rejet de la république de Weimar qui va aller croissant sur la fin.
Ce qui a été mortel dans Weimar, c'est que le système électoral n'a pas permis de mettre en place, comme dans la future RFA de 1949, une alternance politique entre deux grands partis ou groupes de partis avec des leaders chefs de majorité.
Il existe des moyens juridiques pour éviter que la représentation proportionnelle ne créée de l'instabilité politique, en évitant que s'établissent des petits partis extrêmistes. Weimar aurait du barrer le nazisme et l'interdire dès le début, comme il a été fait en France avant-guerre. La 3é république avait un scrutin majoritaire.

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Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses. Virgile.


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Message Publié : 14 Oct 2010 1:08 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 05 Jan 2008 16:29
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Le passionnant ouvrage de George Mosse, "Les racines intellectuelles du Troisième Reich - La crise de l'idéologie allemande" (Seuil) décrit le phénomène allemand, en montrant que les idées nazies prennent largement leur source dans l'idéologie völkich qui prend ses sources dans le romantisme allemand du 19è siècle, puis dans le néo-romantisme. Il montre comment ces idées ont peu à peu contaminé la droite conservatrice allemande, et surtout, la jeunesse : là où partout en Europe après 1848 la jeunesse tendait "à gauche" et au libéralisme, la jeunesse allemande a constamment tendu "à droite" et aux idées völkisch germaniques.
Il y avait ainsi plutôt une droite conservatrice forte, une jeunesse largement orientée à droite, tout cela ayant été infiltré par des idées qui ont permis le développement des idées de contre-modernité élitiste, d'antisémitisme forcené, d'irrationnel, de refus de la raison, etc, toutes idées qui une fois que les nazis les ont extraites de leur milieu bourgeois élitiste pour en faire un mouvement de masse ont conquis le pouvoir.

Ainsi, ce ne serait pas la faiblesse de la droite allemande qui expliquerait la victoire du nazisme, mais une crise idéologique dont la solution a été apportée par le néo-romantisme völkisch qui a conduit au nazisme par le biais d'une droite par ailleurs puissante.

Toujours selon le même auteur, la situation a été différente en France et en Angleterre parce que jamais une idéologie neo-romantique d'exaltation du "peuple (Volk)" n'a pris de la même manière dans ces pays, et également parce que la jeunesse et la bourgeoisie y ont toujours en majorité soutenu des idées libérales ou de gauche, ainsi que le positivisme et le cartésianisme.

De ce fait, la thèse de Sternhell semble bien curieuse.

_________________
Les facultés de conceptualisation de l'empereur Constantin paraissent avoir été très limitées ; malgré de longues séances, les évêques ne semblent pas avoir réussi à lui faire bien comprendre la différence qui séparait l'orthodoxie de l'arianisme. (Y. Le Bohec)

Bref, un homme "au front étroit mais à la forte mâchoire" (J.P. Callu)


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Message Publié : 14 Oct 2010 11:39 
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Inscription : 08 Juil 2010 19:35
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Merci pour toutes ces réponses éclairantes.
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Il existe des moyens juridiques pour éviter que la représentation proportionnelle ne créée de l'instabilité politique, en évitant que s'établissent des petits partis extrêmistes. Weimar aurait du barrer le nazisme et l'interdire dès le début, comme il a été fait en France avant-guerre. La 3é république avait un scrutin majoritaire.


C'est vraiment un facteur important, peut être sous-estimé. Ca laisse rêveur: est-ce qu'un mode de scrutin qui comme en France, empêche l'émergence parlementaire des partis extrémistes, aurait pu faire la différence?

Huyustus: j'ai lu le livre de Mosse, je me demande si , après l'avoir sous-estimée, on ne surestime pas l'influence du mouvement völkisch, et son rôle dans une large diffusion populaire des thèmes de l'idéologie fasciste pour en faciliter l'avénement.
Après tout, en lisant le livre de ZS, j'ai été surpris par le rappel du nombre de journaux antisémites en France et de leurs tirages très élevés à la fin XIXe/début XXe siècle. J'avais lu certains de ces textes antisémites de l'époque mais je n'avais pas réalisé l'importance de leur diffusion dans la presse et dans le lectorat. La large diffusion populaire de ces idées antisémites (entre autres composantes de l'idéologie fasciste) était-elle moindre en France? Je n'en suis pas sûr.


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Message Publié : 14 Oct 2010 12:36 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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En France - Mosse en parle et on l'avait évoqué ici - l'antisémitisme va connaître, jusqu'à la défaite de 1940, un recul important à la suite de l'affaire Dreyfus et du comportement des Juifs pendant la PGM.
L'affaire Dreyfus voit tout de même la victoire de ce dernier et les deux camps mêlaient tout le monde, les dreyfusards n'étaient pas juste un étroit cénacle d'intellectuels particulièrement libéraux. L'une des conséquences de la réhabilitation de Dreyfus fut qu'aux yeux des Juifs d'Europe, la France passa pour un pays exceptionnellement libre et bien disposé à leur égard. A la même époque, l'antisémitisme völkisch a pignon sur rue en Allemagne, par exemple. Non seulement, donc, les tensions antisémites s'étaient trouvées apaisées, mais de plus, la communauté juive de France fut particulièrement encline, pendant la Grande Guerre, à servir la France de son mieux. Un certain nombre d'exemples retentissants, et "médiatisés" si l'on peut dire, attestèrent aux yeux des Français de la manière dont les Juifs avaient dûment payé "l'impôt du sang". En particulier, on souligna la mort au champ d'honneur de plusieurs rabbins divisionnaires, et notamment du rabbin de Verdun, tombé alors qu'il portait secours à un soldat catholique entre les lignes, en pleine attaque (un monument rappelle sa mémoire). On connaît aussi des cas de Juifs qui demandèrent à être versés dans l'infanterie plutôt qu'à un poste moins exposé. Bref, à l'issue de la Grande Guerre, on voit globalement les Juifs comme des Français de plein droit, au patriotisme inattaquable. Par conséquent l'antisémitisme, quel qu'il ait pu être avant la guerre, est obligé de "la mettre en veilleuse" après.


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Message Publié : 14 Oct 2010 13:28 
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Georges Duby
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Inscription : 27 Juil 2007 15:02
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Pris sur le site du Bundestag:
" Le SPD, le Centre et le DDP sont les partis inconditionnellement fidèles à la Constitution de la République de Weimar. S’ils réunissent encore quelque 70 % des voix à eux trois pour les élections à l’Assemblée nationale de janvier 1919, les premières élections au Reichstag en juin 1920 leur font perdre définitivement la majorité parlementaire. Dès lors, à l’exception de plusieurs grandes coalitions, on aura une succession de gouvernements bourgeois et minoritaires, généralement tolérés par le Parlement. Tous les gouvernements de Weimar sont marqués par leur instabilité chronique et leur brièveté."

Sur le mode de scrutin de Weimar, il a été jugé responsable en partie des évènements, car il s'agissait d'une représentation proportionnelle pure, sans minimum pour avoir des sièges, ce qui a permis au parti nazi d'avoir des sièges alors qu'il était très souvent en dessous de 5 % jusqu'à 1930.
C'est la raison pour laquelle la loi fondamentale de la RFA de 1949 a voulu délibérément changer la règle, instauré un système mixte et a instauré un plancher de 5 % des voix pour avoir des sièges, dans le but d'éliminer les petits partis extrêmistes.
En droit constitutionnel, il est enseigné que le choix du mode de scrutin est capital pour le fonctionnement d'une démocratie. L'exemple anglais est bien connu, le bipartisme vient directement du scrutin majoritaire uninominal à un tour dans ce pays depuis toujours.
En France on a actuellement un scrutin uninominal à deux tours mais pour accéder au 2è tour il faut avoir au premier 12,5 % des inscrits, 17-18 % des voix en pratique. C'est cette règle qui élimine le FN et les gauchistes et obliger les verts à s'allier avec le PS.

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Message Publié : 14 Oct 2010 14:51 
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Merci pour ces précisions alain.

Citer :
L'affaire Dreyfus voit tout de même la victoire de ce dernier et les deux camps mêlaient tout le monde, les dreyfusards n'étaient pas juste un étroit cénacle d'intellectuels particulièrement libéraux. L'une des conséquences de la réhabilitation de Dreyfus fut qu'aux yeux des Juifs d'Europe, la France passa pour un pays exceptionnellement libre et bien disposé à leur égard.


Justement, ZS n'est pas d'accord avec cette image d'une relative réconciliation entre antisémites et dreyfusards, après l'Affaire.
Il souligne que , alors que la première génération antisémite (celle de Drumont, de Rochefort, de Morès etc) s'efface ou disparait, une autre, un peu différente, plus "petite bourgeoise/prolétarienne", se met en place: celle des Jaunes, de Biétry, de Sorel, du cercle Proud'hon. Ces théoriciens et leaders ont intégré certains aspects du marxisme (et pas juste du socialisme révolutionnaire), et ils ont poussé par conséquent plus loin la synthèse droite/gauche dont sortira le fascisme.
Cette génération des Jaunes etc semble (à ma connaissance) avoir moins intéressé les historiens, et donc Mosse la connait peut être moins bien.
Le triomphe des dreyfusards entraîne dans une large partie de la droite, tant catholique que moderne/révolutionnaire, une profonde rancoeur, et il s'y développe une violente critique du dreyfusisme, et corrélativement de la démocratie parlementaire.
Cette critique du dreyfusisme concerne aussi l'aile gauche des socialistes et de la CGT: c'est en 1903, souligne ZS, qu'apparait en France le "Parti socialiste national" , premier parti au monde à porter l'appellation "national-socialiste", à combiner dans son nom ces deux termes jusque là considérés quasiment antithétiques.
Ce parti est inspiré par le mouvement Jaune, qui publie l'hebdomadaire "Le Jaune"--subventionné par la duchesse d'Uzès, tandis que le mouvement Jaune est aidé financièrement par toutes sortes de notables et d'aristocrates, à commencer par le duc d'Orléans, prétendant au trône de France.
Et ne parlons pas de l'Action française, du rôle intellectuel et politique qu'elle a joué, de la diffusion de sa presse, de son influence considérable dans les milieux étudiants.
L'argument supplémentaire que donne la victoire du dreyfusisme à ces milieux, c'est que les Juifs en sont arrivés en France à un point de puissance tel qu'ils contrôlent la justice et font et défont les gouvernements. La République est présentée comme "enjuivée" et le mot d'ordre devient: "si la République, c'est les Juifs, nous crions: "à bas la République!".

ZS note que se développe, suite au triomphe du dreyfusisme, un "écoeurement populaire " d'autant plus fort à l'égard de la République, qui a consacré le triomphe de ce camp, que cette même République réprime dans le sang une série de grandes grèves et d'agitations populaires qui secoue la première décennie du siècle (près de 500 000 grévistes en 1906). Je cite: "à beaucoup d'égards, l'affaire Dreyfus prend aux yeux des ouvriers les contours d'une énorme mystification"; ils ont le sentiment de s'être fait avoir. "La CGT--écrit Gustave Hervé--c'était bon pour protéger les bourgeois juifs, protestants et franc-maçons contre la vague antisémite et cléricale qui vous menaçait. Maintenant que le danger est passé et que vous n'avez plus besoin des révolutionnaires, ils ne sont plus bons qu'à jeter aux chiens!"

Les dreyfusards sont vus comme le symbole de la corruption de la politique politicienne, du triomphe de la puissance politique des Francs-maçons, de forces occultes qui ont kidnappé la République, les suppôts d'une "clique enjuivée" à la solde de l'Allemagne, Jaurès en tête, suivi de Blum, Lazare, etc. "Le dreyfusisme a dégénéré en politique, et de sa politique, il est mort " écrit Péguy.
Donc, ce recul de l'extrême-droite/droite et de l'antisémitisme n'apparait pas du tout dans le compte-rendu que fait ZS de la vie politique en France l'époque. Au contraire: selon lui, "c'est en France, et non en Allemagne, que se manifestent (au début du siècle NDLR) les efforts les plus suivis que la droite aura entrepris pour se donner une base de masse".


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Message Publié : 14 Oct 2010 15:22 
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Jean-Pierre Vernant
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Attention, j'ai bien dit que cet antisémitisme reculait après 1918.


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Message Publié : 14 Oct 2010 16:58 
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Citer :
Attention, j'ai bien dit que cet antisémitisme reculait après 1918.


Désolé, autant pour moi, j'avais enregistré mentalement "après l'affaire Dreyfus".
Cela dit, l'hypothèse de Mosse est à considérer mais j'aimerais bien avoir l'opinion de ZS là dessus. :mrgreen:
Si l'on peut comprendre que l'antisémitisme ait reflué après 18, la victoire aidant, il a certainement ressurgi en force au moment de la Grande crise économique et s'est à nouveau répandu dans les années 30; l'évolution de Céline est assez symptomatique d'une certaine évolution de la société française sur ce point.


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Message Publié : 14 Oct 2010 17:02 
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Georges Duby
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Tonr a écrit :
... ZS n'est pas d'accord avec cette image d'une relative réconciliation entre antisémites et dreyfusards, après l'Affaire.... Le triomphe des dreyfusards entraîne dans une large partie de la droite, tant catholique que moderne/révolutionnaire, une profonde rancoeur, et il s'y développe une violente critique du dreyfusisme, et corrélativement de la démocratie parlementaire.
Les dreyfusards sont vus comme le symbole de la corruption de la politique politicienne, du triomphe de la puissance politique des Francs-maçons, de forces occultes qui ont kidnappé la République, les suppôts d'une "clique enjuivée" à la solde de l'Allemagne, Jaurès en tête, suivi de Blum, Lazare, etc..
Tout ce que je lis de Sternhel me parait irréel, inventé, erroné d'un bout à l'autre et ne correspond pas du tout avec ce qu'on lit sur la période. Il est archi-connu au contraire que l'affaire Dreyfus a structuré la vie politique française entre droite et gauche, l'anti-parlementarisme très virulent ne vient pas des juifs mais des scandales et des crises économiques et financières, de l'effondrement d'une société du fait de la PGM, de la montée du monde ouvrier par l'exode rural ...
Certes, il y a un anti-sémitisme ouvrier de gauche, mais il n'interfère pas du tout avec la protestation sociale qui monte dans le pays. Il est au niveau des conversations dans la rue.
Quand à l'anti-sémitisme de droite, plus consistant et structuré, il ne se relie pas fondamentalement à l'affaire Dreyfus, il est anti-parlementaire, anti-partageux, vient des crises de 1920 et 1929, de la ruine des rentes.
L'anti-sémitisme d'avant guerre est utilisé par toute cette agitation d'extrême droite qui grossit alors, manifeste, essaye de mettre à bas la république et terminera dans les bras de Pétain puis dans l'enfer de la défaite allemande. Il faudra des années pour que l'extrême droite renaisse, sur de nouvelles bases d'ailleurs.

On commet un contre-sens si on croit que l'anti-sémitisme est structurant de la vie politique française comme allemande. Ce n'est pas fondamental comme la guerre, les crises, le chomage, la fin des rentes. mais Hitler en fera un mythe mobilisateur.
Il faudrait revenir aux fondamentaux et oublier Sternhel, qui a construit une France imaginaire.

Pour répondre au sujet, une droite forte barrière ou pas contre le fascisme, l'anti-sémitisme est de peu de poids pour expliquer l'enchainement qui conduit au fascisme. On est en train de le grossir sans raison.

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Message Publié : 14 Oct 2010 19:28 
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Citer :
Tout ce que je lis de Sternhel me parait irréel, inventé, erroné d'un bout à l'autre et ne correspond pas du tout avec ce qu'on lit sur la période. Il est archi-connu au contraire que l'affaire Dreyfus a structuré la vie politique française entre droite et gauche, l'anti-parlementarisme très virulent ne vient pas des juifs mais des scandales et des crises économiques et financières


Attention tout de même aux notions "archiconnues" existant en France sur l'histoire française. Les Français ont parfois sur leur propre histoire une tache aveugle qui les empêche de percevoir certaines réalités parce qu'ils sont trop plongés dedans pour les voir; sans parler de ce qu'ils leur est désagréable de voir: par exemple l'ampleur de l'antisémitisme de Vichy.
Aussi, antiparlementarisme et antisémitisme coincident souvent, la corruption anti-parlementaire apparait comme liée au moins en partie à l'influence des Juifs, avez vous oublié la confirmation donnée à ce stéréotype de l'affairisme juif et de la corruption juive par l'Affaire Stavisky?
Cette affaire a été exploitée à fond par les antisémites et a boosté formidablement leur cause. Née des malversations d'un escroc de haut vol d'origine juive, une sorte de Madoff de l'époque qui avait bénéficié de nombreuses complicités dans les milieux politiques, elle a été un scandale politico-financier majeur des 30s et eu une influence certaine dans la survenue des manifestations antiparlementaire du 6 février 34, dans lesquelles, il faut le souligner, nombre de manifestants hurlaient des slogans antisémites.

Du côté Français, pendant longtemps, on a soutenu la thèse que Vichy n'avait pris ses mesures antisémites que sous la pression allemande, il n'en est rien , on le sait maintenant.
De même, on n'a pas idée de nos jours à quel point l'antisémitisme était diffusé profondément dans de larges parties de la société française. L'Action française, dont la presse connaissait des tirages considérables, était antisémite. De grands journaux lus par tous, comme Gringoire ou Candide, les très gros tirages d'alors, publiaient régulièrement des articles antisémites, sans parler de l'antisémitisme obsessionnel et hystérique de feuilles comme "Je suis partout".

De grands écrivains français très lus à leur époque ont écrit des textes antisémites, ou créés dans leurs oeuvres littéraires des personnages de Juifs recyclant grossièrement tous les clichés antisémites. Morand, un écrivain populaire aux tirages fabuleux comme ¨Pierre Benoit, Bernanos, Jouhandeau, Céline, Brasillach, Drieu, Barrès, Cendrars ont écrit des textes parfaitement antisémites--qui souvent ne figurent pas dans les éditions récentes de leurs éditions, comme c'est le cas de Cendrars.
Dans des oeuvres de Romain Rolland, Martin du Gard, les frères Tharaud, , Georges Simenon, tous écrivains célèbres à l'époque, il y a des personnages de Juifs reproduisant tous les clichés antisémites. Il y en a d'autres.

Citer :
Certes, il y a un anti-sémitisme ouvrier de gauche, mais il n'interfère pas du tout avec la protestation sociale qui monte dans le pays. Il est au niveau des conversations dans la rue.
Quand à l'anti-sémitisme de droite, plus consistant et structuré, il ne se relie pas fondamentalement à l'affaire Dreyfus, il est anti-parlementaire, anti-partageux, vient des crises de 1920 et 1929, de la ruine des rentes.


Pas d'accord. Avant de lire Sternhell, j'avais déjà lu des choses sur le fait que la victoire des forces démocratiques et progressistes que représentait politiquement l'issue de l'affaire Dreyfus avait suscité un fort ressentiment dans la droite; et pourquoi en effet aurait-elle pris cette victoire de ses adversaires avec le sourire?

Citer :
On commet un contre-sens si on croit que l'anti-sémitisme est structurant de la vie politique française comme allemande. Ce n'est pas fondamental comme la guerre, les crises, le chomage, la fin des rentes. mais Hitler en fera un mythe mobilisateur.
Il faudrait revenir aux fondamentaux et oublier Sternhel, qui a construit une France imaginaire.


De nouveau pas d'accord, le nombre de journaux et de pamphlets antisémites, et leurs tirages sont extraordinaires dans les années 80/1900; simplement, on ne le sait pas, ou certains historiens français l'ont occulté pendant longtemps, non délibérément mais parce qu'on évite inconsciemment des réalisations désagréables ou qui peuvent ébranler certaines idées reçues.
C'est peut être beaucoup dire que l'antisémitisme est structurant de la société française. Cela dit, je ne suis pas sûr qu'il soit tellement plus structurant de la société allemande aux époques qui nous occupent. C'est cette illusion de " l'exception française " quand à l'antisémitisme que cherche à démystifier ZS, et il faut lire ses livres et connaitre ses arguments d'abord pour apprécier si ces arguments ont du poids ou non.
Cet historien connait vraiment très bien la droite française des années 1880/1940 grosso modo. D'après ce que j'ai lu, je ne vois aucun autre historien, sauf peut être trois ou quatre dans lesquels j'inclus Winock, qui aient une connaissance aussi approfondie des journaux et de la littérature antisémite française de cette période. C'est seulement en lisant cette presse, ces écrivains, ces textes largement lus et diffusés qu'on peut prendre conscience de l'ampleur du phénomène. Ampleur dont la négation de l'antisémitisme de Vichy met en évidence qu'elle tend à être sous-estimée en France, même si on peut considérer que ZS va parfois trop loin dans l'autre sens.


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Message Publié : 14 Oct 2010 21:18 
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Georges Duby
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Pas de problème pour dire qu'il y avait avant guerre un anti-sémitisme fort, surtout orchestré par l'extrême droite dans la presse, mais pas d'accord pour en faire une donnée structurante de la politique au regard des données économiques et sociales, le revenu, le chômage, la situation, le logement, les projets des partis, les attachements de famille, de classe ...
Après tout, les juifs de gauche comme léon Blum, Mandel, Mendès, Jules Moch ... sont bien élus au scrutin individuel d'arrondissement par la population malgré la propagande de l'extrême droite qui fait un vacarme énorme mais ne change pas l'affrontement droite-gauche qui donne lieu à une alternance politique classique entre les deux guerres.
Blum devient président du conseil malgré les injures et il tombe pour des raisons politiques par l'opposition du Sénat conservateur.
L'anti-sémitisme n'a pas l'importance que l'extrême droite et sa presse virulente lui portent.

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Message Publié : 14 Oct 2010 22:26 
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Un rappel bref et très incomplet des journaux antisémites en France dans les années 30: les hebdos grande presse à grands tirages, comme Gringoire, auquel a un peu collaboré Romain Gary, qui a renoncé rapidement à y publier quoi que ce soit, vu son antisémitisme exacerbé après l'affaire Stavisky, est monté à cette époque jusqu'à 975 000, habituellement c'était 550 /600 000;
c'est Gringoire qui est à l'origine du suicide de Roger Salengro par la campagne de calomnies qu'il a menée contre lui.
Candide, 465 000,
L'Action française, 400 000 au moment de l'affaire Stavisky.
L'Ami du peuple, hebdo explicitement fasciste subventionné par le parfumeur Coty; il subventionnait le quotidien idem Le Jour, 150 /200 000
Le National, Vendémiaire, Le Choc, Savez-vous, La liberté
Je suis partout, le plus virulent des journaux antisémites, environ 50 000 avant la guerre.
Pour donner un point de comparaison, l'Humanité monte à 300 000 au moment du Front populaire


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Message Publié : 15 Oct 2010 7:11 
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Fondamentalement le fascisme, dont Mussolini est "l'inventeur" ou le chef, n'a rien à voir ni avec le racisme ni avec l'antisémitisme. Comme les démocraties sont sensées bien fonctionner avec la dualité gauche droite il semble bien que dès que l'une de ces branches commence à être débordée par des extrémistes, donc que des extrémistes prennent le pouvoir soit de la gauche (anarchistes, trotskistes etc) soit de la droite par des ultralibéraux, alors la démocratie dysfonctionne et des désordres apparaissent. Lorsque ces désordres altèrent la vie des simples citoyens qui ne demandent guère que de travailler en paix, il est facile à un leader charismatique de prendre le pouvoir, comme l'a fait Mussolini. Donc l'acte fondamental anti fasciste est la concertation et la répartition correcte du fruit du travail et des richesses.


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Message Publié : 15 Oct 2010 9:27 
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Pour revenir à la question, pourquoi le fascisme s'impose en Allemagne et pas en France (l'antisémitisme est bien sur un autre sujet) :

L'historien Jacques Bainville livre une analyse qui se révélera parfaitement pertinente(Comment placer sa fortune, Paris, nouvelle Librairie Nationale, 1919):

Il souligne que certains Etats, ceux largement endettés envers l'extérieur (ce qui est le cas de l'Allemagne et de l'Italie ou bien sur de la Russie) sont plus portés vers des régimes qui remettent en cause l'ordre établi en proposant un autre système (socialisme, fascisme):

"Avec le socialisme, le nationalisme est l’autre tendance des Etats modernes. Ces deux tendances se conjuguent souvent. Pas plus que les individus, les peuples n’aiment leurs créanciers. Les pays qui ont une grosse dette extérioeure, qui sont débiteurs de l’étranger, sont très portés à renier leurs engagements."

Il souligne que la France doit être préservée du danger de régimes collectivistes pour deux motifs : héritage de la révolution et morcellement de la propriété:

« Le régime capitaliste s’était développé au XIX siècle avec les progrès rapides de l’industrie et sous la protection des lois qui étaient alors en vigueur. D’une part le droit de prorpiété individuelle était sacré, intangible et regardé comme faisant partie des droits de l’homme. Garantie, par l’Etat, la société et le code, il donnait à quiconque possédait, une sécurité inconnue à toutes les autres époques. D’autre part, la conception individuelle de la Révolution française, contraire à tout ce qui était corporation ou syndicat, paralysait les revendications ouvrières. »

"La France offre une particularité qui, aux yeux de l’homme réfléchi, est singulièrement précieuse. C’est par excellence le pays de la petite propriété et des fortunes moyennes. Cet état social, dans une époque tourmentée, est éminement favorable à la sécurité des capitaux. Il atténue les luttes violentes entre possédants et non-possédants.

Sept millions de personnes ont souscrit à l’emprunt 4 % de 1918, cela fait qu’environ quatre famille françaises sur cinq son intéressées, par le fait de ce seul emprunt, à la tranquilité publique et à la solvabilité de l’Etat. Une pareille proportion ne se retrouve dans aucun pays."

Ces analyse correspondant parfaitement avec situation de "droite classique forte".

_________________
L'Etat n'est pas la solution, c'est le problème.


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