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Tout ce que je lis de Sternhel me parait irréel, inventé, erroné d'un bout à l'autre et ne correspond pas du tout avec ce qu'on lit sur la période. Il est archi-connu au contraire que l'affaire Dreyfus a structuré la vie politique française entre droite et gauche, l'anti-parlementarisme très virulent ne vient pas des juifs mais des scandales et des crises économiques et financières
Attention tout de même aux notions "archiconnues" existant en France sur l'histoire française. Les Français ont parfois sur leur propre histoire une tache aveugle qui les empêche de percevoir certaines réalités parce qu'ils sont trop plongés dedans pour les voir; sans parler de ce qu'ils leur est désagréable de voir: par exemple l'ampleur de l'antisémitisme de Vichy.
Aussi, antiparlementarisme et antisémitisme coincident souvent, la corruption anti-parlementaire apparait comme liée au moins en partie à l'influence des Juifs, avez vous oublié la confirmation donnée à ce stéréotype de l'affairisme juif et de la corruption juive par l'Affaire Stavisky?
Cette affaire a été exploitée à fond par les antisémites et a boosté formidablement leur cause. Née des malversations d'un escroc de haut vol d'origine juive, une sorte de Madoff de l'époque qui avait bénéficié de nombreuses complicités dans les milieux politiques, elle a été un scandale politico-financier majeur des 30s et eu une influence certaine dans la survenue des manifestations antiparlementaire du 6 février 34, dans lesquelles, il faut le souligner, nombre de manifestants hurlaient des slogans antisémites.
Du côté Français, pendant longtemps, on a soutenu la thèse que Vichy n'avait pris ses mesures antisémites que sous la pression allemande, il n'en est rien , on le sait maintenant.
De même, on n'a pas idée de nos jours à quel point l'antisémitisme était diffusé profondément dans de larges parties de la société française. L'Action française, dont la presse connaissait des tirages considérables, était antisémite. De grands journaux lus par tous, comme Gringoire ou Candide, les très gros tirages d'alors, publiaient régulièrement des articles antisémites, sans parler de l'antisémitisme obsessionnel et hystérique de feuilles comme "Je suis partout".
De grands écrivains français très lus à leur époque ont écrit des textes antisémites, ou créés dans leurs oeuvres littéraires des personnages de Juifs recyclant grossièrement tous les clichés antisémites. Morand, un écrivain populaire aux tirages fabuleux comme ¨Pierre Benoit, Bernanos, Jouhandeau, Céline, Brasillach, Drieu, Barrès, Cendrars ont écrit des textes parfaitement antisémites--qui souvent ne figurent pas dans les éditions récentes de leurs éditions, comme c'est le cas de Cendrars.
Dans des oeuvres de Romain Rolland, Martin du Gard, les frères Tharaud, , Georges Simenon, tous écrivains célèbres à l'époque, il y a des personnages de Juifs reproduisant tous les clichés antisémites. Il y en a d'autres.
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Certes, il y a un anti-sémitisme ouvrier de gauche, mais il n'interfère pas du tout avec la protestation sociale qui monte dans le pays. Il est au niveau des conversations dans la rue.
Quand à l'anti-sémitisme de droite, plus consistant et structuré, il ne se relie pas fondamentalement à l'affaire Dreyfus, il est anti-parlementaire, anti-partageux, vient des crises de 1920 et 1929, de la ruine des rentes.
Pas d'accord. Avant de lire Sternhell, j'avais déjà lu des choses sur le fait que la victoire des forces démocratiques et progressistes que représentait politiquement l'issue de l'affaire Dreyfus avait suscité un fort ressentiment dans la droite; et pourquoi en effet aurait-elle pris cette victoire de ses adversaires avec le sourire?
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On commet un contre-sens si on croit que l'anti-sémitisme est structurant de la vie politique française comme allemande. Ce n'est pas fondamental comme la guerre, les crises, le chomage, la fin des rentes. mais Hitler en fera un mythe mobilisateur.
Il faudrait revenir aux fondamentaux et oublier Sternhel, qui a construit une France imaginaire.
De nouveau pas d'accord, le nombre de journaux et de pamphlets antisémites, et leurs tirages sont extraordinaires dans les années 80/1900; simplement, on ne le sait pas, ou certains historiens français l'ont occulté pendant longtemps, non délibérément mais parce qu'on évite inconsciemment des réalisations désagréables ou qui peuvent ébranler certaines idées reçues.
C'est peut être beaucoup dire que l'antisémitisme est structurant de la société française. Cela dit, je ne suis pas sûr qu'il soit tellement plus structurant de la société allemande aux époques qui nous occupent. C'est cette illusion de " l'exception française " quand à l'antisémitisme que cherche à démystifier ZS, et il faut lire ses livres et connaitre ses arguments d'abord pour apprécier si ces arguments ont du poids ou non.
Cet historien connait vraiment très bien la droite française des années 1880/1940 grosso modo. D'après ce que j'ai lu, je ne vois aucun autre historien, sauf peut être trois ou quatre dans lesquels j'inclus Winock, qui aient une connaissance aussi approfondie des journaux et de la littérature antisémite française de cette période. C'est seulement en lisant cette presse, ces écrivains, ces textes largement lus et diffusés qu'on peut prendre conscience de l'ampleur du phénomène. Ampleur dont la négation de l'antisémitisme de Vichy met en évidence qu'elle tend à être sous-estimée en France, même si on peut considérer que ZS va parfois trop loin dans l'autre sens.