joanjett a écrit :
Lénine avait annoncé dès le début qu'il voulait mettre en place un capitalisme d'Etat en Russie (On trouve de nombreuses citations sur internet, voir
Le léninisme et la révolution russe,
Lénine et le capitalisme d'Etat, etc).
C’est en partie vrai. Très impressionné par la conduite autoritaire de l’économie allemande pendant la guerre, Lénine a cherché à appliquer ces méthodes à la Russie soviétique, mais le terme capitalisme d’Etat qu’il utilise alors est une référence à un stade transitionnel et il ne soulève pas l’unanimité dans les rangs bolcheviks, Boukharine le considère comme impropre dès 1920, même s’il ne se désolidarise pas encore de la méthode.
joanjett a écrit :
Suite à la victoire de Staline au sein du Parti bolchevik, le mot fut très peu employé après 1924 par les autorités de l'Urss. Mais les opposants à la dictature ont continué, eux, à l'employer.
Il semble effectivement important de noter que le terme n’est pas utilisé en URSS pour désigner la politique du pays, on lui préférera rapidement la notion de dictature du prolétariat (qui disparaîtra à son tour) pour désigner la prise en main des outils de production.
Je pense que l’utilisation de ce terme a d’abord un intérêt politique, pour les anarchistes qui qualifient habituellement le système soviétique de capitalisme d’Etat, il s’agit bien sûr de stigmatiser l’antisocialisme « congénital » de ce système en utilisant des mots qui, ensemble ou séparément, restent des repoussoirs de haut vol !
Personnellement, j’aurais tendance à le trouver un peu ambigu et, son utilisation politique en atteste, par trop tendancieux. L’URSS s’est-elle comportée comme un patron capitaliste pendant les 70 ans de son existence ? Ce n’est certainement pas un libéral qui me répondra oui.
joanjett a écrit :
Il existait une importante inégalité de salaires, comme partout ailleurs. Et en effet, la démographie était déjà mauvaise avant 1991.
Oui, mais le salaire était d’abord vu comme une partie du revenu social, l’Etat subsidiant les produits de base ou l’offre culturelle et, pour peu de payer la prime syndicale, donnant accès à de nombreux services subsidiés. Sans compter des loyers représentants rarement plus de 5 à 10 % du salaire.
Tout cela non pas pour dresser un tableau idyllique du socialisme, mais aussi pour comprendre l’effondrement de régimes ayant peu de prises sur l’inflation et qui furent de véritables gouffres financiers qui ne pouvaient être plus ou moins viables que si la population et ses élites adhéraient pleinement au projet. Ce qui n’était plus le cas pour une majorité des élites et pour une part de la population dans les années 80.
La démographie montrait des signes de faiblesse avant 91, elle devient catastrophique après (
http://en.wikipedia.org/wiki/Demographics_of_Russia). C'est une tendance qu'on retrouve dans d'autres pays ex-socialistes. De même, si les différences de salaires en URSS avant 1991 étaient équivalentes à ce qu’on rencontrait en Europe occidentale, elles atteignent dès 1991 les niveaux de l’Amérique latine(
http://www.warwick.ac.uk/russia/Russiawages.doc)
Le problème de la différence de revenus a toujours été assez central dans la critique de gauche face à l'URSS. La rémunération à la pièce dans les entreprises (amendée au début des années 60) est caractéristique de la difficulté à concilier le moyen d'inciter au travail et une vision idéaliste d'une société communiste.
joanjett a écrit :
Le thème de la bureaucratie comme nouvelle classe sociale a été développé par des opposants depuis au moins les années 1930 - même si Trotski était en désaccord (il lui aurait fallu reconnaître qu'il y avait appartenu !).
Notons cependant que si la bureaucratie soviétique était une classe si privilégiée, elle a pourtant, en 1990, procédé à la disparition du système dont elle était en charge. C’est assez paradoxal, mais compréhensible pour qui voudrait comparer le train de vie d’un apparatchik et celui d’un oligarque. Mais là on s'éloigne un peu.