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Message Publié : 13 Sep 2011 8:02 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant

Inscription : 17 Oct 2003 18:37
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Je reprends cette phrase :
"Puisque tout ce qui est indispensable au travail et à l'activité de hommes - autrement dit tout ce qui est, dans le vaste sens du terme, capital - appartient en Russie à l'Etat, il s'agit, dans ce pays, d'un capitalisme d'Etat intégral."

Or, la concentration dans les mains de l'Etat des moyens de production est un élément fondamental d'une démarche communiste (selon la théorie. Le problème n'est pas dans la suite, dans la question posée). Du coup, poser la phrase ci-dessus revient à dire qu'en fait, le communisme tel qu'il a été théorisé EST un capitalisme d'Etat et non pas qu'il existe un choix entre communisme et capitaliste d'Etat.

Comme Romeo, je ne demande ce que ce "capitalisme d'Etat" a de capitaliste. Pas de recherche du profit, pas de plus-value, pas de concurrence, quel est le sens du mot capitalisme dans ces conditions ?


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Message Publié : 13 Sep 2011 23:14 
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Thucydide
Thucydide

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Cuchlainn a écrit :
Je reprends cette phrase :
"Puisque tout ce qui est indispensable au travail et à l'activité de hommes - autrement dit tout ce qui est, dans le vaste sens du terme, capital - appartient en Russie à l'Etat, il s'agit, dans ce pays, d'un capitalisme d'Etat intégral."

Or, la concentration dans les mains de l'Etat des moyens de production est un élément fondamental d'une démarche communiste (selon la théorie. Le problème n'est pas dans la suite, dans la question posée).


Eh bien avant de répéter ce que l'on vous a dit lisez justement cette théorie.
Une société où règne le communisme est une société sans Etat où la propriété privée des moyens de production n'existe plus et laisse place à une propriété collective desdits moyens de production. L'économie communiste est sensée fonctionner selon l'adage "de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins". (et si vous ne me croyez pas, je vous laisse lire Saint-Wikipédia à défaut de lire des théoriciens du communisme tels que Kropotkine ou Malatesta, etc.)

Qui plus est, tous les communistes ne prônent pas la prise du pouvoir étatique. Les uns, autoritaires (marxistes léniniens et tous les dérivés autrement dit les plus connus), pensent qu'il faut dans un premier temps établir un "socialisme" d'Etat en conquérant l'Etat et en faire un "Etat ouvrier/une dictature du prolétariat" - qui dans les faits n'a jamais été autre chose qu'une dictature sur le prolétariat, une nouvelle classe dominante se créant autour de l'Etat - qui est sensé dépérir naturellement pour laisser place au communisme.
Les autres, anti-autoritaires (anarchistes et communistes de conseils), prônent l'organisation sociale sans Etat immédiatement et ont porté une critique forte à l'encontre des autoritaires dont le projet leur apparaissait dangereux et comme ne pouvant que déboucher sur une nouvelle forme de capitalisme, d'Etat cette fois-ci.

Voline répond parfaitement à votre paragraphe sur Lénine Alain.g. Si les bolchéviks clamaient porter le pouvoir des travailleurs, cela ne signifie pas pour autant que c'était le cas. Ils devaient simplement chercher une justification au maintien de leur pouvoir. Et quelle meilleure justification face à une masse de travailleurs en colère que de se prétendre être leurs représentants ?

Citer :
De son vivant les intellectuels communistes ont bel et bien considéré le régime soviétique comme communiste et s'en réclamaient.


Rühle, Pannekoek, Rubel, Kropotkine, Malatesta, Voline et consorts seraient heureux de le lire.


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Message Publié : 14 Sep 2011 0:39 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 30 Jan 2011 22:54
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Matan a écrit :
Cuchlainn a écrit :
Je reprends cette phrase :
"Puisque tout ce qui est indispensable au travail et à l'activité de hommes - autrement dit tout ce qui est, dans le vaste sens du terme, capital - appartient en Russie à l'Etat, il s'agit, dans ce pays, d'un capitalisme d'Etat intégral."

Or, la concentration dans les mains de l'Etat des moyens de production est un élément fondamental d'une démarche communiste (selon la théorie. Le problème n'est pas dans la suite, dans la question posée).


Eh bien avant de répéter ce que l'on vous a dit lisez justement cette théorie.
Une société où règne le communisme est une société sans Etat où la propriété privée des moyens de production n'existe plus et laisse place à une propriété collective desdits moyens de production. L'économie communiste est sensée fonctionner selon l'adage "de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins". (et si vous ne me croyez pas, je vous laisse lire Saint-Wikipédia à défaut de lire des théoriciens du communisme tels que Kropotkine ou Malatesta, etc.)


Oups, mes excuses sur ces propos, je n'avais pas relevé que l'auteur des premiers posts explicitant que le communisme n'était pas réalisé en URSS n'est autre que vous.

C'est donc plutôt mon paragraphe sur la différence entre autoritaires et anti-autoritaires qui vous répond.


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Message Publié : 14 Sep 2011 10:48 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile
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Inscription : 09 Juin 2010 14:22
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Bonjour

Matan a écrit :
Cuchlainn a écrit :
(et si vous ne me croyez pas, je vous laisse lire Saint-Wikipédia à défaut de lire des théoriciens du communisme tels que Kropotkine ou Malatesta, etc.)

.


Ces deux là ne sont pas au sens propre des communistes. Ils sont traditionnellement catégorisés avec des théoriciens anarchistes. Les doctrines sont finalement très proches dans leurs buts mais diffèrent par les diagnostics et les moyens. MALATESTA comme KROPOTKINE voient dans l’Etat quelque chose de néfaste (kro) ou quelque chose d’inutile au final (mal).

L’entraide est naturelle chez le noble anarchiste Russe, ce qui le rapproche clairement des conceptions rousseauistes (ce qui ne l’écarte pas non plus des conceptions communistes ;) ). Ce n’est pas du matérialisme historique bien que l’on n’en soit pas très loin.
Bien à vous

_________________
et tout le reste n'est que littérature


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Message Publié : 14 Sep 2011 20:04 
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Thucydide
Thucydide

Inscription : 30 Jan 2011 22:54
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Yongle a écrit :
Bonjour

Matan a écrit :
Cuchlainn a écrit :
(et si vous ne me croyez pas, je vous laisse lire Saint-Wikipédia à défaut de lire des théoriciens du communisme tels que Kropotkine ou Malatesta, etc.)

.


Ces deux là ne sont pas au sens propre des communistes. Ils sont traditionnellement catégorisés avec des théoriciens anarchistes. Les doctrines sont finalement très proches dans leurs buts mais diffèrent par les diagnostics et les moyens. MALATESTA comme KROPOTKINE voient dans l’Etat quelque chose de néfaste (kro) ou quelque chose d’inutile au final (mal).

L’entraide est naturelle chez le noble anarchiste Russe, ce qui le rapproche clairement des conceptions rousseauistes (ce qui ne l’écarte pas non plus des conceptions communistes ;) ). Ce n’est pas du matérialisme historique bien que l’on n’en soit pas très loin.
Bien à vous


Malatesta et Kropotkine sont pourtant bel et bien des théoriciens communistes mais aussi anarchistes (anarcho-communisme). Quoi qu'il en soit, le communisme est une finalité pour les communistes quels qu'ils soient, seul les moyens divergent entre autoritaires et anti-autoritaires/libertaires.

Quant au rapprochement avec les conceptions rousseauistes je ne suis pas tout à fait d'accord. Rousseau voit l'homme comme naturellement bon et a une conception purement idéaliste de ce qu'est l'homme. Kropotkine se base sur des faits matériels qu'il a étudié pour en conclure que les espèces qui survivent le mieux et se développent le mieux sont celles chez lesquelles l'entraide est le plus pratiqué. Si je ne me trompe pas il voit dans l'entraide un moteur de l'évolution et un élément qui compose l'humain, pour autant il ne fait pas dans l'angélisme (quoique quand on lit certains de ses écrits il n'a pas toujours les pieds totalement sur terre ^^) et n'a jamais dit que les humains sont naturellement bons.

(de toute façon cette question de nature n'a pas de sens et catégoriser l'humain comme naturellement bon ou naturellement mauvais c'est du n'importe quoi c'est oublier toutes les questions de contexte. Mais je ne vais pas aller plus loin car l'objet du forum reste l'histoire - et notamment l'histoire des idées que nous pratiquons là - mais pas le débat philosophique.)


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Message Publié : 20 Sep 2011 17:22 
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Tite-Live
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Inscription : 10 Mars 2006 4:35
Message(s) : 317
J'ai toujours trouvé les définitions marxistes extrêmement vagues et peu à même de décrire le monde moderne. Diviser capital et travail à une époque où les fonds de pensions et les subsides publics sont la règle est strictement impossible.

Regardant l'URSS, il est assez simple de définir ce que ce pays n'était pas. C'est à dire une économie de marché. Les informations ne transitaient pas via le prix demandé pour tel ou tel produit, mais par enquêtes et décisions administratives.

Sans la prise en compte de ce facteur, il est impossible de comprendre les grandes caractéristiques de l'économie soviétique. Sans arbitraire bureaucratique, pas d'usines de tracteurs au milieu de nul part, pas de soins médicaux pour tous alors que la nourriture manquait.

Donc à mon sens, la grande différence entre communisme à la russe et capitalisme d'état type France des années 60 ou Chine d'aujourd'hui est le rapport aux prix. Une société communiste n'a pas de prix libres, une économie que l'on peut qualifier de capitalisme d'Etat a des prix en grande partie libre sur lesquels le gouvernement essaye d'exercer son influence par des moyens économiques (subsides, encouragement à la production, taxes, etc.).

Le résultat du communisme est l'inflation cachée. C'est à dire que le prix d'un produit peu être fixe mais la qualité du produit décline rapidement. L'absence d'incitation par les prix peut aussi amener à la disparition des produits en question. C'est ce qui explique que les populations soviétiques mangeaient peu et mal (aussi pourquoi l'éducation en France est en constant déclin, mais c'est un autre problème).

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Labore Fideque


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Message Publié : 15 Oct 2011 22:49 
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Polybe
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Inscription : 12 Avr 2010 20:24
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N'oublions pas que l'URSS possédait bien un marché: le marché kolkhozien, issu du Dvor, petite parcelle de 0,5ha.
Sinon, peut-on faire une différence entre le terme socialisme (pas social-démocratie hein...) et capitalisme d'état? Serait-ce au niveau humain?

_________________
Celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre.
K. Marx


Dernière édition par lukullus le 15 Oct 2011 22:51, édité 1 fois.

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Message Publié : 03 Jan 2012 6:23 
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Eginhard
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Inscription : 04 Juil 2007 10:16
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Danceny a écrit :
Romeo a écrit :
Et la propriété collective des moyens de production c'était quoi ?


Il y avait surtout propriété d'Etat des moyens de production. Le stalinisme a tué les soviets, dans tous les sens sens du terme. Et surtout, surtout, une société communiste est une société sans Etat. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'URSS ne fut jamais une société sans Etat.


Lénine s'est toujours méfié des soviets et si il a composé avec eux, au début, c'est par pure circonstance, puisqu'il n'avait pas trop le choix. Mais Illitch avait déjà vidé le soviet de sa substance et la répression contre le soviet de Cronstadt, en mars 1921, sonna le tocsin de cette institution !

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Message Publié : 14 Jan 2012 17:25 
Peut-être faut-il rappeler que le terme "communisme", pour les dirigeants marxistes-léninistes, désignait un état où il n'y a plus ni police ni armée. Cet état a été abondamment promis (la dernière fois sous Khrouchtchev, vers 1960 pour 20 ans plus tard), mais jamais atteint. Rien ne prouve donc qu'il soit accessible, mais c'est un autre sujet.

à+


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Message Publié : 14 Jan 2012 18:42 
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Eginhard
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Jean R a écrit :
Peut-être faut-il rappeler que le terme "communisme", pour les dirigeants marxistes-léninistes, désignait un état où il n'y a plus ni police ni armée. Cet état a été abondamment promis (la dernière fois sous Khrouchtchev, vers 1960 pour 20 ans plus tard), mais jamais atteint. Rien ne prouve donc qu'il soit accessible, mais c'est un autre sujet.

à+


Ca reste du domaine de l'utopie, comme le fameux dépérissement de l'Etat, promis par Marx. Jusqu'à présent, toutes les sociétés un peu développées sont dirigées par un Etat. Une société sans Etat est-elle possible ? Je ne pense pas, à moins que l'homme devienne doux comme un agneau et soit bon pour son prochain ...

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Message Publié : 15 Jan 2012 16:52 
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Jean Mabillon
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Inscription : 07 Sep 2008 15:55
Message(s) : 2693
Maharbbal a écrit :
J'ai toujours trouvé les définitions marxistes extrêmement vagues et peu à même de décrire le monde moderne. Diviser capital et travail à une époque où les fonds de pensions et les subsides publics sont la règle est strictement impossible.

Regardant l'URSS, il est assez simple de définir ce que ce pays n'était pas. C'est à dire une économie de marché. Les informations ne transitaient pas via le prix demandé pour tel ou tel produit, mais par enquêtes et décisions administratives.

Sans la prise en compte de ce facteur, il est impossible de comprendre les grandes caractéristiques de l'économie soviétique. Sans arbitraire bureaucratique, pas d'usines de tracteurs au milieu de nul part, pas de soins médicaux pour tous alors que la nourriture manquait.

Donc à mon sens, la grande différence entre communisme à la russe et capitalisme d'état type France des années 60 ou Chine d'aujourd'hui est le rapport aux prix. Une société communiste n'a pas de prix libres, une économie que l'on peut qualifier de capitalisme d'Etat a des prix en grande partie libre sur lesquels le gouvernement essaye d'exercer son influence par des moyens économiques (subsides, encouragement à la production, taxes, etc.).
.



Analyse très fine que je voudrais compléter sur deux points. Tout d'abord, il n'y a pas de capitalisme sans appropriation privée des moyens de productions. Dans le capitalisme tout se vend ou peut se vendre : les usines, la terre, les châteaux, ... dans le soi-disant "capitalisme d'Etat", l'Etat peut il vendre un actif immobilier ou industriel à qui que ce soit (un soviétique ou un étranger, une personne physique ou morale)? la réponse est non. Dès lors peut on parler de capitalisme même d'Etat ? pour ma part je ne le crois pas. Il y a une contradiction fondamentale entre les terme "capitalisme" et Etat.

J'ajoute un second élément : le capitalisme repose sur la recherche du profit maximal pour les capitalistes : or telle n'est pas la finalité de l'action des dirigeants soviétique, ni Lénine, ni Trotzki (jusqu'en 1925), ni Staline, ni leurs successeurs ne cherchaient à s'enrichir (même si leur niveau de vie était sensiblement supérieur à celui de la moyenen soviétique !)... Ils cherchaient d'abord à accumuler suffisamment d'armements pour résister à une éventuelle attaque capitaliste (jusqu'en 1941) ou pour prendre l'offensive (à partir de 1941 et jusqu'à la perestroika).

A la limite si on veut critiquer le système soviétique avec des arguments marxistes pourquoi ne pas parler de retour à l'esclavagisme antique. le kolkhoze d'ailleurs ressemble au servage d'avant 1861.


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Message Publié : 15 Jan 2012 17:46 
Aigle a écrit :
A la limite si on veut critiquer le système soviétique avec des arguments marxistes pourquoi ne pas parler de retour à l'esclavagisme antique. le kolkhoze d'ailleurs ressemble au servage d'avant 1861.
En effet, puisque jusqu'en 1976 les kolkhoziens n'avaient pas droit à un passeport et devaient demander une autorisation spéciale pour circuler hors du kolkhoze...

à+


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Message Publié : 29 Jan 2012 22:15 
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Thucydide
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Inscription : 09 Sep 2011 21:01
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carlo68 a écrit :
Il me semble que le terme capitalisme d'Etat est utilisé dès le XIXème siècle par les anarchistes pour désigner la société envisagée par Marx. Ce terme est repris par les divers opposants de gauche du régime soviétique, dont les Trotskystes par exemple. Peu à peu, comme pas mal d'analyses trotskystes, il est "digéré" en Occident et utilisé par la propagande antisoviétique, mais on comprendra aisément que cela reste un argument plutôt de gauche.
D'un point de vue marxiste, il est difficile de qualifier l'URSS d'Etat capitaliste. Pour Marx, la capitalisme ne répond pas à la demande, mais vise d'abord à accroître le profit. On peut bien sûr tourner ça dans divers sens, difficile d'appliquer les définitions marxistes du capitalisme à l'URSS.
La bureaucratie soviétique remplace-t-elle la classe bourgeoise? C'est une question délicate, plutôt politique qu'historique. On manie des concepts qui ne sont pas vraiment appropriés. J'ai personnellement un peu de mal à comparer les privilèges de la nomenklatura avec les aspirations d'une classe bourgeoise. Je me demande même si une comparaison avec l'ancien régime et sa noblesse ne serait pas plus justifiée.
Je pense que malgré tout, une des caractéristiques de l'URSS reste l'effort social considérable, et l'éducation, les soins de santé restent les points forts du régime et il suffit de voir la démographie désastreuse de l'ère post-soviétique pour s'en convaincre. De même pour comprendre le caractère finalement anodin des "privilèges" de la nomenklatura, il convient de comparer avec le train de vie des oligarques nés de la transformation d'une partie de celle-ci.



Je trouve très intéressant ce que vous dîtes quand vous écrivez "Je me demande même si une comparaison avec l'ancien régime et sa noblesse ne serait pas plus justifiée". Pourriez-vous développer s'il vous plaît ?

Cela n'a peu être pas grand chose à voir avec le sujet de départ mais ce parallèle me paraît intéressant non seulement non point de vue politique ou politico-économique mais aussi du point de vue des représentations.
J'ai lu récemment un texte (qu'on peut trouver sur internet) où il était question de la chasse.
L'auteur constatait qu'en URSS à partir des années 1920, il était devenu courant d'associer la chasse, dans l'imaginaire collectif, loisir aristocratique par excellence, aux dirigeants soviétiques. Dans la propagande, on avait donc des "Lénine à la chasse".
L'historienne remarquait que c'était à premier abord très étonnant pour un révolutionnaire, qu'on n'aurait jamais eu par exemple "Marx à la chasse" ou "Jean Jaurès à la chasse".

Et puis, (là c'est plus personnel), je trouve que dans cette idée d'une minorité dirigeante s'occupant soit disant du bonheur et du bien-être du peuple considéré comme étant encore en état de "minorité", il y a quelque chose de très proche du stéréotype du "grand seigneur magnanime conscient aussi bien de ses devoirs que de ses droits (=privilèges :wink: )".
Cela me fait un peu penser à ce que Marx appelait avec mépris le "socialisme féodal" dans le Manifeste du parti communiste, même si dans ce cas là, si je me souviens c'était associé à une nostalgie de l'âge pré-industriel.


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Message Publié : 30 Jan 2012 8:16 
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Salluste
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Inscription : 11 Mai 2008 19:00
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On peut évoquer deux autres références.

Au vu de l'expérience stalinienne Orwell (dans 1984) parle de collectivisme oligarchique. Collectivisme car tout appartient à la collectivité . Oligarchique car au sein de la collectivité, le pouvoir est de facto exercé par une minorité cooptée et parfaitement égoiste (l'inner Party d'Orwell qui doit ainsi désigner la nomenklatura définie par Lénine).

Par anticipation Tocqueville avait condamné le totalitarisme soviétique dans un chapitre célèbre de la démocratie en Amérique : le Gouvernement considérant les hommes comme de pérpetuels mineurs les traite en enfants - comme un père qui refuserait que ses enfants devinssent adultes !

Pour ce qui de l'effort éducatif il faut nuancer. L'URSS connaissait un système scolaire ultra sélectif fondé sur des concours très exigeants tempérés par le piston (et la corruption) - la majorité des élèves étant en fait orientée très tôt vers le formation professionnelle et le monde du travail...


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Message Publié : 30 Jan 2012 9:43 
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Eginhard
Eginhard
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Inscription : 04 Juil 2007 10:16
Message(s) : 864
Localisation : Aix en Provence
PhP a écrit :
On peut évoquer deux autres références.

Au vu de l'expérience stalinienne Orwell (dans 1984) parle de collectivisme oligarchique. Collectivisme car tout appartient à la collectivité . Oligarchique car au sein de la collectivité, le pouvoir est de facto exercé par une minorité cooptée et parfaitement égoiste (l'inner Party d'Orwell qui doit ainsi désigner la nomenklatura définie par Lénine).

Par anticipation Tocqueville avait condamné le totalitarisme soviétique dans un chapitre célèbre de la démocratie en Amérique : le Gouvernement considérant les hommes comme de pérpetuels mineurs les traite en enfants - comme un père qui refuserait que ses enfants devinssent adultes !

Pour ce qui de l'effort éducatif il faut nuancer. L'URSS connaissait un système scolaire ultra sélectif fondé sur des concours très exigeants tempérés par le piston (et la corruption) - la majorité des élèves étant en fait orientée très tôt vers le formation professionnelle et le monde du travail...


La théorie marxiste prédisait un "dépérissement de l'Etat", prédiction totalement utopique puisque, dans un autre temps, l'égalitarisme soviétique nécessitait, pour le maintenir, un énorme pouvoir de coercition ! Tout le paradoxe du communisme est là, dans la croyance à une disparition progressive de l'Etat, alors que son mode de fonctionnement centralisé et planifié demandaient, au contraire, un super-Etat !
Quant à l'élection et la révocabilité des fonctionnaires, proclamés par Lénine lors de ses thèses d'Avril, ils ne résisteront pas à la réalité et à une gestion économique et militaire qui auront besoin d'experts.

Quant à la scolarisation, ce fut un des rares succès des soviétiques, qui construisirent, dans les années 30, des milliers d'écoles, permettant d'alphabétiser les masses prolétariennes et qui permit à l'URSS d'ériger une industrie digne de ce nom.

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